Chambre de la sécurité financière (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Chambre de la sécurité financière c. Taillon

2016 QCCDCSF 14

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1114

 

DATE :

20 mai 2016

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Claude Mageau

Président

M. Jean Deslauriers

Membre

 

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre

_____________________________________________________________________

 

LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Plaignante

c.

 

RICHARD TAILLON, conseiller en sécurité financière (certificat numéro 131833)

Intimé

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION RECTIFIÉE

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion du nom de la consommatrice mentionnée à la plainte disciplinaire et des consommateurs mentionnés aux documents produits par l’intimé lors de l’audition sur sanction et, sans limiter la généralité de ce qui précède, les consommateurs mentionnés aux pièces SI-1, SI-2 et SI-3.

 

[1]           Le 18 novembre 2015, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo‑Pariseau, bureau 2600, Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 26 mars 2015, ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.         Dans la province de Québec, le ou vers le 2 février 2011, l’intimé n’a pas procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de J.P. alors qu’il lui faisait souscrire la proposition […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 6 et 22(1) du Règlement sur l’exercice des activités de représentants (RLRQ, c. D-9.2, r.10) ;

 

2.         À Montréal, entre les ou vers les 2 et 7 février 2011, l’intimé n’a pas expédié une copie du préavis de remplacement requis à l’assureur auprès duquel il se propose de remplacer le contrat d’assurance numéro  […] dans les cinq jours de la signature de la proposition d’assurance numéro [...], contrevenant ainsi à l’article 22(4) du Règlement sur l’exercice des activités de représentants (RLRQ, c. D-9.2, r.10) ;

 

3.         À Montréal, entre les ou vers les 15 mars 2011 et 2 juin 2011, l’intimé a fait défaut d’effectuer les suivis appropriés en lien avec la proposition […], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

 

4.         À Montréal, le ou vers le 28 octobre 2011, l’intimé a transmis une demande d’annulation de la police numéro […] de J.P. qui a entraîné un découvert d’assurance, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

 

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]           D’entrée de jeu, la plaignante, par l’entremise de sa procureure, a demandé au comité l’autorisation de retirer le chef numéro 4 de la plainte, affirmant qu’elle ne serait pas en mesure d’assumer son fardeau de preuve relativement audit chef d’accusation.

[3]           Le comité prit acte de cette demande de retrait et suite aux explications données par la procureure de la plaignante, il consentit à la demande de retrait.

[4]           Par la suite, l’intimé présent et représenté par avocat, enregistra un plaidoyer de culpabilité quant aux chefs 1, 2 et 3 de la plainte.

[5]           Après s’être assuré auprès de l’intimé qu’il assumait pleinement son plaidoyer de culpabilité et qu’il en comprenait tout à fait les conséquences, le comité demanda à la procureure de la plaignante de produire la documentation pertinente à l’appui des chefs d’accusation pour lesquels l’intimé a plaidé coupable.

[6]           La procureure de la plaignante déposa au dossier, de consentement avec le procureur de l’intimé, une preuve documentaire qui fut cotée de P-1 à P-11.

[7]           Après une explication sommaire de ladite documentation par la procureure de la plaignante, le comité déclara l’intimé coupable des trois (3) chefs d’accusation et invita par la suite les procureurs des parties à procéder séance tenante à l’audition sur sanction.

LES FAITS

[8]           L’intimé est un conseiller en sécurité financière depuis 1984.

[9]           Au moment de la commission des infractions reprochées, l’intimé était certifié comme représentant en assurance de personnes.

[10]        La cliente de l’intimé, J.P., avait signé le 13 janvier 1999, un contrat d’assurance de personnes par l’intermédiaire d’une autre représentante.

[11]        Le 31 mai 2000, un avenant à cette police d’assurance est émis pour diminuer l’assurance à un capital de 50 000 $.

[12]        Au début de l’année 2011, J.P. rencontre l’intimé et après une discussion, J.P. signe une proposition d’assurance-vie temporaire pour 100 000 $, le 2 février 2011 (P-4).

[13]        Au moment de la signature de la proposition d’assurance, l’intimé n’avait au dossier aucune analyse de besoins financiers de J.P.

[14]        En fait, suite à une demande de la part de l’enquêteur de la syndique, le 18 février 2014, l’intimé a transmis une analyse des besoins financiers datée du 18 février 2014 (P‑5).

[15]        Suite à une vérification de ses dossiers, l’intimé retrouva cependant une copie du même document daté du 14 février 2011, tel qu’il appert de la pièce P-5.

[16]        Par conséquent, l’intimé n’avait pas à son dossier une analyse des besoins financiers de sa cliente précédant la signature de la proposition d’assurance ci-haut mentionnée et il a ainsi commis l’infraction décrite au chef numéro 1 de la plainte.

[17]        Par la suite, le préavis de remplacement de la police d’assurance qui doit être envoyé dans les cinq (5) jours de la signature de la proposition d’assurance, ne fut reçu par Transamerica que le 2 mars 2011, soit près d’un (1) mois après la signature de la proposition d’assurance (P-4) par J.P.

[18]        Ce défaut de la part de l’intimé constitue l’infraction décrite au chef numéro 2 de la plainte.

[19]        Finalement, en date du 23 février 2011, l’assureur requit de l’intimé de lui fournir les détails concernant un accident que J.P. aurait déjà eu antérieurement afin d’analyser sa proposition d’assurance.

[20]        On retrouve aux pièces P-7, P-8, P-9 et P-10 la documentation qui montre que l’intimé a fait défaut de répondre aux demandes répétées de l’assureur quant à la demande d’assurance de J.P.

[21]        Le 6 juin 2011, J.P. reçoit une lettre de l’assureur lui indiquant que les exigences nécessaires pour l’évaluation de son dossier n’avaient pas été reçues et que la police d’assurance demandée ne serait pas émise (pièce P-9).

[22]        Par conséquent, compte tenu du défaut de J.P. et de l’intimé de transmettre les renseignements demandés, la proposition d’assurance n’a pas été émise par l’assureur.

[23]        Ces faits concernent le troisième chef d’infraction de la plainte.

PREUVE DE LA PLAIGNANTE

[24]        En plus de la preuve documentaire P-1 à P-11 déjà produite, la procureure de la plaignante a produit, de consentement avec le procureur de l’intimé, les pièces SP-1 et SP‑2.

[25]        La pièce SP-1 est une « lettre d’engagement personnelle » préparée et signée par l’intimé, laquelle a été acceptée par Mme Micheline Rioux de la Chambre de la sécurité financière le 28 mars 2006.

[26]        La pièce SP-2 est un engagement volontaire daté du 5 mai 2008, signé par l’intimé et le syndic adjoint par intérim de la Chambre de la sécurité financière.

[27]        Essentiellement, ces deux (2) documents constituent des engagements de la part de l’intimé à exercer ses activités de conseiller en sécurité financière de façon honnête et diligente.

[28]        Outre ces deux (2) pièces et les autorités qu’elle commentera plus tard à l’audition, la procureure de la plaignante ne fit entendre aucun témoin sur sanction.

PREUVE DE L’INTIMÉ

[29]        L’intimé quant à lui déposa au dossier la preuve documentaire cotée comme pièce SI-1 à SI-3.

[30]        La pièce SI-1 est une analyse des besoins financiers de J.P. datée du 14 février 2011 et qui fait déjà partie de la pièce P-5 produite par la plaignante.

[31]        Cette pièce SI-1 contient aussi un document courriel daté du 4 novembre 2015 intitulé « Confirmation changement d’outil » provenant d’Industrielle Alliance.

[32]        La pièce SI-2 est une lettre du 11 novembre 2015 de l’Autorité des marchés financiers à l’intimé confirmant sa demande de maintien de l’inscription accompagnée du dossier personnel de deux (2) de ses clients à savoir P.B. et L.V.

[33]        La pièce SI-3 est une lettre de P.B. et L.V. autorisant l’intimé à produire au dossier du comité dans le cadre de l’audition sur sanction une copie de leur dossier personnel détenu par l’intimé.

[34]        Par la suite, l’intimé rendit un témoignage devant le comité qui se résume essentiellement à ce qui suit.

[35]        Il réitère son plaidoyer de culpabilité et indique au comité qu’il voulait par son témoignage expliquer certains faits relativement à la commission des infractions reprochées de même que les moyens qu’il a pris dans le but de s’assurer qu’à l’avenir, il ne commette pas à nouveau des manquements disciplinaires similaires.

[36]        Tout d’abord, l’intimé indique que la date apparaissant sur la pièce P-5 qui est l’analyse des besoins financiers produite par la procureure de la plaignante, est la date d’impression du document et non pas la date de la création du document.

[37]        Il indique que c’est lui qui a transmis à la procureure de la plaignante la deuxième analyse des besoins financiers produite à la pièce P-5, à savoir celle datée du 14 février 2011.

[38]        Il indique que cette pièce a été retrouvée récemment dans ses dossiers lors de la préparation de la présente audition.

[39]        Par conséquent, il veut que le comité comprenne que les dates apparaissant aux documents produits à la pièce P-5 ne sont pas les dates de création du document mais bien plutôt les dates d’impression du document.

[40]        De plus, il mentionne au comité qu’il a changé de système de logiciel utilisant maintenant celui nommé « Kronos », lequel a remplacé celui qui était utilisé par Industrielle Alliance à l’époque.

[41]        Il indique qu’il n’a pu retrouver l’original de l’analyse des besoins financiers qu’il avait préparée pour J.P.

[42]        Avec le nouveau logiciel en place à son bureau, l’intimé assure le comité que la documentation détenue par lui concernant tous ses clients serait préservée, advenant un problème informatique.

[43]        De plus, il mentionne qu’il a préparé un document intitulé « feuille de travail pour entrevue » qui contient la documentation pertinente pour tous ses clients.

[44]        Il indique que ce document, qu’il a préparé lui-même, est en constante évolution;  au fur et à mesure qu’il réalise que des changements sont nécessaires pour améliorer les services auprès du client, alors il les insère à celui-ci.

[45]        Il indique aussi qu’il a changé d’intermédiaire entre son entreprise et les assureurs.

[46]        Il indique qu’antérieurement, il faisait affaires avec MGA.  Il a depuis une nouvelle entente avec Pro-Vie Boucherville qui lui assure un meilleur service.

[47]        Selon l’intimé, les règles internes en place chez Pro-Vie Boucherville sont beaucoup plus rigoureuses que celles existant antérieurement chez MGA et il prétend que ce changement améliore ainsi la qualité et la conformité de ses dossiers.

[48]        De plus, il indique qu’il a eu des problèmes personnels, plus particulièrement la maladie et la mort de son père, qui ont eu lieu de façon contemporaine aux faits pertinents à la présente plainte disciplinaire.

[49]        Finalement, il indique qu’il a engagé une nouvelle adjointe à temps partiel, qu’il a un représentant qui travaille pour lui pour l’aider dans les services à être donnés au client, et qu’il a aussi suivi un cours en conformité.

[50]        Il demande, par conséquent, la clémence du comité, insistant que depuis la commission des infractions reprochées, il a ainsi mis en place des procédures dans le but d’améliorer la qualité professionnelle des services qu’il rend à ses clients.

REPRÉSENTATIONS DE LA PROCUREURE DE LA PLAIGNANTE

[51]        La procureure de la plaignante indiqua au comité que suite à des discussions avec le procureur de l’intimé, une suggestion commune de sanctions est présentée au comité.

[52]        Cette recommandation commune est à l’effet qu’une amende de 6 000 $ soit imposée au chef numéro 1, une amende de 4 000 $ en ce qui concerne le chef numéro 2 et une amende de 2 000 $ pour le chef numéro 3.

[53]        En plus de ces amendes totalisant la somme de 12 000 $, l’intimé devra aussi payer les frais et débours reliés à la présente instance.

[54]        La procureure de la plaignante n’a pas d’objection à ce qu’un délai de douze (12) mois soit accordé à l’intimé et que le paiement de la somme totale de 12 000 $ soit exécuté en douze (12) paiements égaux et consécutifs, le défaut de la part de l’intimé d’exécuter un seul versement amenant la déchéance du terme de douze (12) mois.

FACTEURS AGGRAVANTS

[55]        La procureure de la plaignante évoqua les facteurs aggravants suivants :

-       Il s’agit de trois (3) infractions objectivement graves;

-       L’analyse des besoins financiers d’un client est la pierre angulaire du travail d’un conseiller en sécurité financière;

-       Bien qu’il y ait eu une explication de la part de l’intimé à l’effet que la date apparaissant sur le document était la date de l’impression et non pas celle de la création, il n’en demeure pas moins que le document de l’analyse des besoins financiers de J.P. n’était pas signé par la cliente;

-       En ce qui concerne le chef numéro 2, la procureure de la plaignante mentionne que la transmission rapide du préavis de remplacement est une procédure extrêmement importante dans l’industrie;

-       Le défaut de répondre à l’information demandée par l’assureur qui est l’infraction reprochée au chef numéro 3 est aussi une faute très sérieuse;

-       L’intimée était alors président de son cabinet;

-       Aucun préjudice pécuniaire n’a été subi par la victime, mais celle-ci a eu la police d’assurance anticipée annulée;

-       Le comportement de l’intimé constitue définitivement une atteinte à l’image de la profession;

-       Il pratiquait depuis 1984 et était donc un représentant expérimenté au moment de la commission des infractions;

-       Les engagements SP-1 et SP-2 signés respectivement en 2006 et 2008, bien que n’étant pas des récidives, constituent néanmoins un élément aggravant étant donné que l’intimé, à deux (2) reprises, avait eu à exécuter de tels engagements pour rassurer les autorités de son sérieux à maintenir une pratique professionnelle rigoureuse.

FACTEURS ATTÉNUANTS

[56]        Par la suite, la procureure de la plaignante informa le comité que selon elle, on pouvait tenir compte des facteurs atténuants suivants :

-       Les infractions ont été commises sur une courte période, à savoir de février à juin 2011;

-       On ne constate aucune préméditation de la part de l’intimé;

-       Il s’agit plutôt d’une absence de rigueur de la part de l’intimé;

 

-       Une seule victime est impliquée dans le présent dossier;

-       L’intimé n’a pas d’antécédent disciplinaire;

-       L’intimé a plaidé coupable et n’a pas insisté pour la tenue d’une audition relativement aux infractions disciplinaires reprochées.

[57]        Par la suite, la procureure de la plaignante déposa un cahier contenant différentes autorités à l’appui de la recommandation commune soumise au comité[1].

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE L’INTIMÉ

[58]        Tout d’abord le procureur de l’intimé confirma que la recommandation faite par la procureure de la plaignante est commune et que l’intimé y consent.

[59]        Le procureur de l’intimé indique que l’intimé a plaidé coupable au chef numéro 1, mais il doute que la preuve de la plaignante à ce sujet aurait été de haut niveau et très convaincante compte tenu du témoignage rendu par l’intimé sur le sujet.

[60]        Il ajoute aussi qu’en ce qui concerne les chefs 2 et 3, l’intimé a fait une preuve convaincante auprès du comité à l’effet qu’il avait pris les moyens nécessaires pour s’assurer qu’une répétition de ces infractions n’ait pas lieu.

 

[61]        Enfin, le procureur de l’intimé indique que la pièce P-10 aurait de toute façon été refusée à cause des antécédents médicaux de J.P. et donc, contrairement à la prétention de la procureure de la plaignante, ce n’est pas à cause du défaut de l’intimé de répondre aux demandes de détails faites par l’assureur que la proposition d’assurance n’a pas été émise par l’assureur.

RÉPLIQUE DE LA PROCUREURE DE LA PLAIGNANTE

[62]        La procureure de la plaignante n’admet pas, en ce qui concerne le chef d’accusation numéro 3, contrairement à ce que plaidé par le procureur de l’intimé, que la proposition d’assurance n’avait pas été acceptée à cause des antécédents médicaux de J.P.

[63]        Elle indique que la mention faite par le procureur de l’intimé quant à la pièce P-10 à l’effet qu’une police d’assurance n’avait pas été émise en faveur de J.P. à cause de ses antécédents médicaux ne concerne pas la proposition P-4 faisant l’objet du chef numéro 3 de la plainte disciplinaire.

[64]        Par conséquent, elle indique au tribunal qu’à la pièce P-10, on ne peut pas tirer l’inférence mentionnée par le procureur de l’intimé relativement au refus d’émission de police suite à la proposition P-4.

ANALYSE ET MOTIFS

[65]        Les chefs d’accusation portés contre l’intimé sont d’une gravité objective très sérieuse, plus particulièrement en ce qui concerne le chef numéro 1, qui est celui d’avoir fait défaut de faire une analyse complète et conforme des besoins financiers de la cliente avant de lui faire souscrire la proposition d’assurance P-4.

[66]        L’analyse des besoins financiers, tel que mentionné à de nombreuses reprises par le comité, est un exercice indispensable préalable à l’émission de tout contrat d’assurance de personnes.

[67]        Cette obligation de la part d’un représentant est la pierre angulaire sur laquelle doit s’appuyer sa recommandation au client.

[68]        Pour ce qui est des infractions mentionnées aux chefs 2 et 3 de la plainte, bien qu’elles soient objectivement moins graves que celle décrite au chef 1, il n’en demeure pas moins qu’elles sont au cœur même de l’exercice de la profession du conseiller en sécurité financière.

[69]        L’intimé a témoigné sur sanction devant le comité dans le but de le convaincre, de faire montre de clémence à son égard compte tenu des mesures qu’il a prises dans le but d’améliorer la rigueur et la conformité de sa pratique.

[70]        Il a longuement témoigné à cet effet, parfois de façon laborieuse.

[71]        Son témoignage démontre néanmoins une volonté certaine de sa part d’éviter de commettre à nouveau les mêmes infractions disciplinaires reprochées.

[72]        Le comité a pris bonne note de son affirmation à l’effet que l’arrivée d’un nouveau logiciel, à savoir « Kronos », assure plus facilement la conservation de toute la documentation concernant ses clients.

[73]        Aucun préjudice pécuniaire n’a été subi par le consommateur impliqué dans la présente affaire.

 

 

[74]        L’intimé n’a pas d’antécédent disciplinaire, même s’il pratique depuis 1984.

[75]        Tel que souligné par la procureure de la plaignante, l’intimé avait néanmoins dû signer deux (2) engagements avant la commission des infractions reprochées en 2011, lesquels avaient pour but de rassurer les autorités de son intention d’agir avec rigueur et conformité dans sa pratique professionnelle.

[76]        Le comité constate qu’il a plaidé coupable et qu’il a donc évité à l’appareil judiciaire la tenue d’au moins deux (2) journées d’audition.

[77]        Le comité a pris bonne note de la prétention de l’intimé à l’effet qu’une analyse de besoins financiers de J.P. avait été préparée, mais qu’il n’était pas en mesure de démontrer qu’elle avait été signée par J.P. et préparée de façon préalable à la signature de la proposition d’assurance (pièce P-4).

[78]        Même si le procureur de l’intimé prétend que la plaignante aurait eu de la difficulté à prouver l’infraction prévue au chef 1, il n’en demeure pas moins que l’intimé a plaidé coupable à l’infraction reprochée et a aussi, lors de son témoignage, réitéré qu’il était coupable de l’infraction reprochée.

[79]        De plus, le comité a eu l’occasion d’entendre l’intimé sur ce sujet et il apparaît évident que ce fut une bonne décision de sa part de plaider coupable compte tenu de la teneur de son témoignage sur le sujet.

[80]        Les parties ont présenté au comité une suggestion commune de sanctions à l’égard de l’intimé quant aux trois (3) chefs d’accusation.

 

[81]        La Cour d’appel du Québec, dans l’arrêt R. c. Douglas[2], a indiqué que ces recommandations communes ne devaient être écartées que si le tribunal les jugeait inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou s’il était d’avis qu’elles sont de nature à discréditer l’administration de la justice.

[82]        Le Tribunal des professions et la Cour du Québec ont d’ailleurs repris ces mêmes principes dans les jugements suivants : Malouin c. Laliberté, Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), Dumont c. R. et Lelièvre c. Buenviaje[3].

[83]        Le comité ne croit pas être présentement en présence d’une situation où la recommandation commune présentée est déraisonnable.

[84]        Il est plutôt d’avis que dans les circonstances, rien ne justifierait de s’écarter de la recommandation conjointe des parties et, par conséquent, il y donnera suite.

[85]        Le comité est aussi d’accord pour accorder un délai de douze (12) mois à l’intimé pour payer les amendes et déboursés.

[86]        Il pourra payer la totalité des amendes et des déboursés en douze (12) versements égaux et consécutifs, le défaut de la part de l’intimé d’exécuter un seul versement amenant la déchéance du terme de douze (12) mois.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

AUTORISE le retrait par la plaignante du chef d’accusation numéro 4 contenu à la plainte;

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé sur les chefs d’accusation numéros 1, 2 et 3 contenus à la plainte;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée séance tenante sous les chefs d’accusation 1, 2 et 3 mentionnés à la plainte;

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 6 000 $ sur le chef d’accusation numéro 1;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $ sur le chef d’accusation numéro 2;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $ sur le chef d’accusation numéro 3;

ACCORDE à l’intimé un délai de douze (12) mois pour effectuer le paiement desdites amendes en douze (12) versements mensuels égaux et consécutifs avec la perte du bénéfice du terme advenant le défaut de sa part d’effectuer un desdits paiements.

 

 

CONDAMNE l’intimé au paiement des débours conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, c. C-26;

 

 

 

 

 

(s) Claude Mageau______________

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

(s) Jean Deslauriers  ____________

M. JEAN DESLAURIERS

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Stéphane Côté_______________

M. STÉPHANE CÔTÉ, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Luc Manella

MANELLA GAUTHIER TAMARO

Procureurs de la partie intimée

 

 

Date d’audience :

18 novembre 2015

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Champagne c. Thibault, décision sur culpabilité, rendue le 15 octobre 2013, CD00-0860; Champagne c. Thibault, décision sur sanction, rendue le 2 juillet 2014, CD00-0860; Champagne c. D’Aragon, décision sur culpabilité et sanction, rendue le 27 février 2015, CD00-1003; Champagne c. Tousignant, décision sur culpabilité et sanction, rendue le 12 juin 2014, CD00-0994; Rioux c. Noël, décision sur culpabilité et sanction, rendue le 4 septembre 2007, CD00-0666; Rioux c. Chamberland, décision sur culpabilité, rendue le 11 octobre 2002, CD00-0418; Rioux c. Chamberland, décision sur sanction, rendue le 17 juillet 2003, CD-0418; Champagne c. Tran, décision sur culpabilité et sanction, rendue le 23 septembre 2010, CD00-0784; Champagne c. Beckers, décision sur culpabilité et sanction, rendue le 17 août 2012, CD00-0862.

[2] [2002] 162 CCC (3e éd.) 3 R.D. 37.

[3] Malouin c. Laliberté, ès qualités (notaires), [2001] CanLII 013 (QCTP); Dumont c. R., [2013] CanLII 576 (QCCA), par. 13; Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), [2014] CanLII 5-A (QCTP), par. 42; Lelièvre c. Buenviaje, [2015] CanLII 2078 (QCCQ).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.