Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Duchaine

2016 QCCDCSF 9

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1111

 

DATE :

29 mars 2016

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Jean Ménard, A.V.C.

Membre

M. Jean-Michel Bergot

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

STEVE DUCHAINE, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 162067)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

           Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom des consommateurs impliqués dans la présente plainte et de tout renseignement permettant de les identifier.

[1]          Le 29 octobre 2015, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo-Pariseau,
26e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 19 décembre 2014 et tel qu’amendée comme suit le 18 juin 2015, quant aux chefs 1, 3 et 5, la formulation originale étant caduque vu les représentations de plaidoyer de culpabilité de l’intimé
.

[2]          La plaignante était représentée par Me Mathieu Cardinal. Pour sa part, l’intimé était non représenté et absent à l’audience, quoique disponible sur appel.

LA PLAINTE

À l’égard de C.L.

1.    À Québec, entre les ou vers les 21 juin 2012 et 25 février 2013, l’intimé a fait défaut d’agir avec intégrité en déposant dans son compte bancaire personnel et en utilisant à des fins personnelles la somme de 60 000 $ que C.L. lui avait confiée pour fins d’investissement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

2.    À Québec, le ou vers le 26 juin 2012, l’intimé a remis ou fait transmettre à C.L. une fausse confirmation de placement lui laissant croire qu’il avait investi la somme de 60 000$, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

3.    À Québec, entre les ou vers les 12 septembre 2012 et 20 février 2013, a fait défaut d’agir avec intégrité en déposant dans son compte bancaire personnel et en utilisant à des fins personnelles la somme de 25 000 $ que C.L. lui avait confiée pour fins d’investissement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

4.    À Québec, le ou vers le 12 septembre 2012, l’intimé a remis ou fait transmettre à C.L. une fausse confirmation de placement lui laissant croire qu’il avait investi la somme de 25 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

À l’égard de J.C.

5.    À Québec, entre les ou vers les 26 novembre 2012 et 20 février 2013, l’intimé a fait défaut d’agir avec intégrité en déposant dans son compte bancaire personnel et en utilisant à des fins personnelles la somme de 25 000 $ que J.C. lui avait confiée pour fins d’investissement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

6.    À Québec, le ou vers le 24 octobre 2012, l’intimé a remis ou fait transmettre à J.C. une fausse confirmation de placement lui laissant croire qu’il avait investi la somme de 25 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

À l’égard de la profession

7.    À Montréal, entre les et vers les 13 janvier 2014 et 15 avril 2014, l’intimé a entravé le travail des enquêteurs de la Chambre de la sécurité financière, notamment en tentant de les induire en erreur, contrevenant ainsi aux articles 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 44 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3).                             

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]           Le procureur de la plaignante a informé le comité que l’intimé et lui avaient eu des échanges le matin de l’audience. L’intimé lui a indiqué qu’il serait absent, mais a confirmé maintenir son plaidoyer de culpabilité sous chacun des sept chefs d’accusation contenus à la plainte amendée.  

[4]          L’intimé, dûment assermenté, a signé ce plaidoyer à Québec, le 26 octobre 2015. Il a joint ce plaidoyer au courriel adressé à Me Cardinal le 28 octobre 2015 en indiquant lui poster l’original[1].

[5]          Par ce plaidoyer, en plus de reconnaître sa culpabilité sous chacun des chefs d’accusation de la plainte amendée, l’intimé accepte les sanctions recommandées par la syndique de la Chambre de la sécurité financière (la syndique), tout en comprenant toutefois que le comité n’était pas lié par les recommandations des parties. Il renonce également à l’avis prévu à l’article 150 du Code des professions (CP) et consent à ce que l’audience du 29 octobre 2015 porte tant sur la culpabilité que sur la sanction.   

[6]          Ensuite, le procureur de la plaignante a résumé les faits entourant la commission des gestes reprochés et a déposé à l’appui sa preuve documentaire (P-1 à P-30).

[7]          Il a regroupé les chefs d’accusation de la façon suivante :

a)     Utilisation de l’argent de ses clients par l’intimé à ses fins personnelles (chefs amendés 1, 3 et 5) ;

b)     Fabrication de faux relevés (chefs 2, 4 et 6) ;

c)      Entrave au travail de la syndique (chef 7).

[8]           Après un court délibéré, le comité a déclaré l’intimé coupable sous chacun des sept chefs d’accusation de la plainte amendée.  

 

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

[9]          Le procureur de la plaignante a passé en revue une série de décisions[2] et souligné les similitudes et les distinctions qui s’imposaient avec le cas en l’espèce.

[10]       Ensuite, il a soumis les recommandations communes suivantes sur sanction :

a)     Pour chacun des chefs 1, 3 et 5 (avoir utilisé de l’argent de ses clients à des fins personnelles, contrevenant à l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière) :

             La radiation permanente de l’intimé sous chacun de ces chefs;

b)     Pour chacun des chefs 2, 4 et 6 (avoir fabriqué de faux relevés, contrevenant à l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière) :

             La radiation permanente de l’intimé sous chacun de ces chefs;

c)      Pour le chef 7 (reproche d’entrave, contrevenant à l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers) :

             La radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois sous ce chef, à être purgée de façon concurrente;

[11]       De plus, il a recommandé la publication de la décision et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[12]       Au titre des facteurs aggravants et atténuants, il a invoqué :

Aggravants 

a)     La malhonnêteté qui caractérise le comportement de l’intimé;

b)     La répétition des gestes;

c)      Le bénéfice tiré par l’intimé bien qu’il y ait eu remboursement;

d)     L’existence d’un risque de récidive, étant donné le caractère répétitif des gestes, les mensonges de l’intimé au cours de l’enquête et considérant les faits ayant mené à la décision rendue par l’OCRCVM contre lui en 2014;

Atténuants

a)     Le remboursement par l’intimé;

b)     Le plaidoyer de culpabilité.

ANALYSE ET MOTIFS

[13]        Comme mentionné, le comité a pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et l’a déclaré coupable sous chacun des sept chefs d’accusation contenus à la plainte amendée.

[14]        Au moment des faits reprochés, l’intimé détenait un certificat dans les disciplines de courtage en épargne collective et en assurance de personnes.  

[15]       Lors de l’enquête menée par la syndique, l’intimé a retenu des informations sur ses comptes bancaires. Ce n’est que pour démontrer qu’il avait remboursé un des consommateurs, qu’il a révélé l’existence de son autre compte, ce qui a permis de découvrir qu’il avait procédé de la même façon à l’égard d’un autre consommateur.

[16]       L’intimé a fait croire à ce dernier qu’il avait dû investir pour ne pas lui faire perdre une excellente occasion et ainsi lui a fait faire un chèque à son ordre, en remboursement de ce prétendu investissement. Il a répété le stratagème pour un autre investissement. Pour camoufler ses gestes, il a même fourni de fausses confirmations de placements à ses clients.

[17]        La répétition des gestes et les fausses confirmations de placements dénotent certes une certaine préméditation de la part de l’intimé. Celui-ci exerçait depuis déjà près de huit ans. Il était également un homme d’expérience, étant âgé d’environ 50 ans au moment des gestes reprochés. Au surplus, le 22 décembre 2014, l’OCRCVM a déclaré l’intimé coupable notamment d’avoir imité des signatures et l’a condamné à une amende de 57 500 $.

[18]       L’intimé a clairement démontré manquer de probité et d’honnêteté, des qualités considérées essentielles pour tout membre de la Chambre de la sécurité financière. 

[19]       Considérant les facteurs aggravants et atténuants soulevés et les faits propres à cette affaire, le comité est d’avis que les recommandations de la plaignante, acceptées par l’intimé, répondent aux critères devant le guider dans la détermination des sanctions. Elles sont de plus compatibles aux sanctions prononcées pour des infractions de même nature. Le comité y donnera donc suite.

[20]       En conséquence, le comité ordonnera la radiation permanente de l’intimé sous chacun des chefs 1, 3 et 5, de même que sous les chefs 2, 4 et 6.

[21]       Quant au chef 7, la radiation temporaire de l’intimé sera ordonnée pour une période de six mois.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée séance tenante sous chacun des sept chefs d’accusation contenus à la plainte amendée;

DÉCLARE l’intimé coupable sous les chefs d’accusation 1, 3 et 5, pour avoir contrevenu à l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière) (RLRQ, c. D-9.2, r.3) et ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures quant aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), ainsi que 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

DÉCLARE l’intimé coupable sous les chefs d’accusation 2, 4 et 6, pour avoir contrevenu à l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) et ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures quant aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), ainsi que 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

DÉCLARE l’intimé coupable sous le chef d’accusation 7, pour avoir contrevenu à l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2)
et ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures quant à l’article
44 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

ORDONNE, sous chacun des chefs 1, 2, 3, 4, 5 et 6, la radiation permanente de l’intimé comme membre de la Chambre de la sécurité financière;

ORDONNE, sous le chef 7, la radiation temporaire de l’intimé comme membre de la Chambre de la sécurité financière et ce, pour une période de six mois à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a eu son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions RLRQ, c. C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions RLRQ, c. C-26.

 

 

 

 

 

(s) Janine Kean_____________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Jean Ménard____________________

M. Jean Ménard, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Jean-Michel Bergot_______________

M. Jean-Michel Bergot

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

 

 

 

Me Mathieu Cardinal

 

 

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

 

 

Procureurs de la partie plaignante

 

 

 

 

 

Intimé est absent et se représente seul

 

 

 

 

 

Date d’audience :

Le 29 octobre 2015

 

 

 

 

 

 

A0110

A0230

A0430

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] P-28. Notons que la copie du plaidoyer jointe au courriel n’était pas complète, il y manquait les paragraphes 5 à 7. Le procureur de la plaignante a dès lors produit le courriel auquel était jointe la copie vierge envoyée à l’intimé pour signature, sur laquelle les paragraphes manquants se trouvaient (P-29). Dans les circonstances, le comité a autorisé ce dernier à procéder, sous réserve de la production de cet original. Au mois de janvier 2016, le comité a rappelé aux parties qu’il était toujours en attente de cet original. Or, il a reçu un autre plaidoyer signé, cette fois, le 29 janvier 2016. Après divers échanges avec les parties, l’intimé a fait parvenir, à la demande du comité, une déclaration assermentée par laquelle il affirme avoir perdu l’original du plaidoyer qu’il a signé le 26 octobre 2015. De plus, il y affirme que les paragraphes 5 à 7 de celui-ci étaient identiques aux paragraphes 5 à 7 reproduits dans le plaidoyer signé le 29 janvier 2016. Enfin, il s’avère que les paragraphes 5 à 7, sont les mêmes que ceux de la copie vierge produite au dossier le 29 octobre 2015 (P-29).

[2] Pour les chefs 1, 3 et 5 : Champagne c. Marapin, CD00-0992, décision sur culpabilité et sanction du 17 juillet 2014; Champagne c. Trempe, CD00-0789, décision sur culpabilité du 20 juillet 2010 et décision sur sanction du 15 mars 2011.

Pour les chefs 2, 4 et 6 : Lévesque c. Burns, CD00-0731, décision sur culpabilité du 15 juin 2009 et décision sur sanction du 1er mars 2010; Thibault c. Baril, CD00-0681, décision sur culpabilité du 5 janvier 2009 et décision sur sanction du 23 juin 2009.

Pour le chef 7 : Lelièvre c. Bernier, CD00-0910 et CD00-0935, décision sur culpabilité et sanction du 24 janvier 2013; Lelièvre c. Morinville, CD00-0821, décision sur culpabilité du 25 octobre 2011 et décision sur sanction du 12 juin 2012.

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