Chambre de la sécurité financière (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Chambre de la sécurité financière c. Lacroix

2016 QCCDCSF 38

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1149

 

DATE :

2 septembre 2016

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Pierre Masson, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

RÉNALD LACROIX, conseiller en sécurité financière et conseiller en assurance et rentes collectives (numéro de certificat 118151, BDNI 1486021)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                     Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom de la consommatrice concernée ainsi que de toute information qui permettrait de l’identifier.

[1]           Le 16 mars 2016, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni aux locaux de la Commission des relations du travail (CRT), sis au 900, boulevard René-Lévesque Est, 5e étage, à Québec, salle 587 et a procédé à l'audition d’une plainte disciplinaire portée contre l’intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« Dans la région de Québec, le ou vers le mois de mars 2009, l’intimé a signé à titre de témoin de la signature de C.F.D. sur le formulaire « Désignation de propriétaire(s) » du contrat d’assurance vie [...] hors la présence de cette dernière, permettant ainsi au représentant G.D., le fils de l’assurée, de devenir propriétaire et unique bénéficiaire de la police, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).»

[2]           Aux termes de l’audition, le comité réclama la transcription des notes sténographiques des témoignages entendus. Celle-ci lui parvint le 19 juillet 2016 date du début du délibéré.

PREUVE DES PARTIES

[3]           Au soutien de sa plainte, la plaignante fit entendre M. Laurent Larivière
(M. Larivière), enquêteur au bureau de la syndique et versa au dossier une preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-4.

[4]           Quant à l’intimé, en plus de lui-même témoigner, il fit entendre G.D., courtier en assurance de personnes.

[5]           De plus, il déposa en preuve un courriel que transmit le 7 février 2013 Mme Suzie Desmarais (Mme Desmarais), la directrice des services administratifs – assurance individuelle – du cabinet « Groupe Cloutier », à M. Larivière, ainsi qu’un formulaire intitulé « Désignation de propriétaire(s) ». Lesdits documents furent respectivement cotés I-1 et I-2.


 

LES FAITS

[6]           Selon la preuve prépondérante versée au dossier, le contexte factuel rattaché à la plainte est le suivant :

[7]           Au mois de mars 2009, l’intimé aurait été abordé par G.D., un conseiller autonome indépendant, qui utilisait, à l’occasion, les locaux et/ou les services téléphoniques du cabinet où il œuvrait. Ce dernier l’aurait sollicité pour qu’il témoigne de sa signature sur un formulaire de « Désignation de propriétaire(s) ».

[8]           G.D. lui aurait présenté cette demande parce que la police d’assurance-vie en cause était au nom de sa mère, Mme C.F.D.[1]

[9]           Après lui avoir exhibé ledit formulaire, il lui aurait demandé : « peux-tu témoigner de ma signature ? ».

[10]        L’intimé aurait acquiescé à la demande et après que G.D. l’eut signé, il y aurait, à son tour, apposé sa signature.

[11]        Toutefois, en révisant en fin de journée la photocopie du document qu’il avait signé il se serait rendu compte que l’exercice avait été mal complété.

[12]        Il aurait notamment alors réalisé que puisque G.D. était le représentant au dossier, la signature de ce dernier aurait dû apparaître au-dessus de la désignation « Représentant – témoin », alors que c’était l’endroit où il avait lui-même signé le document.

[13]        Il serait entré en communication avec le service à la clientèle de l’agent général « Groupe Cloutier » à Trois-Rivières et aurait donné des instructions afin qu’il ne soit pas donné suite audit document. Il aurait alors réclamé que celui-ci soit retourné à G.D., afin qu’il puisse être correctement complété et/ou corrigé.

[14]        C’est ainsi que, par la suite, G.D. aurait, au côté de la signature qui s’y trouvait de l’intimé, apposé à nouveau sa signature sur le formulaire. Il aurait de plus inscrit, en-dessous de cette signature, en caractères d’imprimerie, ses nom et prénom, ainsi que sous l’endroit où l’intimé avait antérieurement signé, les nom et prénom de ce dernier, accompagnés de la mention « témoin ».

[15]        Le document ainsi complété (pièce P-3) aurait ensuite été transmis à l’assureur qui aurait exécuté la demande de désignation d’un nouveau propriétaire et procédé au transfert réclamé de la police en faveur de G.D.

[16]        Quant aux circonstances entourant la signature du document par Mme C.F.D., la propriétaire de la police, le témoignage de G.D. est à l’effet que celle-ci aurait été apposée, en sa présence.

[17]        Pour ce qui est de l’intimé, il a admis n’avoir été ni présent ni avoir assisté à la signature du formulaire par Mme C.F.D.


 

MOTIFS ET DISPOSITIF

[18]        À l’unique chef d’accusation contenu à la plainte, il est reproché à l’intimé d’avoir signé à titre de témoin de la signature de l’assurée Mme C.F.D. sur le formulaire « Désignation de propriétaire(s) » hors la présence de cette dernière, permettant ainsi que son fils, G.D., devienne propriétaire et unique bénéficiaire de la police en cause.

[19]        Or, il mérite d’être souligné d’une part que si l’intimé a d’abord, tel que relaté précédemment, commis l’erreur de signer le document à la ligne indiquée « Représentant – témoin », et ce, alors qu’il n’était pas le représentant mentionné au contrat et qu’il n’avait pas été témoin de la signature de Mme C.F.D., il a néanmoins eu, dès qu’il s’en est rendu compte, le réflexe approprié. Il a en effet alors immédiatement entrepris des démarches pour s’assurer que le formulaire, plutôt que d’être acheminé à l’assureur, soit retourné au représentant en cause, G.D., de façon à ce qu’il soit complété et corrigé.

[20]        Cette version des faits, proposée par l’intimé, trouve en partie corroboration dans le fait qu’à la pièce P-3, qui est le document ultimement acheminé à l’assureur, l’on retrouve deux estampes « reçu » distinctes résultant ou émanant de l’agent général « Groupe Cloutier »; l’une en date du 13 mars et une autre en date du 20 mars 2008[2], ce qui signifierait que le document lui aurait été acheminé à deux reprises.

[21]        Lorsque l’enquêteur, M. Larivière, questionne la présence des deux estampes « reçu » apparaissant sur le document (P-3), Mme Desmarais, la directrice des services administratifs – assurance individuelle – du cabinet, lui répond (pièce I-1): « À la lumière des documents et notations, il apparaît qu’une erreur de dates s’est glissée lors de l’utilisation des deux estampes provenant de notre Centre financier de Québec, les dates devraient se lire en 2009. De plus, la présence des dates différentes nous laisse croire que nous avions reçu les documents une première fois, comme ils étaient incomplets, ils ont été retournés au courtier puis revenus une deuxième fois dûment complétés ».

[22]        D’autre part, selon ce qu’a déclaré l’intimé, s’il a consenti à signer le document c’était simplement dans le but d’y attester de la signature de G.D., et son témoignage à cet effet est généralement corroboré par ce dernier.

[23]        Également, alors qu’au document en cause (P-3) l’on retrouve sur la ligne indiquée « Représentant – témoin » les signatures à la fois de l’intimé et de G.D., et qu’il y a été indiqué en-dessous de chacune d’elles, à la main en caractères d’imprimerie, leur nom et prénom, l’on retrouve de plus, de la même façon, sous celle de l’intimé, la mention « TÉMOIN ».

[24]        Le témoignage de l’intimé à l’effet qu’il n’entendait pas signer le document en tant que « Représentant – témoin », mais strictement à titre de témoin de la signature de G.D. trouve là, en toute vraisemblance, une confirmation[3].

[25]        Quant à la signature rajoutée (ou deuxième signature) de G.D. qui y figure (au document P-3), elle se retrouve sur la ligne indiquée « Représentant – témoin » et dans les circonstances, l’on doit en conclure qu’elle y a été apposée à ce titre, c’est-à-dire à titre de représentant ayant la responsabilité de la police et de témoin de la signature de l’assurée, en l’occurrence Mme C.F.D, sa mère.

[26]        Certes il aurait été préférable que la signature de l’intimé, qui selon ses dires, ne visait qu’à témoigner de la signature de G.D., plutôt que d’apparaître à la ligne « Représentant – témoin » se retrouve directement en-dessous de la signature de ce dernier avec une mention à l’effet qu’il signait alors à titre de témoin de ladite signature. Le comité doit toutefois éviter de confondre « préférable » de ce qui serait déontologiquement condamnable.

[27]        Même si la preuve a révélé qu’à l’origine l’intimé a erronément signé le document à la ligne indiquée « Représentant – témoin », dès qu’il a réalisé la situation il s’est empressé de corriger sa faute et a pris les mesures nécessaires pour éviter qu’il puisse être allé de l’avant avec le document tel qu’il l’avait signé.

[28]        La preuve administrée ne permet pas d’écarter son témoignage à cet égard (et dont le comité n’a pas de raison de douter de la véracité) qui est corroboré par celui de G.D.

[29]        La procureure de la plaignante a fait état dans sa plaidoirie du fait que G.D., après avoir été interrogé par M. Larivière et/ou les gens de l’Autorité des marchés financiers, aurait communiqué avec l’intimé et lui aurait « rafraîchi la mémoire » relativement aux événements en cause qui, il faut le rappeler, seraient survenus en 2009.

[30]        Par ailleurs, elle a aussi signalé que lors de la conversation entre l’intimé et
M. Larivière, l’intimé a clairement admis à ce dernier n’avoir jamais rencontré Mme C.F.D. et lui a de plus indiqué que si G.D. avait obtenu de lui qu’il signe le document à titre de témoin de la signature de sa mère, il avait alors commis une erreur parce qu’il n’avait jamais, en aucune occasion, rencontré cette dernière.

[31]        Mais en faisant une telle affirmation, l’intimé était honnête, de même lorsqu’il a déclaré à l’enquêteur que, sur le coup, lors de l’appel de G.D., il ne se rappelait plus des circonstances entourant sa signature sur le document en cause.

[32]        Il mentionne cependant, au tout début de sa déclaration, que G.D. n’aurait communiqué avec lui que parce qu’il voulait lui « remémorer la situation où il était dans mon bureau qu’il m’avait fait témoigner de sa signature sur un document quelconque ».

[33]        Il n’apparaît pas impossible, voire même plausible, que près de quatre ans après les événements, l’intimé ne se soit pas très bien souvenu au départ de la situation et que les informations qui lui ont été transmises par G.D. lui aient permis de rafraîchir sa mémoire et qu’il s’en soit par la suite souvenu davantage.

[34]        Pour conclure et en résumé, de l’avis du comité, la preuve présentée par la plaignante ne lui permet pas d’écarter la version des faits du représentant.

[35]        Ce dernier a témoigné clairement, sans arrière-pensée, sans hésitation et a paru honnête dans ses déclarations.

[36]        Même si la preuve a révélé qu’il a, au départ, été maladroit et peu circonspect dans ses agissements, le comité n’est néanmoins pas en mesure d’écarter son témoignage, qui lui est apparu crédible, à l’effet que lorsqu’il s’est rendu compte de son erreur il a vu à ce qu’elle soit corrigée et qu’elle ne porte pas à conséquence.

[37]        Compte tenu de ce qui précède, le comité est d’avis que la plaignante n’est pas parvenue à se décharger du fardeau de preuve qui lui incombait.

[38]        L’unique chef d’accusation contenu à la plainte sera donc rejeté.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

REJETTE l’unique chef d’accusation contenu à la plainte;

CONDAMNE la plaignante au paiement des déboursés.

(s) François Folot                                           

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Pierre Masson                                           

M. PIERRE MASSON, A.V.A, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Robert Chamberland                               

M. ROBERT CHAMBERLAND, A.V.A

Membre du comité de discipline

Me Jeanine Guindi

THERRIEN COUTURE avocats s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Jean-Paul Morin

TREMBLAY BOIS MIGNAULT LEMAY, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de l’intimé

 

Date d’audience : 16 mars 2016

 

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Aux fins d’une meilleure compréhension de la décision, il mérite d’être mentionné qu’il est de la connaissance des membres de la profession que dans la pratique courante il arrive que dans les cas où le représentant assure un membre immédiat de sa famille, les assureurs réclament par mesure de précaution qu’un autre représentant atteste de la signature dudit représentant. L’intimé fait quelque peu allusion à cet état de chose aux pages 77 et 78 de son témoignage.

[2]     Ce serait simplement par inadvertance que les deux estampes indiquent « 2008 » alors qu’elles auraient dû indiquer « 2009 ». (Voir à cet effet la pièce I-1)

[3]     S’il y avait au départ apposé sa signature en tant que « Représentant – témoin », l’ajout de la mention « témoin » sous celle-ci aurait été inutile et superflu.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.