Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

Chambre de la sécurité financière c. Stamatopoulos

2016 QCCDCSF 42

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1113

 

DATE :

 7 octobre 2016

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Sylvain Généreux

Président

Mme Suzanne Côté, Pl. Fin.

Membre

M. Louis Georges Boily, Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

plaignante

c.

 

JIMMY STAMATOPOULOS, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 140788)

intimé

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-DIVULGATION DES RENSEIGNEMENTS ET DOCUMENTS PERMETTANT D’IDENTIFIER LES PERSONNES DONT LES INITIALES SONT MENTIONNÉES À LA PLAINTE (ART. 142 DU CODE DES PROFESSIONS)

I – LE DÉROULEMENT DE L’AUDIENCE

[1]   La plaignante a logé contre l’intimé une plainte portant la date du 12 mars 2015 dont les chefs d’infraction se lisent comme suit :

 

I.T.

1.    À Montréal, le ou vers le 15 mai 2001, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de I.T. alors qu’il lui faisait souscrire la police […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10); 

2.    À Montréal, le ou vers le 11 mai 2005, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de I.T. alors qu’il lui faisait souscrire la police […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10); 

D.T.S.

3.    À Laval, le ou vers le 4 juin 2001, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de D.T.S. alors qu’il lui faisait souscrire la police […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10);

E.M.

4.    À Laval, le ou vers le 4 juin 2001, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de E.M. alors qu’il lui faisait souscrire la police […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10); 

E.T.

5.    À Laval, le ou vers le 4 juin 2001, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de E.T. alors qu’il faisait souscrire la police […] à D.T., contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10); 

6.    À Laval, le ou vers le 2 février 2007, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de E.T. alors qu’il faisait soumettre une demande de modification de la police […] à D.T., contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10); 

D.T.J.

7.    À Laval, le ou vers le 4 juin 2001, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de D.T.J. alors qu’il faisait souscrire la police […] à D.T.S., contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10); 

8.    À Laval, le ou vers le 2 février 2007, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de D.T.J. alors qu’il faisait soumettre une demande de modification de la police […] à D.T.S., contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10); 

F.P.

9.    À Laval, le ou vers le 5 septembre 2001, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de F.P. alors qu’il lui faisait souscrire la police […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10); 

10.  À Laval, le ou vers le 5 septembre 2001, l’intimé a fourni de fausses informations à l’assureur sur le formulaire de proposition de la police […], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3); 

11.  À Laval, le ou vers le 6 décembre 2007, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de F.P. alors qu’il lui faisait soumettre une demande de modification de la police […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10); 

12.  À Laval, le ou vers le 6 décembre 2007, l’intimé a fourni de fausses informations à l’assureur sur le formulaire de modification de la police […], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3); 

 

D.P.

13.  À Laval, le ou vers le 6 septembre 2001, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de D.P. alors qu’il lui faisait souscrire la police […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10); 

P.P.

14.  À Laval, le ou vers le 15 juin 2002, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de P.P. alors qu’il lui faisait souscrire la police […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10); 

D.K.

15.  À Montréal, le ou vers le ou vers le 23 juin 2005, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de D.K. alors qu’il lui faisait souscrire la police […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10);

16.  À Montréal, le ou vers le ou vers le 29 janvier 2006, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de D.K. alors qu’il lui faisait soumettre une demande de modification de la police […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10);

17.  À Montréal, le ou vers le ou vers le 22 juin 2011, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de D.K. alors qu’il lui faisait souscrire la police […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10); 

E.P.

18.  À Lasalle, le ou vers le 28 août 2007, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de E.P. alors qu’il lui faisait souscrire la police […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10); 

19.  À Lasalle, le ou vers le 17 février 2009, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de E.P. alors qu’il lui faisait soumettre une demande de modification de la police […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10). 

S.T.

20.  À Montréal, le ou vers le 22 juin 2011, l’intimé a permis ou incité un tiers à contrefaire la signature de S.T. sur le formulaire électronique 663609 de la proposition d’assurance […], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

21.  À Montréal, le ou vers le 23 juin 2011, l’intimé a soumis la proposition d’assurance […] à l’assureur à l’insu de S.T., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);                                                                                                                                 

V.T.

22.  À Montréal, le ou vers le 22 juin 2011, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de V.T. alors qu’il lui faisait souscrire la police […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités de représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10).

[2]   Lors de l’audience du 8 février 2016, la plaignante était représentée par Me Sylvie Poirier et l’intimé par Me Martin Courville.

[3]   En début d’audience, la plaignante a requis du comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) la permission de retirer les chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 2, 6, 8, 11, 15, 16, 17, 18 et 22 de la plainte.

[4]   La plaignante a indiqué au comité qu’une nouvelle analyse lui permettait de conclure que la preuve disponible pourrait ne pas amener le comité à déclarer l’intimé coupable de ces chefs d’infraction. De plus, elle a fait valoir que cette demande s’inscrivait dans le cadre des discussions qu’avaient eues les parties quant à un plaidoyer de culpabilité sur les autres chefs d’infraction et quant à des recommandations conjointes sur sanction.

[5]   Pour les motifs invoqués par la plaignante, le comité a permis le retrait de ces chefs d’infraction.

[6]   L’intimé a ensuite plaidé coupable aux chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1, 3, 4, 5, 7, 9, 10, 12, 13, 14, 19, 20 et 21 de la plainte.

[7]   Après avoir vérifié si l’intimé comprenait bien le sens et la portée d’un tel plaidoyer, le comité a requis des avocats des parties qu’ils précisent les dispositions en regard desquelles le comité était invité à prononcer des verdicts de culpabilité compte tenu du fait que plus d’une disposition de rattachement était mentionnée à chacun des paragraphes de la plainte.

[8]   Après avoir considéré les représentations des procureurs des parties à ce sujet, le comité a déclaré l’intimé coupable d’avoir contrevenu aux chefs d’infraction énoncés à ces paragraphes en ce qui a trait :

        pour les paragraphes 1, 3, 4, 5, 7, 9, 13, 14 et 19, à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants;

        pour les paragraphes 10 et 12, à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

        pour les paragraphes 20 et 21, à l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[9]   Tel qu’indiqué dans le dispositif de la décision, le comité ordonnera la suspension conditionnelle des procédures quant aux autres dispositions de rattachement mentionnées à ces paragraphes de la plainte.

[10]        Les parties ont ensuite produit, de consentement, les pièces P-1 à P-39 et ont présenté, par admissions, les faits pertinents. L’intimé n’a pas témoigné.

[11]        Les procureurs des parties ont fait état de leurs recommandations conjointes en ce qui a trait aux sanctions et aux autres mesures qui devraient être imposées à l’intimé.

[12]        Le comité a ensuite pris l’affaire en délibéré.

II – LA PREUVE

[13]        Le comité retient ce qui suit des pièces et des admissions présentées.

[14]        L’intimé détient un certificat dans la discipline de l’assurance de personnes depuis le 22 mars 2000.

[15]        À sept reprises en 2001, une fois en 2002 et à une occasion en 2009, l’intimé a fait défaut de recueillir les renseignements et de procéder à l’analyse des besoins financiers de ses clients lors de la souscription de polices d’assurance et de la modification du capital de l’une d’elles (chefs d’infraction 1, 3, 4, 5, 7, 9, 13, 14 et 19).

[16]        L’intimé a fourni, en 2001, de fausses informations à l’assureur en ce qui a trait à la condition médicale d’un consommateur sur le formulaire de proposition d’une police d’assurance et, en 2007, il a fait de même sur le formulaire de modification de cette police (chefs d’infraction 10 et 12).

[17]        En juin 2011, l’intimé a permis ou incité un tiers à contrefaire la signature d’un consommateur sur le formulaire électronique d’une proposition d’assurance (chef d’infraction 20) pour ensuite soumettre cette proposition d’assurance à l’assureur à l’insu de ce consommateur (chef d’infraction 21).

[18]        La preuve a révélé que c’est la mère du consommateur (pourtant majeur) qui a signé pour lui en son absence et hors sa connaissance. Il a été expliqué au comité que c’est la mère qui devait payer les primes d’assurance et que les faits pertinents à ces deux chefs d’infraction étaient survenus lors de la signature de plusieurs propositions d’assurance par les membres d’une même famille.

[19]        L’intimé n’a pas d’antécédents disciplinaires.

III – LES REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

[20]        Les parties, de façon conjointe, recommandent au comité d’imposer à l’intimé les sanctions et mesures suivantes :

         en ce qui a trait aux chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1, 3, 4, 5 et 7 :

        la condamnation de l’intimé au paiement d’amendes de 5 000 $ (pour un total de 25 000 $);

        qu’un délai de six mois soit accordé à l’intimé pour payer ces amendes;

         en ce qui a trait aux chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 9, 13, 14 et 19 : l’imposition de réprimandes;

         en ce qui a trait aux chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 10, 12, 20 et 21 : l’imposition de radiations temporaires d’un mois devant être purgées de façon concurrente;

         la publication d’un avis de la décision dans un journal conformément à ce qui est prévu à l’article 156 du Code des professions;

         la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés (y compris les frais de publication d’un avis de la décision dans un journal).

[21]        Les procureurs des parties ont fait état de la gravité objective des infractions dont l’intimé a été déclaré coupable et ont énuméré les facteurs subjectifs aggravants et atténuants que le comité devrait considérer.

[22]        À l’appui des recommandations conjointes, le procureur de la plaignante a soumis plusieurs décisions.

IV – L’ANALYSE

[23]        Les infractions dont l’intimé a été reconnu coupable sont objectivement graves et elles ont toutes un lien direct avec l’exercice de la profession.

[24]        Un représentant en assurance de personnes doit analyser les besoins de son client avant de lui faire souscrire à une proposition en matière d’assurance. En l’absence d’analyse des besoins financiers, le produit souscrit peut ne pas correspondre aux besoins du client.

[25]        Tel que le rappelait le comité dans l’affaire Borgia[1] :

« [60] Or, l’analyse des besoins du client (ABF) est un exercice préalable indispensable à l’émission de tout contrat d’assurance de personnes. Il s’agit de la pierre d’assise fondamentale sur laquelle doivent s’appuyer les recommandations du représentant.

[61] Ce n’est qu’après avoir procédé à celle-ci que le représentant pourra suggérer à son client le produit ou la stratégie qui convient le mieux à ses besoins. »

[26]        D’autre part, il est essentiel qu’un représentant communique à l’assureur des informations justes. Le fait de communiquer des informations erronées peut avoir un impact direct sur l’assurabilité du consommateur ou sur la détermination des primes.

[27]        De plus, l’infraction qui consiste à permettre ou à inciter un tiers à contrefaire la signature d’un consommateur sur un formulaire de proposition d’assurance est une infraction grave qui milite en faveur de l’imposition d’une sanction sévère. En procédant de la sorte, le représentant contrevient à l’obligation qu’il a d’exercer ses activités avec intégrité.

[28]        Cela dit, les parties ont exposé avec justesse plusieurs des facteurs que le comité doit prendre en compte dans l’imposition des sanctions dans le présent dossier :

         l’intimé a plaidé coupable;

         les infractions ont été commises à l’égard de consommateurs vulnérables, peu instruits pour la plupart, ayant peu de connaissances en matière d’assurance; certains d’entre eux ne savaient ni lire ni écrire;

         l’intimé n’avait cependant pas d’intention malveillante ni en tête d’objectif frauduleux lorsqu’il a commis les infractions au sujet desquelles il a plaidé coupable; ainsi, il s’est vu payer les commissions usuelles en semblables matières;

         les infractions ont été commises à plusieurs reprises sur une longue période de temps (2001, 2002, 2007, 2009 et 2011);

         l’intimé a 53 ans et est représentant depuis 2000; au moment de la commission des premières infractions, il était cependant peu expérimenté;

         il n’a pas d’antécédents disciplinaires.

[29]        En ce qui a trait aux chefs d’infraction relatifs au défaut de recueillir les renseignements et de procéder à l’analyse des besoins financiers de ses clients (chefs d’infraction 1, 3, 4, 5, 7, 9, 13, 14 et 19), les parties ont pris en compte le type de sanction souvent imposé par le comité en semblables circonstances (une amende de l’ordre de 5 000 $)[2] et le principe de la globalité des sanctions pour recommander, en regard de ces neuf chefs d’infraction, la condamnation de l’intimé à cinq amendes de 5 000 $ et l’imposition de quatre réprimandes.

[30]        En regard des chefs d’infraction qui consistent à avoir fourni de fausses informations à l’assureur (chefs d’infraction 10 et 12), permis ou incité un tiers à contrefaire la signature d’un consommateur (chef d’infraction 20) et soumis à l’assureur une proposition d’assurance à l’insu de ce consommateur (chef d’infraction 21), la recommandation d’imposer des périodes de radiation temporaire d’un mois (à être purgées concurremment) s’inscrit dans la fourchette des sanctions imposées par le comité pour des infractions analogues[3].

[31]        Rappelons que le comité ne doit écarter les recommandations conjointes qui lui sont présentées que s’il est d’avis qu’elles sont inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt du public ou s’il est d’avis qu’elles sont de nature à discréditer l’administration de la justice[4].

[32]        Après avoir considéré la gravité objective des infractions commises, les facteurs subjectifs mis en preuve et la jurisprudence soumise, le comité est convaincu que les sanctions proposées sont appropriées : elles satisfont aux critères de dissuasion et d’exemplarité et devraient assurer la protection du public de façon adéquate; il y donnera donc suite.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE À NOUVEAU du plaidoyer de culpabilité de l’intimé en regard des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1, 3, 4, 5, 7, 9, 10, 12, 13, 14, 19, 20 et 21 de la plainte en ce qui a trait :

-       pour les paragraphes 1, 3, 4, 5, 7, 9, 13, 14 et 19, à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants;

-       pour les paragraphes 10 et 12, à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

-       pour les paragraphes 20 et 21, à l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

RÉITÈRE LA DÉCLARATION DE CULPABILITÉ DE L’INTIMÉ quant aux chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1, 3, 4, 5, 7, 9, 13, 14 et 19 de la plainte en ce qui a trait à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants;

RÉITÈRE LA DÉCLARATION DE CULPABILITÉ DE L’INTIMÉ quant aux chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 10 et 12 de la plainte en ce qui a trait à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

RÉITÈRE LA DÉCLARATION DE CULPABILITÉ DE L’INTIMÉ quant aux chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 20 et 21 de la plainte en ce qui a trait à l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures quant aux autres dispositions de rattachement mentionnées aux paragraphes 1, 3, 4, 5, 7, 9, 10, 12, 13, 14, 19, 20 et 21 de la plainte;

ET, STATUANT SUR LA SANCTION :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’amendes de 5 000 $ en regard des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1, 3, 4, 5 et 7 de la plainte (pour un total de 25 000 $) en ce qui a trait à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants;

ACCORDE à l’intimé un délai de 180 jours pour payer ces amendes totalisant 25 000 $;

IMPOSE à l’intimé des réprimandes en regard des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 9, 13, 14 et 19 de la plainte en ce qui a trait à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de 30 jours en regard des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 10 et 12 de la plainte en ce qui a trait à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de 30 jours en regard des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 20 et 21 de la plainte en ce qui a trait à l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

ORDONNE que ces quatre périodes de radiation temporaire de 30 jours soient purgées de façon concurrente;

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier, conformément à ce qui est prévu à l’article 156 du Code des professions, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans un lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément à ce qui est prévu à l’article 151 du Code des professions.

 

 

(S) Sylvain Généreux

__________________________________

Me Sylvain Généreux

Président du comité de discipline

 

(S) Suzanne Côté

__________________________________

Mme Suzanne Côté, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(S) Louis Georges Boily

__________________________________

M. Louis Georges Boily, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Sylvie Poirier

CDNP Avocats

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Martin Courville

De Chantal D’Amour Fortier

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

8 février 2016

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Thibeault c. Borgia, CD00-0637, 2 février 2009 et 28 juillet 2011 (C.D.C.S.F.).

[2] Champagne c. Tousignant, CD00-0994, 12 juin 2014 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Bégin, CD00-0995, 14 mars 2014 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Rozenek, CD00-1031, 16 décembre 2014 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Bélisle, CD00-0965, 28 juillet 2014 (C.D.C.S.F.); Lelièvre c. Lapointe, CD00-1002,
19 novembre 2014 (C.D.C.S.F.).

[3] Lévesque c. Larochelle, CD00-0728, 30 novembre 2010 (C.D.C.S.F.); Thibault c. L’Italien, CD00-0679, 10 octobre 2007 (C.D.C.S.F.); Thibault c. Morinville, CD00-0724, 31 décembre 2009 (C.D.C.S.F.); Rioux c. Noël, CD00-0666, 4 septembre 2007 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Guernon, CD00-1052,
26 janvier 2015 (C.D.C.S.F.); Lelièvre c. Bourdeau, CD00-0887, 13 janvier 2014 (C.D.C.S.F.); Lelièvre c. Idouche, CD00-0982, 8 août 2013 CanLII (C.D.C.S.F.); Lelièvre c. Saintilus, CD00-0983,
13 novembre 2014 (C.D.C.S.F.); Thibault c. Ferland, CD00-0754, 20 juillet 2011 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Cossette, CD00-0928, 7 janvier 2013 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Bruneau, CD00-1010, 31 octobre 2014 (C.D.C.S.F.); Rioux c. Desrosiers, CD00-0661, 12 mars 2009 (C.D.C.S.F.).

[4] R. c. Douglas (2002) 162 CCC (3d) 37; Malouin c. Laliberté 760-07-000001-010, jugement du 7 mars 2002 du Tribunal des professions; Mathieu c. Dentistes, 2004 QCTP 027.

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