Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Ouedraogo

2015 QCCDCSF 34

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1083

 

DATE :

4 juin 2015

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Armand Éthier, A.V.C.

Membre

M. Louis Giguère, A.V.C.

Membre

_____________________________________________________________________

 

LYSANE TOUGAS, es qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière;

Partie plaignante

c.

 

CHARLES RATAMANEGRE OUEDRAOGO

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                     Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom de la consommatrice impliquée et de toute information qui permettrait de l’identifier ainsi que de non-accessibilité aux pièces produites sous les cotes P-2, P-3, P-4, P-5, P-7, P-8, P-11 et P-12.

[1]           Le 26 février 2015, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni à l’Hôtel Palace Royal situé au 775, avenue Honoré-Mercier, à Québec, salle Versailles et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À Baie-Comeau, le ou vers le 9 décembre 2013, l’intimé a falsifié un document de proposition d’assurance de la Compagnie d’assurance Combined d’Amérique en modifiant le montant des primes mensuelles et en y apposant les initiales de C.G., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

2.          À Baie-Comeau, le ou vers le 11 et 12 décembre 2013, l’intimé s’est approprié à des fins personnelles la somme de 2 510,14 $ en utilisant à son insu la carte de crédit de C.G., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3). »

[2]           Alors que l’intimé, bien que dûment convoqué et appelé, était absent, la plaignante était représentée par sa procureure, Me Caroline Isabelle.

[3]           Cette dernière déposa alors au dossier un « plaidoyer de culpabilité » daté du 9 février 2015 que lui avait fait tenir l’intimé. Audit document, ce dernier déclarait non seulement « plaider coupable » aux chefs d’accusation 1 et 2 mentionnés à la plainte mais aussi ne pas contester les sanctions qui seraient proposées par la plaignante (notamment sa radiation permanente sous le chef 2) et dont il avait été informé. De plus, il y indiquait ne pas prévoir se présenter à l’audition.

[4]           Compte tenu de la situation, la plaignante réclama l’autorisation, et fut alors autorisée, à procéder « ex parte ».

PREUVE DE LA PLAIGNANTE

[5]           Au soutien de la plainte, la plaignante versa au dossier une preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-14 mais ne fit entendre aucun témoin.

[6]           Par ailleurs, afin de corriger une erreur de calcul, elle réclama du comité l’autorisation d’amender le chef 2 de façon à ce que le montant de 2 510,14 $ soit modifié pour se lire 2 360,23 $. Compte tenu que préalablement avisé de la demande l’intimé lui avait indiqué qu’il ne s’y objectait pas, le comité accorda celle-ci.

[7]           La plaignante soumit ensuite au comité ses représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[8]           Après un bref résumé des faits à l’origine de chacun des deux (2) chefs d’accusation, elle mentionna les facteurs aggravants et atténuants suivants :

Facteurs atténuants

-       les plaidoyers de culpabilité enregistrés par l’intimé;

-       son absence d’antécédents disciplinaires;

Facteurs aggravants

-       la gravité objective des infractions commises, soit des infractions allant au cœur de l’exercice de la profession et de nature à discréditer celle-ci;

-       dans le cas du second chef, des fautes commises dans le but de « frauduleusement » s’avantager;

-       dans le cas du premier chef, la falsification d’un document déjà signé par la cliente vraisemblablement dans le but de réclamer de l’assureur une commission plus avantageuse;

-       la vulnérabilité de la « victime », cette dernière, de retour d’un congé de maladie prolongé, se retrouvant en situation de précarité;

-       les affirmations répétées de l’intimé au représentant de l’assureur (qui l’a interrogé sur les événements) à l’effet qu’il serait atteint de « cleptomanie »;

-       son absence au départ de collaboration avec l’assureur même si en bout de compte il lui a avoué ses fautes;

-       un manque de coopération à l’enquête de la plaignante, notamment le défaut de retourner les appels de l’enquêteur.

[9]           Elle termina en indiquant suggérer l’imposition des sanctions suivantes :

Sous le chef d’accusation numéro 1 : la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux (2) mois.

Sous le chef d’accusation numéro 2 : la radiation permanente de l’intimé.

[10]        Elle ajouta réclamer la publication de la décision et la condamnation de ce dernier au paiement des déboursés.

[11]        Au soutien de ses recommandations elle déposa un cahier d’autorités contenant six (6) décisions antérieures du comité qu’elle commenta[1].

MOTIFS ET DISPOSITIF

[12]        Selon l’attestation de droit de pratique produite au dossier, l’intimé a détenu un certificat dans la discipline de l’assurance contre la maladie ou les accidents du 12 mars 2013 au 2 janvier 2014 pour le cabinet Compagnie d’assurance Combined d’Amérique.

[13]        Il n’a aucun antécédent disciplinaire.

[14]        Il a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’endroit de chacun des deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[15]        À la suite des événements ayant mené au dépôt de celle-ci, le 2 janvier 2014, l’assureur a mis fin à son association professionnelle avec lui.

[16]        Outre ce qui précède, peu de facteurs atténuants ne peuvent être invoqués en sa faveur.

[17]        Le chef 1 lui reproche d’avoir falsifié un document de proposition d’assurance de la Compagnie d’assurance Combined d’Amérique en modifiant le montant des primes mensuelles et en y apposant, sans autorisation et à l’insu de celle-ci, les initiales de la consommatrice.

[18]        En toute vraisemblance l’intimé a agi de la sorte dans le but de s’avantager personnellement, dans le but d’obtenir ou de toucher un boni, une commission et/ou une rémunération plus avantageuse.

[19]        Quant au chef 2, il lui reproche de s’être approprié à des fins personnelles une somme de 2 360,23 $ au moyen de l’utilisation, à l’insu de sa cliente, de la carte de crédit de cette dernière.

[20]        En se comportant tel qu’il lui a été reproché, l’intimé a contrevenu aux règles les plus élémentaires de la probité, et ce, de façon préméditée, délibérée, volontaire et voulue.

[21]        Les infractions dont il s’est rendu coupable sont d’une gravité objective incontestable. Tel que mentionné par le procureur de la plaignante, il s’agit de fautes qui vont au cœur de l’exercice de la profession et qui sont de nature à déconsidérer celle-ci.

[22]        L’honnêteté et l’intégrité constituent une condition essentielle à l’exercice de la profession.

[23]        Le législateur a d’ailleurs bien reconnu cet état de fait notamment lorsqu’à l’article 220 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers il a conféré à l’Autorité des marchés financiers le pouvoir de refuser de livrer un certificat si elle est d’avis que celui qui le demande ne possède pas « la probité nécessaire pour exercer » les activités du représentant.

[24]        Tel que le comité l’a déjà écrit antérieurement : « Si une telle qualité a été jugée indispensable à l’exercice des activités du représentant, c’est notamment parce qu’elle touche directement au lien de confiance qui doit exister entre ce dernier et celui qui retient ses services ».

[25]        L’appropriation frauduleuse de fonds est l’une des infractions objectivement les plus sérieuses que puisse commettre un représentant.

[26]        Soulignons par ailleurs qu’avant d’admettre ses fautes à son employeur l’intimé a d’abord nié celles-ci. Ce n’est qu’après avoir été confronté à des éléments de preuve documentaire qu’il aurait choisi de passer aux aveux.

[27]        Enfin il faut ajouter en terminant que le comité est d’avis qu’il est à craindre que si l’intimé devait reprendre l’exercice de la profession la protection du public ne soit mise en péril. En effet, les risques de récidive, dans son cas, pourraient être élevés surtout si l’on considère notamment, que de son propre aveu, il souffrirait de « cleptomanie ».

[28]        Aussi le comité en accord avec les représentations et arguments de la plaignante, et pour les motifs plus amplement invoqués par cette dernière lors de l’audition, donnera suite à ses recommandations.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous chacun des chefs d’accusation 1 et 2 mentionnés à la plainte amendée;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs d’accusation 1 et 2 mentionnés à la plainte amendée;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous le chef d’accusation 1 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux (2) mois à être purgée de façon concurrente;

Sous le chef d’accusation 2 :

ORDONNE la radiation permanente de l’intimé;

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26.

 

 

_(s) François Folot___________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

_(s) Armand Éthier___________________

M. ARMAND ÉTHIER, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

_(s) Louis Giguère___________________

M. LOUIS GIGUÈRE, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Caroline Isabelle

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé est absent

 

Date d’audience :

26 février 2015

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     CSF c. Biagioni, CD00-0783, décision sur culpabilité et sanction le 20 avril 2011; CSF c. Boucher, CD00-0700, décision sur culpabilité et sanction le 1er mai 2008; CSF c. Lembe, CD00-0701, décision sur culpabilité et sanction le 23 octobre 2008; CSF c. Tremblay, CD00-0795, décision sur culpabilité le 6 juillet 2010 et sur sanction le 26 janvier 2011; CSF c. Poirier, CD00-0696, décision sur culpabilité le 3 septembre 2008 et sur sanction le 26 janvier 2009; CSF c. Balan, C00-0848, décision sur culpabilité et sanction le 13 juin 2011.

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