Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Goyette

2017 QCCDCSF 11

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1162

 

DATE :

3 mars 2017

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A

Membre

M. Shirtaz Dhanji, A.V.A, Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

BENOIT GOYETTE, conseiller en sécurité financière (certificat numéro 115209 et BDNI 1877881)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                     Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et du prénom des consommateurs concernés ainsi que de tout renseignement permettant de les identifier.

[1]           Le 7 juin 2016, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni aux locaux du Tribunal administratif du travail sis au 500, boulevard René-Lévesque Ouest, 18e étage, salle 18.113, en la ville de Montréal, province de Québec, H2Z 1W7, et a procédé à l'instruction d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       Dans la province de Québec, le ou vers le 16 février 2011, l’intimé a fait signer partiellement en blanc le formulaire « SSQ Investissement et retraite Revenu garanti ASTRA » à M.P., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

2.          Dans la province de Québec, le ou vers le 3 mars 2014, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements ni procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de  M.S. avant de le faire souscrire au contrat de fonds distincts […] au moyen d’un prêt REER de 15 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r.10);

 

3.          Dans la province de Québec, le ou vers le 3 mars 2014, l’intimé a signé, à titre de témoin, le formulaire « RRSP Loan Agreement » pour le prêt numéro […] hors de la présence de M.S., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3). »

[2]           Au terme de l’audition, le comité accorda à la plaignante jusqu’au 11 juillet 2016 pour lui faire tenir des notes et autorités relativement à l’interprétation à donner à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants et à l’intimé jusqu’au 15 août 2016 pour y répondre. Le comité réclama de plus la transcription des notes sténographiques des témoignages entendus. Celle-ci lui parvint le 7 septembre 2016, date de début du délibéré.

PREUVE DES PARTIES

[3]           Au soutien de sa plainte, la plaignante fit entendre M. Sébastien Lévesque, enquêteur au bureau de la syndique, en plus de déposer une imposante preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-22.

[4]           Quant à l’intimé, il fit entendre M. M.P. (M.P.) et M. M.S. (M.S.) (tous deux courtiers immobiliers), les consommateurs concernés par les chefs d’accusation mentionnés à la plainte, de même que M. Christophe Chale-Kive, associé de Service de l’assureur-vie Manuvie (Manuvie), et choisit de témoigner. De plus, il versa au dossier une preuve documentaire qui fut cotée I-1 à I-5.

MOTIFS ET DISPOSITIF

Chef d’accusation no 1 :

[5]           À ce chef d’accusation, il est reproché à l’intimé d’avoir, le ou vers le 16 février 2011, fait signer partiellement en blanc, à son client M.P., un formulaire « SSQ Investissement et retraite Revenu garanti ASTRA », contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF) (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (Code de déontologie) (RLRQ, c. D-9.2, r. 3).

[6]           Or, soulignons d’abord que la preuve présentée au comité a révélé qu’au moment où le consommateur M.P. a apposé sa signature audit formulaire le document en cause n’était que partiellement complété[1].

[7]           Ainsi, le 16 février 2011, tandis qu’il le retourne à l’intimé, M.P. transmet à ce dernier le message suivant : « M. Goyette, Signature et document rempli (sic). Je crois que le reste doit être rempli par vous ?? Si j’ai oublié quelque chose, s.v.p. me rappeler. Merci. »[2]

[8]           De surcroît, interrogé sur le sujet lors de l’audition, M.P. déclare ce qui suit :

« Q. [306] Dans le cas qui nous occupe, …

R. Hum hum.

Q. [307] … je comprends que quand on lit le courriel, …

R. Hum hum.

Q. [308] … vous l’avez complété en partie …

R. Hum hum.

Q. [309] … et vous l’avez envoyé à monsieur Goyette, …

R. Hum hum.

Q. [310] … et c’est lui qui devait le compléter ?

R. Le compléter, parce que moi je connaissais pas exactement les termes et les choses qu’il fallait que je complète.

Q. [311] Et c’est monsieur Goyette qui le complétait ?

R. Qui l’a complété, mais il m’a appelé après l’avoir fait pour m’avoir expliqué comment ça marchait.

Q. [312] Je vous remercie.

R. C’est bon. »

[9]           La conclusion qui s’impose de la preuve prépondérante est que l’intimé a obtenu de son client qu’il signe un document incomplet, qu’il a ensuite, de son propre chef, parachevé[3].

[10]        Or, en agissant de la sorte, l’intimé obtenait de son client qu’il valide à l’avance, par sa signature, ce qu’il n’avait pas vu.

[11]        Et tel que le comité l’a déjà indiqué à plusieurs reprises, il s’agit d’une façon fautive et reprochable de faire[4].

[12]        L’article 16 de la LDPSF, l’une des dispositions évoquées au soutien du chef d’accusation, édicte ce qui suit :

            « 16.    Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.

 

            Il doit agir avec compétence et professionnalisme. »

[13]        En obtenant que son client signe un document inachevé, soit un formulaire d’adhésion à un plan RÉR SSQ partiellement en blanc, et ce, même s’il a pris la peine de communiquer avec ce dernier après l’avoir complété, l’intimé a fait défaut d’agir avec compétence et professionnalisme.

[14]        Ainsi, bien qu’il ne se soit pas conduit de façon malhonnête et n’apparaît pas avoir été animé d’une intention malveillante, en agissant tel que la preuve l’a révélé, il a commis la faute déontologique qui lui est imputée. Il sera donc reconnu coupable de ce chef d’accusation.

Chef d’accusation no 2 :

[15]        À ce chef d’accusation, il est reproché à l’intimé, le ou vers le 3 mars 2014, son défaut de recueillir tous les renseignements et de procéder à une analyse complète et conforme des besoins financiers de M.S. avant la souscription par ce dernier d’un contrat de « fonds distincts », au moyen d’un prêt REER de 15 000 $.

[16]        L’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (le Règlement), l’une des dispositions invoquées au soutien du chef d’accusation, et sur laquelle s’est appuyée la plaignante lors des plaidoiries, se lit comme suit :

«6.        Le représentant en assurance de personnes doit, avant de faire remplir une proposition d'assurance ou d'offrir un produit d'assurance de personnes comportant un volet d'investissement, dont un contrat individuel à capital variable, analyser avec le preneur ses besoins ou ceux de l'assuré.

 

Ainsi, selon le produit offert, le représentant en assurance de personnes doit analyser avec le preneur, notamment, ses polices ou contrats en vigueur ou ceux de l'assuré, selon le cas, leurs caractéristiques et le nom des assureurs qui les ont émis, ses objectifs de placement, sa tolérance aux risques, le niveau de ses connaissances financières et tout autre élément nécessaire, tels ses revenus, son bilan financier, le nombre de personnes à sa charge et ses obligations personnelles et familiales.

 

Le représentant en assurance de personnes doit consigner les renseignements recueillis pour cette analyse dans un document daté. Une copie de ce document doit être remise au preneur au plus tard au moment de la livraison de la police.»

[17]        Ladite disposition impose au représentant, avant la souscription d’une « proposition d’assurance » ou avant « d’offrir un produit d’assurance de personnes comportant un volet d’investissement », de procéder à ce qui est généralement convenu d’appeler dans le langage du métier l’« ABF » ou l’analyse des besoins financiers du client.

[18]        L’« ABF », tel que le comité l’a indiqué à plusieurs reprises, est la procédure préalable essentielle permettant au représentant de bien connaître la situation de son client et de le conseiller adéquatement. En exigeant que le représentant consigne par écrit les renseignements obtenus lors de l’exercice, le législateur a attesté de l’importance de celle-ci.

[19]        En la présente, la preuve a révélé que le ou vers le 20 février 2014, le consommateur en cause, M.S., communiquait avec l’intimé par courriel pour s’informer si ce dernier pourrait lui permettre de participer, tel qu’il l’avait fait deux ans auparavant, à un « RRSP Loan Program ».

[20]        Au courriel qu’il acheminait à l’intimé, M.S. indiquait :

« Hello Benoit,

I wanted to inquire if you still have the same RSP loan program? If so, I’d like to know the terms of the RSP loans, as there are many products out there that I have seen …Thank you, M.S.  »[5]

[21]        Puis, peu après, soit le ou vers le 28 février 2014, il lui faisait tenir un second puis un troisième courriel, où il lui donnait mandat d’obtenir auprès de Manuvie un prêt REER de 15 000 $ devant servir à la souscription de « fonds distincts »[6], ce à quoi il fut procédé par la suite.

[22]        À la défense de son client, la procureure de l’intimé a soutenu que la disposition réglementaire évoquée à l’appui du chef d’accusation ne pouvait, en l’espèce, trouver application.

[23]        Selon cette dernière ladite disposition ne vise que les « produits d’assurance de personnes » alors que le comité est confronté à un placement dans des « fonds distincts ».

[24]        Elle a plaidé que bien que les « fonds distincts » soient généralement vendus ou distribués par un assureur cela n’en faisait pas pour autant un produit d’assurance.

[25]        Et après une analyse de ce qui lui apparaissait être la substance et les caractéristiques du produit, elle indiqua, qu’à son opinion, le contrat en cause « ne répondait pas à la définition d’un contrat d’assurance ».

[26]        Elle suggéra, qu’à son avis, le comité se trouvait plutôt en présence d’un « investissement dans un groupe déterminé d’éléments d’actifs maintenu par un assureur qui comporte une garantie de paiement d’un montant au décès du client ainsi qu’une garantie que le montant versé ne sera pas moindre de 75 % du montant investi ». Elle affirma que « l’objectif de ce contrat n’est pas d’assurer un risque, que ce soit la vie, l’intégrité physique ou la santé d’une personne », mais « plutôt d’investir un montant qui sera à l’abri de l’impôt et de garantir à l’investisseur un certain montant de cet investissement qui pourra être récupéré ».

[27]        Elle ajouta que « dans l’éventualité où l’investisseur souhaiterait mettre fin au contrat, il pourra récupérer l’argent qu’il a investi alors qu’à l’opposé, l’assuré qui met fin à son contrat d’assurance ne récupère pas les primes ou cotisations versées, lesquelles ne lui appartiennent pas ».

[28]        Elle termina son argument en déclarant que « les définitions comprises dans la législation ainsi que les principes reconnus par la jurisprudence concernant la formation d’un contrat d’assurance » l’amenaient à « conclure que l’article 6 précité du Règlement devait s’appliquer exclusivement à un produit d’assurance, lequel pouvait comporter ou non un volet d’investissement ».

[29]        Compte tenu de ce qui précède, elle invita le comité à conclure que le contrat en cause n’étant pas, à son avis, un produit d’assurance, l’article 6 du Règlement précité ne pouvait trouver application.

[30]        Avec respect, le comité ne souscrit pas à ce point de vue.

[31]        Mentionnons d’abord que, selon les règles d’interprétation, le Règlement en cause édicté avec l’objectif de la protection du public, doit s’interpréter largement et libéralement.

[32]        Mentionnons aussi que, si l’on circonscrit le débat, l’on en arrive à la conclusion que les arguments invoqués par la procureure de l’intimé portent essentiellement sur l’interprétation à donner à la partie suivante de la disposition en cause du Règlement :

« … offrir un produit d’assurance de personnes comportant un volet d’investissement ...  »

et à savoir si les « fonds distincts » entrent dans le cadre de ladite locution.

[33]        En 2008, la Cour fédérale d’appel s’est penchée sur la nature des « fonds distincts ».

[34]        Reprenant alors à son compte la définition contenue à une publication du ministère fédéral des Finances relative à l’industrie canadienne des assureurs de personnes (septembre 2002), elle en fit la description suivante :[7]

« Un fonds distinct, que seule une société d’assurances de personnes est autorisée à exploiter, s’apparente à un produit de fonds commun de placement proposé par d’autres institutions financières : il comprend des portions de fonds de placement dans toute une gamme de valeurs mobilières (p. ex. des actions, des obligations, des fonds équilibrés). Cependant, il diffère des produits de fonds commun de placement étant donné qu’un pourcentage minimal du placement (en général au moins 75 %) doit être remis à l’investisseur à l’échéance du placement. Le terme « distinct » est utilisé parce que les fonds doivent être conservés indépendamment des autres actifs de la société d’assurances. »

[35]        Le contrat auquel a souscrit M.S. auprès de Manuvie est, tel que souligné par la Cour, un contrat que seule une société d’assurances de personnes est habilitée à offrir.

[36]        De plus, il s’agit d’un produit que seul un représentant détenant une certification en assurance de personnes est autorisé à vendre ou à distribuer.

[37]        Enfin, bien qu’il soit vrai que les « fonds distincts », tel que la Cour fédérale le mentionne, comportent des ressemblances avec les fonds communs de placement proposés par des institutions financières autres que les compagnies d’assurance-vie, ils comportent, à la distinction de ceux-ci, en plus du volet investissement, une claire composante « assurance de personnes »[8].

[38]        En l’espèce, le contrat souscrit par M.S. auprès de Manuvie comportait la garantie que le montant versé par l’assureur à son décès (ou à l’échéance du contrat, soit lorsqu’il aura atteint l’âge de 100 ans) ne sera pas moins de 75 % du montant qu’il aura investi dans le ou les différents fonds qu’il a choisis.

[39]        L’assureur y assumait le risque qu’au décès de M.S. (ou lorsqu’il atteindrait 100 ans), ses investissements dans les « fonds distincts »[9] puissent, compte tenu de l’impondérabilité des marchés, valoir moins que 75 % des montants que ce dernier y a investis. Dans le cas où le risque couvert se réalisait, l’assureur s’obligeait à verser à M.S. ou à sa succession, la prestation compensatoire mentionnée au contrat.

[40]        Aussi, de l’avis du comité, le produit souscrit par M.S. s’inscrit dans la définition d’un « produit d’assurance de personnes comportant un volet d’investissement ».

[41]        Et, en conséquence, l’intimé avait le devoir de se conformer aux exigences de l’article 6 précité du Règlement.

[42]        Ajoutons, en terminant, que le comité, et ce, bien que l’applicabilité du Règlement à la vente de « fonds distincts » n’y ait généralement pas été discutée, a, en au moins une occasion, rendu une décision fondée sur celui-ci, reconnaissant un représentant en assurance de personnes coupable d’infractions en lien avec la souscription de tels produits[10].

[43]        Ce premier argument étant écarté, il nous faut maintenant nous pencher sur le second argument présenté par la procureure de l’intimé.

[44]        À la défense de son client, cette dernière a soutenu que le comité devait conclure de la preuve qui lui a été présentée, que l’intimé avait respecté la disposition réglementaire en cause.

[45]        Ainsi, elle a d’abord souligné, qu’interrogé lors de l’audition à savoir si avant la souscription par M.S. de « fonds distincts » auprès de Manuvie il avait procédé à une analyse des besoins financiers (ABF) de son client, l’intimé avait répondu affirmativement, indiquant que la documentation qu’il a déposée au dossier sous la cote I-2A constituait ou attestait de celle-ci.

[46]        Voici le témoignage de l’intimé :

Page 244, ligne 749 :

«Q. Hum hum. Est-ce que vous avez fait une analyse des besoins financiers de monsieur S.?

R. Vous l’avez devant vous.

Q. Non, ça c’est la plainte.

R. Non non, le document dont on parlait il y a deux minutes.

Q. Le document I-2A, …

R. Oui c’est ça.

Q. Les renseignements personnels?

R. Oui.

Q. Et c’est ça votre …

R. Ça c’est mon analyse financière à moi, ça. »

[47]        Elle a ensuite plaidé que l’on y retrouvait l’ensemble des informations nécessaires à la souscription par M.S. du contrat de « fonds distincts ».

[48]        Et elle a souligné que la documentation portait la date du 3 mars 2014, soit celle de la souscription dudit contrat.

[49]        Or, à l’examen, l’on se rend compte que la pièce I-2A comporte à la fois un « profil d’investisseur », permettant de vérifier les connaissances, l’horizon de placement, les objectifs, la tolérance au risque, les types d’investissement pouvant convenir à M.S., etc., et une « fiche de renseignements » témoignant d’une importante cueillette d’information.

[50]        À ladite fiche l’on retrouve notamment des renseignements sur les revenus de M.S. et de sa conjointe[11], leurs dépendants, le montant maximum déductible à leur REER et CELI, la valeur de leurs placements enregistrés et non enregistrés, la détention d’une police d’assurance-vie de 1 000 000 $ par M.S. dont son épouse serait la bénéficiaire, la propriété d’une résidence principale d’une valeur de 450 000 $, l’indication d’une dette hypothécaire de 280 000 $, etc.

[51]        Et bien que, tant M.S. que l’intimé, lors de leur témoignage, n’aient pas été très précis relativement aux circonstances entourant la confection desdits documents, ils ont tous deux déclaré ou laissé entendre qu’ils avaient été signés au bureau de M.S. à la date y mentionnée, soit le 3 mars 2014.

[52]        Aussi, compte tenu de ce qui précède, ainsi que de l’ensemble de la preuve qui lui a été présentée, le comité en arrive à la conclusion que la plaignante n’est pas parvenue à se décharger du fardeau de preuve prépondérante qui lui incombait sur ce chef d’accusation.

[53]        Ce chef d’accusation sera donc rejeté.

Chef d’accusation no 3 :

[54]        À ce chef d’accusation, il est reproché à l’intimé d’avoir, le ou vers le 3 mars 2014, signé à titre de témoin le formulaire « RRSP Loan Agreement » y mentionné, hors la présence de M.S., contrevenant ainsi aux article 16 de la LDPSF, 11, 34 et 35 du Code de déontologie.

[55]        Or, lors de son contre-interrogatoire, l’intimé a reconnu ne pas avoir assisté à la signature par M.S. du document en cause.

[56]        Avant d’y apposer sa signature à titre de témoin, il s’est satisfait de comparer l’apparente signature qui s’y trouvait à celles inscrites dans des documents signés antérieurement par M.S.

[57]        Voici des extraits de son témoignage :

Page 221, ligne 643 à page 223, ligne 653 :

« Q. [643] Maintenant ce document-là, vous nous avez expliqué … vous avez signé sur le document à titre de témoin, c’est ça : « witness signature »?

R. Oui effectivement, pour la bonne et simple raison que comme vous avez pu le constater, je connais le client très bien.

Me françois folot, Président :

Q. [644] Attendez, j’ai pas compris.

R. Pardon monsieur. Donc oui effectivement, étant donné que je connais, comme vous avez pu le constater, très très bien le client, je connais très bien sa signature et j’avais d’autres signatures, alors donc effectivement j’avais aucune difficulté à identifier cette signature-là. Et donc je connais le client, je lui ai parlé, etc., etc., donc j’avais aucun doute.

Me gilles ouimet :

Q. [645] Aucun doute. Mais dans les faits, je comprends que vous reconnaissez que vous n’étiez pas témoin …

R. De la signature.

Q. [646] … de sa signature au moment où il a signé ce document-là?

R. Ce document-là, non.

Q. [647] De fait, on a dans …

R. Mais ça dépend qu’est-ce que vous entendez par « témoin ». Étant donné que je l’ai sollicité, je lui ai envoyé. Est-ce que vous demandez est-ce que j’étais assis devant lui … Est-ce que c’est le sens de votre question?

Q. [648] Est-ce que vous étiez présent au moment où monsieur S. a signé le document?

R. Ce document-là, non.

Q. [649] alors ce que vous dites, ce que vous reconnaissez devant le comité, c’est que vous avez signé le document I-2, qui était la même chose que P-21, …

R. Tout à fait.

Q. [650] … à côté de la signature …

R. Comme témoin.

Q. [651] … de votre client, sous « Witness signature ». Vous avez signé là …

R. Oui.

Q. [652] … alors que vous n’étiez pas présent au moment où le client …

R. Oui.

Q. [653] … avait signé le formulaire ?

R. Exactement. »

[58]        De plus, l’intimé a admis, qu’en l’espèce, il était nécessaire d’avoir un témoin à la signature du client.

[59]        Voici son témoignage :

Page 226, ligne 663 à page 227, ligne 665 :

« Q. [663] Je veux juste comprendre, là, je tiens pour acquis que nous sommes d’accord que ce document-là, c’était nécessaire d’avoir un témoin de la signature du client ?

R. Oui, mais à partir du moment où tu identifies la signature et que tu es convaincu que c’est la bonne signature, que c’est la bonne personne qui l’a signé, oui.

Q. [664] Nous sommes d’accord que pour ce document-là ça prenait un témoin de la signature parce que l’assureur exige d’avoir, la banque dans ce cas-là parce que c’était un prêt, …

R. Oui.

Q. [665] … exige d’avoir un témoin de la signature ?

R. Effectivement, et je fais un très très bon témoin. Bon. »

[60]        Questionné relativement aux motifs qui l’auraient poussé à agir tel qu’il l’a fait, l’intimé a laissé entendre qu’il avait été motivé par les intérêts de son client M.S., alors aux prises avec de courts délais pour sa contribution annuelle à un REER.

[61]        Or, bien que l’intimé devait certes veiller aux intérêts de son client, il n’était pas pour autant autorisé à agir au détriment de ses obligations déontologiques qu’il ne pouvait ignorer.

[62]        En effet, il avait antérieurement été avisé par les autorités de l’AMF[12] de ne témoigner de la signature d’un client uniquement en sa présence et le ou vers le 18 avril 2013, il avait dû signer un engagement par lequel il s’obligeait à respecter l’ensemble des obligations qui lui était imposé par la LDPSF et ses règlements, et plus particulièrement à se conformer aux exigences suivantes :

«                                                                                                         

a)       

b)       

c)         Témoigner de la signature d’un client uniquement en sa présence. »[13]

[63]        De plus, tel que le comité l’a déjà indiqué à quelques reprises, dans l’exercice de sa profession, le représentant encourt des responsabilités non seulement à l’endroit de son client, mais aussi à l’endroit de l’assureur; ce dernier doit pouvoir compter que le représentant qui signe en tant que témoin de la signature d’un consommateur a assisté à celle-ci et pourra en témoigner, le cas échéant.

[64]        L’article 35 du Code de déontologie, l’une des dispositions invoquées à l’appui du chef d’accusation édicte ce qui suit :

 

« 35.  Le représentant ne doit pas exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente. »

[65]        Certes, en l’espèce la preuve ne révèle pas une conduite malhonnête ou un accroc aux règles de la probité, mais en témoignant de la signature de son client alors qu’il n’a pas assisté à celle-ci, l’intimé s’est comporté de façon négligente, a manqué de professionnalisme, et ce, quelles que soient les bonnes intentions qui puissent l’avoir animé, et a commis la faute déontologique qui lui est reprochée.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

            REJETTE le chef d’accusation 2 contenu à la plainte;

            DÉCLARE l’intimé coupable sous chacun des chefs d’accusation 1 et 3 contenus à la plainte;

            CONVOQUE les parties, avec l’assistance de la secrétaire du comité, à une audition sur sanction.

 

 

(S) François Folot

__________________________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

 

(S) Gisèle Balthazard

__________________________________

Mme GISÈLE BALTHAZARD, A.V.A

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Shirtaz Dhanji

__________________________________

M. SHIRTAZ DHANJI, A.V.A, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

Me Gilles Ouimet

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Émilie Legendre

CHARBONNEAU AVOCATS - CONSEILS

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

7 juin 2016

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 



[1]     À P-10 (pages 001486 à 001489), qui porte la signature de M.P., l’on voit entre autres que les sections 6, 7 et 8 du document n’ont pas été remplies. Le même document, par la suite complété et signé par l’intimé, a été retrouvé à son dossier-client par l’enquêteure (P-11, page 1480).

[2]     Voir pièce P-10, page 001491.

[3]     Tel que précédemment mentionné, le document a été retrouvé complété et signé par l’intimé dans son dossier-client.

[4]     Voir notamment Lelièvre c. Ronco, CD00-0987, décision sur culpabilité et sanction en date du 20 mars 2014.

[5]     Voir pièce P-16, page 001548.

[6]     Voir pièce P-16, page 001548 et pièce P-17, page 001546.

[7]     Canada c. Nationale du Canada, Compagnie d’assurance-vie, 2008, CAF 14 (CanLII), par. 4.

[8]     Compte tenu des garanties qu’ils comportent en vertu de ce volet « assurance de personnes » et parce que considérés des produits d’assurance, ils ne sont pas assujettis aux exigences d’un prospectus prévu par les Lois sur les valeurs mobilières.

[9]     Fonds que l’assureur se devait de conserver indépendamment de ses autres actifs, tel que l’a signalé la Cour d’appel fédérale dans le jugement précité.

[10]    Voir Champagne c. Breault, CD00-1045, 31 mars 2016.

[11]    Une absence de revenu dans son cas puisqu’elle était étudiante.

[12]    L’Autorité des marchés financiers.

[13]    Voir pièce P-4.

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