Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1122

 

DATE :

24 mars 2016

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Christian Fortin

Membre

M. Louis Giguère, A.V.C.

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

MANON BUSQUE, conseillère en sécurité financière et représentante de courtier en épargne collective (numéro de certificat 146158, BDNI 1536341),

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                     Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion des noms et prénoms des consommateurs concernés ainsi que de tout renseignement permettant de les identifier.

[1]           Le 24 novembre 2015, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni aux locaux de la Commission des lésions professionnelles sis au 900, Place d’Youville, 8e étage, Québec, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimée ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.             À Saint-Zacharie, le ou vers le 5 décembre 2013, l’intimée n’a pas rempli le préavis de remplacement requis lorsqu’elle a fait souscrire à A.L. la proposition d’assurance-vie n°[...], laquelle était susceptible d’entraîner l’annulation du contrat d’assurance-vie n° [...], contrevenant ainsi à l’article 22 (2) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r.10);

2.             À Saint-Zacharie, le ou vers le 5 décembre 2013, l’intimée n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de A.L., alors qu’elle lui faisait souscrire la proposition n [...], contrevenant ainsi aux articles 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r.10);

3.             À Saint-Zacharie, le ou vers le 5 décembre 2013, l’intimée n’a pas divulgué à l’assureur le contrat d’assurance-vie n° [...] en vigueur ni l’intention de A.L. de remplacer ce contrat lorsqu’elle lui a fait souscrire la proposition d’assurance-vie n° [...], contrevenant ainsi à l’article 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

4.             À Saint-Zacharie, le ou vers le 5 décembre 2013, l’intimée a fait signer à A.L. une lettre d’annulation de police d’assurance et expédié cette lettre avant l’émission de la police n° [...], créant ainsi un découvert d’assurance entre les ou vers les 9 décembre 2013 et 8 janvier 2014, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12, 24 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

5.             À Saint-Zachary, le ou vers le 5 décembre 2013, l’intimée n’a pas rempli correctement les préavis de remplacement n° [...] et [...], contrevenant ainsi aux articles 22 (2) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D‑9.2, r.10) et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]           D’entrée de jeu, l’intimée qui se représentait elle-même enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’égard de chacun des cinq (5) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[3]           Quant à la plaignante, par l’entremise de sa procureure, elle versa au dossier une preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-18. Elle résuma ensuite à l’aide de celle-ci les circonstances entourant les infractions reprochées à l’intimée.

DÉCLARATION DE CULPABILITÉ

[4]           Après révision de la preuve déposée par la plaignante et, compte tenu du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimée, le comité déclara cette dernière coupable de chacun des cinq (5) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[5]           Le comité procéda ensuite, avec l’accord des parties, à l’audition sur sanction.

AUDITION SUR SANCTION

-       LA PREUVE

[6]           Alors que la plaignante déclara n’avoir, sur sanction, aucune preuve additionnelle à offrir, l’intimée choisit de témoigner.

[7]           Après son témoignage, les parties soumirent au comité leurs représentations respectives sur sanction.

-       REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[8]           La plaignante débuta ses représentations en indiquant au comité qu’elle lui proposait l’imposition des sanctions suivantes :

Sous le chef numéro 1 : la condamnation de l’intimée au paiement d’une amende de 2 000 $;

Sous le chef numéro 2 : la condamnation de l’intimée au paiement d’une amende de 5 000 $;

Sous le chef numéro 3 : la condamnation de l’intimée au paiement d’une amende de 3 000 $;

Sous le chef numéro 4 : la condamnation de l’intimée au paiement d’une amende de 5 000 $;

Sous le chef numéro 5 : la condamnation de l’intimée au paiement d’une amende de 2 000 $ (total 17 000 $).

Elle ajouta réclamer de plus la condamnation de l’intimée au paiement des déboursés.

[9]           Elle évoqua ensuite les facteurs, à son opinion, aggravants et atténuants suivants :

Facteurs aggravants

-       la gravité objective des infractions en cause;

-       l’expérience de l’intimée (douze ans au moment des événements) qui aurait dû la mettre à l’abri de commettre les fautes qui lui ont été reprochées;

Facteurs atténuants

-       l’enregistrement par l’intimée d’un plaidoyer de culpabilité à l’égard de chacun des cinq (5) chefs d’accusation contenus à la plainte;

-       son absence d’antécédents disciplinaires;

-       son excellente collaboration à l’enquête de la syndique;

-       l’absence chez elle d’intentions malveillantes;

-       des fautes rattachées à un seul événement et ne concernant qu’un seul couple de consommateurs;

-       l’absence de préjudice matériel causé auxdits consommateurs;

-       les remords et regrets exprimés à maintes reprises par l’intimée.

[10]        Elle termina en déposant au soutien de ses recommandations un cahier d’autorités comportant onze (11) décisions antérieures du comité qu’elle commenta[1].

-       REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉE

[11]        Quant à l’intimée, celle-ci débuta ses représentations en proposant au comité de lui imposer à titre de sanctions des réprimandes sous tous et chacun des chefs d’accusation sauf le quatrième, où elle reconnut que sa condamnation au paiement de l’amende minimale (2 000 $) pourrait à son opinion être appropriée ou justifiée.

[12]        Puis, après avoir réitéré qu’elle admettait les fautes qui lui étaient reprochées, elle évoqua, et ce, sans pour autant chercher à se justifier, qu’au moment des événements en cause elle « était la mère de trois (3) enfants dont un bébé de six (6) mois », ce qui l’accaparait beaucoup, et qu’au surplus elle éprouvait alors, au plan santé, certains problèmes personnels qu’elle précisa.

[13]        Elle reprit ensuite « viva voce » la version des faits ainsi que les arguments qu’elle avait exposés à la procureure de la plaignante dans une correspondance qu’elle lui adressait le ou vers le 25 juin 2015, et dont une copie avait été expédiée au secrétariat du comité.

[14]        Relativement au chef d’accusation numéro 4, elle répéta comment, après s’être rendu compte de son erreur, elle avait recontacté le client et s’était appliquée par la suite à lui obtenir le rétablissement de sa couverture d’assurance.

[15]        Elle ajouta que la plainte l’avait amenée à réfléchir et à modifier sa pratique. Elle mentionna être désormais plus prudente dans l’exercice de la profession, procédant habituellement à trois (3) rendez-vous avec les clients plutôt que deux (2) comme auparavant.

[16]        Elle affirma « adorer son métier » et souligna sa carrière de plus de douze (12) ans « sans tache ».

[17]        Elle termina en mentionnant combien elle se sentait « humiliée et mortifiée » de devoir se soumettre à une audition disciplinaire, déclarant que d’avoir été poursuivie en déontologie représentait pour elle une « très grande insulte » qui « la punissait plus que toutes les amendes qui pourraient lui être imposées » et ajoutant que la publicité qui allait en toute vraisemblance découler de sa condamnation serait de surcroît une autre « punition difficile à supporter ».

-       RÉPLIQUE DE LA PLAIGNANTE

[18]        Après avoir entendu l’intimée, la plaignante affirma vouloir quelque peu « tempérer » ses recommandations.

[19]        Ainsi, elle déclara alors, que bien qu’elle ait présenté au comité des suggestions d’amendes totalisant 17 000 $, afin de tenir compte du « principe de la globalité des sanctions » ainsi que certains des facteurs atténuants mis de l’avant par l’intimée lors de son témoignage ou de ses représentations, et puisque de plus il existait un lien de rattachement ou une connexité entre les chefs 1 et 3, elle « serait d’accord » pour que le comité lui impose une réprimande sous le premier chef.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[20]        L’intimée n’a aucun antécédent disciplinaire.

[21]        Elle exerce la profession depuis environ douze (12) ans.

[22]        Elle a collaboré à l’enquête de la syndique.

[23]        À la première occasion elle a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard de tous et chacun des cinq (5) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[24]        La preuve ne révèle pas qu’elle ait été animée d’intentions malveillantes.

[25]        Les infractions qui lui ont été reprochées sont en lien avec une seule transaction, concernant un seul et même client ou couple de clients et ce ou ces derniers n’ont, en fin de compte, eu à subir aucun préjudice matériel.

[26]        Au moment des événements, tel qu’elle l’a plus amplement exposé devant le comité, elle vivait au plan personnel une situation difficile.

[27]        Elle semble regretter ses fautes et être animée d’un repentir sincère.

[28]        Néanmoins les infractions qui lui sont reprochées vont au cœur de l’exercice de la profession et sont d’une gravité objective indiscutable.

[29]        Son expérience aurait dû la mettre à l’abri de commettre celles-ci.

[30]        Relativement au chef d’accusation numéro 1, si elle a fait défaut de remplir le préavis de remplacement ce serait parce que le client ne lui aurait pas transmis au moment opportun des « informations justes ».

[31]        Toutefois, de son propre aveu ce dernier l’aurait informée le soir-même de leur rencontre, ou peu après, qu’il détenait une police d’assurance-vie, mais elle aurait alors fait défaut de rétablir ou de corriger la situation.

[32]        Relativement au chef d’accusation numéro 2, elle a admis s’être « contentée » à titre d’ABF d’un travail incomplet effectué avec le client lors d’une rencontre antérieure.

[33]        Or, tel que le comité l’a déjà indiqué à plusieurs reprises : l’analyse complète et conforme des besoins financiers du client (ABF), est la procédure préalable essentielle à l’émission de tout contrat d’assurance de personnes. Elle permet au représentant de bien connaître la situation de son client et de le conseiller adéquatement. Il s’agit de la pierre d’assise sur laquelle s’appuieront ses recommandations. L’intimée ne pouvait ignorer qu’elle faisait alors défaut de respecter les prescriptions de l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

[34]        Relativement au chef d’accusation numéro 4, les agissements de l’intimée ont eu comme résultat de créer chez le client un découvert d’assurance pour une période d’environ un mois. Pendant cette période, celui-ci et sa famille ont été exposés à des risques inutiles et injustifiés.

[35]        Aussi, compte tenu de ce qui précède, après révision des éléments tant objectifs que subjectifs, atténuants qu’aggravants qui lui ont été présentés, le comité est d’avis que la condamnation de l’intimée, tel que suggéré par la plaignante, au paiement d’une amende de 5 000 $ sous chacun des chefs 2 et 4, et ce, notamment pour les motifs plus amplement exposés par cette dernière lors de ses représentations, seraient des sanctions justes et appropriées, adaptées aux infractions, conformes aux précédents jurisprudentiels applicables ainsi que respectueuses des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

[36]        Sous chacun d’eux, le comité condamnera donc l’intimée au paiement d’une amende de 5 000 $ (total 10 000 $).

[37]        D’autre part, considérant le principe de la globalité des sanctions, et afin de tenir compte des particularités de l’affaire, notamment qu’il est confronté à des infractions commises à l’égard d’un seul consommateur ou d’un seul couple de consommateurs, à l’occasion d’un seul et même événement, le comité est d’avis que lorsque juxtaposée aux sanctions qu’il imposera à l’intimée sous les chefs 2 et 4, la condamnation de cette dernière à des réprimandes sous les chefs 1, 3 et 5 seraient des sanctions justes et appropriées.

[38]        Enfin, conformément à la suggestion de la plaignante et en l’absence de motifs ou de « particularités exceptionnelles » qui lui permettraient de déroger à la règle habituelle voulant que le représentant fautif soit tenu à en défrayer le coût, le comité est d’avis de condamner l’intimée au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité qu’il a prononcée lors de l’audition à l’endroit de l’intimée sous tous et chacun des cinq (5) chefs d’accusation contenus à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous chacun des chefs 2 et 4 contenus à la plainte :

CONDAMNE l’intimée au paiement d’une amende de 5 000 $ (total 10 000 $);

Sous chacun des chefs 1, 3 et 5 contenus à la plainte :

IMPOSE à l’intimée une réprimande;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ chapitre C-26.

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Christian Fortin___________________

M. CHRISTIAN FORTIN

Membre du comité de discipline

 

(s) Louis Giguère____________________

M. LOUIS GIGUÈRE, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Valérie Déziel

CDNP AVOCATS

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimée se représente elle-même.

 

Date d’audience :

24 novembre 2015

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

 

 



[1]     Lelièvre c. Naimi, CD00-1069, 1er octobre 2015 (C.D.C.S.F.); Rioux c. Lecours, CD00-0611, 31 mars 2008 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Marcoux, CD00-0839, 6 juillet 2011 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Bélisle, CD00-0965, 28 juillet 2014 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Dubois, CD00-0969, 9 octobre 2013 (C.D.C.S.F.); Lelièvre c. Gupta, CD00-0941, 21 mars 2013 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Côté, CD00-0837, 5 avril 2011 (C.D.C.S.F.); Rioux c. Berry, CD00-0636, 8 novembre 2007 (C.D.C.S.F.); Rioux c. Delage, CD00-0505, 12 juin 2007 (C.D.C.S.F.); Rioux c. Binet, CD00-0623, 20 février 2008 (C.D.C.S.F.); Lelièvre c. Lapointe, CD00-1002, 19 novembre 2014 (C.D.C.S.F.).

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