Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Lebrun

2015 QCCDCSF 29

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N :

CD00-1131

 

 

 

DATE :

17 juin 2015

 

______________________________________________________________________

 

 

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

Mme Monique Puech

Membre

 

M. Serge Lafrenière, Pl. Fin.

Membre

 

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

RICHARD LEBRUN, (numéro de certificat 120467)

Partie intimée

 

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DÉCISION SUR REQUÊTE EN RADIATION PROVISOIRE

 

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

           Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom du consommateur ou autres personnes impliqués dans les présentes requête et plainte ou de tout renseignement permettant de les identifier, afin d’assurer la protection de leur vie privée.

 

[1]           Le 17 juin 2015, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre de la sécurité financière, sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal pour procéder à l’audition d’une requête en radiation provisoire portée contre l’intimé.

[2]           La plaignante était représentée par Me Valérie Déziel. Quant à l’intimé, il était absent bien que la requête en radiation provisoire, la plainte disciplinaire, l’avis d’audition ainsi que l’avis de comparution lui aient été personnellement signifiés à son domicile le 8 juin 2015.

[3]           Après avoir attendu plus de vingt minutes, le comité a permis à la plaignante de procéder en l’absence de l’intimé sur ladite requête qui se lit comme suit :

REQUÊTE EN RADIATION PROVISOIRE

(articles 130 et 133 du Code des professions)

AU COMITÉ DE DISCIPLINE DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE, LA REQUÉRANTE EXPOSE CE QUI SUIT :

1.         Au moment des faits relatés ci-dessous, l’intimé était détenteur d’un certificat en assurance de personnes, tel qu’il appert de l’attestation de droit de pratique produite comme pièce R-1;

2.         Caroline Champagne, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière, a déposé une plainte disciplinaire contre l’intimé lui reprochant de s’être approprié ou d’avoir tenté de s’approprier la somme de 15 000 $, tel qu’il appert de ladite plainte disciplinaire produite comme pièce R-2;

3.         Pour les motifs exposés ci-dessous, les faits reprochés à l’intimé sont graves et sérieux, portent atteinte à la raison d’être de la profession et sont de nature telle que la protection du public risque d’être compromise s’il continue d’exercer sa profession;

Enquête de la syndique de la Chambre de la sécurité financière

4.         Une employée de la Caisse populaire a communiqué avec le centre d’information de l’Autorité des marchés financiers pour dénoncer une situation suspicieuse, à savoir le dépôt par l’intimé dans son compte bancaire personnel d’un chèque fait à son ordre par un de ses clients et la tentative de ce dernier de faire débloquer les fonds immédiatement;

5.         La Direction du traitement des plaintes et de l’assistance de l’Autorité des marchés financiers a transmis cette information au bureau de la Syndique de la Chambre de la sécurité financière;

6.         Une enquête a été ouverte par le bureau de la Syndique de la Chambre de la sécurité financière sur la base de cette information;

7.         Dans le cadre de cette enquête, les enquêteurs de la Chambre de la sécurité financière ont notamment obtenu la version des faits de:

                    l’intimé, les 27 mai et 2 juin 2015;

                    R.M., les 27, 28 mai et 3 juin 2015;

                    A.R. de l’Industrielle Alliance, le 28 mai 2015;

                    N.M. de Desjardins, le 3 juin 2015;

                    K.P. de la Banque de Montréal, le 4 juin 2015;

tel qu’il appert d’une copie de l’enregistrement de ces versions des faits produite comme pièce R-3;

8.         À ce jour, l’enquête a révélé les faits inquiétants énoncés ci-dessous;

L’intimé

9.         L’intimé est conseiller en sécurité financière depuis plus de 25 ans;

10.      Au moment des faits reprochés, et depuis novembre 2013, l’intimé faisait l’objet d’une supervision rapprochée de la part de son directeur d’agence d’Industrielle Alliance, A.R., en raison d’irrégularités observées quant à sa pratique, tel qu’il appert du Rapport et recommandations d’Industrielle Alliance en date du 30 janvier 2015 produit comme pièce R-4;

11.      Industrielle Alliance a mis fin au contrat de l’intimé le 2 février 2015 après l’avoir suspendu le 18 décembre 2014, suite aux événements décrits ci-après;

12.      L’intimé est sans mode d’exercice depuis le 2 février 2015, mais son certificat est toujours en vigueur;

R.M.

13.      R.M. est un client de l’intimé depuis environ 2012;

14.      Il détenait des fonds distincts par l’entremise de ce dernier auprès d’Industrielle Alliance;

Appropriation de fonds

15.      Vers octobre 2014, l’intimé a communiqué avec R.M. pour lui indiquer que le marché boursier était en baisse et pour lui proposer un investissement plus rentable que les fonds distincts qu’il détenait déjà;

16.      R.M. a donc rencontré l’intimé afin de souscrire à cet investissement plus rentable;

17.      À cette occasion, l’intimé a fait signer R.M. sur plusieurs documents.  Il a de plus demandé à R.M. qu’il signe un chèque fait à son ordre personnel au montant de 15 000 $, chèque qu’il avait lui-même rédigé, tel qu’il appert d’une copie du chèque produit comme pièce R-5;

18.      L’intimé a expliqué à R.M. qu’en lui faisant un chèque à son ordre personnel, il avait moins de risque de perdre la possibilité de faire cet investissement en raison des délais qu’aurait engendré le fait de faire un chèque à l’ordre d’Industrielle Alliance;

19.      C’est ainsi qu’afin d’avoir en mains les liquidités requises pour ce nouvel investissement, en date des 21 et 22 octobre 2014, par l’entremise de l’intimé, R.M. a retiré des fonds totalisant environ 15 832,09 $ qu’il détenait dans son compte CELI numéro 1810002006, tel qu’il appert d’une copie du relevé d’investissement du 31 décembre 2014 produit comme pièce R-6;

20.      Le 21 octobre 2014, en contrepartie des retraits de fonds, Industrielle Alliance a émis un chèque de 14 609,99 $ à l’ordre de R.M. que ce dernier a encaissé le 27 octobre 2014, tel qu’il appert d’une copie du chèque du 21 octobre 2014 produit comme pièce R-7;

21.      Le 22 octobre 2014, pour les mêmes fins, Industrielle Alliance a émis un deuxième chèque de 395,01 $ à l’ordre de R.M. que ce dernier a encaissé le 17 novembre 2014, tel qu’il appert d’une copie du chèque du 22 octobre 2014 produit comme pièce R-8;

22.      Le 3 novembre 2014, l’intimé a rencontré K.P., une caissière d’une succursale de la Banque de Montréal, pour déposer le chèque R-5 de 15 000 $.  L’intimé a prétendu qu’il s’agissait d’un chèque de succession et a demandé à ce qu’il n’y ait pas de retenue de fonds suite au dépôt. K.P. a confirmé à l’intimé qu’il y aurait retenue de fonds, tel  qu’il appert de la copie de l’enregistrement de la version des faits de K.P. R-3;

23.      Plutôt que de le faire au comptoir de la banque, l’intimé a alors choisi de déposer le chèque R-5 de 15 000 $ dans son compte bancaire numéro 3982-181 de la Banque de Montréal par l’entremise d’un guichet automatique, tel qu’il appert d’une copie du relevé bancaire de l’intimé de la Banque de Montréal pour la période du 11 octobre au 10 novembre 2014 produit comme pièce R-9;

24.      L’intimé s’est ainsi approprié ou a tenté de s’approprier la somme que lui avait confiée son client pour fins d’investissement;

Interventions de BMO et Desjardins

25.      Voyant la tentative de stratagème de l’intimé, K.P. a procédé à une restriction permanente des fonds le temps de faire les vérifications appropriées dans les circonstances;

26.      Le ou vers le 5 novembre 2014, K.P. a communiqué avec N.M. de la Caisse populaire Desjardins d’où le chèque de R.M. devait être tiré, tel qu’il appert des notes de Desjardins produites sous la cote R-10;

27.      Informée de la situation, N.M. a communiqué avec R.M. afin d’avoir des explications;

28.      Ce dernier a indiqué que les fonds devaient être investis auprès d’Industrielle Alliance et qu’il autorisait la Caisse populaire à débiter de son compte le montant du chèque au bénéfice de l’intimé;

29.      La Caisse populaire a tout de même arrêté le paiement et exigé de R.M. qu’il fasse un chèque à l’ordre d’Industrielle Alliance s’il souhaitait y faire des placements;

30.      La Banque de Montréal n’a libéré aucun fonds et a retourné le chèque à la Caisse populaire;

31.      Le ou vers le 10 novembre 2014, la somme de 15 000 $ a été retirée du compte de l’intimé avec la mention « paiement bloqué », tel qu’il appert du relevé bancaire de l’intimé de la Banque de Montréal pour la période du 11 octobre au 10 novembre 2014 R-9, de même que de la copie de l’enregistrement de la version des faits de l’intimé R-3;

Difficultés financières de l’intimé

32.      L’intimé a fait une proposition du consommateur au courant du printemps 2014 en vertu de laquelle il versait mensuellement à compter de juillet 2014 la somme de 666,87 $, tel qu’il appert d’une copie des relevés de compte bancaire produits en liasse comme pièce R-11;

33.      De plus, les relevés des comptes bancaires que l’intimé détenait auprès de différentes institutions financières indiquent que l’intimé était en difficulté financière, tel qu’il appert d’une copie des relevés de compte bancaire produits en liasse comme pièce R-12;

34.      Plus particulièrement, le 3 novembre 2014, le jour du dépôt du chèque R-5 dans le compte bancaire de l’intimé chez Banque de Montréal, le solde n’était que de 1,50 $, tel qu’il appert d’une copie du relevé de compte bancaire R-9;

La radiation provisoire

35.      Les faits portés à la connaissance de la syndique sont extrêmement troublants et requièrent l’intervention immédiate du comité de discipline;

36.      Il apparaît de façon prima facie que l’intimé s’est approprié ou a tenté de s’approprier la somme de 15 000 $;

37.      En conséquence, il y a urgence d’agir pour la protection du public;

38.      La présente requête est bien fondée en faits et en droit.

PAR CES MOTIFS, PLAISE AU COMITÉ DE DISCIPLINE :

ACCUEILLIR la présente requête;

PRONONCER la radiation provisoire immédiate de l’intimé, et ce, jusqu’à ce que jugement final soit rendu sur la plainte disciplinaire;

ORDONNER la publication d’un avis de cette décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où l’intimé a exercé ou pourrait exercer sa profession;

LE TOUT avec les frais contre l’intimé, incluant les frais de publication de l’avis.

EN FOI DE QUOI, J’AI SIGNÉ :

 

Montréal, ce 5 juin 2015

 

 

 

(s) Caroline Champagne

 

CAROLINE CHAMPAGNE

 

Syndique

[4]          La plainte disciplinaire jointe à la requête fait état du reproche suivant :

1.    À Repentigny, le ou vers le 3 novembre 2014, l’intimé, au moyen de fausses représentations, s’est approprié ou a tenté de s’approprier la somme de 15 000 $ que lui avait confiée R.M. pour fins d’investissement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

 

LA PREUVE

[5]          Mme Annie Desroches, enquêteur pour le bureau de la syndique de la Chambre de la sécurité financière, a témoigné et passé en revue la preuve documentaire pertinente (R-1 à R-12).

[6]          Son enquête, qui a débuté le 26 mai 2015, a révélé que l’intimé s’est présenté, le 3 novembre 2014, au comptoir de la succursale de la Banque de Montréal où il détenait un compte pour y déposer un chèque de 15 000 $. Ce chèque était fait à son ordre par le consommateur R.M et tiré de la Caisse populaire Desjardins. La caissière lui ayant confirmé qu’elle retiendrait les fonds en dépit de son insistance pour faire débloquer ceux-ci immédiatement, l’intimé insatisfait s’est dirigé vers les guichets automatiques afin de déposer le chèque dans son compte bancaire.

[7]          Comme rapporté dans la requête en radiation provisoire, grâce à la diligence des employés des deux institutions bancaires, il y a eu arrêt de paiement de sorte que l’intimé n’a pas eu accès à cet argent.

[8]          La preuve a en outre révélé que l’intimé a fait une proposition de consommateur dans le cadre de la Loi sur l’insolvabilité et la faillite[1] au printemps 2014. En vertu de celle-ci, il verse 666,67 $ mensuellement depuis le mois de juillet 2014, bien qu’il ait déclaré à l’enquêteur ne verser que 300,00 $. Le 2 février 2015, Industrielle Alliance a mis fin au contrat de l’intimé. Il est sans mode d’exercice depuis cette date mais son certificat est toujours en vigueur.

ANALYSE ET MOTIFS

[9]          Les critères devant être satisfaits pour qu’une requête en radiation provisoire soit accueillie sont les suivants[2] :

a)   la plainte fait état de reproches graves et sérieux;

b)   ces reproches portent atteinte à la raison d’être de la profession;

c)    la preuve « à première vue » (« prima facie ») révèle que les gestes reprochés paraissent avoir été posés;

d)   la protection du public risque d’être compromise si l’intimé continue à exercer sa profession.

[10]       Nul doute que les reproches en l’espèce sont graves et sérieux. La tentative d’appropriation reprochée paraît « à première vue » avoir été posée par l’intimé.

[11]       Ces reproches portent atteinte à la raison d’être de la profession. L’honnêteté et l’intégrité constituent des qualités essentielles à son exercice. Comme mentionné à plusieurs reprises par le comité, la probité constitue une qualité essentielle au lien de confiance devant exister entre le représentant et son client. D’ailleurs, en vertu de l’article 220 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, l’Autorité des marchés financiers peut notamment refuser de livrer ou renouveler un certificat si elle estime que « celui qui le demande ne possède pas la probité nécessaire pour exercer ses activités ».

[12]       Il s’agit en l’espèce d’une infraction de nature telle que la protection du public risque d’être compromise si l’intimé continue à exercer sa profession, d’autant plus que son certificat est toujours en vigueur.

[13]       Tous les critères étant satisfaits le comité accueillera la requête de la plaignante et ordonnera la radiation provisoire de l’intimé.

PAR CES MOTIFS, le comité :

ACCUEILLE la requête en radiation provisoire présentée par la plaignante;

ORDONNE la radiation provisoire de l’intimé et ce, jusqu’à ce qu’une décision ou un jugement final soit rendu sur la plainte disciplinaire (R-2);

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a ou avait son domicile professionnel;

CONVOQUE les parties avec l’assistance du secrétaire du comité de discipline à une conférence téléphonique dans le but de déterminer une ou des dates pour l’audition de la plainte;

LE TOUT frais à suivre.

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Président du comité de discipline

 

 

(s) Monique Puech

Mme Monique Puech

Membre du comité de discipline

 

(s) Serge Lafrenière

M. Serge Lafrenière, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Valérie Déziel

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé est absent

 

Date d’audience :

17 juin 2015

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] L.R.C. 1985, c. B-3.

[2] Mailloux c. Médecins, 2009 QCTP 80.

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