Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Mohit

2016 QCCDCSF 45

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1157

 

DATE :

5 août 2016

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. BGilles Lacroix, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

M. Denis Marcil

Membre

_____________________________________________________________________

 

LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière;

Partie plaignante

c.

 

MOKSHAJI MOHIT

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                     Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et du prénom des consommateurs concernés ainsi que de tout renseignement permettant de les identifier.

[1]           Le 26 avril 2016, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni à l’Hôtel Delta Montréal, situé au 475, avenue Président Kennedy à Montréal, en salle Listz, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       Dans la province de Québec, en 2014 et en 2015, l’intimé s’est approprié et/ou a détourné au moyen d’une carte de crédit et à partir de comptes bancaires de divers clients la somme d’environ 171 000 $, contrevenant ainsi aux articles 160 et 160.1 de la Loi sur les valeurs mobilières (RLRQ, chapitre V-1.1), 2, 6, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, chapitre D-9.2, r.7.1). »

AMENDEMENT À LA PLAINTE

[2]           D’entrée de jeu, la plaignante, par l’entremise de sa procureure, demanda au comité l’autorisation d’amender l’unique chef d’accusation contenu à la plainte, de façon à ce que l’indication de temps « en 2014 et en 2015 » soit remplacée par « entre le 2 avril 2015 et le 27 mai 2015 » et que le montant y indiqué, soit « cent soixante et onze mille dollars (171 000 $) » soit modifié de façon à se lire « trente-trois mille trois cent trente-sept dollars et quatre-vingt-trois sous (33 337,83 $) ».

[3]           La demande d’amendement n’ayant fait l’objet d’aucune contestation, le comité accorda celle-ci.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[4]           Par la suite, l’intimé qui se représentait lui-même, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’égard de l’unique chef d’accusation contenu à la plainte amendée.

[5]           La plaignante, par l’entremise de sa procureure, exposa ensuite au moyen des éléments de preuve documentaire recueillie lors de son enquête le contexte factuel rattaché à celle-ci.

[6]           Lesdits éléments de preuve furent versés au dossier sous les cotes P-1 à P-34.

DÉCLARATION DE CULPABILITÉ

[7]           Puis, après révision de la preuve documentaire et un court délibéré, le comité déclara l’intimé coupable sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte amendée.

[8]           Le comité procéda ensuite à l’audition sur sanction.

PREUVE DES PARTIES SUR SANCTION

[9]           Alors que la plaignante affirma n’avoir aucun élément additionnel de preuve à présenter, l’intimé mentionna n’avoir aucune preuve à offrir.

[10]        Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[11]        Après un bref résumé des faits, la plaignante exposa au comité sa suggestion relativement à la sanction à être imposée.

[12]        Compte tenu de la nature de l’infraction ainsi que des circonstances propres à l’affaire, elle lui recommanda d’ordonner la radiation permanente de l’intimé.

[13]        Elle indiqua réclamer de plus sa condamnation au paiement des déboursés et la publication de la décision.

[14]        Elle ajouta avoir préalablement discuté de ladite sanction avec l’intimé et déclara que ce dernier s’était montré d’accord avec celle-ci.

[15]        Elle évoqua ensuite les facteurs, à son opinion, atténuants et aggravants suivants :

Facteurs atténuants :

            «    -     l’absence d’antécédent disciplinaire de l’intimé;

-       une situation où au moment de la commission des actes reprochés, il vivait des difficultés personnelles, dont un divorce et un problème de consommation d’alcool;

-       même s’il avait au départ nié ses actes auprès de l’employeur, il avait néanmoins rapidement admis ses fautes auprès de la syndique, avisant de plus alors cette dernière qu’il plaiderait coupable au chef d’accusation qui serait porté contre lui;

-       l’expression par ce dernier de regrets sincères et l’aveu de sa part du caractère inexcusable de ses fautes;

-       l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité à l’endroit de l’unique chef d’accusation contenu à la plainte. »

Facteurs aggravants :

            «    -     l’appropriation, au total, de sommes importantes;

-       la gravité objective de l’infraction, l’appropriation étant l’une des infractions les plus sérieuses et les plus graves qu’un représentant puisse commettre;

-       des agissements de nature à porter préjudice à la profession et à miner la confiance du public envers les représentants;

-       des fautes commises de façon délibérée et préméditée;

-       le choix de clients ayant des profils particuliers, et ce, afin de camoufler ses actes;

-       un stratagème impliquant des transactions entre comptes, afin d’éviter d’être démasqué;

-       une situation où l’intimé a trompé la confiance de son employeur alors qu’il était à l’emploi de celui-ci depuis bon nombre d’années et qu’il occupait un poste de directeur de succursale. »

[16]        Elle termina ses représentations en déposant auprès du comité un cahier d’autorités, comprenant cinq (5) décisions du comité qu’elle commenta.[1]

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[17]        L’intimé débuta ses représentations en déclarant acquiescer à la sanction suggérée par la plaignante.

[18]        Il déclara « avoir beaucoup de regret », signalant combien il avait « aimé son travail » auprès de l’institution qui l’employait (mais qui, comme conséquence de ses fautes, avait, le ou vers le 27 mai 2015, mis un terme à son emploi).

[19]        Il termina en mentionnant qu’au moment des événements reprochés, il vivait une situation personnelle difficile, exposant alors plus amplement celle-ci au comité.

LES FAITS

[20]        Le contexte factuel rattaché à la plainte amendée est le suivant :

[21]        L’intimé était depuis 2006 à l’emploi d’une institution bancaire reconnue. Au moment des événements, il y occupait le poste de directeur de succursale.

[22]        Le ou vers le 17 mai 2015, l’un des clients de la succursale a remarqué que des transactions frauduleuses semblaient avoir été effectuées dans ses comptes et il a porté plainte.

[23]        L’institution bancaire entreprit alors une enquête et l’intimé fut par la suite confronté aux résultats de celle-ci.

[24]        Ladite enquête avait permis de découvrir que ce dernier avait sans autorisation accédé aux comptes bancaires de certains consommateurs. Elle avait de plus établi qu’à partir de ceux-ci l’intimé avait effectué des virements à une carte de crédit activé au nom d’un client dont il avait modifié l’adresse de facturation pour que les relevés lui parviennent.

[25]        Elle avait également révélé qu’à partir de comptes appartenant à des clients, il avait procédé à des virements « Interac » vers un compte bancaire qui lui appartenait et qu’il détenait auprès d’une autre institution financière.

[26]        Elle démontrait qu’au moyen de ces subterfuges, l’intimé s’était approprié, sans autorisation et pour son bénéfice personnel, de sommes importantes appartenant à des clients de l’institution bancaire qui l’employait.

[27]        Confronté aux résultats de l’investigation, et alors qu’il allait être congédié, l’intimé a, le ou vers le 22 juin 2015, choisi de présenter sa démission.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[28]        L’intimé est âgé de 37 ans et n’a pas d’antécédent disciplinaire.

[29]        À l’emploi depuis novembre 2006 d’une institution bancaire reconnue et occupant le poste de directeur de succursale, il a commencé, notamment à la suite d’un divorce, à connaître des difficultés personnelles et financières.

[30]        Il éprouvait de plus à l’époque un grave problème de « surconsommation d’alcool ».

[31]        En raison de la fonction qu’il occupait, il avait un accès privilégié aux informations confidentielles des détenteurs de compte de sa succursale.

[32]        Il a alors délibérément ciblé des comptes, dont les profils étaient inactifs et/ou qui appartenaient à des gens vivant à l’étranger.

[33]        Il a également utilisé le compte d’un client dont, à titre de directeur de la succursale il avait appris le décès.

[34]        Puis au moyen de transactions non autorisées dans lesdits comptes, il s’est approprié et/ou a détourné à son profit, entre le 2 avril 2015 et le 27 mai 2015, une somme d’environ 33 337,83 $.

[35]        Au cours de l’enquête menée par son employeur il a été rencontré à trois reprises, mais en chacune des occasions, il aurait nié les faits.

[36]        Toutefois, lorsqu’en septembre 2015 un enquêteur de la chambre de la sécurité financière l’a rencontré, il lui a immédiatement avoué son implication dans les transactions frauduleuses en cause. Il lui a alors de plus exprimé des regrets sincères et lui a indiqué que ses gestes malhonnêtes « étaient inexcusables ».

[37]        Il lui a de plus mentionné qu’il entendait plaider coupable, tel qu’il l’a fait, aux infractions qui lui seraient reprochées.

[38]        Or, la gravité objective des infractions pour lesquelles il s’est avoué coupable ne fait aucun doute.

[39]        L’appropriation illégale et frauduleuse de fonds appartenant à des clients est l’une des infractions les plus sérieuses qui puissent être commises par un représentant.

[40]        Elle va au cœur de l’exercice de la profession et est de nature à porter atteinte à la confiance du public envers celle-ci.

[41]        Elle démontre chez celui qui en est l’auteur une absence évidente de probité.

[42]        En l’espèce, pour parvenir à ses fins, l’intimé a choisi des comptes dont les profils étaient inactifs et/ou de personnes vivant à l’étranger, et a profité des informations privilégiées auxquelles il avait accès en tant que directeur de succursale.

[43]        En agissant de la sorte, il a trahi la confiance que lui témoignait son employeur l’institution bancaire et, indirectement, celle des clients envers cette dernière.

[44]        Les fautes qu’il a commises l’ont été de façon préméditée, réfléchie, volontaire et voulue.

[45]        Relativement à la sanction qui doit lui être imposée, la plaignante a suggéré au comité d’ordonner sa radiation permanente. Ce dernier a indiqué son accord à la sanction proposée.

[46]        Aussi, après révision du dossier et prenant en considération les facteurs tant objectifs que subjectifs, atténuants qu’aggravants qui lui ont été présentés, le comité est d’avis de suivre ladite recommandation.

[47]        En effet, la profession exige de ses membres la plus haute intégrité.

[48]        Le législateur a clairement reconnu cet état de fait, notamment lorsqu’à l’article 220 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, il a conféré à l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) le pouvoir de refuser de délivrer un certificat si elle est d’avis que celui qui le demande ne possède pas « la probité nécessaire pour exercer » les activités de représentant.

[49]        Si une telle qualité a été jugée indispensable à l’exercice des activités du représentant, c’est notamment parce qu’elle touche directement au lien de confiance qui doit exister entre ce dernier et celui qui utilise ses services, l’emploie, ou transige avec lui.

[50]        Dans le contexte du cas en l’espèce, la recommandation de la plaignante apparaît appropriée, juste et conforme à l’infraction, ainsi que respectueuse des principes d’exemplarité et de dissuasion dont le comité ne peut faire abstraction.

[51]        Le comité ordonnera donc, sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte amendée, la radiation permanente de l’intimé.

[52]        La plaignante a par ailleurs recommandé au comité d’ordonner la publication de la décision et de condamner ce dernier au paiement des déboursés.

[53]        Or, comme aucun motif ne lui a été soumis qui lui permettrait de passer outre à la règle habituelle voulant que les déboursés nécessaires à la condamnation du représentant fautif lui soient généralement imputés, il condamnera l’intimé au paiement des déboursés.

[54]        De plus, conformément à la suggestion de la plaignante, et si tant est qu’il doive le faire[2], il ordonnera la publication de la décision.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ACCUEILLE le plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte amendée;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité qu’il a prononcée à l’endroit de l’intimé lors de l’audition, et ce, en regard de l’unique chef d’accusation contenu à la plainte amendée;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte amendée :

ORDONNE la radiation permanente de l’intimé;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26.

ET SI TANT EST QU’IL DOIVE LE FAIRE :

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 156(5) du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26.

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) BGilles Lacroix____________________

M. BGILLES LACROIX, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Denis Marcil______________________

M. DENIS MARCIL

Membre du comité de discipline

 

 

Me Caroline Chrétien

BÉLANGER LONGTIN s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

M. Mokshaji Mohit

Partie intimée se représentant lui-même

 

 

Date d’audience :

26 avril 2016

 

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]  Champagne c. Balan, CD00-0848, 13 juin 2011;

   Champagne c. St-Jean, CD00-1020, 24 novembre 2014;

   Tougas c. Astouati, CD00-1089, 21 août 2015;

   Champagne c. Laurin, CD00-1047, 28 octobre 2014;

   Champagne c. Messier, CD00-0927, 21 novembre 2012.

[2]     Voir le jugement de la Cour supérieure dans l’affaire Côté c. Roberge, 2003, R.I.Q. p. 1793 et les conclusions qui se retrouvent à l’égard de l’article 180 du Code des professions, « RLRQ, chapitre C-26 ».

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