Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Lessard

2015 QCCDCSF 63

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N :

CD00-1163

 

 

 

DATE :

9 décembre 2015

 

______________________________________________________________________

 

 

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

Mme Monique Puech

Membre

 

M. Serge Lafrenière, Pl. Fin.

Membre

 

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LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

ÉRIC LESSARD, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 174754, BDNI 2114981)

Partie intimée

 

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DÉCISION SUR REQUÊTE EN RADIATION PROVISOIRE

 

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

           Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom des consommateurs et de tout renseignement permettant de les identifier.

[1]           Le 9 décembre 2015, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni à la Commission des relations du travail située au 35, rue de Port-Royal Est, 2e étage, Montréal pour procéder à l’audition d’une requête en radiation provisoire portée contre l’intimé.

[2]           La plaignante était représentée par Me Alain Galarneau. Quant à l’intimé, il était absent bien que la requête en radiation provisoire, la plainte disciplinaire, l’avis d’audition ainsi que l’avis de comparution lui aient été personnellement signifiés à son domicile le 1er décembre 2015.

[3]           Après avoir attendu l’intimé plus de quinze minutes, le comité a permis à la plaignante de procéder en l’absence de l’intimé sur ladite requête qui se lit comme suit :

 

REQUÊTE EN RADIATION PROVISOIRE

(ARTICLES 130 ET 133 DU CODE DES PROFESSIONS, RLRQ c. C-26)

 

 

AU COMITÉ DE DISCIPLINE DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE, LA PLAIGNANTE EXPOSE CE QUI SUIT :

1.    Au moment des faits ci-après, l’intimé détenait un certificat portant le numéro 174754, BDNI 2114981;

2.    La plaignante a déposé une plainte contre l’intimé lui reprochant de s’être approprié des sommes d’argent appartenant à deux clientes et d’avoir entravé le travail d’un enquêteur en refusant de collaborer (pièce R-1);

3.    Pour les motifs ci-après exposés, les infractions reprochées à l’intimé sont graves et sérieuses, portent atteinte à la raison d’être de la profession et sont de nature telle que la protection du public risque d’être compromise s’il continue d’exercer sa profession;

MISE EN SITUATION

4.    L’intimé est présentement âgé de 43 ans;

5.    Il est conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective depuis 2007;

6.    Jusqu’au 14 août 2015, il travaillait pour Financière Sun Life, date où il fut congédié pour cause;

7.    Son inscription comme représentant de courtier en épargne collective est suspendue depuis le 14 août 2015 parce que sans mode d’exercice, mais elle n’est pas radiée;

8.    Son certificat en assurance de personnes est suspendu depuis le 27 août 2015 parce que sans mode d’exercice, mais il est en vigueur jusqu’au 30 juin 2016;

 

APPROPRIATION D’ARGENT

Chef 1

9.    L’intimé a été le représentant attitré au compte de la consommatrice D.L. du 12 octobre 2007 au 17 mai 2011;

10. Le 7 janvier 2010, l’intimé a transmis une demande de rachat de placements de la consommatrice pour un montant brut d’environ 5 152,83 $ (pièce R-2);

11. Ce retrait a été effectué le 11 janvier 2010 pour un montant brut de 5 167,23 $ moins les déductions de 1 342.62$ pour un montant net de 3 824,12 $ (pièce R-3);

12. La demande de rachat contenait l’instruction spéciale de transmettre le chèque au centre financier où travaillait l’intimé, précisant que l’adresse de la consommatrice n’était plus la bonne (pièce R-2);

13. Suite au refus de l’institution de transmettre le chèque au centre financier et lui demandant l’adresse de la consommatrice D.L., l’intimé a plutôt fourni sa propre adresse (pièce R-4);

14. Le chèque fut émis le 11 janvier 2010 au nom de la consommatrice D.L. (pièce R-5), fut endossé et déposé le 19 janvier 2010 dans le compte de l’intimé (pièces R-5, R-6 et R-7);

15. Ce n’est que le 18 mars 2015 que la consommatrice, alors qu’elle rencontrait son conseiller actuel, a pris  connaissance du rachat  demandé en 2010, celle-ci niant par la suite avoir signé la demande de rachat (pièce R-8) ni endossé le susdit chèque (pièce R-9);

Chef 2

16. Le 15 janvier 2015, l’intimé a fait par téléphone une demande d’avance sur une police détenue par la consommatrice M.-R.C. auprès de son institution pour un montant de 6 500 $ (pièce R-10);

17. Un chèque au montant de 6 500 $ fut émis au nom de la consommatrice le 16 janvier 2015 (pièce R-11);

18. Avant que la consommatrice ne reçoive le chèque, l’intimé a pris contact avec le conjoint de la consommatrice pour lui dire qu’elle allait recevoir un chèque de 6 500 $ émis par erreur par l’institution;

19. L’intimé lui a indiqué d’encaisser ce chèque et de faire un chèque au montant de 6 500 $ au nom de l’intimé pour corriger cette erreur (pièce R-12);

20. L’intimé s’est présenté personnellement au domicile de la consommatrice pour recueillir le chèque qu’il a, par la suite, endossé et encaissé dans son compte le 22 janvier 2015 (pièces R-12 et R-6) et ne l’a pas redéposé dans la police de la consommatrice (pièce R-13);

Chef 3

21. L’enquêteur au dossier a pu parler à l’intimé le 12 novembre 2015, lequel après une dizaine de minutes a refusé de collaborer;

22. Malgré des messages laissés les 16, 17 et 23 novembre 2015, et malgré qu’il lui fut indiqué lors du dernier appel que le défaut de rappeler pourrait être retenu contre lui, l’intimé a fait depuis défaut de collaborer avec l’enquêteur, entravant ainsi son enquête;

CONCLUSION

23. Les faits portés à la connaissance de la plaignante sont extrêmement inquiétants et requièrent l’intervention immédiate du Comité de discipline;

24. Il y a urgence d’agir pour la protection du public compte tenu de la gravité des infractions reprochées;

25. La syndique adjointe a agi avec diligence afin de présenter la présente requête le plus rapidement possible;

26. Il est impératif et d’intérêt public d’ordonner la radiation provisoire immédiate de l’intimé;

27. La présente requête est bien fondée en faits et en droit.

 

PAR CES MOTIFS, PLAISE  AU COMITÉ DE DISCIPLINE :

ACCUEILLIR la présente requête;

PRONONCER la radiation provisoire immédiate de l’intimé et ce, jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue sur la plainte disciplinaire;

ORDONNER la publication d’un avis de cette décision dans un journal circulant dans la localité où l’intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où l’intimé a exercé ou pourrait exercer sa profession

 

Le tout avec déboursés contre l’intimé, incluant les frais de publication de l’avis.

EN FOI DE QUOI, J’AI SIGNÉ :

Montréal, ce 30 novembre 2015

 

 

 

(s) Lysane Tougas

 

LYSANE TOUGAS

 

Syndique adjointe

 


[4]          La plainte disciplinaire jointe à la requête fait état des reproches suivants :

1.        Dans la région de Gatineau, le ou vers le 19 janvier 2010, l’intimé s’est approprié pour ses fins personnelles la somme d’environ 3 824 $ du compte REER 43090610 appartenant à D.L., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 17, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 2, 6, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

 

2.       Dans la région de Gatineau, le ou vers le 22 janvier 2015, l’intimé s’est approprié pour ses fins personnelles la somme d’environ 6 500 $ appartenant à M.-R.C., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 17, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 2, 6, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

 

3.       Dans la région de Gatineau, à compter du 23 novembre 2015, l’intimé n’a pas collaboré et répondu sans délai à une personne chargée de l’application de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de ses règlements, contrevenant ainsi aux articles 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 20 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1).

 

LA PREUVE ET LES REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[5]          Me Amélie Nantel, enquêteure pour le bureau de la syndique de la Chambre de la sécurité financière, a témoigné et déposé la preuve documentaire pertinente (R-1 à R-13).

[6]          Son enquête, qui a débuté le 12 novembre 2015, a révélé que l’intimé se serait approprié pour ses fins personnelles 3 824 $ et 6 500 $ appartenant à ses clients D.L. et M.-R.C. respectivement. Par son témoignage, l’enquêteure a rapporté les principaux faits allégués au soutien de la requête en radiation provisoire présentée contre l’intimé.

[7]          Le procureur de la plaignante, s’appuyant sur des décisions[1] pertinentes rendues sur des demandes de radiation provisoire de professionnels, a repris tous et chacun des critères qui doivent être considérés par le comité de discipline pour accorder une telle demande en prenant soin de faire le lien avec le cas en l’espèce.

 

ANALYSE ET MOTIFS

[8]          Les critères devant être satisfaits pour qu’une requête en radiation provisoire soit accueillie sont les suivants :

a)   la plainte fait état de reproches graves et sérieux;

b)   ces reproches portent atteinte à la raison d’être de la profession;

c)    la preuve « à première vue » (« prima facie ») révèle que les gestes reprochés paraissent avoir été posés;

d)   la protection du public risque d’être compromise si l’intimé continue à exercer sa profession.

[9]          Nul doute que les reproches en l’espèce sont graves et sérieux. L’appropriation reprochée paraît « à première vue » avoir été posée par l’intimé.

[10]       Ces reproches portent atteinte à la raison d’être de la profession. L’honnêteté et l’intégrité constituent des qualités essentielles à son exercice. Comme mentionné à plusieurs reprises par le comité, la probité constitue une qualité essentielle au lien de confiance devant exister entre le représentant et son client.

[11]       Il s’agit en l’espèce d’une infraction de nature telle que la protection du public risque d’être compromise si l’intimé continue à exercer sa profession. Celui-ci est sans mode d’exercice depuis le 27 août 2015 dans la discipline de l’assurance de personnes, son certificat étant toujours en vigueur jusqu’à son prochain renouvellement le 1er juillet 2016. Quant à son inscription à titre de représentant de courtier en épargne collective, elle est suspendue depuis le 14 août 2015, mais l’intimé demeure toutefois inscrit jusqu’à son rétablissement ou sa radiation (R-1 A et B).

[12]       Tous les critères étant satisfaits le comité accueillera la requête de la plaignante et ordonnera la radiation provisoire de l’intimé.

PAR CES MOTIFS, le comité :

ACCUEILLE la requête en radiation provisoire présentée par la plaignante;

ORDONNE la radiation provisoire de l’intimé et ce, jusqu’à ce qu’une décision ou un jugement final soit rendu sur la plainte disciplinaire;

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a ou avait son domicile professionnel;

CONVOQUE les parties avec l’assistance du secrétaire du comité de discipline à une conférence téléphonique dans le but de déterminer une ou des dates pour l’audition de la plainte;

LE TOUT frais à suivre.

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(s) Monique Puech

Mme Monique Puech

Membre du comité de discipline

 

(s) Serge Lafrenière

M. Serge Lafrenière, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT, CARON, PRÉVOST, BÉLISLE, GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé est absent

 

Date d’audience :

9 décembre 2015

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Mailloux c. Médecins, 2009 QCTP 80; CSF c. Baron, CD00-1067; CSF c. Frossard, CD00-1001;
CSF c. Messier, CD00-0927.

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