Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Villeneuve

2016 QCCDCSF 32

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1170

 

DATE :

29 juillet 2016

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Stéphane Prévost, A.V.C.

Membre

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

LIONEL VILLENEUVE, conseiller en sécurité financière et conseiller en assurance et rentes collectives (certificat numéro 134335)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 10 mai 2016, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal, province de Québec, H2X 4B8, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       Dans la province de Québec, le ou vers le 15 octobre 2012, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de F.B., alors qu’il lui faisait souscrire la police d’assurance invalidité numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r.10) ;

2.          Dans la province de Québec, le ou vers le 15 avril 2013, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de F.B., alors qu’il lui faisait souscrire la police d’assurance vie numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 6 et 22(1) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r.10) ;

3.          Dans la province de Québec, le ou vers le 15 avril 2013, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de A.P., alors qu’il lui faisait souscrire la police d’assurance vie numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 6 et 22(1) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c.D-9.2, r.10). »

[2]           D’entrée de jeu, l’intimé, accompagné de son avocat, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’égard de chacun des trois chefs d’accusation contenus à la plainte.

[3]           La plaignante, par l’entremise de sa procureure, versa ensuite au dossier une preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-5, à la suite de quoi les parties exposèrent au comité le contexte factuel rattaché aux infractions.

DÉCLARATION DE CULPABILITÉ

[4]           Puis, après révision de la preuve documentaire et compte tenu du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé, le comité déclara ce dernier coupable sous chacun des trois chefs d’accusation contenus à la plainte.

[5]           Le comité procéda ensuite à l’audition sur sanction.

PREUVE DES PARTIES SUR SANCTION

[6]           Alors que la plaignante affirma n’avoir aucun élément de preuve additionnel à présenter, l’intimé mentionna n’avoir aucune preuve à offrir.

[7]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[8]           Après un bref exposé des faits, la plaignante débuta en indiquant que malgré l’absence de préparation d’analyses de besoins (ABF) conformes, aucun préjudice n’avait été causé aux clients en cause.

[9]           Elle insista néanmoins alors sur la gravité objective des infractions, rappelant que le comité avait à plusieurs reprises indiqué qu’une ABF en bonne et due forme était une procédure préalable essentielle à l’émission de tout contrat d’assurance de personnes.

[10]        Après avoir souligné que l’intimé exerçait la profession depuis plus de 35 ans (soit depuis 1978), elle laissa entendre que la longue expérience de ce dernier aurait dû le mettre à l’abri de la commission d’infractions de cette nature.

[11]        Puis après avoir mentionné que l’intimé n’avait en aucun moment tenté de nier ses fautes, elle indiqua que les parties s’étaient entendues pour présenter au comité des « recommandations communes sur sanction ».

[12]        Elle indiqua qu’elles s’étaient accordées pour lui proposer l’imposition des sanctions suivantes :

        Sous chacun des chefs d’accusation 1 et 2 :

  La condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de cinq mille dollars (5 000 $) (total : 10 000 $).

        Sous le chef d’accusation 3 :

  L’imposition d’une réprimande.

[13]        Elle ajouta qu’elles avaient de plus convenu de suggérer au comité de recommander au conseil d’administration de la Chambre d’imposer à l’intimé de parfaire ses connaissances en suivant la formation intitulée « ABF 24902 LFTR (2UFC) », ou l’équivalent, ce dernier devant produire audit conseil d’administration, dans les douze mois de sa résolution, une attestation à l’effet qu’il a suivi ledit cours avec succès, le défaut de s’y conformer résultant en la suspension de son droit d’exercice par l’autorité compétente, jusqu’à la production d’une telle attestation.

[14]        Elle justifia sa recommandation pour une simple réprimande sous le troisième chef en mentionnant que les chefs 2 et 3 étaient intimement liés, qu’ils concernaient un seul couple de consommateurs et étaient rattachés à un seul et même événement.

[15]        Elle mentionna enfin qu’elles s’étaient de plus entendues pour suggérer la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[16]        Au soutien de ses recommandations elle déposa un cahier d’autorités comportant quatre décisions antérieures du comité[1] qu’elle commenta.

[17]        Elle termina ses représentations en affirmant que l’imposition d’amendes totalisant dix mille dollars (10 000 $) lui apparaissait, dans les circonstances propres à la présente affaire, une sanction juste et appropriée, de nature à atteindre l’objectif de protection du public.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[18]        Le procureur de l’intimé débuta ses représentations en confirmant que les sanctions évoquées par la procureure de la plaignante étaient effectivement des « suggestions conjointes ».

[19]        Il ajouta partager la même compréhension des événements que cette dernière, mentionnant « qu’il s’agissait d’incidents regrettables ».

[20]        Relativement aux chefs 2 et 3, il souligna que le couple de consommateurs en cause avait été rencontré l’un en présence de l’autre, avait eu à répondre aux mêmes questions de l’intimé, et que lesdits chefs étaient donc liés à un seul et même événement.

[21]        Il poursuivit en indiquant que son client avait en tout temps collaboré à l’enquête de la syndique et lui avait épargné le fardeau d’un litige possiblement long et coûteux en enregistrant un plaidoyer de culpabilité.

[22]        Il mentionna que ce dernier regrettait sincèrement ses fautes et qu’il était disposé à en accepter les conséquences.

[23]        Il termina en soulignant à son tour l’absence de préjudice causé aux consommateurs et en répétant que les recommandations de la plaignante étaient effectivement des « recommandations communes ».


 

MOTIFS ET DISPOSITIF

[24]        L’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire.

[25]        Il exerce dans le domaine de la distribution de produits et/ou services d’assurance depuis 1978, soit depuis plus de 35 ans.

[26]        Il a entièrement collaboré à l’enquête de la syndique.

[27]        Il a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard de chacun des trois chefs d’accusation contenus à la plainte.

[28]        Les fautes qui lui sont reprochées ont été commises à l’occasion de services professionnels rendus au fils de l’un de ses amis et son épouse. Cette situation a pu l’amener, tel que l’a laissé entendre son procureur, à « baisser la garde ».

[29]        Ces derniers n’ont subi aucun préjudice de ses fautes.

[30]        La preuve ne révèle pas qu’il ait été animé d’une quelconque intention malhonnête ou malveillante.

[31]        Selon les représentations de son procureur, il regrette sincèrement ses fautes.

[32]        Néanmoins, la gravité objective des infractions auxquelles il a plaidé coupable ne fait aucun doute.

[33]        Elles vont au cœur de l’exercice de la profession et sont de nature à en ternir l’image.

[34]        Tel que le comité l’a déclaré à plusieurs reprises, une analyse complète et conforme des besoins financiers du client (ABF) est la pierre angulaire du travail du représentant. Elle lui permet de bien connaître la situation de celui-ci et de le conseiller adéquatement.

[35]        Relativement aux sanctions qui doivent lui être imposées, les parties ont présenté au comité ce qui est convenu d’appeler des « recommandations communes ».

[36]        Or, dans l’arrêt Douglas[2], la Cour d’appel du Québec a clairement indiqué la marche à suivre lorsque les parties représentées par avocat parviennent à s’entendre pour présenter au tribunal de telles recommandations.

[37]        Elle y a clairement indiqué qu’elles ne devraient être écartées que si celui-ci les juge inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou est d’avis qu’elles sont de nature à discréditer l’administration de la justice.

[38]        L’applicabilité de ce principe au droit disciplinaire a été confirmée par le Tribunal des professions à quelques reprises[3].

[39]        Or, en l’espèce, après analyse des faits qui lui ont été présentés et révision des décisions qui lui ont été soumises, le comité est d’avis qu’il n’y a pas lieu de s’écarter des suggestions conjointes des parties.

[40]        Le comité se conformera donc à celles-ci.


 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

            PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé sous tous et chacun des trois chefs d’accusation contenus à la plainte;

            RÉITÈRE la déclaration de culpabilité prononcée lors de l’audition à l’endroit de l’intimé sous tous et chacun des trois chefs d’accusation contenus à la plainte;

            ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

                     Sous chacun des chefs d’accusation numéros 1 et 2 :

            CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de cinq mille dollars (5 000 $) (total : 10 000 $);

                     Sous le chef d’accusation numéro 3 :

IMPOSE à l’intimé une réprimande;

            RECOMMANDE au conseil d’administration de la Chambre de la sécurité financière d’IMPOSER à l’intimé de suivre, à ses frais, le cours de formation accrédité par la Chambre « ABF 24902LFTR (2UFC) » ou l’équivalent, l’intimé devant produire audit conseil d’administration une attestation à l’effet que ledit cours a été suivi avec succès dans les douze mois de sa résolution, le défaut de s’y conformer résultant en la suspension de son droit d’exercice par l’autorité compétente jusqu’à la production d’une telle attestation;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

 

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

 

(s) Felice Torre______________________

M. FELICE TORRE, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Stéphane Prévost_________________

M. STÉPHANE PRÉVOST, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Jeanine Guindi

THERRIEN COUTURE AVOCATS, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Gaétan Mathieu

BOUCHARD PAGÉ TREMBLAY AVOCATS

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

10 mai 2016

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL



[1]     Champagne c. Rozenek, CD00-1031, Décision sur culpabilité et sanction en date du 16 décembre 2014;

      Champagne c. Derkson, CD00-1027, Décision sur culpabilité en date du 23 juin 2015 et décision sur sanction en date du 17 décembre 2015;

      Champagne c. Gagnon, CD00-1126, Décision sur culpabilité et sanction en date du 4 janvier 2016;

      Champagne c. Moore, CD00-1086, Décision sur culpabilité et sanction en date du 8 février 2016.

[2]     R. c. Douglas, 2002, 162 C.C.C. 3rd (37).

[3]     Voir notamment Malouin c. Laliberté, 2002QCTP15 CANLII, Roy c. Médecins, 1998QCTP1735.

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