Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Morteau

2016 QCCDCSF 13

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1141

 

DATE :

10 mai 2016

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

Mme Dominique Vaillancourt

Membre

 

M. Alain Legault

Membre

 

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

STÉPHANE MORTEAU, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 124636, BDNI 1590441)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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Ordonnance de non-divulgation, de non-diffusion et de non-publication du nom de la consommatrice impliquée dans la plainte et de tout renseignement de nature personnelle et économique la concernant.

 

[1]          Le 18 janvier 2016, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 29 juillet 2015.

[2]          La plaignante était représentée par Me Sylvie Poirier et l’intimé se représentait seul.

 

LA PLAINTE

1.      À Terrebonne, le ou vers le 24 avril 2013, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de C.L., alors qu’il lui faisait souscrire la proposition numéro […] pour un contrat d’assurance vie temporaire d’un capital assuré d’environ 250 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 6 et 22(1) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r.10);

 

2.      À Terrebonne, entre vers les 24 avril 2013 et 13 juin 2013, l’intimé n’a pas transmis à l’assureur la proposition d’assurance vie numéro […] qu’il avait fait souscrire à C.L., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

 

3.      À Terrebonne, à compter du ou vers le 6 juin 2013, l’intimé n’a pas transmis à l’assureur le document intitulé « Paiement requis pour prévenir la déchéance », créant ainsi un découvert d’assurance de la police numéro […] à compter du ou vers le 29 juin 2013, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12, 24 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

 

4.      À Terrebonne, à compter du ou vers le 23 juillet 2013, l’intimé ne s’est pas assuré que toutes les exigences nécessaires pour l’entrée en vigueur de la police d’assurance vie numéro […] de C.L. soient rencontrées avant le ou vers le
6 septembre 2013, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

 

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]           Avant de procéder à l’enregistrement par l’intimé d’un plaidoyer de culpabilité, la procureure de la plaignante, se référant à la preuve documentaire produite de consentement (P-1 à P-22), a résumé le contexte factuel entourant les gestes reprochés.

[4]          Ensuite, l’intimé a reconnu le plaidoyer de culpabilité signé le 7 janvier 2016 sous chacun des quatre chefs d’accusation portés contre lui et réitéré vouloir enregistrer ce plaidoyer (I-1).

[5]          Le comité, après s’être assuré que l’intimé comprenait que, par ce plaidoyer, il reconnaissait les gestes reprochés et que ceux-ci constituaient des infractions déontologiques, l’a déclaré coupable sous chacun des quatre chefs contenus à la plainte.

[6]          Dès lors, les parties ont déclaré qu’elles étaient prêtes à procéder sur sanction.  

ET PROCÉDANT SUR SANCTION

[7]          La procureure de la plaignante n’avait pas de preuve additionnelle à présenter sur sanction et a indiqué que les parties présentaient des recommandations
« conjointes ».

[8]          Après avoir confirmé le tout, l’intimé a toutefois choisi de témoigner.  

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

[9]           Les recommandations « conjointes » sont les suivantes :

a)       Pour le chef 1 (ne pas avoir recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers (ABF)) :

             le paiement d’une amende de 5 000 $;

b)       Pour le chef 2 (ne pas avoir transmis à l’assureur la proposition d’assurance vie de C.L.) :

             le paiement d’une amende de 4 000 $;

c)       Pour le chef 3 (avoir créé un découvert d’assurance en omettant de transmettre à l’assureur le document intitulé « Paiement requis pour prévenir la déchéance ») :

             La radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois;

d)       Pour le chef 4 (ne pas s’être assuré que toutes les exigences nécessaires pour l’entrée en vigueur de la police d’assurance vie soient remplies, ce chef étant intimement lié au chef 2) :

             le paiement d’une amende de 4 000 $.

[10]       Les parties ont aussi recommandé d’ordonner la publication de la décision et de condamner l’intimé au paiement des déboursés.

[11]        Au soutien de ces sanctions, la procureure de la plaignante a déposé une série de décisions[1].

[12]       Elle a aussi invoqué les facteurs aggravants et atténuants suivants :

Aggravants

a)     La gravité objective des infractions, celles-ci portant également atteinte à l’image de la profession;

b)     La longue expérience de l’intimé au moment des infractions;

Atténuants

a)     La présence d’un seul consommateur et d’un seul événement;

b)     L’absence d’intention malveillante;

c)      L’absence d’antécédent disciplinaire;

d)     La collaboration de l’intimé à l’enquête, bien que l’explication des circonstances de sa vie personnelle au moment des actes reprochés n’étant fournie qu’à la fin du processus, ayant tout le long de l’enquête tenté de minimiser ses gestes;

e)     L’expression de remords exprimés par l’intimé démontrant à l’audience comprendre le sérieux de ses manquements;

f)       La volonté de l’intimé de suivre la formation du CDPSF, intitulée « Programme de vérification préventive - Unité 10 – Cours en conformité », offert par le cabinet Bernier Beaudry Avocats d’affaires.

[13]        La procureure de la plaignante a fait valoir que le fait pour l’intimé de vouloir continuer à exercer et pratiquer seul sans encadrement, jumelé à la nonchalance qu’il a démontrée au cours de l’enquête à l’égard des gestes reprochés, laissait craindre un certain risque de récidive.  

[14]        Bien que reconnaissant que les chefs 2 et 4 concernaient le même produit, elle a maintenu qu’ils se distinguaient au point de justifier de telles sanctions expliquant que le deuxième chef d’accusation reprochait son défaut de donner suite au mandat de sa cliente, alors que le quatrième reprochait celui de fournir les renseignements à l’assureur lesquels étaient essentiels pour donner suite à son mandat.

[15]        Enfin, la procureure de la plaignante a insisté pour dire que l’enquête a démontré que l’intimé a fait preuve de négligence répétée à l’égard de la même consommatrice, à l’égard du même produit, et ce, pendant plus de trois mois. Le tout s’est terminé par la déchéance de la police d’assurance existante et du refus de celle proposée par l’intimé. Elle a assuré le comité que l’effet global des sanctions avait été considéré.

[16]        Pour sa part, l’intimé a demandé au comité un délai de treize mois pour acquitter les amendes suggérées. La procureure de la plaignante a laissé celle-ci à la discrétion du comité.

ANALYSE ET MOTIFS

[17]       Le comité réitère la déclaration de culpabilité rendue contre l’intimé séance tenante sous chacun des quatre chefs de la plainte portée contre lui.

[18]       Le représentant doit agir de façon compétente et professionnelle en tout temps. Même si les explications fournies par l’intimé sur la situation familiale qu’il vivait au cours des mois entourant les gestes reprochés peuvent inspirer de la sympathie, il se devait de prendre les moyens nécessaires aux fins d’éviter que ses clients en subissent un préjudice.

[19]       Bien que l’effet global des sanctions semble militer en faveur d’un total moindre au titre des amendes, l’intimé a paru comprendre pleinement la teneur des sanctions convenues avec la plaignante. Ainsi, considérant les facteurs aggravants et atténuants en l’espèce, le comité donnera suite aux recommandations « conjointes » des parties. Ces sanctions sont compatibles avec celles prononcées pour des infractions de même nature et respectent les objectifs de dissuasion et d’exemplarité qu’elles cherchent à atteindre.

[20]       Par conséquent, l’intimé sera condamné au paiement d’une amende de 5 000 $ sous le premier chef et de 4 000 $ sous chacun des chefs 2 et 4, pour un total de
13 000 $.  Sous le troisième chef, le comité ordonnera la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois.

[21]       Le comité ordonnera en outre la publication de la décision et condamnera l’intimé au paiement des déboursés.

[22]       Enfin, le comité accordera à l’intimé treize mois pour acquitter lesdites amendes, lesquelles seront payables par versements mensuels égaux et consécutifs, sous peine de perte du bénéfice du terme.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité à l’égard de l’intimé prononcée séance tenante à l’audience sous chacun des quatre chefs d’accusation mentionnés à la plainte;

RÉITÈRE ORDONNER la non-divulgation, la non-publication et la non-diffusion du nom de la consommatrice impliquée dans la plainte et de tout renseignement de nature personnelle et économique la concernant;

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous le chef d’accusation 1 contenu à la plainte;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $ sous chacun des chefs d’accusation 2 et 4 contenus à la plainte, totalisant 8 000 $;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé sous le chef d’accusation 3 pour une période d’un mois comme membre de la Chambre de la sécurité financière;

ACCORDE à l’intimé un délai de treize mois pour acquitter lesdites amendes par versements mensuels, consécutifs et égaux, sous peine de déchéance du terme et sous peine de non-renouvellement de son certificat émis par l’Autorité des marchés financiers dans toutes les disciplines où il lui est permis d’agir;

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions, RLRQ, c. C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

 

 

 

(s) Janine Kean______________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Dominique Vaillancourt_____________

Mme Dominique Vaillancourt

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Alain Legault_____________________

M. Alain Legault

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

 

Me Sylvie Poirier

 

CDNP AVOCATS INC.

 

Procureurs de la partie plaignante

 

 

 

L’intimé se représentait seul.

 

 

 

Date d’audience :

Le 18 janvier 2016

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Thibault c. Borgia, CD00-0637, décision sur culpabilité du 2 février 2009 et décision sur sanction du
28 juillet 2011; Champagne c. Vézina, CD00-1046, décision sur culpabilité et sanction du 29 avril 2015; Champagne c. Rozenek,
CD00-1031, décision sur culpabilité et sanction du 16 décembre 2014; Champagne c. Charbonneau, CD00-0858, décision sur culpabilité du 30 juillet 2012 et décision sur sanction du 22 janvier 2013; Champagne c. Breton, CD00-0808, décision sur culpabilité et sanction du 11 juillet 2011; Tougas c. Therrien, CD00-1103, décision sur culpabilité et sanction du 21 décembre 2015; Champagne c. Bélisle, CD00-0965, décision sur culpabilité et sanction du 28 juillet 2014; Champagne c. Di Salvo, CD00-0970, décision sur culpabilité et sanction du 26 novembre 2013; Champagne c. Tran, CD00-0784, décision sur culpabilité et sanction du 23 septembre 2010; Champagne c. Couture, CD00-0951, décision sur culpabilité et sanction du 4 août 2014; Rioux c. Noël, CD00-0666, décision sur culpabilité et sanction du 4 septembre 2007; Rioux c. Blais, CD00-0421, décision sur culpabilité et sanction du 24 juillet 2003; Champagne c. Bernard, CD00-0923, décision sur culpabilité du 3 juillet 2013, corrigée le 17 juillet 2013, et décision sur sanction du
11 mars 2014
.

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