Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Rocha

2017 QCCDCSF 18

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1119

 

DATE :

18 avril 2017

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Alain Gélinas

Président

Mme Dyan Chevrier, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Alain Legault

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière;

 

Partie plaignante

c.

 

ZACHARY ROCHA (certificat numéro 188252, BDNI numéro 2586151)

 

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                     Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et du prénom du consommateur concerné ainsi que de tout renseignement permettant de l’identifier.

[1]           La syndique de la Chambre de la sécurité financière (CSF) a déposé, à l’encontre de l’intimé la plainte suivante :

LA PLAINTE

1.        À Vaudreuil-Dorion, vers janvier 2013, l’intimé a falsifié une lettre de confirmation d’emploi d’un client en indiquant que son salaire horaire était de 51,11 $ plutôt que 22,11 $ et en ajoutant à son titre d’emploi «Day Labourer, Permanent» le mot «Senior» afin de lui faciliter l’obtention d’un produit de crédit auprès de son institution financière, contrevenant ainsi aux articles 160 de la Loi sur les valeurs mobilières (RLRQ, c. V-1.1), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1).

 

[2]           D’entrée de jeu, le comité a constaté l’absence de l’intimé, et ce, malgré le fait que la plainte lui a été valablement signifiée. Le procureur de la plaignante a mentionné qu’il a parlé à plusieurs reprises à l’intimé et que ce dernier a préféré ne pas se présenter à l’audience. Le comité a constaté que l’intimé avait été informé préalablement de son droit d’être représenté par avocat.

[3]   Le comité a été avisé du fait que l’intimé avait signé un plaidoyer de culpabilité à l’encontre du chef d’infraction contenu  à la plainte. De plus, dans le plaidoyer, l’intimé se dit  d’accord pour l’imposition d’une radiation temporaire de deux mois ainsi que pour la publication de la décision et le paiement des déboursés. Il reconnaît que la radiation temporaire sera exécutoire au moment de la réinscription compte tenu du fait qu’il n’est plus inscrit.

PREUVE

[4]           L’attestation du droit de pratique a été déposée sous la pièce P-1. L’intimé était inscrit au moment des faits reprochés.

[5]           Le plaidoyer de culpabilité a été déposé sous la pièce P-2.

[6]           La pièce P-3, datée du 6 février 2013, est un document rédigé en anglais et portant le titre « Avis final de pratique irrégulière », qui émane de l’institution financière employant l’intimé. On y retrouve notamment un résumé de la pratique non conforme de ce dernier qui a été décelée ainsi qu’un résumé des explications qu’il a fourni.

[7]           L’intimé a mentionné à l’enquêteur que les faits reprochés, soit la falsification d’une lettre de confirmation d’emploi d’un client, avait pour but de faciliter l’obtention d’une ligne de crédit et non l’obtention d’un crédit hypothécaire.

[8]           L’intimé reconnaît qu’il a falsifié une lettre de confirmation d’emploi d’un client en indiquant un salaire horaire plus élevé que celui versé en réalité et qu’il a modifié le titre d’emploi de son client. Tout ceci en vue de lui faciliter l’obtention d’un produit de crédit de son employeur.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[9]         Considérant la preuve présentée et le plaidoyer de culpabilité, le comité a déclaré lors de l’audition l’intimé coupable sous l’unique chef d’infraction contenu à la plainte disciplinaire.

REPRÉSENTATIONS SUR SANCTION

[10]      Les parties sont d’accord pour présenter au comité les représentations communes suivantes: 1) une radiation temporaire de deux mois; 2) la publication de la décision conformément au paragraphe 5 de l’article 156 du Code des professions; et 3) le paiement des déboursés et des frais de publication.

[11]       Compte tenu du fait que l’intimé n’est pas actuellement inscrit et qu’il ne travaille plus dans le domaine, la plaignante demande que la période de radiation devienne exécutoire au moment de la réinscription.

[12]       Dans l’affaire Boudreault[1], le comité a fait notamment la distinction entre les courtes et les longues périodes de radiation. Dans le cas des courtes périodes de radiation, il pourrait être plus approprié d’imposer la radiation temporaire lors de la réinscription.

[13]       Le procureur de la plaignante souligne que la falsification de document comporte un aspect d’intégrité. L’intégrité est à la base du lien de confiance qui doit exister entre un représentant et le public.

[14]       Il reconnaît cependant que l’intimé n’a pas fait cela dans l’intention de frauder l’institution financière.

[15]       L’intimé a toujours maintenu que le geste posé avait pour but d’aider son client à obtenir un crédit. Dans son esprit, il n’a fait que bonifier le profil d’un bon client.

[16]       Pour le procureur de la plaignante le geste posé, au niveau objectif, est inacceptable et sérieux. Il est d’avis cependant qu’il s’agit plus d’une erreur de jugement de la part d’un jeune représentant.

[17]       Il note l’absence d’antécédent disciplinaire. Il ne s’agit pourtant pas d’un facteur atténuant mais d’un facteur neutre. On doit s’attendre d’un représentant à l’absence d’antécédent.

[18]       Le procureur de la plaignante admet la collaboration de l’intimé à l’enquête et il considère que les risques de récidive sont faibles dans les circonstances.

[19]       La recommandation commune respecte à son avis le critère de protection du public, de dissuasion, d’exemplarité et le droit de l’intimé d’exercer à nouveau sa profession.

[20]        Par ailleurs, le procureur de la plaignante souligne que la recommandation commune respecte les paramètres jurisprudentiels.

MOTIFS ET ANALYSE

[21]         Le chef d’infraction reproche à l’intimé d’avoir falsifié une lettre de confirmation d’emploi d’un client.

[22]       Le comité est satisfait des représentations faites par la plaignante quant au caractère libre et volontaire du plaidoyer de culpabilité de l’intimé.

[23]         L’intimé aurait  expliqué à l’enquêteur du bureau de la syndique de la CSF qu’il a falsifié la lettre de confirmation d’emploi dans le seul but d’aider son client.

[24]       L’intimé reconnaît les faits reprochés.

[25]       La gravité objective de l’infraction commise est incontestable. Celle-ci révèle un manque d’intégrité de la part de l’intimé.

[26]       Toutefois, le comité tient compte du fait que l’intimé a reconnu sa faute et qu’il a pleinement collaboré à l’enquête.

[27]       En enregistrant un plaidoyer de culpabilité et, en consentant aux recommandations sur sanction soumises par le procureur de la plaignante, l’intimé a ainsi évité un  coûteux débat.

[28]        L’intimé n’a pas non plus d’antécédent disciplinaire. Il s’agit cependant d’un facteur atténuant ayant moins d’impact compte tenu du fait que c’est plutôt l’existence d’antécédents qui constitue un facteur aggravant[2]. Dans le secteur financier, un représentant est présumé rompu aux valeurs fondamentales de la profession à savoir l’intégrité et la compétence.

[29]       Aussi, considérant tant les facteurs objectifs que subjectifs, aggravants qu’atténuants pertinents en l’espèce, le comité est d’avis que les sanctions proposées sont compatibles avec les sanctions prononcées pour des infractions de même nature et le comité y donnera donc suite.

[30]       Le comité a dans la décision Laliberté[3] imposé une radiation de deux (2) mois à une représentante pour avoir fourni de faux renseignements à l’assureur dans le cadre d’une proposition d’assurance invalidité.

[31]       Dans le dossier Dionne[4], un jeune représentant avait répondu aux questions d’assurabilité à l’insu des clients. Une radiation de deux (2) mois avait été imposée.

[32]       Le comité dans l’affaire Ouedraogo[5] a radié temporairement l’intimé, pour deux (2) mois, pour avoir falsifié un document de proposition d’assurance en modifiant le montant des primes mensuelles et en apposant les initiales du client. Il est utile de mentionner qu’une radiation permanente avait été imposée pour le chef d’appropriation de fonds.

[33]       Finalement dans la décision Boucher[6], le comité a imposé une radiation temporaire de deux (2) mois au représentant pour avoir fourni de faux renseignements à l’assureur en indiquant son propre numéro d’assurance sociale.

[34]        Le comité doit aussi prendre en considération qu’il s’agit d’une recommandation commune et tel que récemment statué par la Cour suprême du Canada, il ne peut mettre de côté une telle recommandation à moins qu’il soit d’opinion que la sanction suggérée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public[7]. Voici un passage important de la décision Anthony-Cook :

 

« [30] Enfin, certains tribunaux, notamment au Québec, estiment que le critère de la justesse et celui de l’intérêt public sont essentiellement le même et emploient leur formulation de manière interchangeable (bien qu’au Québec, le critère du « caractère raisonnable » soit utilisé au lieu de celui de la « justesse » : voir, par exemple, R. c. Douglas (2002), 162 C.C.C. (3d) 37, par. 51; […]. Le meilleur exemple peut‑être de ce double emploi se trouve dans Douglas, un arrêt maintes fois cité de la Cour d’appel du Québec où le juge Fish (plus tard juge de la Cour) a affirmé ce qui suit :

 

[traduction] À mon avis, on ne saurait dire qu’une recommandation conjointe raisonnable « déconsidère l’administration de la justice ». Par contre, une recommandation conjointe déraisonnable est sûrement « contraire à l’intérêt public ». En conséquence, bien qu’il soit formulé à dessein en termes frappants et évocateurs, je ne crois pas que le [critère de l’intérêt public] s’écarte considérablement de celui du caractère raisonnable énoncé par d’autres cours, dont la nôtre. Selon leur assise conceptuelle commune, l’acceptation d’une recommandation conjointe relative à la peine qui s’accompagne d’un plaidoyer de culpabilité négocié sert bien l’intérêt de la justice — pourvu, bien sûr, que la peine recommandée conjointement se situe à l’intérieur des limites acceptables et que le plaidoyer soit justifié par les faits admis. [Note en bas de page omise; par. 51.]

 

[31] Après avoir examiné les diverses possibilités, je crois que le critère de l’intérêt public, tel qu’il est développé dans les présents motifs, est celui qui s’impose. Il est plus rigoureux que les autres critères proposés et il reflète le mieux les nombreux avantages que les recommandations conjointes apportent au système de justice pénale ainsi que le besoin correspondant d’un degré de certitude élevé que ces recommandations seront acceptées. De plus, il diffère des critères de « justesse » employés par les juges du procès et les cours d’appel dans les audiences classiques en matière de détermination de la peine et, en ce sens, il aide les juges du procès à se concentrer sur les considérations particulières qui s’appliquent lors de l’appréciation du caractère acceptable d’une recommandation conjointe. Dans la mesure où l’arrêt Douglas prescrit le contraire, j’estime avec égards qu’il est mal fondé et qu’il ne devrait pas être suivi.

 

[32] Selon le critère de l’intérêt public, un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public. Mais que signifie ce seuil?

[35]       Le comité est d’opinion que la recommandation commune qui lui est faite, lorsqu’examinée dans sa globalité, ne déconsidère aucunement l’administration de la justice et qu’elle respecte le critère de l’intérêt public.

[36]         Le tribunal des professions a, à quelques reprises, confirmé l’application de ce principe au droit disciplinaire.

[37]        En l’espèce, le comité juge que la recommandation se situe dans les paramètres jurisprudentiels applicables.

[38]       Ainsi, en l’absence d’une situation qui le justifierait de s’écarter des recommandations communes des parties, le comité donnera suite à celles-ci.

[39]          Sous l’unique chef d’infraction contenu à la plainte disciplinaire, il ordonnera la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux (2) mois.

[40]       Tel que convenu entre les parties, cette radiation sera exécutoire à partir de la demande par l’intimé de la remise en vigueur de son certificat ou d’inscription. Il sera également condamné au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ACCUEILLE le plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité qu’il a prononcé lors de l’audition à l’endroit de l’intimé sous l’unique chef contenu à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous l’unique chef d’infraction :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux (2) mois;

ORDONNE que la radiation temporaire ne devienne exécutoire qu’à partir du moment où l’intimé reprendra son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers ou toute autre autorité compétente émettra un certificat en son nom;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26;


 

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26.

 

 

 

(S) Alain Gélinas

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Me ALAIN GÉLINAS

Président du comité de discipline

 

(S) Dyan Chevrier

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Mme DYAN CHEVRIER, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(S) Alain Legault

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M. ALAIN LEGAULT

Membre du comité de discipline

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT, CARON, PRÉVOST, BÉLISLE, GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé était absent et non représenté

 

 

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 



[1] Chambre de la sécurité financière c. Boudreault, 2015 CanLll 87580 (QC CDCSF).

[2] La Reine c. A. P., 2013 QCCQ 16429 (CanLll); Blanchet c. Avocats (Ordre professionnel des), 2005 QCTP 60 (CanLll); La Reine c.Cadieux, 2015 QCCQ 7534 (CanLll).

[3] Chambre de la sécurité financière c. Laliberté, CD00-0917, décision sur sanction, 6 novembre 2013.

[4] Chambre de la sécurité financière c. Dionne, CD00-0993, décision sur culpabilité et sanction, 14 juillet 2014.

[5] Chambre de la sécurité financière c. Ouedraogo, CD00-1083, décision sur culpabilité et sanction, 4 juin 2015.

[6] Chambre de la sécurité financière c. Boucher, CD00-1100, décision sur culpabilité et sanction,
18 novembre 2015.

[7]    R. c. Anthony-Cook, 2016 CanLII 43 (CSC), par. 25 et suivants.

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