Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

Chambre de la sécurité financière c. Cacayuran

2016 QCCDCSF 27

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1059

 

DATE :

12 juillet 2016

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Claude Mageau

Président

M. Jean-Michel Bergot

Membre

 

M. Louis-George Boily, Pl. Fin.

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

MARIANITO Cacayuran, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (certificat numéro 158239, BDNI 1819121)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

[1]           Le 17 décembre 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo‑Pariseau, 26e étage, Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 30 avril 2014, ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.         À Dollard-des-Ormeaux, le ou vers le 29 mai 2013, l’intimé n’a pas rempli le « Prior notice of replacement of life insurance policy » numéro [...] correctement, contrevenant ainsi aux articles 13, 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.1.01) et 22 (2) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10);

2.         À Dollard-des-Ormeaux, le ou vers le 29 mai 2013, l’intimé n’a pas expédié une copie du préavis de remplacement requis à l’assureur susceptible d’être remplacé dans les cinq jours ouvrables de la signature de la proposition d’assurance [...], contrevenant ainsi à l’article 22 (4) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10);

3.         À Dollard-des-Ormeaux, le ou vers le 9 juin 2013, l’intimé a falsifié le « Prior notice of replacement of life insurance policy » numéro [...] en modifiant la date de signature sur les copies propriétaire et assureur actuel, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11 et 35 du Code déontologique de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3).

[2]           La plaignante était alors représentée par Me Véronique Poirier et l’intimé était représenté par Me René Vallerand.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]           D’entrée de jeu, l’intimé enregistra un plaidoyer de culpabilité aux trois (3) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[4]           Après le plaidoyer, le comité s’est assuré que l’intimé comprenait bien le sens et les conséquences de son plaidoyer.

[5]           La plaignante, par l’entremise de sa procureure, déposa ensuite au dossier la preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-11.

[6]           À l’aide de cette documentation, la procureure de la plaignante résuma les principaux éléments de faits ainsi que les circonstances entourant les infractions.

[7]           Par la suite, le comité, considérant le plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé et après avoir révisé la preuve qui venait de lui être présentée, déclara ce dernier coupable des trois (3) chefs d’accusation contenus à la plainte.

 

[8]           À la demande des procureurs des parties, les représentations sur sanction ont été reportées au 29 janvier 2015 compte tenu que, plus particulièrement, le procureur de l’intimé informa les membres du comité qu’il avait l’intention de faire entendre deux (2) témoins au niveau de l’audition sur sanction.

INTERVENTION DE L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (L’AMF)

[9]           Le 26 janvier 2015, l’AMF a comparu dans le présent dossier à titre d’intervenante en vertu de l’article 231 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) (« LDPSF »).

[10]        Le 27 janvier 2015, lors d’une conférence téléphonique à laquelle ont participé les procureurs des parties, la présente audition sur sanction fut remise au 30 mars 2015 suite à une demande de remise de l’audition sur sanction présentée par le procureur de l’intimé.

[11]        Lors de cette conférence téléphonique du 27 janvier 2015, le comité décida alors que l’intervention de l’AMF était prématurée étant donné qu’il n’y avait pas alors d’indication qu’une question relative à la LDPSF ou à l’un de ses règlements était soulevée au sens de l’article 231 de la LDPSF.

[12]        Cependant, le comité suggéra à la procureure de l’AMF d’être présente à l’audition sur sanction prévue pour le 30 mars 2015 afin d’accompagner le témoin, Mario Beaudoin, directeur de la conformité de l’AMF, qui avait été assigné par le procureur de l’intimé, et de réitérer alors la demande d’intervention de l’AMF.

[13]        À l’ouverture de l’audition du 30 mars 2015, la plaignante était représentée par Me François Montfils, en remplacement de Me Véronique Poirier.

[14]        La procureure de l’AMF réitéra sa demande d’intervention qu’elle avait présentée lors de la conférence téléphonique du 27 janvier 2015.

[15]        Suite à la déclaration du procureur de l’intimé à l’effet qu’il avait l’intention, par le témoignage de monsieur Mario Beaudoin, de couvrir la question des délais de traitement d’une demande de remise en vigueur auprès de l’AMF par un représentant ayant fait l’objet d’une radiation, le comité décida que dans les circonstances, l’AMF pouvait intervenir dans le dossier compte tenu que l’article 231 de la LDPSF donnait ouverture à une telle intervention.

[16]        L’audition sur sanction a donc procédé devant le comité le 30 mars 2015 et le début du délibéré du comité a eu lieu à compter de la réception des notes sténographiques de ladite audition, reçues par le comité le ou vers le 24 avril 2015.

PREUVE DES PARTIES

[17]        Tel que mentionné ci-haut, la plaignante avait déposé lors de l’audition du
17 décembre 2014 les pièces P-1 à P-11 et elle ne fit pas entendre de témoin lors de l’audition du 30 mars 2015.

[18]        La documentation produite par la plaignante décrit concrètement les circonstances des trois (3) chefs d’accusation reprochés à l’intimé qui sont dans un premier temps (chef numéro 1), de ne pas avoir rempli correctement le document « Prior notice of replacement of life insurance policy » et, par la suite, (chef numéro 2) de ne pas avoir expédié une copie de ce préavis de remplacement requis à l’assureur dans les cinq (5) jours ouvrables de la signature de la proposition d’assurance et enfin, (chef numéro 3) que l’intimé a falsifié le document « Prior notice of replacement of life insurance policy » en modifiant la date de signature sur les copies des propriétaire et assureur actuel afin de pouvoir respecter le délai de cinq (5) jours requis par la réglementation.

[19]        Pour ce qui est du chef numéro 1, le document aurait été rempli de façon déficiente en ce qu’il contenait des détails inexacts quant au montant de la prime et aux détails de la couverture d’assurance existante et celle proposée.

[20]        En ce qui concerne le chef numéro 2, le document devait être transmis au plus tard le 29 mai 2013 alors que dans les faits, il a été envoyé le 10 juin 2013.

[21]        En ce qui concerne le chef numéro 3, l’intimé a changé les dates afin de corriger son défaut de ne pas avoir respecté le délai de cinq (5) jours ci-haut mentionné.

[22]        À ce sujet, dans une déclaration faite à l’enquêteur de la plaignante, l’intimé a indiqué qu’il avait corrigé la date étant donné que son fils qui devait s’occuper d’envoyer la documentation à l’intérieur dudit délai à sa demande avait fait défaut de le faire.

[23]        L’intimé fit entendre deux (2) témoins lors de l’audition sur sanction, à savoir l’intimé lui-même, et par la suite, M. Mario Beaudoin, directeur de la conformité pour l’AMF.

[24]        L’intimé indiqua au comité qu’il est enregistré comme représentant en assurance de personnes et en épargne collective avec Primerica Financial Services.

[25]        Il est vice-président régional pour ce cabinet et est le directeur de la succursale de Roxboro, dans la région de Montréal.

[26]        Il est responsable de la supervision de douze (12) représentants licenciés.

[27]        Il déposa comme pièce SI-1 ses déclarations de revenus pour les années 2011 à 2013.

[28]        Aux documents, on constate qu’en 2011, l’intimé a eu des revenus professionnels bruts de 87 000 $ pour des revenus nets de 29 578 $.

[29]        En 2012, il eut des revenus bruts de 69 700 $ pour des revenus nets de 15 399 $.

[30]        Enfin, pour l’année 2013, il génère des revenus bruts de 66 646 $ pour des revenus nets de 9 710 $.

[31]        Le témoin indiqua aussi au comité que pendant ces trois (3) années, il a dû retirer des sommes de son compte REER.

[32]        Ainsi, il retira 9 829 $ en 2011, la somme de 3 659,77 $ en 2012 et, en 2013, la somme de 5 178,76 $.

[33]        L’intimé indiqua qu’il a dû faire ces retraits de son compte REER étant donné que ses revenus professionnels n’étaient pas suffisants pour lui permettre de boucler son budget.

[34]        Compte tenu de ce qui précède, il déclara donc au comité que si celui-ci arrivait à la conclusion que des amendes devaient lui être imposées comme sanction, il aurait besoin d’un long délai, soit plus de douze (12) mois pour lui permettre d’acquitter lesdites amendes.

[35]        Il mentionna aussi au tribunal qu’il est très désolé et qu’il regrette amèrement ces incidents ayant mené au dépôt de la plainte disciplinaire.

[36]        Il témoigna aussi que cette situation lui cause un grand stress et beaucoup d’anxiété.

[37]        Il mentionna que s’il est suspendu ou radié, les conséquences immédiates d’une telle sanction seraient évidemment une perte de commissions et qu’en plus, il ne pourrait plus être gérant de succursale pour son employeur.

[38]        Il indiqua qu’il participe avec assiduité aux deux (2) réunions annuelles de conformité offertes par son employeur.

[39]        De plus, il mentionna au comité que dans la supervision quotidienne de ses employés, il s’assure que ceux-ci suivent les règles de déontologie, car il veut éviter que ceux-ci fassent la même erreur qu’il a faite.

[40]        Il indiqua que s’il est suspendu, son employeur devra trouver un remplaçant pour agir à titre de gérant de succursale, lequel serait probablement le gérant de la succursale la plus près de celle où il œuvre.

[41]        Il expliqua aussi qu’à titre de directeur de succursale, il bénéficie de commissions reliées à l’ensemble des commissions payées aux différents représentants de cette succursale, ce qu’il n’aura plus advenant une suspension ou une radiation.

[42]        Par la suite, le procureur de l’intimé fit entendre M. Mario Beaudoin, directeur de la conformité pour l’AMF.

[43]         Il déposa la pièce SI-3 qui est un document provenant du site de l’AMF intitulé « Remise en vigueur » qui contient les conditions de remise en vigueur d’un certificat d’un représentant selon la discipline dans laquelle celui-ci exerce sa profession.

[44]        Il déposa aussi comme pièce SI-4, un autre document provenant de l’AMF intitulé « Demande de certificat de représentant ».

[45]        Le témoin expliqua les étapes qu’un représentant doit suivre pour la remise en vigueur de son certificat une fois la radiation ordonnée.

[46]        Il témoigna qu’entre le moment de la production de la demande de remise en vigueur et la décision concernant celle-ci, il peut y avoir des délais, tout dépendant de la situation du représentant.

[47]        Il indiqua au comité que la différence entre une radiation et une suspension est qu’il n’y a pas de demande pour remettre le certificat en vigueur en cas de suspension, alors que c’est le cas dans le cas d’une radiation.

[48]        Le témoin mentionna aussi qu’une demande de remise en vigueur du certificat peut même être présentée avant le délai d’expiration de la radiation ordonnée.

[49]        Il ressort de ce témoignage, que des délais peuvent exister, mais que ceux-ci sont difficiles à identifier et sont hypothétiques compte tenu de la particularité de chacun des dossiers concernés.

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE LA PLAIGNANTE

[50]        Le procureur de la plaignante débuta ses représentations en informant le comité qu’il faisait, conjointement avec le procureur de l’intimé, une recommandation commune quant aux chefs 1 et 2.

[51]        Cette recommandation commune est une amende de 2 000 $ pour le premier chef et une réprimande pour le deuxième chef.

[52]        En ce qui concerne le troisième chef, les procureurs des parties n’ont pas de recommandation commune à présenter au comité.

[53]        Tout d’abord, quant au premier chef, le procureur de la plaignante indiqua que l’accusation est d’une gravité objective importante, car ce document existe pour bien informer le client avant qu’il ne prenne une décision relativement au changement d’une police d’assurance.

[54]        En l’espèce, plusieurs inexactitudes ont été constatées quant à l’assurance existante et quant à l’assurance proposée.

[55]        Cependant, le procureur de la plaignante admet qu’il ne s’agissait pas d’une situation où il y a eu un manque d’intégrité de la part du représentant, mais bien plutôt un manque de rigueur.

[56]        À titre d’élément subjectif, le procureur de la plaignante indiqua que l’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire, qu’il a enregistré un plaidoyer de culpabilité et qu’il n’y a eu aucun préjudice pécuniaire subi par les consommateurs.

[57]        Pour appuyer cette recommandation commune, le procureur de la plaignante réfère plus particulièrement aux décisions rendues dans les affaires Duvivier et Bouchard à son cahier d’autorités[1].

[58]        Il mentionna au comité qu’en vertu du principe de la globalité, il considérait qu’une réprimande serait la sanction appropriée dans les circonstances pour le chef numéro 2.

[59]        En ce qui concerne le chef numéro 3, le procureur de la plaignante réclama une radiation temporaire d’un (1) mois et la publication de ladite sanction.

[60]        Les raisons évoquées par le procureur de la plaignante pour que le comité rende une telle sanction sont les suivantes :

          Gravité objective de l’infraction;

          C’est en toute connaissance de cause que l’intimé a fait le faux, à savoir l’inscription de la fausse date sur le document;

          La dissuasion et l’exemplarité sont les critères les plus importants pour ce genre d’infraction;

          La protection du public nécessite une radiation;

          Il est vrai que le but de la sanction n’est pas de punir le professionnel, mais il est important que les pairs de l’intimé sachent que la commission de ce genre d’infraction implique une sanction sérieuse et importante.

[61]        Il réfère par la suite à la décision rendue dans l’affaire Ouimet[2] et à l’arrêt de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Marston[3].

[62]        Ces autorités référées par le procureur de la plaignante sont toutes à l’effet qu’une période de radiation est la sanction devant être imposée en matière de falsification.

[63]        En ce qui concerne la question des délais administratifs décrite au témoignage de M. Beaudoin et soulevée par le procureur de l’intimé, le procureur de la plaignante indiqua que ce témoignage décrit une multitude de possibilités au niveau des délais avant l’obtention de sa réinscription et que cette preuve est très aléatoire, hypothétique et aucunement pertinente en l’espèce.

[64]         Le procureur de la plaignante, dans les circonstances, indiqua que le comité ne peut tenir compte de cette preuve pour déterminer la sanction adéquate et pertinente devant être ordonnée dans le présent dossier.

[65]        Il termina en disant que le processus administratif prévu par la loi est normal et ne doit pas être tenu compte par le comité dans la détermination de la sanction appropriée.  À cet effet, il référa à la décision rendue par le Comité de discipline du Barreau dans l’affaire Henriet[4].

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE L’INTIMÉ

[66]        Tout d’abord, le procureur de l’intimé confirma la recommandation commune ci‑haut mentionnée relativement aux sanctions à être rendues concernant les chefs 1 et 2.

[67]        Pour ce qui est de la sanction pour le chef numéro 3, le procureur de l’intimé s’objecta à ce qu’une radiation soit ordonnée et suggéra plutôt au comité, soit une réprimande, une amende ou une suspension.

[68]        Le procureur de l’intimé indiqua au comité que la preuve faite par le témoignage de l’intimé est évidente à l’effet qu’il dispose d’un très faible revenu et que sa situation financière est telle que si une amende ou une radiation est ordonnée, la sanction du comité aura un caractère punitif évident, ce qui doit être évité selon les critères jurisprudentiels en matière de sanction.

[69]        En ce qui concerne la possibilité qu’une amende soit ordonnée sur le chef numéro 3, le procureur de l’intimé suggéra que ce soit une amende minimale et qu’il y ait un délai additionnel de douze (12) mois à celui réclamé pour le paiement de l’amende du chef numéro 1 faisant l’objet de la recommandation commune des procureurs des parties.

[70]        Au soutien de ses représentations, il déposa une série d’autorités[5].

[71]        Enfin, le procureur de l’intimé plaida, compte tenu de la preuve des délais administratifs inhérents en matière de demande de remise en vigueur d’un certificat,  qu’une suspension soit imposée à l’intimé plutôt qu’une radiation si le comité considère qu’il ne peut accepter sa suggestion d’une réprimande ou d’une amende.

[72]        Le procureur de l’intimé souligna que la contrefaçon faite par l’intimé n’avait pas le caractère aussi grave que les situations retrouvées dans la jurisprudence soumise par le procureur de la plaignante.

[73]        Le procureur de l’intimé prétendit, entre autres, qu’en l’espèce, la falsification de la date est moins grave que la falsification de la signature.

[74]        Il termina en disant que l’intimé avait reconnu sa culpabilité, qu’il avait clairement souligné au tribunal dans son témoignage qu’il regrettait amèrement son geste et qu’il comprenait l’importance de la faute qu’il avait commise.

[75]        Par conséquent, compte tenu de tous ces facteurs atténuants, il est d’opinion que le comité devrait faire montre de clémence à l’égard de l’intimé.

RÉPLIQUE DU PROCUREUR DE LA PLAIGNANTE

[76]        Le procureur de la plaignante indiqua au comité que la demande du procureur de l’intimé de tenir compte des délais administratifs et d’ordonner une suspension plutôt qu’une radiation pourrait selon lui constituer un dangereux précédent pour le comité, compte tenu des principes jurisprudentiels s’appliquant en l’espèce.

[77]        Il commenta aussi les différentes autorités produites par le procureur de l’intimé et réitéra sa demande de radiation en ce qui concerne le chef numéro 3.

REPRÉSENTATIONS DE LA PROCUREURE DE L’AMF

[78]        Elle commenta brièvement le témoignage de M. Beaudoin et réitéra les commentaires du procureur de la plaignante relativement au processus administratif relié à la demande de réinscription.

[79]        Elle mentionna que le processus administratif relié à la réinscription est réglementaire et normal.

[80]        Enfin, elle référa à deux (2) arrêts de la Cour d’appel du Québec concernant l’interprétation de certaines dispositions de la LDPSF[6].

ANALYSE ET MOTIFS

Les chefs 1 et 2

[81]        L’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire.

[82]        Selon l’attestation du droit de pratique produite au dossier (pièce P-1), il a débuté sa carrière en 2003.

[83]        Il est inscrit comme représentant d’assurance de personnes depuis le
18 novembre 2003 et de représentant de courtier en épargne collective depuis le
12 décembre 2005.

[84]        Au moment de la commission des infractions, il était alors le directeur d’une succursale dans l’ouest de Montréal et superviseur de douze (12) représentants tout en étant responsable de la conformité pour ladite succursale.

[85]        À sa version donnée aux enquêteurs (pièce P-11), il expliqua les circonstances et les raisons pour lesquelles il avait changé la date sur le document « Prior Notice of Replacement ».

[86]        Il reconnait aujourd’hui toute la gravité des infractions qu’il a commises et il regrette amèrement les avoir commises.

[87]        La gravité objective des infractions décrites aux chefs 1 et 2 est moins grande que celle du chef numéro 3 et cela n’est pas contesté par les procureurs des deux (2) parties.

[88]        En effet, le fait de ne pas avoir rempli correctement l’avis de remplacement et de ne pas l’avoir transmis dans un délai de cinq (5) jours est d’une gravité objective moins importante que la falsification de la date, tel que reproché au chef numéro 3.

[89]        De plus, aucun préjudice n’a été occasionné par la faute de l’intimé en ce qui concerne les chefs 1 et 2 et il n’en ressort aucune malveillance ni préméditation de sa part.

[90]        Par conséquent, le comité est d’accord avec la recommandation commune faite par les procureurs d’expérience occupant en l’espèce et le comité considère que dans les circonstances, il s’agit d’une recommandation raisonnable qui respecte les paramètres jurisprudentiels en pareille matière et qu’elle doit être suivie.

 

 

Le chef 3

[91]        En ce qui concerne l’infraction décrite au chef numéro 3, les positions des parties sont diamétralement opposées.

[92]        Avec tout le respect pour l’opinion contraire, le comité ne peut accepter la suggestion du procureur de l’intimé, laquelle laisse une discrétion au comité entre une réprimande, une amende ou une suspension.

[93]        Dans les faits, le comité considère que l’infraction reprochée est trop grave pour qu’une réprimande ou une amende soit imposée à l’intimé.

[94]        Le procureur de l’intimé a prétendu devant le comité qu’il y avait une distinction à faire entre la falsification d’une signature et celle d’une date comme dans le présent cas.

[95]        En effet, il a prétendu que celle de la signature est plus grave que celle de la date.

[96]        Il prétend que lorsqu’il y a une fausse signature, il y a habituellement preuve de mauvaise foi et malveillance alors que ce ne serait pas le cas de l’intimé.

[97]        Le comité ne peut accepter cette distinction, car bien que les raisons pour lesquelles le document n’avait pas été envoyé à l’intérieur du délai réglementaire aient été expliquées par l’intimé, on doit quand même comprendre que la fausse date avait été inscrite par l’intimé justement dans le but de couvrir son défaut de respecter le délai de cinq (5) jours.

[98]        Par conséquent, la fausse date, bien que non malveillante, a néanmoins été faite en toute connaissance de cause et afin de pallier un autre manquement de l’intimé.

[99]        Ainsi, l’intimé ne peut prétendre à une erreur, une absence de rigueur ou à une insouciance fautive.

[100]     Au contraire, le comité est d’opinion que la falsification a été faite sciemment et en toute connaissance de cause afin de corriger et couvrir un autre manquement de sa part.

[101]     Un autre élément important qui, selon le comité, rend la commission de l’infraction plus grave est la position d’autorité que détenait l’intimé à sa succursale au moment de la commission de ladite infraction.

[102]     En effet, la preuve démontre que depuis 2008, il a agi à titre de superviseur de douze (12) représentants à cette succursale et en est de plus le responsable au niveau de la conformité.

[103]     Le comité est d’opinion que de rendre une sanction d’amende ou de réprimande pour ce genre de manquement banaliserait l’infraction de falsification et plus particulièrement, quand elle est commise par celui qui supervise un groupe de professionnels et qui doit s’assurer de la conformité dans la succursale dont il est responsable.

[104]     Dans les circonstances, le comité ne peut accepter la suggestion d’amende et encore moins de réprimande faite par le procureur de l’intimé relativement au chef numéro 3.

[105]     Passons maintenant à la troisième suggestion faite par le procureur de l’intimé, à savoir une suspension plutôt qu’une radiation.

[106]     Encore là, le comité ne peut accepter la suggestion faite par le procureur de l’intimé pour les raisons suivantes.

[107]     Tout d’abord, le comité considère que, de façon générale, le processus administratif n’a pas à être pris en considération pour déterminer la sanction adéquate à être rendue par le décideur en matière disciplinaire.

[108]     Le processus administratif est un processus différent du processus disciplinaire.

[109]     À cet effet, le comité réfère au passage suivant de la décision rendue dans l’affaire Henriet, ci-haut citée[7]:

« [75]     En suggérant des périodes de radiation temporaire de trois (3) mois et un (1) jour, le syndic plaignant soumet que ce faisant, l’intimé sera obligé de présenter une requête en réinscription au tableau de l’Ordre suivant le dispositif des articles 70 et suivants de la Loi sur le Barreau s’il veut reprendre l’exercice de la profession.

[76]        À ce chapitre, le Conseil fait siens les propos d’une autre division du Conseil de discipline du Barreau dans l’affaire Bigaouette c. de Merchant, 2011 QCCDBQ 028, lorsque le Conseil affirme :

« (…)

[84]     De l’avis du Conseil, le seul exercice auquel il doit se prêter, lorsque vient le temps d’imposer une sanction à l’avocat déclaré coupable d’une contravention à ses obligations déontologiques, est d’imposer la sanction la plus juste et appropriée en prenant en compte l’ensemble des circonstances mises en preuve et non le fait que l’avocat ainsi sanctionné devra se soumettre à la requête en réinscription. » [nos soulignés]

[110]     De plus, sous réserve de ce qui précède, la preuve présentée devant le comité relativement aux délais administratifs est, de toute façon, trop aléatoire, hypothétique et aucunement concluante quant aux délais auquel pourrait faire face l’intimé advenant une radiation dans le présent dossier.

[111]     Enfin, la jurisprudence en matière disciplinaire a toujours décidé que la radiation et non la suspension ou la limitation est la sanction adéquate lorsqu’il s’agit d’une infraction disciplinaire grave qui est de l’essence de la profession.

[112]     Ainsi, le Tribunal des professions dans l’affaire Atkinson c. Infirmiers et Infirmières (Ordre professionnel des)[8] a décidé que :

« Les principes mis de l’avant par le Tribunal, en ce qui concerne la sanction d’une faute qui va à l’essence de la profession, est l’imposition d’une radiation. »

[113]     Le comité considère qu’en l’espèce l’infraction reprochée est de l’essence même des activités d’un représentant, à savoir sa probité et que la gravité objective de l’infraction reprochée à l’intimé au chef numéro 3 est telle qu’il serait déraisonnable d’octroyer une sanction autre que celle de radiation.

[114]     Dans les circonstances, le comité considère qu’une suspension ne peut être imposée à l’intimé et qu’au contraire, une radiation s’impose.

[115]     Le comité reconnaît qu’en l’espèce, il s’agit de la part de l’intimé d’une infraction isolée de contrefaçon à l’endroit d’un seul client et qu’il n’y avait pas d’intention malveillante de sa part même s’il n’en demeure pas moins que l’intimé a commis l’infraction pour tenter de corriger son défaut de respecter le délai de cinq (5) jours.

[116]     Les sanctions devant être déterminées en fonction des faits propres au dossier et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs qui lui ont été soumis, le comité est d’opinion que la condamnation de l’intimé à une radiation temporaire d’un (1) mois pour le chef numéro 3 est, en l’espèce, une sanction juste, raisonnable et respectueuse des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

[117]     Le comité imposera donc à l’intimé une telle sanction d’un (1) mois de radiation temporaire concernant le chef numéro 3.

[118]     De plus, le comité ordonnera, aux frais de l’intimé, la publication de la présente décision et condamnera ce dernier au paiement des déboursés.

 

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous chacun des trois (3) chefs d’accusation contenus à la plainte;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée séance tenante sous les chefs d’accusation mentionnés à la plainte;

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $ sur le chef d’accusation numéro 1;

IMPOSE à l’intimé une réprimande sur le chef d’accusation numéro 2;

CONDAMNE l’intimé à une radiation temporaire d’un (1) mois sur le chef d’accusation numéro 3;

ACCORDE à l’intimé un délai de douze (12) mois pour effectuer le paiement de ladite amende;

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions (RLRQ, c. C‑26);

 

 

 

CONDAMNE l’intimé au paiement des débours conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

 

 

(s) Claude Mageau __________________

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

 

 

(s) Jean-Michel Bergot________________

M. JEAN-MICHEL BERGOT

Membre du comité de discipline

 

 

 

(s) Louis-George Boily________________

M. LOUIS-GEORGE BOILY, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Véronique Poirier et Me François Montfils

Therrien Couture Avocats s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me René Vallerand

Donati Maisonneuve s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

 

Dates d’audience :

17 décembre 2014 et 30 mars 2015

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

 

 

 



[1] Thibault c. Duvivier, Décision corrigée sur culpabilité et sanction rendue le 26 août 2008, CD00-0688; Lelièvre c. Bouchard, Décision sur culpabilité et sanction rendue le 6 février 2004, CD00-0986.

[2] Lelièvre c. Ouimet, Décision sur culpabilité et sanction rendue le 7 juillet 2014, CD00‑1009.

[3] Marston c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCA 2178.

[4] Barreau du Québec (syndic) c. Henriet, 2013 QCCDBQ, 041.

[5] Rioux (ès qualité) c. Belvin, 2002 CanLII 49163 (QC CDCSF), Décision sur culpabilité et sanction rendue le 27 septembre 2002; Champagne (ès qualité) c. Côté, CD00-0837,  Décision sur culpabilité et sanction rendue le 5 avril 2011; Champagne (ès qualité) c. Deguire, CD00-0830 et CD00-0870, Décision sur culpabilité rendue le 1er février 2012, Décision sur sanction rendue le 4 décembre 2012; Thibault (ès qualité) c. Abbey, CD00-0750, Décision sur culpabilité rendue le 12 octobre 2010, Décision sur sanction rendue le 14 septembre 2011.

[6] Bruni c. Autorité des marchés financiers, 2011 QCCA 994 (CanLii); Bastrocola c. Autorité des marchés financiers, 2011 QCCA 995 (CanLII).

[7] Op. cit., 4.

[8] [1997] CanLII (QC TP), p. 21.

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