Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Daigle

2016 QCCDCSF 43

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1150

 

DATE :

1er septembre 2016

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

Mme Diane Bertrand, Pl. Fin.

Membre

M. Frédérick Scheidler

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

GILLES DAIGLE, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 108715)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR AMENDEMENT À LA PLAINTE DISCIPLINAIRE

______________________________________________________________________

 

[1]          Le 24 mai 2016, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au Tribunal administratif du travail, sis au 35, rue de Port-Royal Est, 2e étage, à Montréal pour procéder à l'audition sur la demande d’amendement de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 14 août 2015.

[2]          La plaignante était représentée par Me Julie Piché, alors que l’intimé se représentait seul.

LA PLAINTE

1.         À Saint-Apollinaire, le ou vers le 5 mars 2009, l’intimé a fait défaut d’exercer ses activités avec intégrité, honnêteté, loyauté, compétence et professionnalisme, en se transférant la propriété de la police d’assurance [...] sur la vie de sa mère et en devenant l’unique bénéficiaire, à l’insu des membres de sa famille qui en étaient les bénéficiaires antérieurs, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2 r.3).

LA PLAINTE AMENDÉE

1.       À Saint-Apollinaire, le ou vers le 5 mars 2009, l’intimé a fait défaut d’exercer ses activités avec […] compétence et professionnalisme, en se transférant la propriété de la police d’assurance [...] sur la vie de sa […] cliente et en devenant l’unique bénéficiaire [..] se plaçant ainsi en situation de conflit d’intérêts, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2 r.3).

LES FAITS

[3]          La syndique de la Chambre de la sécurité financière a porté une plainte disciplinaire contre l’intimé le 14 août 2015. Cette plainte comportait un seul chef.

[4]          Le 19 octobre 2015, l’audition sur culpabilité a été fixée au 31 mars 2016, de concert avec les parties.

[5]          Or, le 24 mars 2016, la procureure de la plaignante faisait parvenir une plainte amendée qui a été communiquée le même jour à l’intimé.

[6]          Afin de connaître la position de l’intimé à l’égard de cet amendement, une téléconférence a été fixée le 30 mars 2016. L’intimé a indiqué contester l’amendement. Dans les circonstances, l’audience sur culpabilité a été reportée sine die et le comité a accordé à l’intimé un délai jusqu’au 27 avril 2016 pour consulter un procureur et se faire représenter, s’il le désirait.

[7]          Le 19 avril 2016, l’intimé faisait suivre par courriel une lettre au comité, l’informant qu’il maintenait son objection à l’amendement et qu’il se représenterait seul. En conséquence, le comité fixait au 24 mai 2016 l’audience pour entendre les représentations respectives des parties sur cette demande d’amendement.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[8]          La procureure de la plaignante, se référant à l’article 145 du Code des professions (CP), soutient que la plainte amendée n’est pas une plainte entièrement nouvelle, mais qu’elle a un lien avec la plainte initiale. Par conséquent, l’amendement devrait être permis.

[9]          Rappelant l’article 129 CP qui stipule que la plainte doit indiquer
« sommairement la nature et les circonstances de temps et de lieu de l’infraction reprochée », elle avance qu’à part certaines modifications de nature « cosmétique », les gestes reprochés sont les mêmes
.

[10]       Même s’il y a eu retrait de l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (Code), exigeant notamment que le représentant exerce ses activités avec intégrité, et ajout de l’article 18 du même Code, l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF) y est toujours allégué. Il en résulte qu’il ne s’agit pas d’une plainte nouvelle qui n’a aucun rapport avec la plainte originale.

[11]       Par ailleurs, citant l’affaire Dionne[1], la procureure de la plaignante reconnaît que « les éléments essentiels d’un chef de plainte disciplinaire ne sont pas constitués par son libellé, mais par les dispositions du code de déontologie ou du règlement qu’on lui reproche d’avoir violées ».

[12]       En outre, elle fait un parallèle avec l’affaire Laporte c. Médecins[2], dans laquelle le Tribunal des professions a statué que le comité a permis un amendement somme toute inutile pour ajouter l’article 2.03.49 du Code de déontologie des médecins à l’article 2.03.60 déjà allégué, ce dernier étant une illustration du principe général stipulé à l’article 2.03.49. Elle soutient en d’autres mots que ce dernier comité de discipline a permis d’ajouter une disposition d’ordre général à celle plus spécifique déjà alléguée. Y voyant une similarité avec le présent cas, la procureure de la plaignante soutient que les articles 11 et 18 du Code sont tous deux dans la section III « Devoirs et obligations envers le client », avec pour seule différence que l’article 18 est spécifique au conflit d’intérêts, alors que l’article 11 est d’ordre général.

[13]       Elle a terminé en citant l’arrêt R. c. Côté[3] dans lequel la Cour Suprême dans une affaire criminelle indique que : « La norme applicable en matière de modification est la même dans les affaires fondées sur la Loi sur les poursuites sommaires. Lorsqu’une accusation peut être corrigée, on corrige ».

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[14]        L’intimé a contesté l’amendement de la plainte :

a)     d’une part à cause du remplacement de l’expression « mère » par
« cliente »;

b)     et d’autre part au motif que le reproche décrit à l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière différait de celui décrit à l’article 11 du même Code.

RÉPLIQUE DE LA PLAIGNANTE

[15]        La procureure de la plaignante a réitéré qu’il ne s’agissait pas d’une plainte nouvelle, que la plainte amendée ne causait pas de préjudice irréparable à l’intimé et n’entraînait aucune divulgation de preuve supplémentaire à l’intimé.

[16]        En résumé, elle s’est dite d’avis que la substance de l’infraction était inchangée.

ANALYSE ET MOTIFS

[17]       En vertu de l’article 376 LDPSF, les demandes d’amendement de plaintes disciplinaires portées devant le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière sont régies par l’article 145 du Code des professions qui énonce : 

145. La plainte peut être modifiée en tout temps, aux conditions nécessaires pour la sauvegarde des droits des parties. Elle peut être ainsi modifiée pour requérir, notamment, la radiation provisoire visée à l’article 130. Toutefois, sauf du consentement de toutes les parties, le conseil ne permet aucune modification d’où résulterait une plainte entièrement nouvelle n’ayant aucun rapport avec la plainte originale.

[18]       La plaignante a confirmé que la consommatrice impliquée était la même que celle mentionnée dans la plainte portée initialement, l’amendement retirant notamment la mention du lien de parenté entre la cliente et l’intimé. Ainsi, l’amendement proposé implique la même consommatrice et vise les mêmes faits que la plainte initiale. La divulgation de la preuve faite à l’intimé ne s’en trouve pas modifiée non plus

[19]       Il en ressort que les faits sont sensiblement les mêmes dans les deux versions quoique le reproche a été en partie modifié par l’ajout dans la plainte amendée de l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière relatif à l’obligation du représentant de conserver en tout temps son indépendance et ainsi éviter de se placer en situation de conflits d’intérêts. Par ailleurs, l’article 11 de ce même Code a été retiré. D’autre part, la plainte amendée allègue toujours l’article 16 LDPSF ne reprochant toutefois que le défaut de compétence et de professionnalisme mentionné au deuxième paragraphe de cette dernière disposition.

[20]        Le passage suivant de la décision rendue par le Tribunal des professions dans l’affaire Laporte c. Médecins[4], s’avère particulièrement pertinent en l’espèce : 

L'amendement ne faisait pas en sorte de transformer la plainte au point où elle n'aurait aucun rapport avec la plainte originale, car il n'y avait pas changement de la substance de l'infraction et les droits de l'appelant n'étaient pas mis en péril.  À l'appui de sa thèse, l'appelant cite les arrêts Saunders -c- R., (1990) 1 R.C.S. 1020, Scaff -c- Comité de discipline de l'Ordre des Optométristes du Québec (1985) C.A. 615, Cohen -c- Optométristes (1995) D.D.O.P., 301 (T.P.) et Avocats -c- Joyal (1991) D.D.C. 288 (T.P.). Tous ces jugements rappellent des principes codifiés par le législateur à l'article 145 C.P.  Cependant, en l'instance, l'amendement n'a aucunement nui aux droits de l'appelant, entre autres ceux à une défense pleine entière et à celui de connaître l'infraction réellement reprochée.  

[21]       Rappelons qu’en l’espèce la plainte amendée a été signifiée à l’intimé avant l’audition sur culpabilité, de sorte que l’intimé a le temps de réajuster sa défense eu égard aux reproches qui y sont formulés. L’intimé n’en subit par conséquent aucun préjudice irréparable.

[22]       Force est de constater que la plainte telle qu’amendée n’en est pas une entièrement nouvelle n’ayant aucun rapport avec la plainte initiale.

[23]       Par conséquent, l’amendement sera permis et les parties procéderont sur cette plainte amendée.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ACCUEILLE l’amendement proposé par la plaignante;

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de fixer une date et une heure pour l’audition de la preuve et des représentations des parties sur l’instruction de la plainte amendée, conformément à la présente décision.

 

 

 

(s) Janine Kean______________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Diane Bertrand____________________

Mme Diane Bertrand, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Frédérick Scheidler________________

M. Frédérick Scheidler

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE AVOCATS s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente seul.

 

Date d’audience :

Le 24 mai 2016

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

 

 

 



[1] Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441, jugement du 6 novembre 2006, paragraphe 84.

[2] Laporte c. Médecins, AZ-97041071, jugement du 8 juillet 1997.

[3] Côté c. La Reine [1996] 3 R.C.S.139.

[4] Laporte c. Médecins, Idem, note 2.

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