Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

Chambre de la sécurité financière c. Traversy

2016 QCCDCSF 18

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1168

 

DATE :

26 mai 2016

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Michel Gendron

Membre

M. Frédérick Scheidler

Membre

______________________________________________________________________

 

LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

FANY TRAVERSY (certificat no 191184 et BDNI 2694601)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

  • Ordonnance de non-divulgation, de non-diffusion et de non-publication des noms des personnes impliquées dans le présent dossier, ainsi que de tout renseignement ou document permettant de les identifier.

 

[1]          Le 3 mai 2016, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière
(le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo-Pariseau,
26e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimée le 8 décembre 2015.

[2]          La plaignante était représentée par Me Gilles Ouimet, alors que l’intimée était présente et se représentait seule.

 

LA PLAINTE

1.       À Sainte-Adèle, le ou vers le 20 avril 2015, l’intimée s’est approprié une somme d’environ 160 $ appartenant à une collègue de travail, contrevenant ainsi aux articles 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1).

[3]          Dès le début de l’audience, le procureur de la plaignante a déposé, de consentement, la preuve documentaire au soutien de la culpabilité de l’intimée[1].  

[4]          Bien qu’elle n’ait pas enregistré de plaidoyer de culpabilité, l’intimée a toutefois reconnu les gestes reprochés dans une lettre adressée au comité le 18 décembre 2015. De plus, elle a consigné le tout dans un document signé le jour de l’audience qui contient vingt admissions.

[5]           L’intimée y a reconnu les actes reprochés et que ceux-ci contrevenaient à ses obligations déontologiques. En conséquence, le comité l’a déclarée coupable sous l’unique chef d’accusation porté contre elle.

[6]           Les parties ont ensuite informé le comité qu’elles étaient prêtes à procéder sur sanction.

ET PROCÉDANT SUR SANCTION

La preuve et les représentations des parties sur sanction

[7]          Le procureur de la plaignante a déclaré ne pas avoir de preuve supplémentaire à offrir mis à part la preuve documentaire produite sur culpabilité.

[8]          De cette preuve documentaire et du témoignage de l’intimée, il ressort ce qui suit.

[9]          Le 20 avril 2015, l’intimée s’est rendue dans la salle de bain réservée à l’usage des employés de la succursale de la Caisse Desjardins (la Caisse) où elle travaillait. Elle a vu un sac à main oublié sur le comptoir, y a pris le contenu d’environ 160 $ et a jeté le sac dans la poubelle. L’employée, propriétaire du sac, est retournée dans la salle de bain et a trouvé son sac dans la poubelle. Une enquête interne a été déclenchée à la succursale le jour suivant.

[10]       Interrogée, l’intimée a avoué son geste, expliquant vivre un stress important au moment des événements et qu’il s’agissait d’un geste désespéré. Elle a aussitôt remis sa démission et remboursé la collègue à qui elle avait pris l’argent.

[11]       Maintenant âgée de 28 ans, elle fait vie commune avec son conjoint. Ils ont chacun la garde de leur enfant né d’une précédente union.  Elle est gérante de boutique de vêtements et n’a pas l’intention de travailler à nouveau dans le domaine des services financiers. 

[12]       Au titre des facteurs aggravants et atténuants, le procureur de la plaignante a mentionné :

Aggravants

a)    La gravité objective de la faute reprochée (vol);

b)    Que cette infraction était de nature à ternir l’image de la profession;

c)    Qu’il s’agissait d’une grave erreur de jugement de la part de l’intimée;

d)    Qu’il y a eu tentative de camoufler son geste;

e)    L’existence d’un risque de récidive, vu la pression des exigences de rendement invoquée pour justifier ce geste.

Atténuants

a)     La reconnaissance par l’intimée des fautes reprochées, à la première occasion;

b)     La collaboration aux enquêtes, tant celle de la Caisse que celle de la syndique;

c)      L’absence d’antécédent disciplinaire;

d)     La victime n’est pas un consommateur, mais une collègue de travail;

e)     La somme en cause peu importante et qui a été remboursée rapidement;

f)       Les regrets sincères exprimés par l’intimée;

g)     L’existence d’un seul geste, spontané et non planifié;

h)     La perte de l’emploi par l’intimée à la suite de cet incident.

[13]        En conséquence, il a recommandé la radiation temporaire de l’intimée pour une période de cinq ans, la publication de la décision et sa condamnation au paiement des déboursés.

[14]        Au soutien de celle-ci, le procureur de la plaignante a déposé trois décisions[2].
Il s’est principalement appuyé sur la décision Raymond se disant d’avis que même si une radiation temporaire de dix ans avait été ordonnée dans celle-ci, les faits se rapprochaient davantage de ceux du présent dossier. À l’instar de cette affaire, en l’espèce aucun client n’a été victime contrairement aux deux autres décisions citées. Il y a également eu remboursement complet des sommes dérobées. De plus, dans le cas présent, il n’y a pas eu répétition du geste, à la différence de l’intimé Raymond qui s’est approprié l’argent de son employeur sept fois pendant cinq mois.  

[15]        L’intimée, pour sa part, a déclaré s’en remettre à la décision du comité quant à la période de radiation qu’il jugera appropriée dans les circonstances.

[16]        Cependant, elle a demandé que cette période de radiation et la publication de la décision ne prennent effet qu’à partir du moment de sa demande de remise en vigueur de son certificat. Elle a expliqué faire cette demande, car elle ne voulait pas mettre en péril le lien de confiance établi avec son présent employeur, qui ignore les raisons de son changement d’emploi.

ANALYSE ET MOTIFS

[17]       Le comité réitère la déclaration de culpabilité rendue séance tenante contre l’intimée, la déclarant coupable sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte portée contre elle.

[18]       La gravité objective de l’infraction commise est indéniable. L’appropriation de fonds est l’une des plus graves qu’un représentant puisse commettre. L’honnêteté est une des qualités essentielles que doit posséder tout représentant et en toutes circonstances.

[19]       Toutefois, l’intimée, qui était inscrite comme représentante de courtier en épargne collective seulement depuis 2011, n’a pas l’intention d’exercer de nouveau dans le domaine financier. Elle n’est âgée que de 28 ans et mère d’un enfant. Elle a avoué ses fautes à la première occasion, a remboursé sa dette, a exprimé des regrets et la victime n’était pas un consommateur.

[20]       Dans les circonstances, le comité convient avec le procureur de la plaignante qu’une période de radiation de cinq ans est appropriée et compatible aux sanctions prononcées pour des infractions de même nature et impliquant des sommes modestes. 

[21]       Par conséquent, considérant l’ensemble des faits propres à cette affaire, les facteurs aggravants et atténuants pertinents, le comité donnera suite à la recommandation de la plaignante et ordonnera la radiation temporaire de l’intimée pour une période de cinq ans sous l’unique chef d’accusation de la plainte portée contre elle.

[22]       De plus, le comité ordonnera la publication de la décision et condamnera l’intimée au paiement des déboursés.

[23]        Toutefois, le comité accueillera la demande de l’intimée et ordonnera l’exécution de la période de radiation temporaire de même que la publication de la décision qu’à partir de sa demande de remise en vigueur de son certificat[3].  

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE ORDONNER la non-divulgation, la non-diffusion et la non-publication des noms des personnes impliquées dans le présent dossier, ainsi que de tout renseignement ou document permettant de les identifier;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimée prononcée séance tenante sous l’unique chef contenu à la plainte pour avoir contrevenu à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières, RLRQ, c. D-9.2, r.7.1;

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures quant à l’article 10 du même Règlement.

 

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

ORDONNE, sous l’unique chef contenu dans la plainte, la radiation temporaire de l’intimée pour une période de cinq (5) ans;

ORDONNE que la période de radiation soit exécutoire à partir de la demande par l’intimée de la remise en vigueur de son certificat;  

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimée, à partir de la demande par cette dernière de la remise en vigueur de son certificat, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimée a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156 (5) du Code des professions, RLRQ, c. C-26;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

 

 

(s) Janine Kean_____________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(s) Michel Gendron___________________

M. Michel Gendron

Membre du comité de discipline

 

(s) Frédérick Scheidler________________

M. Frédérick Scheidler

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Gilles Ouimet

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimée se représente seule.

 

Date d’audience :

Le 3 mai 2016

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] P-1 à P-3.

[2] Lelièvre c. Vallée, CD00-1006, décision sur culpabilité et sanction du 29 mai 2014; Champagne c. Raymond, CD00-0829, décision sur culpabilité et sanction du 22 juin 2011; Champagne c. Savann, CD00-0908, décision sur culpabilité et sanction du 3 juillet 2012.

[3] Article 156 (5) du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

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