Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Duchesne

2016 QCCDCSF 22

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1140

 

DATE :

13 mai 2016

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Claude Mageau

Président

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre

M. Pierre Masson, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

CHARLES DUCHESNE, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 135184, BDNI 1585921)

 

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

-           Ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion du nom des consommateurs mentionnés à la plainte disciplinaire et de tous renseignements ou documents permettant de les identifier, et ce, dans le but d’assurer la protection de leur vie privée.

 

[1]           Le 5 avril 2016, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au Tribunal administratif du travail,  900, boulevard René-Lévesque Est, salle 587, à Québec, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 29 juillet 2015 ainsi libellée :

LA PLAINTE

 

1.         À Donnacona, le ou vers le 1er avril 2014, l’intimé n’a pas rempli correctement le préavis de remplacement numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 22 (2) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r.10), 13 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

 

2.         À Donnacona, le ou vers le 14 avril 2014, l’intimé a signé à titre de témoin les propositions d’assurance numéros [...] et [...] hors la présence de M.L. et N.P.M., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

 

3.         À Donnacona, le ou vers le 14 avril 2014, l’intimé a faussement indiqué à l’assureur que M.L. et N.P.M. avaient signé les propositions d’assurance numéros [...] et [...] le 14 avril 2014 et qu’il était présent lors de ces signatures, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]   D’entrée de jeu, l’intimé, qui était accompagné de ses procureurs, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’égard de chacun des trois (3) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[3]   Après s’être assuré auprès de l’intimé qu’il assumait pleinement son plaidoyer de culpabilité et qu’il en comprenait bien les conséquences, le comité demanda au procureur de la plaignante de produire la documentation pertinente à l’appui des chefs d’accusation pour lesquels l’intimé a plaidé coupable.

[4]   À cet effet, le procureur de la plaignante déposa au dossier, de consentement avec le procureur de l’intimé, une preuve documentaire cotée P-1 à P-3.

[5]   Après une explication sommaire de ladite documentation par le procureur de la plaignante, le comité déclara l’intimé coupable des trois (3) chefs d’accusation et invita par la suite les procureurs des parties à procéder, séance tenante, à l’audition sur sanction.

LES FAITS

[6]   L’intimé est depuis janvier 2004, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives et représentant de courtier en épargne collective.

[7]   Il a son bureau à Donnacona dans la région de Québec.

[8]   Le 21 mars 2014, il rencontra M.L., qui est aussi une collègue de travail en assurance de dommages, à Sept-Îles.

[9]    Il est alors question d’une assurance-vie pour M.L. et son conjoint N.P.M. de même qu’une assurance-invalidité pour leurs enfants.

[10]        Le 1er avril 2014, deux (2) propositions d’assurance-vie auprès de la compagnie Empire (pièces P-5 et P-6) et deux (2) propositions d’assurance‑invalidité (pièces P-7 et P-8) auprès de la compagnie Union sont préparées.

[11]        De plus, un préavis de remplacement est préparé par l’intimé concernant lesdites propositions d’assurance-vie ci-haut mentionnées (pièce P-2).

[12]        Ces documents sont par la suite envoyés par la poste à M.L. pour signature.

[13]        Lesdits documents reviennent au bureau de l’intimé le ou vers le 14 avril 2014 alors qu’ils sont signés par les consommateurs mais pas attestés par les témoins déclarant avoir vu les consommateurs signer les documents.

[14]        L’intimé, pour accommoder ses clients, signe à titre de témoin aux deux (2) propositions d’assurance-vie (pièces P-5 et P-6), ce qui constitue l’infraction reprochée au chef numéro 2 de la plainte disciplinaire.

[15]        De plus, l’intimé atteste faussement à la page 21 de la proposition (pièce P-7) avoir signé à Sept-Îles alors qu’il a signé à son bureau de Québec, ce qui constitue l’infraction reprochée au chef numéro 3 de la plainte disciplinaire.

[16]        Enfin, le préavis de remplacement (pièce P-2) n’avait pas été correctement rempli par l’intimé et il a ainsi commis l’infraction reprochée au chef numéro 1 de la plainte disciplinaire.

[17]        Le procureur de la plaignante ne fit entendre aucun témoin après avoir produit la preuve documentaire ci-haut mentionnée.

[18]        Quant à l’intimé, il produisit, de consentement avec le procureur de la plaignante, les pièces D-1 et D-2, soit son curriculum vitae et celui de la consommatrice M.L.

[19]        De plus, l’intimé choisit de se faire entendre comme témoin sur sanction.

[20]        Tout d’abord, celui-ci déposa son curriculum vitae comme pièce D-1.

[21]        L’intimé témoigne à l’effet qu’il agit à titre de conseiller en sécurité financière depuis janvier 2004.

[22]        Il insiste sur son implication à titre de fondateur et de président du Regroupement des jeunes courtiers du Québec (« RJCQ ») en 2010.

[23]        Il explique sommairement son implication dans le mouvement qui consiste à agir à titre de mentor pour les jeunes conseillers qui débutent leur carrière.

[24]        Il indique qu’à plusieurs reprises par année, il rencontre les jeunes qui ont besoin de conseils.

[25]        Il indique aussi que pour l’organisme, il fait régulièrement une présentation d’une heure et demie pour les jeunes professionnels.

[26]        Ces interventions auprès des jeunes conseillers sont surtout en matière de conformité et de déontologie.

[27]        De plus, il indique qu’il est le fondateur de la Chambre de commerce de Saint-Augustin et qu’il en a été le vice-président de 2006 à 2009.

[28]        Il insiste grandement sur le fait qu’une publication de la décision sur sanction le concernant aurait des conséquences néfastes et dévastatrices sur sa réputation et sur cette organisation qui lui tient beaucoup à cœur, à savoir le RJCQ.


 

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE LA PLAIGNANTE

[29]        Le procureur de la plaignante indiqua au comité que suite à des discussions avec le procureur de l’intimé une suggestion commune de sanctions lui sera présentée.

[30]        Cette recommandation commune est à l’effet qu’une amende de 2 000 $ soit imposée à l’intimé au chef numéro 1, une amende de 5 000 $ en ce qui concerne le chef numéro 2 et une réprimande quant au chef numéro 3.

[31]        Le procureur de la plaignante indique que l’intimé devra aussi payer les frais et débours reliés à la présente instance.

[32]        Le procureur de la plaignante indique que cette suggestion commune respecte les critères de dissuasion et d’exemplarité et il demande respectueusement que le comité la respecte.

[33]        Le procureur de la plaignante indique aussi qu’il ne demande pas la publication de la sanction en l’espèce en vertu de l’article 156 (5) du Code des professions compte tenu de la recommandation commune qui est faite au comité.

[34]        Le procureur de la plaignante indique que la gravité objective des infractions bien que n’étant pas la plus grave, est quand même sérieuse.

[35]        Tout d’abord, en ce qui concerne le chef numéro 1 quant au préavis de remplacement qui n’était pas complet, il indique que ce document est important et doit être bien rempli pour informer correctement et précisément les intervenants au dossier, à savoir les consommateurs, de même que l’assureur.

[36]        Il considère que l’amende minimale de 2 000 $ demandée dans les circonstances n’est pas déraisonnable.

[37]        En ce qui concerne les chefs d’accusation numéros 2 et 3, le procureur de l’intimé indique que la gravité de ces infractions est quand même plus sérieuse.

[38]        Il indique et admet cependant qu’il n’y a eu aucune intention malveillante de la part de l’intimé.

[39]        Sur le plan subjectif, il indique les faits atténuants suivants :

-           Aucun antécédent disciplinaire;

-           L’intimé a collaboré entièrement avec l’enquêteur de la syndique;

-           Il a reconnu les faits à l’enquêteur qu’il a rencontré;

-           Il a enregistré un plaidoyer de culpabilité à la première occasion;

-           Il est impliqué au niveau mentorat auprès des jeunes conseillers;

-           Le risque de récidive est faible voire même nul;

-           Il n’y a eu aucun préjudice occasionné aux consommateurs.

[40]        Le procureur de la plaignante termine en commentant la série de décisions déposées par lui auprès du comité[1].

[41]        En conclusion, le procureur de la plaignante indique que la recommandation est juste et respecte les précédents en la matière et qu’elle devrait être suivie par le comité comme l’enseigne la jurisprudence[2].

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE L’INTIMÉ

[42]        Tout d’abord, le procureur de l’intimé indique que la consommatrice M.L. était une collègue de travail de l’intimé et était, par conséquent, une consommatrice sophistiquée et bien informée.

[43]        Il indique que cet élément est important en ce qui concerne l’infraction commise et reprochée au chef numéro 1, à savoir que le préavis de remplacement était insuffisant.

[44]        Il indique qu’aucun préjudice n’a été causé aux consommateurs par le préavis de remplacement déficient (pièce P-2).

[45]        En ce qui concerne les chefs d’accusation numéros 2 et 3, le procureur de l’intimé indique que l’origine de cette obligation d’avoir des témoins attestant la signature des proposants origine de la common law et n’a pas la même importance en droit civil.

[46]        En effet, il indique que l’absence de signature d’un témoin n’empêche pas l’existence d’un contrat valablement conclu en droit civil.

[47]        Le procureur de l’intimé demande aussi à ce que la signification de la présente décision soit faite au bureau des procureurs afin d’en minimiser les coûts.

[48]        En ce qui concerne le paiement des débours, il demande au comité qu’un délai de six (6) mois soit accordé à l’intimé pour ce faire.

[49]        Enfin, il réitère la position de la plaignante à l’effet que la présente décision n’a pas à être publiée compte tenu des circonstances de la présente affaire et, plus particulièrement, compte tenu du témoignage et du profil de carrière de l’intimé.

RÉPLIQUE DU PROCUREUR DE LA PLAIGNANTE

[50]         Le procureur de la plaignante indique qu’il n’a pas d’objection à ce qu’un délai de six (6) mois soit accordé à l’intimé pour le paiement des amendes et des déboursés.

ANALYSE ET MOTIFS

[51]        Les chefs d’accusation portés contre l’intimé sont d’une gravité objective sérieuse, plus particulièrement les chefs numéros 2 et 3.

[52]        L’intimé n’a cependant aucun antécédent disciplinaire.

[53]        Il a collaboré pleinement à l’enquête de la syndique et il a sans hésitation reconnu les faits à l’enquêteur dès la première rencontre.

[54]        L’intimé a de plus enregistré un plaidoyer de culpabilité à la première occasion et a donc évité des frais et des délais additionnels.

[55]        De l’aveu même du procureur de la plaignante, le risque de récidive est faible, voire même nul.

[56]        Il n’y a eu aucun préjudice pécuniaire causé aux consommateurs.

[57]        L’intimé est un jeune professionnel dynamique impliqué pleinement et généreusement dans son milieu d’affaires et sa communauté.

[58]        Tel que mentionné à son curriculum vitae (pièce D-1) et surtout à son témoignage, le comité saisit bien le rôle qu’il joue en tant que membre fondateur et président du RJCQ.

[59]        Dans le cadre des activités de cet organisme, il s’implique bénévolement auprès de ses jeunes collègues de l’industrie, plus particulièrement dans le but de les aider au niveau de leur pratique professionnelle.

[60]        Il est évident que les gestes reprochés ont été fait uniquement dans le but d’aider ses clients en signant par complaisance et ainsi de leur éviter des inconvénients additionnels par le retour des documents pour signature devant témoin.

[61]        L’intimé n’a tiré aucun avantage de la commission des actes reprochés et de leur côté, les consommateurs n’ont subi aucun préjudice à cause des gestes de l’intimé.

[62]        L’intimé n’a pas fait montre d’une malveillance ni d’une mauvaise intention dans le présent dossier.

[63]        Néanmoins, il a fait défaut de se comporter en professionnel compétent et rigoureux.

[64]        Le comité considère que la suggestion commune présentée par les procureurs expérimentés des parties est tout à fait raisonnable et que les sanctions suggérées sont justes et appropriées lorsque examinées dans leur globalité.

[65]        Le comité condamnera donc l’intimé, sous le chef numéro 1, au paiement d’une amende de 2 000 $; au paiement d’une amende de 5 000 $ sous le chef numéro 2 et lui imposera une réprimande sous le chef numéro 3.

[66]        Considérant les faits en la présente instance, la situation personnelle de l’intimé et la nature des sanctions, le présent cas ne nécessite donc pas la publication de la présente décision en vertu de l’article 156 du Code des professions.

[67]        De plus, l’intimé bénéficiera d’un délai de six (6) mois pour le paiement des amendes et des déboursés en vertu de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé sous les trois (3) chefs d’accusation de la plainte disciplinaire;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée séance tenante sous les trois (3) chefs d’accusation mentionnés à la plainte disciplinaire;


 

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de deux mille dollars (2 000 $) quant au chef d’accusation numéro 1;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de cinq mille dollars (5 000 $) quant au chef d’accusation numéro 2;

IMPOSE à l’intimé une réprimande quant au chef d’accusation numéro 3;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ACCORDE à l’intimé un délai de six (6) mois pour le paiement des amendes et des déboursés.

 

 

 

 

 

(s) Claude Mageau________________

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

 

 

(s) Robert Chamberland____________

M. ROBERT CHAMBERLAND, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

 

(s) Pierre Masson_________________

M. PIERRE MASSON, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT, CARON, PRÉVOST, BÉLISLE, GALARNEAU, S.E.N.C.

Procureurs de la partie plaignante

 

Mes André Bois et Andréanne Gobeil

TREMBLAY BOIS MIGNAULT LEMAY, S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie intimée

 

 

Date d’audience :

5 avril 2016

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

 



[1] Lelièvre c. Bouchard, Décision sur culpabilité et sanction rendue le 6 février 2014, CD00-0986; Lelièvre c. Lapointe, Décision sur culpabilité et sanction rendue le 19 novembre 2014, CD00-1002; Thibault c. Duvivier, Décision corrigée sur culpabilité et sanction rendue le 26 août 2008, CD00-0688; Champagne c. Côté, Décision sur culpabilité et sanction rendue le 5 avril 2011, CD00-0837; Champagne c. Paquet, Décision sur culpabilité et sanction rendue le 24 janvier 2013, CD00-0919; Lelièvre  c. Demers, Décision sur culpabilité et sanction rendue le 16 janvier 2013, CD00-0929; Lelièvre c. Thibeault, Décision sur culpabilité et sanction rendue le 8 juillet 2014, CD00-0998; Tougas c. Therrien, Décision sur culpabilité et sanction rendue le 21 décembre 2015, CD00-1103.

[2] R. c. Douglas, [2002] 162 CCC (3e éd.) 3 R.D. 37.

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