Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Lacasse

2016 QCCDCSF 29

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1063

 

DATE :

20 juillet 2016

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Claude Mageau

Président

M. Benoit Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

 

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre

_____________________________________________________________________

 

LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

JEAN-FRANÇOIS LACASSE (Certificat numéro 187852)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-diffusion et non-publication des pièces et de tout renseignement ou information qui pourraient permettre d’identifier les consommateurs mentionnés dans la présente décision.

[1]           Le 21 mai 2015, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo‑Pariseau, 26e étage, Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 29 mai 2014, ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.         Dans la province de Québec, le ou vers le 29 août 2011, l’intimé a soumis la proposition numéro […] à l’insu de M.-A. C., contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.7.1);

 

2.         Dans la province de Québec, le ou vers le 1er juin 2012, l’intimé a soumis la proposition numéro […] pour J.S. et S.R., des personnes fictives, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.7.1);

 

3.         Dans la province de Québec, le ou vers le 8 novembre 2011, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de D.N. et B.F., alors qu’il leur faisait soumettre une demande de modification de leur police d’assurance vie […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 10);

 

4.         Dans la province de Québec, le ou vers le 8 novembre 2011, l’intimé a recommandé une police d’assurance vie qui ne correspondait pas à la situation financière de D.N. et B.F. alors qu’il leur faisait soumettre une demande de modification de leur police d’assurance vie […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2),12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

 

5.         Dans la province de Québec, entre le 15 décembre 2011 et le 6 février 2012, l’intimé n’a pas assuré le suivi nécessaire quant au rachat de la police […] émise à D.N. et B.F., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 12, 23 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.7.1);

 

 

 

6.         Dans la province de Québec, le ou vers le 1er juin 2012, l’intimé a soumis la proposition numéro […] pour J.S., une personne fictive, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.7.1);

 

7.         Dans la province de Québec, le ou vers le 1er juin 2012, l’intimé a soumis la proposition numéro […] pour S.R., une personne fictive, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.7.1).

[2]           La plaignante est alors représentée par Me Jean-François Noiseux et l’intimé par Me Jean-Claude Dubé.

[3]           À l’ouverture de la séance, le procureur de la plaignante demande au comité la permission de retirer le chef 4 de la plainte au motif que la plaignante considère qu’elle ne peut pas remplir son fardeau de preuve relativement à ce chef.

[4]           Le comité accueille la demande du procureur de la plaignante et procède au retrait du chef 4 de la plainte.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[5]           Le procureur de l’intimé informe par la suite le comité que l’intimé plaide coupable de la façon suivante quant aux chefs d’accusation demeurant à la plainte :

          Quant au chef 1, il plaide coupable en vertu de l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

          Quant au chef 2, il plaide coupable en vertu de l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

          Quant au chef 3, il plaide coupable en vertu de l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants;

          Quant au chef 5, il plaide coupable en vertu de l’article 23 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

          Quant au chef 6, il plaide coupable en vertu de l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

          Quant au chef 7, il plaide coupable en vertu de l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[6]           Le comité s’est assuré par la suite auprès de l’intimé qu’il comprenait bien le sens de son plaidoyer et les conséquences de celui-ci.

[7]           À la suggestion du comité, le procureur de la plaignante lui explique brièvement les circonstances de la présente affaire et, à cet effet, il produit les pièces P-1 à P-9.

[8]           Après avoir suspendu l’audience et pris connaissance sommairement des pièces produites par le procureur de la plaignante, le comité trouve l’intimé coupable comme suit :

        Quant au chef 1, coupable en vertu de l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et ordonna l’arrêt des procédures sur l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

          Quant au chef 2, coupable en vertu de l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et ordonna l’arrêt des procédures sur l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

          Quant au chef 3, coupable en vertu de l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants et ordonna l’arrêt des procédures sur les articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

          Quant au chef 5, coupable en vertu de l’article 23 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et ordonna l’arrêt des procédures sur les articles 12, 23 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

          Quant au chef 6, coupable en vertu de l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et ordonna l’arrêt des procédures sur l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

          Quant au chef 7, coupable en vertu de l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et ordonna l’arrêt des procédures sur l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

PREUVE DES PARTIES

[9]           Le procureur de la plaignante indique au comité qu’il n’a pas de témoin à faire entendre sur sanction et qu’il s’en remet aux pièces produites P-1 à P-9 ci-haut mentionnées et aux explications déjà présentées au comité.

[10]        Essentiellement, cette preuve est à l’effet que l’intimé, quant aux chefs 1, 2, 6 et 7, a créé des propositions d’assurance-vie fictives pour pouvoir bénéficier d’avances sur commissions de la part de son employeur Industrielle Alliance.

[11]        Ces opérations fictives et mensongères lui ont permis d’obtenir ces avances pour couvrir ses besoins financiers.

[12]        Selon la politique de l’entreprise, si à l’intérieur d’un délai de quatre-vingt-dix (90) jours la proposition n’est pas acceptée, alors l’avance est annulée et l’employeur débite pour autant le compte du conseiller.

[13]        Toujours en vertu de ladite politique, si au contraire, la proposition est acceptée et la police d’assurance-vie est émise, alors le solde de la commission due est versé au conseiller.

[14]        Il semblerait que cette pratique n’existe pas ailleurs dans l’industrie où le paiement des commissions au conseiller n’est fait que lorsque la proposition d’assurance est acceptée.

[15]        Pour ce qui est du chef 3, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et n’a pas procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de ses clients.

[16]        En ce qui concerne le chef 5, il est reproché à l’intimé de ne pas avoir assuré le suivi nécessaire quant au rachat de la police y mentionnée, en ce qu’il ne retournait pas les appels de ses clients, qui voulaient en connaître plus sur les conséquences advenant le rachat de la police d’assurance décrite au paragraphe 5.

[17]        Quant au procureur de l’intimé, celui-ci informe le comité qu’il avait deux (2) témoins à faire entendre sur sanction, soit tout d’abord l’intimé et, par la suite, un représentant de son employeur, M. Denis Duchesneau.

TÉMOIGNAGE DE L’INTIMÉ

[18]        L’intimé dépose les pièces I-1 à I-4 au soutien de son témoignage.

[19]        Il a débuté avec Industrielle Alliance en mars 2010, alors qu’il avait vingt-trois (23) ans et il a œuvré dans ce cabinet jusqu’en mai 2012, où il a dû cesser son emploi suite aux événements reprochés à la plainte disciplinaire et après qu’on lui eut demandé de démissionner, ce qu’il a alors fait sans contestation de sa part.

[20]        Il indique qu’il n’a aucun antécédent disciplinaire.

[21]        Il explique par la suite au comité qu’au moment du premier incident faisant l’objet du chef 1, soit en août 2011, il était déjà à l’emploi d’Industrielle Alliance depuis un (1) an.

[22]        Il avait alors le statut de travailleur autonome à la succursale de Magog.

[23]        Ayant un manque de liquidités au niveau de ses finances personnelles, il a créé intégralement un compte fictif détenu par une personne fictive et il soumit alors une proposition d’assurance qui lui a permis d’avoir une avance à partir du fonds d’accumulation des propositions qui existait chez son employeur.

[24]        Il pouvait ainsi bénéficier de cette avance pour une période de quatre-vingt-dix (90) jours.

[25]        Il prétend que cette façon irrégulière de procéder était courante et tolérée par la direction de l’entreprise.

[26]        Il indique aussi qu’il avait un train de vie élevé alors qu’il commençait sa carrière et que celle-ci prenait de l’expansion.

[27]        Il explique par la suite les circonstances des infractions décrites aux chefs 2, 6 et 7 qui sont des faits similaires au chef 1, mais qui ont eu lieu un (1) an après, soit en juin 2012.

[28]        Il a alors utilisé exactement le même modus operandi que pour le chef 1.

[29]        Il était alors à nouveau dans une situation financière délicate, plus particulièrement en ce qu’il avait besoin de fonds pour acquitter des impôts qui étaient alors dus.

[30]        La création de ces trois (3) propositions différentes lui a permis d’obtenir 1 700 $ d’avance et ainsi acquitter les impôts dus.

[31]        Il mentionne au comité que toutes ces avances ont été remboursées à son employeur et qu’aucun consommateur n’a été lésé par ses manquements disciplinaires.

[32]        Il indique par la suite au tribunal qu’il était alors très jeune et qu’il ne réalisait pas toutes les implications d’un tel comportement déviant.

[33]        En ce qui concerne les chefs 3 et 5, il déclare qu’il avait rencontré une première fois les consommateurs et avait obtenu les détails relatifs à leur situation financière.

[34]        Il reconnaît cependant qu’il n’avait pas effectué complètement l’analyse de leurs besoins financiers avant que ses clients appliquent pour leur proposition d’assurance.

[35]        Il indique que les consommateurs n’ont finalement pas été lésés financièrement par ses défauts mentionnés aux chefs 3 et 5 étant donné que ceux-ci furent remboursés à partir de son fonds d’avances pour la somme de 1 162,41 $ correspondant à la somme payée en trop par les clients en ce qui concerne leur prime d’assurance-vie.

[36]        Il informe le comité que la fin de son emploi avec Industrielle Alliance a eu un impact extrêmement important pour lui en ce qu’il a perdu son boni annuel à venir pour l’année 2012, n’a pas pu récupérer le boni pour l’année 2011 et qu’il a évidemment perdu toute sa clientèle.

[37]        Il mentionne aussi au comité qu’il n’a jamais tenté de nier les faits lorsqu’il a rencontré l’enquêteur de la plaignante.

[38]        Par la suite, l’intimé explique au comité qu’après son départ d’Industrielle Alliance, il a été à l’emploi de M. Robert Beauchamp, un courtier en assurance de personnes situé à Lachine.

[39]        Il mentionne aussi au comité que l’Autorité des marchés financiers (« l’AMF ») lui a imposé en novembre 2012 des conditions de pratique.

[40]        Conformément auxdites conditions, M. Beauchamp a agi à titre de superviseur de l’intimé jusqu’en avril 2014.

[41]        Ces conditions imposées par l’AMF sont à l’effet que pour une période de cinq (5) ans, il ne peut être dirigeant ou administrateur de l’entité où il agit à titre de représentant et que, pour une période de deux (2) ans, il doit exercer ses activités sous la responsabilité d’une personne nommée par le dirigeant responsable du cabinet auquel il est rattaché.

[42]        Il indiqua que chez Centre Financier Carrefour, M. Denis Duchesneau a agi à titre de superviseur.

[43]        En avril 2014, il a quitté le cabinet de M. Beauchamp pour se joindre à Centre Financier Carrefour.

[44]        Il indique que la seule condition de l’AMF qui est toujours en vigueur est celle qui l’oblige pour une période de cinq (5) ans à exercer ses activités à titre de représentant pour un ou des cabinets dont il n’est pas dirigeant responsable ou administrateur (voir pièce P-1).

[45]        Finalement, l’intimé explique au comité qu’il a maintenant beaucoup plus d’expérience qu’il en avait au tout début de sa carrière avec Industrielle Alliance, qu’il a changé énormément et qu’il est extrêmement heureux de la pratique qu’il fait actuellement.

[46]        Il mentionne que sa clientèle apprécie grandement ses services.

[47]        Il termine en indiquant au comité que cet épisode dans sa vie professionnelle l’a amené à réaliser comment la pratique est un privilège et qu’elle doit nécessairement être exercée selon les règles de l’art.

[48]        En contre-interrogatoire par le procureur de la plaignante, l’intimé reconnaît qu’il avait, au moment des incidents, un train de vie au-dessus de ses moyens, ce qui fut propice à la commission des infractions reprochées.

TÉMOIGNAGE DE M. DENIS DUCHESNEAU

[49]        Celui-ci indique au comité qu’il est directeur du Centre Financier Carrefour, qui est un cabinet de services financiers et de planification financière.

[50]        Il indique que l’entreprise a vingt (20) représentants en épargne collective et une trentaine en assurance de personnes.

[51]        Il mentionne au comité que l’intimé lui fut présenté par un représentant de la SSQ au printemps 2014.

[52]        Lors de l’entrevue avec ce dernier, M. Duchesneau a constaté immédiatement le potentiel de développement de l’intimé.

[53]        Lors de cette entrevue initiale, celui-ci lui dévoila immédiatement les manquements faisant l’objet de la présente plainte et aussi les conditions à sa pratique imposées par l’AMF.

[54]        Il déclare au comité qu’il continue de vérifier les analyses de besoins financiers de l’intimé, et ce, même si la condition de superviser l’intimé qui avait été imposée par l’AMF, n’est plus en vigueur.

[55]        Il mentionne que selon lui, l’intimé a un talent certain pour l’assurance et une facilité pour vulgariser auprès des clients les éléments techniques de l’assurance.

[56]        Il a constaté sur le plan personnel le dynamisme et l’envergure de l’intimé.

[57]        L’intimé lui a mentionné vouloir développer sa propre clientèle et avoir des représentants qui vont travailler pour lui.

[58]        Le témoin mentionne finalement au comité que les valeurs préconisées à son cabinet, soit loyauté, franchise et transparence, sont bien présentes chez l’intimé.

[59]        Au niveau professionnel, il indique que l’intimé est très novateur et que les clients sont très à l’aise avec lui.

[60]        Enfin, il est d’opinion que l’intimé a une carrière exceptionnelle devant lui et qu’une radiation aurait des conséquences très néfastes sur sa carrière.

[61]        Une telle radiation constituerait non seulement une perte financière pour le cabinet, mais entraînerait aussi une perte de motivation pour le reste de son personnel.

[62]        Il indique que si l’intimé n’a pas une courte radiation d’un (1) ou deux (2) mois, il doute que l’intimé restera dans le domaine de l’assurance.

[63]        Il rassure à nouveau le comité en lui précisant qu’il continuera à agir à titre de mentor de l’intimé et que celui-ci bénéficierait d’un encadrement exemplaire à son cabinet.

[64]        Enfin, en contre-interrogatoire, M. Duchesneau indique au comité qu’il n’a jamais remis en question l’honnêteté de l’intimé et ce, nonobstant la nature des infractions présentement devant le comité.

 

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE LA PLAIGNANTE

[65]        Le procureur de la plaignante suggère au comité pour les chefs 1, 2, 6 et 7 de la plainte, une radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux (2) ans à être purgée de façon concurrente de même qu’une condamnation aux débours conformément à l’article 151 du Code des professions.

[66]        En ce qui concerne le chef 3, sa recommandation est une amende de 5 000 $ et le paiement des débours.

[67]        Pour le chef 5, sa recommandation est une amende de 2 000$ et le paiement des débours.

[68]        Il indique au comité ce qu’il considère être les facteurs aggravants dans le présent cas :

          L’intimé vivait au-dessus de ses moyens financiers;

          Un niveau de préméditation important dans la commission des infractions;

          Une répétition un (1) an plus tard du même manquement extrêmement grave;

          L’existence d’une intention malhonnête de la part de l’intimé;

          Aucun préjudice financier pour les consommateurs, mais néanmoins un stress évident causé aux clients en ce qui concerne les chefs 3 et 5.

[69]        Par la suite, il suggéra les facteurs atténuants suivants :

          L’intimé a dû subir des conditions temporaires d’exercer de la part de l’AMF;

          Aucun préjudice occasionné ni à l’assureur, ni au consommateur;

          L’intimé était jeune et sans expérience au moment de la commission des infractions;

          L’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire;

          Il a admis spontanément les faits reprochés et n’a pas tenté de minimiser sa faute;

          L’existence de remords et une volonté d’améliorer sa pratique professionnelle.

[70]        Il mentionne qu’actuellement, l’intimé est toujours actif et il est impossible de savoir s’il y a des risques de récidive.

[71]        Le procureur de la plaignante indique que les infractions décrites aux chefs 1, 2, 6 et 7 sont d’une telle gravité que le comité se doit d’imposer une radiation à l’intimé.

[72]        Par la suite, il réfère à une liste d’autorités[1], plus précisément à la décision du comité rendue dans l’affaire Platis où suite à une recommandation commune des procureurs des parties, une radiation de trois (3) ans a été ordonnée par le comité.

[73]        Le procureur de la plaignante mentionne que dans le cas de Platis, l’intimé n’avait jamais admis les faits comme en l’espèce, mais avait en plus tenté d’entraver l’enquête du syndic, ce qui explique sa position de réclamer en l’espèce une radiation de deux (2) ans et non pas trois (3) ans comme dans l’affaire Platis.

[74]        Le procureur de la plaignante mentionne que la jurisprudence similaire en matière de création fictive de comptes et de propositions d’assurance est à l’effet que la dissuasion et l’exemplarité s’imposent comme critère d’application de sanction.

[75]        Il réitère à nouveau le fait que les infractions mentionnées aux chefs 1, 2, 6 et 7 sont extrêmement graves étant donné qu’elles sont préméditées et démontrent sans aucun doute un élément de malhonnêteté.

[76]        Enfin, il réclame le paiement des amendes ci-haut mentionnées de 5 000 $ pour le chef 3 et de 2 000 $ pour le chef 5 et pour ce faire, réfère aux autorités soumises[2] qui confirment que cette suggestion est dans les normes jurisprudentielles existant en la matière.

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE L’INTIMÉ

[77]        Le procureur de l’intimé débute ses représentations en indiquant que la situation de l’intimé doit être remise dans son contexte et qu’il est extrêmement important de tenir compte des faits subjectifs, plus particulièrement que l’intimé au moment de la commission des infractions reprochées n’avait alors que vingt-trois (23) ans et qu’il était un jeune représentant bénéficiant alors de son premier emploi dans un important cabinet ayant des règles internes particulières relativement aux avances sur commissions.

[78]        Le procureur de l’intimé prétend que la préméditation montrée par l’intimé dans la commission des chefs 1, 2, 6 et 7 n’était pas une préméditation classique, mais beaucoup plus causée par la trame factuelle existante qui faisait en sorte que son employeur tolérait une telle pratique au niveau des avances sur les propositions d’assurance.

[79]        Il mentionne que lors des deux (2) occasions où il a commis ce genre d’infraction, les problèmes financiers de l’intimé en étaient la cause.

[80]        Il suggère au comité que la réhabilitation de l’intimé ne peut être mise en doute étant donné qu’au tout début de l’enquête, il a admis ses torts à l’enquêteur de la plaignante et qu’il n’a jamais tenté de nier son implication.

[81]        Le procureur de l’intimé a par la suite distingué les autorités soumises par le procureur de la plaignante (Platis et Philippon) en indiquant que dans ces deux (2) cas, les intimés avaient montré une désinvolture évidente face à la commission des infractions reprochées et à l’enquête du syndic concernant celles-ci.

[82]        Il indique que dans le présent cas, au contraire, la preuve démontre sans l’ombre d’un doute que l’intimé reconnaît ses torts et qu’il a la ferme intention de ne pas récidiver.

[83]        Par la suite, le procureur de l’intimé suggère les facteurs atténuants suivants :

          L’absence d’antécédent disciplinaire;

          Le jeune âge de l’intimé;

          L’expérience professionnelle limitée de celui-ci;

          Sa reconnaissance immédiate des faits;

          L’absence d’intention de frauder ou de malversation étant donné qu’il était assuré que la compagnie récupérait l’avance faite à l’intimé une fois que la police d’assurance ne serait pas acceptée à l’intérieur du délai de quatre‑vingt-dix (90) jours;

          L’absence de préjudice à la fois à l’assureur et aux consommateurs;

          La franchise et la pleine collaboration de la part de l’intimé;

          La reconnaissance par l’intimé qu’il vivait au‑dessus de ses moyens;

          La très faible chance de récidive;

          L’existence de conditions émises par l’AMF, lesquelles ont été respectées de façon impeccable par l’intimé;

          L’intimé n’est pas un professionnel qui ternit l’image de la profession et il est voué à un bel avenir;

          Le représentant de l’employeur de l’intimé prend le temps de venir témoigner de sa confiance et de son soutien à l’intimé.

[84]        Le procureur de l’intimé suggère que le critère d’exemplarité doit parfois être pondéré en fonction des faits existants dans chaque dossier comme en l’espèce, compte tenu du dossier exceptionnel de l’intimé.

[85]        Par la suite, le procureur de l’intimé dépose une série d’autorités au soutien de ses représentations[3].

[86]        Compte tenu de tout ce qui précède, le procureur de l’intimé suggère pour les chefs 1, 2, 6 et 7 l’imposition d’amendes ou d’une courte période de radiation avec un long délai pour permettre à l’intimé de payer les amendes si de telles amendes sont imposées par le comité.

[87]        Il mentionne que si le comité est plutôt d’opinion qu’il doit y avoir une période temporaire de radiation, il propose que cela soit pour une période d’un (1) mois.

[88]        En ce qui concerne le chef 5, il est d’accord avec la suggestion faite par le procureur de la plaignante pour une amende de 2 000 $.

[89]        Pour le chef 3, il s’objecte à la demande faite par le procureur de la plaignante pour une amende de 5 000 $, et prétend plutôt que l’amende minimale devrait être imposée, soit la somme de 2 000 $.

[90]        Pour ce qui est du délai de payer les amendes et les déboursés, il suggère une période de vingt-quatre (24) mois.

ANALYSE ET MOTIFS

[91]        L’intimé est maintenant âgé de vingt-huit (28) ans.

[92]        Au moment de la commission des infractions reprochées, en 2011, il avait donc vingt-trois (23) ans et il détenait un certificat à titre de représentant en assurance de personnes depuis le 30 juillet 2010.

[93]        Il avait environ un (1) an d’expérience à titre de représentant au moment de la commission des infractions.

[94]        Les infractions reprochées à l’intimé aux chefs 1, 2, 6 et 7 sont extrêmement graves.

[95]        En effet, elles démontrent de la part de l’intimé une préméditation sans équivoque pour créer entièrement des comptes de clients et des propositions d’assurance fictives.

[96]        Le comportement de l’intimé est d’autant plus grave qu’il a récidivé près d’un (1) an après la première infraction décrite au chef 1.

[97]        En effet, le 1er juin 2012, il commet à nouveau le même genre d’infraction, et ce pour trois (3) autres clients fictifs (chefs 2, 6 et 7).

[98]        Les infractions décrites aux chefs 3 et 5 sont d’une gravité objective moins grande que celles reprochées aux chefs 1, 2, 6 et 7.

[99]        L’intimé expliqua qu’au moment de la commission des infractions, il était en manque de liquidités au niveau de ses finances personnelles.

[100]     L’intimé a témoigné à l’effet que ce stratagème permettant d’obtenir des avances sur commissions en créant de telles situations fictives était bien connu de ses collègues de travail et qu’il était même toléré par la direction du cabinet.

[101]     Le procureur de l’intimé, vu le dossier personnel extrêmement positif de l’intimé, suggère au comité de lui imposer une amende ou une courte période de radiation en ce qui concerne les sanctions pour les chefs 1, 2, 6 et 7.

[102]     Tout en reconnaissant les éléments très positifs du dossier de l’intimé et avec tout le respect pour l’opinion contraire, le comité ne peut se rendre à la suggestion du procureur de l’intimé.

[103]     Le comité est d’opinion que ces infractions sont d’une gravité objective telle que les critères d’exemplarité et de dissuasion doivent primer pour ce genre d’infraction, et ce, nonobstant les éléments subjectifs favorables à l’intimé.

[104]     Le comité considère que les autorités citées par le procureur de l’intimé ne sont pas applicables en l’espèce compte tenu que les faits dans le présent dossier démontrent que l’intimé a plus d’une fois créé intégralement une situation inexistante et fausse et l’a soumise à son employeur.

[105]     Il est vrai qu’il n’y a eu aucun préjudice financier pour à la fois l’assureur, l’employeur et les consommateurs, en ce que l’employeur a été remboursé par les avances faites à l’intimé pour les chefs 1, 2, 6 et 7 et que relativement aux chefs 3 et 5, l’intimé a lui-même remboursé aux consommateurs la somme de 1 162 $ correspondant à des primes payées en trop par ces derniers.

[106]     D’ailleurs, à ce sujet, le comité souligne la bonne foi de l’intimé qui a, suite à la plainte faite à son employeur par les consommateurs (pièce P-7), sans aucune hésitation, reconnu par écrit sa responsabilité et s’est engagé à rembourser ladite somme à ses clients (pièce P-8).

[107]     Le comité tiendra aussi compte du fait que l’intimé semble bien encadré avec son employeur actuel, qu’il a été soumis à des conditions temporaires par l’AMF et qu’il les a respectées.

[108]     Le comité reconnaît aussi que l’intimé a admis ses fautes à l’enquêteur de la plaignante, sans aucune hésitation, qu’il était jeune au moment de la commission des infractions et qu’il n’a aucun antécédent disciplinaire.

[109]     Tous ces éléments subjectifs favorables à l’intimé amènent le comité à ne pas suivre non plus la suggestion du procureur de la plaignante qui réclame une radiation temporaire de deux (2) ans pour les infractions contenues aux chefs 1, 2, 6 et 7, laquelle il considère trop sévère dans les circonstances.

[110]     Le comité considère aussi que la sanction en l’espèce doit néanmoins être dissuasive vis-à-vis les membres de la profession, tout en demeurant raisonnable pour l’intimé.

[111]     Le comité souligne que l’objectif de la sanction disciplinaire, comme maintes fois reconnu par les tribunaux, n’est pas de punir le professionnel, mais d’assurer la protection du public[4].

[112]     Dans les circonstances, le comité considère que des radiations temporaires pour une période d’un (1) an à être purgées de façon concurrente pour les chefs 1, 2, 6 et 7 sont dans les circonstances les sanctions appropriées.

[113]     En ce qui concerne les chefs 3 et 5, le comité accepte les suggestions faites par le procureur de la plaignante et imposera donc à l’intimé respectivement une amende de
5 000 $ pour le chef 3 et 2 000 $ pour le chef 5.

[114]     L’intimé sera également condamné au paiement des déboursés, lesquels, bien que ne constituant pas une sanction, font partie des éléments dont le comité doit tenir compte au niveau de la détermination de la sanction adéquate à être ordonnée.

[115]     Le comité accordera à l’intimé un délai de dix-huit (18) mois pour le paiement desdites amendes et des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE l’autorisation de retrait par la plaignante du chef d’accusation 4 contenu à la plainte;

PREND ACTE À NOUVEAU du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé sur les chefs d’accusation 1, 2, 3, 5, 6 et 7 contenus à la plainte;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée à l’audience, à savoir :

          Quant au chef 1, coupable en vertu de l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

          Quant au chef 2, coupable en vertu de l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

          Quant au chef 3, coupable en vertu de l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants;

          Quant au chef 5, coupable en vertu de l’article 23 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

          Quant au chef 6, coupable en vertu de l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

          Quant au chef 7, coupable en vertu de l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

RÉITÈRE l’arrêt des procédures prononcé à l’audience, à savoir :

          Quant au chef 1, sur l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

          Quant au chef 2, sur l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

          Quant au chef 3, sur les articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

          Quant au chef 5, sur l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

          Quant au chef 6, sur l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

          Quant au chef 7, sur l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

 

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

ORDONNE quant aux chefs 1, 2, 6 et 7 la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un (1) un an comme membre de la Chambre de la sécurité financière à être purgée de façon concurrente pour chacun desdits chefs;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sur le chef d’accusation 3 de la plainte;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $ sur le chef d’accusation 5;

ORDONNE au secrétaire du Comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, RLRQ, c. C‑26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, c. C-26;

ACCORDE à l’intimé un délai de dix-huit (18) mois de la date de la présente décision sur culpabilité et sanction pour le paiement des amendes et des déboursés ci-haut mentionnés.

 

 

 

 

 

(s) Claude Mageau___________________

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

 

(s) Benoît Bergeron___________________

M. BENOIT BERGERON, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

(s) Gisèle Balthazard_________________

Mme GISÈLE BALTHARZARD, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

Me Jean François Noiseux

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Jean-Claude Dubé

Procureur de la partie intimée

 

 

Date d’audience :

21 mai 2015

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Champagne c. Platis, CD00-0882, 16 avril 2012 (C.D.C.S.F.);  Champagne c. Philippon, CD00-1011, 18 novembre 2014 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Charbonneau, CD00-0858, 22 janvier 2013 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Dubois, CD00-0969, 9 octobre 2013 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Di Salvo, CD00-0970, 26 novembre 2013 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Tran, CD00-0784, 23 septembre 2010 (C.D.C.S.F.).

[2] Op.cit.1.

[3] Chambre de la sécurité financière c. Bruneau, 2014 CanLII 69105 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Couture, [2014] AZ-51099969 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Platis, 2012 CanLII 97175 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Philippon, 2014 CanLII 36421 (QC CDCSF); Avocats (Ordre professionnel des) c. Drolet-Savoie, 2014 QCTP 115.

[4] Pigeon c. Daigneault, [2003] R.J.Q. 1090 (QC CA).

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