Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

Chambre de la sécurité financière c. Lamothe

2017 QCCDCSF 16

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1202

 

DATE :

23 mars 2017

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Alain Legault

Membre

M. Marc Saulnier

Membre

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MARC-AURÈLE RACICOT, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

JONATHAN LAMOTHE, représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 196593, BDNI 2882701)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-PUBLICATION :

 

         Des nom et prénom de la consommatrice impliquée dans la plainte, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle ou financière permettant de l’identifier.

 

[1]          Le 7 mars 2017, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire suivante portée contre l'intimé le 14 octobre 2016.

[2]          Le plaignant était représenté par Me Gilles Ouimet. Quant à l’intimé, il était présent, mais non représenté.

LA PLAINTE

1.      À Montréal, le ou vers le 5 mai 2015, l’intimé a contrefait la signature de sa cliente S.A. sur un Formulaire de transactions subséquentes, contrevenant ainsi aux articles 160 de la Loi sur les valeurs mobilières (RLRQ, c. V-1.1), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1).

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]          D’entrée de jeu, le procureur du plaignant a déposé un plaidoyer de culpabilité signé par l’intimé le même jour, par lequel il reconnaît les gestes reprochés et se déclare prêt à procéder sur sanction. 

[4]          L’intimé ayant réitéré devant le comité reconnaitre les gestes reprochés et que ceux-ci constituaient des infractions déontologiques, le comité a donné acte à son plaidoyer.

[5]          Ensuite, le procureur du plaignant a résumé le contexte factuel entourant les infractions reprochées en plus de déposer sa preuve documentaire[1]. On y retrouve notamment des admissions signées par les parties le 7 mars 2017. Celles-ci relatent les faits pertinents et indiquent que l’intimé a eu l’occasion de consulter un avocat avant la formulation desdites admissions.

[6]          Après avoir tenu un court délibéré, le comité a déclaré l’intimé coupable sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte pour avoir contrevenu à l’article 160 de la Loi sur les valeurs mobilières. Il a également ordonné l’arrêt conditionnel des procédures quant aux autres dispositions invoquées au soutien de la plainte.

LES FAITS

[7]          L’infraction a été commise à une seule reprise, le ou vers le 5 mai 2015, alors que l’intimé était représentant de courtier en épargne collective auprès de Banque Nationale Investissements inc. (BNI).

[8]          Le ou vers le 23 avril 2015, la consommatrice S.A. a rencontré l’intimé à la succursale où il travaillait pour ouvrir un compte d’épargne libre d’impôt (CÉLI). L’intimé a procédé à l’ouverture dudit compte, complété le profil d’investisseur de S.A., laquelle a signé à cette fin différents formulaires en présence de l’intimé.

[9]          Les fonds à verser dans ce CÉLI provenaient d’un compte détenu par S.A. dans une autre institution financière. Le même jour, S.A. a confirmé par courriel à l’intimé que les fonds étaient disponibles.

[10]       Au cours des jours suivants, S.A. a communiqué avec l’intimé pour lui indiquer qu’il pouvait procéder audit transfert dans son nouveau CÉLI.

[11]       Le 5 mai 2015, devant partir en vacances, l’intimé s’est aperçu qu’il lui manquait le formulaire de transfert requis portant la signature de sa cliente. Puisqu’il avait obtenu le consentement de cette dernière et voulant éviter des délais additionnels, l’intimé a imité la signature de sa cliente sur ledit formulaire et a effectué le virement de fonds conformément à ses instructions.

[12]       Le 6 mai 2015, étant sans nouvelle de l’intimé et ignorant que la transaction avait été effectuée la veille, S.A. s’est présentée à la succursale pour dénoncer le long délai d’exécution de sa demande. C’est à ce moment que S.A. a constaté que sa signature avait été imitée sur ledit formulaire.

[13]       Au cours de l’enquête interne enclenchée par la Banque, l’intimé a admis sa faute et a remis sa démission.

LES REPRÉSENTATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

        Le plaignant

[14]        Le procureur du plaignant a déclaré ne pas avoir de preuve supplémentaire à offrir sur sanction.

[15]        Sous l’unique chef d’accusation, il a recommandé au comité d’ordonner la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois, la publication de l’avis de décision et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.  

[16]        À l’appui de cette sanction, il a déposé un cahier contenant trois décisions[2] précédées d’un résumé des éléments qu’il considérait pertinents pour le présent dossier.

 

         L’intimé

[17]       Ce n’est qu’après leur rencontre en avril 2015 que l’intimé a constaté que S.A. avait apporté avec elle la copie signée du formulaire. Il a expliqué la commission du geste reproché par le fait qu’il partait en vacances incessamment, combiné au très grand stress qu’il subissait dans l’exercice de ses fonctions de représentant dans le milieu bancaire

[18]       Il a expliqué vivre depuis « très mal avec le geste commis » et qu’il ne le répéterait plus jamais.

[19]       Il a ajouté vouloir revenir dans le milieu financier, mais dans un environnement autre que celui d’une succursale bancaire.

[20]       Enfin, il a indiqué ne pas s’objecter aux sanctions recommandées par le plaignant, ayant non seulement fait une recherche à cette fin, mais aussi pris connaissance des décisions que le procureur de celui-ci lui a soumises avant l’audience.  

ANALYSE ET MOTIFS

[21]        Le comité réitère la déclaration de culpabilité de l’intimé rendue séance tenante sous l’unique chef d’accusation de la plainte.

[22]        L’intimé est âgé de 30 ans. Il a été inscrit à titre de représentant de courtier en épargne collective pour le compte de la BNI, du 29 août 2012 au 5 février 2014 et du 10 février 2014 au 19 juin 2015, et était de ce fait encadré par la Chambre de la sécurité financière (CSF).

[23]        La suspension de son certificat du 6 au 9 février 2014 a été causée par son défaut de respecter ses obligations de formation continue.  

[24]        Depuis sa démission de la BNI, il a réorienté sa carrière et travaille comme représentant de vente d’instruments médicaux.

[25]        Selon les faits rapportés, il a imité la signature de sa cliente pour éviter des délais additionnels dans le transfert des fonds dans le CÉLI qu’il avait ouvert pour elle.

[26]        L’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire. Il a collaboré à l’enquête et a admis ses fautes à la première occasion. Certes, sa signature d’un plaidoyer de culpabilité ainsi que d’admissions a considérablement réduit le temps d’instruction de la plainte devant le comité. Il s’agit en l’espèce d’un acte isolé commis sans intention malveillante. Enfin, l’intimé a exprimé des regrets et sa cliente S.A. n’a subi aucun préjudice.

[27]        Par ailleurs, même si les circonstances entourant la commission de l’infraction dans le présent cas peuvent paraître de gravité moindre que dans certains autres cas de contrefaçon de signature, elle constitue une pratique clairement prohibée et sa gravité objective est indéniable. Elle va au cœur de l’exercice de la profession et porte une atteinte grave à l’image de celle-ci. La confiance du public envers les représentants de la CSF s’en trouve par conséquent grandement affectée. Comme l’intimé n’exclut pas un retour éventuel dans le domaine financier, ceci laisse entrevoir un certain risque de récidive.

[28]        Il importe de rappeler que l’honnêteté et l’intégrité sont des qualités essentielles que doit posséder tout représentant. Or, celles-ci sont intrinsèques à la personne et le manque d’expérience ne peut donc être retenu comme facteur atténuant. 

[29]       Considérant les facteurs aggravants et atténuants mentionnés, le comité estime que la recommandation du plaignant, à laquelle l’intimé souscrit, répond aux critères devant le guider dans la détermination des sanctions et est compatible avec les sanctions prononcées pour ce type d’infraction commise dans de semblables circonstances.  

[30]       Par conséquent, sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte, la radiation temporaire de l’intimé sera ordonnée pour une période d’un mois.

[31]       Le comité ordonnera également la publication de l’avis de la présente décision et condamnera l’intimé au paiement des déboursés.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE ORDONNER la non-divulgation, la non-publication et la non-diffusion des nom et prénom de la consommatrice visée par la plainte, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et financière permettant de l’identifier;

RÉITÈRE PRENDRE ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

RÉITÈRE DÉCLARER l’intimé coupable sous l’unique chef d’accusation mentionné à la plainte, pour avoir contrevenu à l’article 160 de la Loi sur les valeurs mobilières;

RÉITÈRE ORDONNER l’arrêt conditionnel des procédures quant aux autres dispositions invoquées dans la plainte;

 

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

ORDONNE, sous l’unique chef d’accusation, la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions, RLRQ, c. C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

 

 

(S) Janine Kean

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Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(S) Alain Legault

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M. Alain Legault

Membre du comité de discipline

 

(S) Marc Saulnier

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M. Marc Saulnier

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Gilles Ouimet

BÉLANGER LONGTIN s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente seul.

 

Date d’audience :

Le 7 mars 2017

 

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 



[1] P-1 à P-3.

[2] CSF c. Rouillard, CD00-1197, décision sur culpabilité et sanction du 30 janvier 2017; CSF c. Simard, CD00-0909 et CD00-0947, décision sur sanction rectifiée du 7 mars 2016; CSF c. Gauthier, CD00-1038, décision sur culpabilité et sanction du 15 octobre 2015.

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