Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

Chambre de la sécurité financière c. Astouati

2015 QCCDCSF 42

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1089

 

DATE :

21 août 2015

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Monique Puech

Membre

M. Frédérick Scheidler

Membre

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LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

SORAYA ASTOUATI, (BDNI 2504241)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 19 mai 2015, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal, et a procédé à l'audition d’une plainte disciplinaire portée contre l’intimée ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À Montréal, entre les ou vers les 18 mai 2011 et 28 mars 2013, l’intimée a contrefait la signature de K.K. sur des bordereaux de retraits, contrevenant ainsi aux articles 160 de la Loi sur les valeurs mobilières (RLRQ, chapitre V-1.1), 10, 14 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, chapitre D-9.2, r.7.1);

 

2.          À Montréal, entre les ou vers les 18 mai 2011 et 28 mars 2013, l’intimée s’est appropriée à des fins personnelles la somme de 46 840 $ des comptes 16-753-04 et 17-778-08 détenus par K.K., contrevenant ainsi aux articles 160 de la Loi sur les valeurs mobilières (RLRQ, chapitre V-1.1), 6, 10, 14 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, chapitre D-9.2, r.7.1). »

[2]           D’entrée de jeu l’intimée, présente mais non représentée, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’endroit de chacun des deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[3]           Après l’enregistrement dudit plaidoyer, les parties soumirent au comité leurs preuves et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[4]           Alors que la plaignante versa au dossier une preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-6, elle ne fit entendre aucun témoin.

[5]           Quant à l’intimée, cette dernière choisit de brièvement témoigner mais ne déposa aucun document.

[6]           Elle raconta avoir toujours été une employée exemplaire et avoir obtenu régulièrement durant le cours de son emploi des félicitations de la part de son employeur.

[7]           Elle mentionna que la personne de qui elle avait détourné les fonds était un ami. Selon ce qu’elle a déclaré, elle aurait agi au départ en se disant qu’elle allait le rembourser, mais aurait alors « mis la main dans un engrenage » dont elle ne put se dégager.

[8]           Elle termina en indiquant qu’elle regrettait ses fautes, qu’elle avait l’intention de s’orienter vers un autre type de carrière et qu’elle était actuellement aux études.

[9]           À la suite de son témoignage, les parties soumirent au comité leurs représentations respectives sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[10]        La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta ses représentations en soulignant au comité les faits à l’origine de la plainte.

[11]        Elle indiqua ensuite que les parties s’étaient entendues pour présenter au comité des « recommandations communes » sur sanction.

[12]        Ainsi elle déclara que celles-ci avaient convenu de suggérer au comité d’ordonner la radiation permanente de l’intimée sous chacun des deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte ainsi que la publication de la décision et la condamnation de cette dernière au paiement des déboursés.

[13]        Elle indiqua que dans l’élaboration de leurs suggestions conjointes, elles avaient notamment tenu compte des facteurs atténuants et aggravants suivants :

Facteurs atténuants

-       l’absence de préjudice pour le consommateur concerné ainsi que pour l’institution financière en cause, qui, après avoir indemnisé ce dernier, obtint de l’intimée le remboursement des sommes versées;

-       l’absence de gains en bout de compte tirés par l’intimée de ses fautes, et son congédiement par l’établissement qui l’employait;

-       les conséquences difficiles dudit congédiement, tant pour elle-même que pour son entourage;

-       la situation financière « peu facile » dans laquelle elle a été plongée, s’étant retrouvée dans l’obligation de vendre un immeuble qu’elle détenait afin de rembourser les sommes détournées;

-       des risques de récidive peu élevés même si, de l’avis de la plaignante, il était impossible d’affirmer qu’ils seraient totalement inexistants;

-       la reconnaissance par l’intimée de ses fautes tant auprès de son employeur qu’auprès du représentant du bureau de la syndique, et l’enregistrement par cette dernière, à la première occasion, d’un plaidoyer de culpabilité à l’égard de chacun des deux (2) chefs d’accusation portés contre elle;

-       enfin la présence chez cette dernière de remords et d’un repentir sincère;

Facteurs aggravants

-       la gravité objective des infractions qui lui sont reprochées;

-       la contrefaçon de signature d’un client, à quarante (40) reprises, sur des bordereaux de retraits, afin de s’approprier de fonds appartenant à ce dernier;

-       l’appropriation au total de sommes importantes, soit 46 840 $;

-       des infractions multiples et répétées commises de façon préméditée au cours d’une période s’échelonnant du 18 mai 2011 au 28 mars 2013;

-       des fautes de nature à porter préjudice à la profession et à miner la confiance du public envers les représentants.

[14]        Elle termina en déposant au soutien de ses recommandations un cahier d’autorités consistant en cinq (5) décisions antérieures du comité qu’elle commenta[1].

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉE

[15]        Quant à l’intimée, elle indiqua n’avoir, à titre de représentations, rien à ajouter au témoignage qu’elle venait de rendre.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[16]        L’intimée n’a aucun antécédent disciplinaire.

[17]        Elle a collaboré à l’enquête de son employeur, de la syndique et a reconnu à la première occasion sa culpabilité aux deux (2) chefs d’accusation portés contre elle.

[18]        Si l’on se fie à l’attestation de droit de pratique déposée au dossier, elle a débuté dans la distribution de produits d’assurance et/ou financiers le ou vers le 17 février 2010.

[19]        Elle a deux (2) enfants mineurs à sa charge âgés de 8 et 12 ans.

[20]        À la suite de ses fautes, elle a, le ou vers le 17 avril 2013, été congédiée par son employeur.

[21]        Elle-même, comme sa famille, ont souffert de douloureuses conséquences de ses gestes fautifs. Les événements qui s’en suivirent ont porté atteinte à son état de santé et l’auraient rendue malade.

[22]        Elle a remboursé à l’institution financière qui l’employait les sommes qu’elle a détournées.

[23]        Néanmoins la gravité objective des infractions qu’elle a commises, de façon multiple et répétée, ne fait aucun doute.

[24]        Elle a reconnu sa culpabilité à l’endroit de chefs d’infraction lui reprochant d’avoir d’une part, entre les 18 mai 2011 et 28 mars 2013, contrefait la signature du consommateur K.K. sur des bordereaux de retraits et, d’autre part, de s’être ensuite approprié, au total, la somme de 46 840 $ des comptes personnels détenus par ce dernier.

[25]        En agissant de la sorte, elle a trahi la confiance que lui témoignait l’institution financière qui l’employait. Les actes qui lui sont reprochés ont été commis de façon préméditée, réfléchie, volontaire et voulue. Pour parvenir à ses fins, elle a, à quarante (40) reprises, contrefait la signature de K.K. sur des bordereaux de retraits, s’accaparant ensuite, en chaque occasion, de sommes variant entre 100 $ et 3 000 $.

[26]        Les infractions qui lui sont reprochées et pour lesquelles elle a plaidé coupable vont au cœur de l’exercice de la profession et sont de nature à porter atteinte à la confiance du public envers les membres de la Chambre.

[27]        La contrefaçon de documents dans le but de procéder à des détournements, ainsi que l’appropriation illégale et frauduleuse de fonds appartenant à des clients, figurent parmi les infractions les plus sérieuses qui puissent être reprochées à un représentant.

[28]        Au plan des sanctions qui doivent lui être imposées, les parties ont suggéré de façon conjointe au comité d’ordonner sa radiation permanente sous chacun des deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[29]        Elles ont de plus recommandé au comité d’ordonner la publication de la décision et de condamner cette dernière au paiement des déboursés.

[30]        Compte tenu tant des facteurs objectifs que subjectifs, qu’atténuants comme aggravants qui lui ont été présentés, le comité est d’avis de se conformer aux recommandations conjointes des parties.

[31]        Lesdites recommandations lui apparaissent, dans les circonstances du cas en l’espèce, justes et appropriées.

[32]        Ainsi il ordonnera la radiation permanente de l’intimée sous chacun des deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[33]        De plus et conformément à la suggestion des parties, si tant est qu’il doive le faire[2], il ordonnera la publication de la décision.

[34]        Enfin il condamnera l’intimée au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimée sous chacun des chefs 1 et 2 contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimée coupable sous chacun des chefs 1 et 2 contenus à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

ORDONNE la radiation permanente de l’intimée sous chacun des chefs 1 et 2 contenus à la plainte;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement et les frais de publication de la décision conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ chapitre C-26;

 

ET SI TANT EST QU’IL DOIVE LE FAIRE :

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimée un avis de la présente décision dans un journal où l’intimée a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, RLRQ chapitre C-26.

 

 

 

_(s) François Folot ___________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

_(s) Monique Puech__________________

Mme MONIQUE PUECH

Membre du comité de discipline

 

_(s) Fréderick Scheidler ______________

M. FRÉDÉRICK SCHEIDLER

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jean-Simon Britten

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimée se représente elle-même.

 

Date d’audience :

19 mai 2015

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Rioux c. Fortas, CD00-0647, décision sur culpabilité rendue le 10 août 2007 et décision sur sanction rendue le 29 janvier 2008; Lévesque c. Marois, CD00-0748, décision sur culpabilité et sanction rendue le 22 juin 2009; Thibault c. Baril, CD00-0681, décision sur culpabilité rendue le 5 janvier 2009 et décision sur sanction rendue le 23 juin 2009; Thibault c. Arsenault, CD00-0735, décision sur culpabilité et sanction rendue le 26 janvier 2009; Champagne c. Labonté, CD00-0878, décision sur culpabilité et sanction rendue le 3 avril 2012.

[2]     Voir le jugement de la Cour supérieure dans l’affaire Coté c. Roberge, 2003 RIQ p. 1793 et les conclusions qui s’y retrouvent à l’égard de l’article 180 du Code des professions, (RLRQ, chapitre
C-26).

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