Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Talbot

2016 QCCDCSF 52

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1082

 

DATE :

6 décembre 2016

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Claude Mageau

Président

M. Michel Gendron

Membre

M. Réal Veilleux, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

RÉJEAN TALBOT, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives, planificateur financier et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 131874, numéro de BDNI 1747171)

 

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

-           Ordonnance de non-divulgation, de non-diffusion et de non-publication des pièces et de tout renseignement ou information qui pourrait permettre d’identifier le consommateur mentionné dans la présente décision.

[1]           Le 21 novembre 2016, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo‑Pariseau, 26e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 26 septembre 2014 ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.         Dans la province de Québec, entre les ou vers les mois de mars et juillet 2010, l’intimé a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux, compétent et professionnel en effectuant des transactions menant au désenregistrement de valeurs détenues dans des comptes REER et CRI par J.F. sans mandat de son client et sans considérer l’impact fiscal, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 160.1 de la Loi sur les valeurs mobilières (RLRQ, chapitre V-1.1), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.7.1) et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, chapitre D-9.2, r.7.1).

[2]           La plaignante était représentée par Me Jean-Simon Britten, et l’intimé, qui était absent, était représenté par Me Antoine Van Audenrode.

[3]           D’entrée de jeu, le procureur de l’intimé déposa comme pièce I-1 un plaidoyer de culpabilité, reconnaissant sa culpabilité à l’unique chef d’accusation de la plainte.

[4]           Par la suite, les procureurs des parties informèrent le comité qu’ils avaient une recommandation commune à lui présenter quant à la sanction à être ordonnée à l’intimé.

LA PREUVE

[5]           Après avoir produit avec le consentement du procureur de l’intimé un cahier de pièces identifiées P-1 à P-18, le procureur de la plaignante résuma sommairement les faits du présent dossier en référant auxdites pièces.

[6]           Au moment de l’infraction reprochée, l’intimé détenait un certificat pour les disciplines suivantes : assurance de personnes, assurance collective de personnes, planification financière et courtage en épargne collective.

[7]           Le consommateur J.F., client de l’intimé, est décédé en 2012, et c’est sa conjointe, A.B., qui dénonça le comportement de l’intimé à titre de liquidatrice de la succession de J.F. et laquelle dénonciation mena au dépôt de la plainte disciplinaire en l’espèce.

[8]           Plus particulièrement, on reproche à l’intimé d’avoir converti deux (2) comptes enregistrés de J.F., soit un CRI et un REÉR, dans des comptes non enregistrés, sans considérer l’impact fiscal de ces transactions.

[9]           J.F. avait un compte CRI et un compte REÉR dans des institutions financières différentes et l’intimé a, dans un premier temps, transféré à SSQ dans des comptes enregistrés ces deux (2) comptes CRI et REÉR.

[10]        Par la suite, sans l’autorisation de J.F., il a fait transférer la somme de 31 574,00 $ (CRI) et la somme de 30 418,00 $ (REÉR) détenues dans ces comptes à SSQ dans des comptes de financement non enregistrés avec SFL.

[11]        Les chèques pour ces montants ont été transmis directement à l’adresse de l’intimé, à sa demande, et il a lui-même procédé à l’investissement correspondant dans des placements non enregistrés avec SFL.

[12]        L’intimé n’avait pas obtenu préalablement le consentement de J.F. pour faire lesdites transactions, lesquelles en plus n’étaient d’aucune utilité pour J.F.

[13]        De plus, le transfert de ces fonds dans des placements non enregistrés a été fait sans que les déductions fiscales applicables aient été effectuées.

[14]        Par conséquent, la succession de J.F. pourrait être cotisée par les autorités fiscales pour ce transfert de comptes enregistrés à des comptes non enregistrés.

[15]        L’intimé a bénéficié de commissions de l’ordre de 3 000 $ pour les différents transferts exécutés au nom de J.F., sans son autorisation.

[16]        Suite à ces représentations du procureur de la plaignante, le comité a déclaré l’intimé coupable de l’unique chef d’accusation de la plainte.

REPRÉSENTATIONS SUR SANCTION

[17]        Les procureurs des parties informèrent le comité qu’ils faisaient la recommandation commune d’une radiation de six (6) mois pour l’infraction reprochée à l’intimé.

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE LA PLAIGNANTE

[18]        Le procureur de la plaignante souligna les facteurs aggravants suivants :

-           Il s’agit d’un geste grave où l’intimé a procédé sans le consentement du consommateur;

-           Il y a un préjudice pécuniaire pour la succession de J.F. à cause d’une cotisation probable à venir des autorités fiscales relativement aux impôts sur le revenu à payer suite auxdits transferts;

-           Il y a préméditation de la part de l’intimé compte tenu des nombreux transferts exécutés sans information au consommateur et sans son approbation;

-           Il ne s’agissait pas d’une erreur commise par inadvertance;

-           La victime était vulnérable compte tenu qu’elle avait une faible connaissance en matière de placement et se fiait entièrement à l’intimé;

-           Il y a absence d’intérêt du consommateur pour les transactions effectuées;

-           Ce comportement de l’intimé ternit l’image de la profession;

-           Une somme importante de commissions ont été encaissées par l’intimé;

-           Il y a absence de remord de la part de l’intimé;

-           L’intimé a déjà été membre du comité de discipline de 2007 à 2011.

[19]        À titre de facteur atténuant, le procureur de la plaignante souligna le fait qu’il s’est passé déjà six (6) ans depuis la commission de l’infraction et le fait qu’il n’y ait eu qu’une seule victime dans le présent dossier.

[20]        Par la suite, le procureur de la plaignante déposa un cahier d’autorités contenant des précédents en pareille matière[1].

 

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE L’INTIMÉ

[21]        Le procureur de l’intimé confirma tout d’abord que la recommandation faite était commune et il appuya entièrement les propos du procureur de la plaignante quant à sa présentation des circonstances du dossier.

[22]        Par la suite, il indiqua qu’il y avait absence de preuve à l’effet que l’intimé s’était enrichi au détriment de J.F., mais il admet que l’intimé avait fait ces transferts sans en avoir discuté avec le consommateur.

ANALYSE ET MOTIFS

[23]        L’intimé, au moment de la commission des actes reprochés, était un conseiller en sécurité financière expérimenté.

[24]        Le consommateur avait une très faible connaissance en matière de placement et avait une confiance aveugle en l’intimé étant donné que celui-ci était l’ami de son parrain.

[25]        Les transactions qui ont permis le transfert des comptes enregistrés dans des placements non enregistrés n’étaient aucunement dans l’intérêt du consommateur, mais étaient plutôt dans l’intérêt de l’intimé qui en a retiré des commissions intéressantes.

[26]        Le comité est d’accord avec le procureur de la plaignante à l’effet qu’il ne s’agissait pas d’une simple erreur commise par inadvertance par l’intimé.

[27]        La succession du consommateur est toujours susceptible de payer des sommes importantes aux autorités financières à cause des gestes de l’intimé.

[28]        L’infraction commise par l’intimé en l’espèce va à l’encontre d’une des obligations les plus importantes du conseiller en sécurité financière, soit celle de bien conseiller ses clients, d’agir de façon consciencieuse et dans leur meilleur intérêt.

[29]        Le comité reconnaît que l’intimé n’a pas d’antécédent disciplinaire en semblable matière et qu’il a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’infraction reprochée.

[30]        Le comité connaît bien l’état du droit en matière de recommandation commune, laquelle ne le lui permet pas de déroger à une telle recommandation commune, à moins qu’elle soit déraisonnable et qu’elle aille à l’encontre de l’intérêt public[2].

[31]        Le comité est d’accord avec la recommandation commune faite par les deux (2) procureurs d’expérience devant lui et laquelle respecte les paramètres jurisprudentiels applicables en matière de sanction pour l’infraction reprochée à l’intimé.

[32]        Par conséquent, considérant tous les facteurs objectifs et subjectifs, aggravants et atténuants, le comité donnera suite à la recommandation commune des parties pour l’unique chef d’accusation de la plainte.

[33]        Le comité ordonnera également la publication de la décision et condamnera l’intimé au paiement des déboursés.

 

 

[34]        PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE À NOUVEAU du plaidoyer de culpabilité (pièce I-1) déposé par l’intimé sur l’unique chef d’accusation de la plainte disciplinaire;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité sur l’unique chef d’accusation de la plainte;

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six (6) mois;

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions (RLRQ, c. C‑26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ c. C-26).

 

 

 

 

 

(S) Claude Mageau

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Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

 

(S) Michel Gendron

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M. MICHEL GENDRON

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Réal Veilleux

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M. RÉAL VEILLEUX, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jean-Simon Britten

Therrien Couture Avocats s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Antoine Van Audenrode

De Chantal, D'Amour, Fortier s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

 

Date d’audience :

21 novembre 2016

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]    Lelièvre c. Bernier, CD00-0935, Décision sur culpabilité et sanction du 24 janvier 2013; Lelièvre c. Cléroux, CD00-0892, Décision sur culpabilité du 15 octobre 2013 et Décision sur sanction du 2 octobre 2014; Lelièvre c. Cantin, CD00-1012, Décision sur culpabilité et sanction du 25 juin 2014.

[2]      Douglas c. R., [2002] CanLII 32492 (QC C.A.); Tremblay c. Arpenteurs-géomètres (Ordre professionnel des), [2001] D.D.O.P. 245 (T.P.); Malouin c. Notaires (Ordre professionnel des), D.D.E. 2002 D-23 (T.P.); Stébenne c. Médecins (Ordre professionnel des), [2002] D.D.O.P. 280 (T.P.); Mathieu c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2004 QCTP 027.

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