Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Sawodny

2015 QCCDCSF 43

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1061

 

DATE :

17 août 2015

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Nacera Zergane

Membre

M. Frédérick Scheidler

Membre

_____________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière;

Partie plaignante

c.

 

RENÉ SAWODNY, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 130542 et numéro de BDNI 1807731);

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                     Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom des consommateurs concernés ainsi que de tout renseignement permettant de les identifier.

[1]           Le 7 avril 2015, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal, et a procédé à l’audition d’une plainte disciplinaire portée contre l’intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À Saint-Basile-Le-Grand, le ou vers le 30 mai 2009, l’intimé a demandé pour sa cliente S.P. un transfert d’unités dans le Placement équilibré de développement immobilier et de revenu ONE Financial ([...]), pour un montant d’environ 15 357,50 $, alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D‑9.2);

2.          À Saint-Basile-Le-Grand, le ou vers le 30 mai 2009, l’intimé a demandé pour sa cliente R.O.G. un transfert d’unités dans le Placement équilibré de développement immobilier et de revenu ONE Financial ([...]), pour un montant d’environ 19 161$, alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D‑9.2);

3.          À Saint-Basile-Le-Grand ou à Montréal, le ou vers le 14 mai 2010, l’intimé a fait à sa cliente R.O.G. des déclarations ou des représentations erronées quant à la durée du contrat et la valeur de la garantie à l’échéance du fonds distinct qu’il lui faisait souscrire, contrevenant ainsi aux articles 16, 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ chapitre D-9.2), 12, 13, 14, 15, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3). »

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]           D’entrée de jeu l’intimé, présent et accompagné de son avocate, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’endroit de tous et chacun des trois (3) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[3]           Après l’enregistrement dudit plaidoyer, les parties présentèrent au comité leurs preuves et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[4]           Alors que la plaignante versa au dossier une imposante preuve documentaire cotée P-1 à P-24, elle ne fit entendre aucun témoin.

[5]           Quant à l’intimé, il ne déposa aucune preuve documentaire mais choisit de brièvement témoigner.

[6]           Sa déposition se résuma essentiellement à raconter les événements ayant donné lieu aux chefs d’accusation mentionnés à la plainte.

[7]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations respectives sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[8]           La plaignante, par l’entremise de son avocate, après un court résumé des faits à l’origine de chacun des trois (3) chefs d’accusation, mentionna au comité que les parties s’étaient entendues pour lui soumettre des recommandations « communes » sur sanction.

[9]           Elle évoqua ensuite les facteurs à son avis aggravants et atténuants suivants :

Facteurs aggravants

-       des infractions au cœur de l’exercice de la profession;

-       des infractions objectivement sérieuses en contravention de règles édictées pour la protection du public;

-       relativement aux infractions mentionnées aux chefs 1 et 2 : un type d’infraction trop souvent « traité » par le comité;

-       les pertes subies par les consommateurs (des sommes investies) et l’impossibilité pour ces derniers de bénéficier du Fonds d’indemnisation des services financiers pour les récupérer, l’intimé ayant agi au-delà du cadre des activités professionnelles qui lui étaient réservées;

-       une somme de 17 630 $ touchée par l’intimé à titre de rémunération, boni et/ou commission pour les transactions qui lui sont reprochées;

-       l’expérience de l’intimé qui aurait dû le mettre à l’abri de la commission de telles infractions;

Facteurs atténuants

-       l’enregistrement par l’intimé d’un plaidoyer de culpabilité sous tous et chacun des trois (3) chefs d’accusation contenus à la plainte;

-       son excellente collaboration à l’enquête de la syndique, ce dernier ayant alors reconnu ses fautes et lui ayant « expliqué » les circonstances entourant
celles-ci;

-       l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimé alors qu’il a débuté dans la distribution de produits d’assurance et/ou de services financiers en 1988;

-       l’absence d’intention malveillante de sa part, ce dernier s’étant cru de bonne foi autorisé à distribuer les produits en cause;

-       les circonstances particulières rattachées aux infractions mentionnées aux chefs 1 et 2, notamment en ce qu’il s’agit d’un seul événement, l’intimé ayant traité à la même occasion deux (2) demandes de clients;

-       relativement au chef 3, une faute isolée, commise de bonne foi, sans intention malicieuse ou malhonnête;

-       des événements qui remontent à quatre (4) ou cinq (5) ans et l’absence depuis de reproches ou de demandes d’enquête dirigés contre l’intimé.

[10]        Elle indiqua ensuite que compte tenu de ce qui précède et des circonstances propres au dossier, les parties s’étaient entendues pour suggérer au comité l’imposition des sanctions suivantes :

Sous chacun des chefs 1 et 2 : la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois à être purgée de façon concurrente;

Sous le chef 3 : l’imposition d’une amende de 3 000 $.

[11]        Elle ajouta réclamer la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés et indiqua que pour ce qui est de la publication de la décision elle s’en remettait à la discrétion du comité.

[12]        Elle termina ses représentations en déposant au soutien des recommandations « communes » qu’elle venait d’invoquer, un cahier d’autorités comprenant sept (7) décisions antérieures du comité qu’elle commenta[1].

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[13]        L’intimé, par l’entremise de son avocate, après avoir « corrigé » les déclarations de la procureure de la plaignante relativement à l’âge de l’une des deux (2) consommatrices concernées, se contenta de confirmer que l’exposé des faits présenté par cette dernière était conforme et que ses recommandations étaient bel et bien des « suggestions communes ».

MOTIFS ET DISPOSITIF

[14]        Les chefs 1 et 2 reprochent à l’intimé le même type d’infraction, à la même date, à la même occasion, à l’égard de deux (2) clientes différentes.

[15]        Le chef 3 lui reproche une faute isolée, près d’une année plus tard, commise à l’endroit de l’une d’entre elles.

Chefs d’accusation 1 et 2 :

[16]        À ces chefs il a été reproché à l’intimé d’avoir demandé pour les clientes y mentionnées « un transfert d’unités dans le Placement équilibré de développement immobilier et de revenu ONE Financial ([...]), pour un montant de 15 367,50 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification ».

[17]        Selon les informations transmises au comité, l’intimé aurait alors agi de bonne foi se croyant erronément autorisé à agir de la sorte.

[18]        Les clientes concernées détenaient des billets à capital garanti par une banque ou institution financière étrangère, exemptés pour ce motif des obligations d’inscription, et que l’intimé était autorisé à distribuer.

[19]        L’émetteur, ONE Financial, au moment des événements en cause, suggéra ou offrit à l’ensemble de ses clients de remplacer les billets qu’ils détenaient par de nouveaux billets, qui ne comportaient toutefois pas la garantie d’une banque étrangère, et qui ne rencontrait donc pas les exigences d’un produit exempté.

[20]        L’intimé n’était donc pas autorisé à offrir lesdits billets, mais de bonne foi il s’y serait cru autorisé.

[21]        Il faut souligner que dans les banques de données concernant les produits de fonds mutuels ou communs de placement, les nouveaux billets étaient inscrits sensiblement de la même façon que les premiers, ce qui pouvait porter à une certaine confusion.

[22]        Aucune intention malicieuse ou malhonnête ne caractérise les agissements de l’intimé.

[23]        Toutefois, bien que les nouveaux billets aient d’abord été suggérés aux clientes par ONE Financial, l’intimé a eu des échanges et/ou des rencontres avec ces dernières concernant ceux-ci, leur a transmis de l’information, a agi pour elles lors du remplacement et a ensuite été rémunéré pour ses services par ONE Financial et/ou l’émetteur.

[24]        Le comité est confronté, de la part de ce dernier, à une négligence fautive de s’informer. En tant que représentant d’expérience possédant une formation en valeurs mobilières, il aurait dû, avant de distribuer le produit en cause, mieux s’instruire, mieux se renseigner et mieux se documenter qu’il ne semble l’avoir fait.

[25]        L’intimé a reconnu ses fautes et a expliqué aux enquêteurs de la Chambre les circonstances entourant celles-ci.

[26]        La plaignante s’est déclarée confiante qu’il a assimilé la leçon et s’est dite d’avis que les risques de récidive dans son cas paraissaient peu élevés.

[27]        Les fautes qui lui sont reprochées aux chefs d’accusation 1 et 2 ont été commises à la même date, à la même occasion à l’endroit de deux (2) clientes distinctes. L’une d’entre elles serait demeurée sa cliente malgré la vraisemblable perte de l’ensemble du placement qu’elle a alors effectué.

[28]        La gravité objective des infractions qu’il a commises est néanmoins indéniable. Il a agi en-dehors du cadre de ses certifications et les clientes concernées ne pourront pas compter sur le Fonds d’indemnisation des services financiers pour récupérer leurs pertes.

[29]        Ajoutons que dans les cas où comme en l’espèce le représentant se conduit de la sorte, les consommateurs ont peu de moyens pour se protéger contre les agissements de leur conseiller.

[30]        Bon nombre de décisions du comité ont sanctionné des comportements allant à l’encontre des règles rattachées à la vente ou la distribution, sans la certification nécessaire, de produits financiers.

[31]        Dans la plupart de celles-ci l’on retrouve certains facteurs particulièrement aggravants que l’on ne retrouve pas dans le présent dossier.

[32]        En l’espèce, ce qui est reproché à l’intimé c’est son défaut d’agir avec compétence et professionnalisme. Tel que précédemment mentionné, ce dernier ignorait qu’il lui était interdit de distribuer les produits financiers en cause. Et il pouvait s’avérer difficile pour lui, au plan de son autorité à les distribuer, de distinguer entre les billets à ordre de ONE Financial que possédaient les clientes et les nouveaux billets émis par cette dernière.

[33]        La preuve ne révèle pas que l’intimé puisse avoir été motivé par une intention malveillante, ait choisi de façon délibérée de contrevenir à ses obligations déontologiques ni qu’il aurait eu une quelconque intention de profiter de ses clientes.

[34]        Aussi, compte tenu des circonstances particulières et propres à la présente affaire, de la nature et du caractère des infractions en cause, et après considération des éléments tant objectifs que subjectifs, atténuants qu’aggravants qui lui ont été présentés, le comité est d’avis que la sanction de radiation temporaire d’un mois suggérée conjointement par les parties, sous chacun des chefs 1 et 2, à être purgée de façon concurrente, serait en l’espèce une sanction juste, adaptée aux infractions ainsi que respectueuse des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

[35]        Le comité condamnera donc l’intimé sous chacun des chefs 1 et 2 contenus à la plainte à une radiation temporaire d’un mois à être purgée de façon concurrente.

Chef d’accusation 3 :

[36]        À ce chef, il a été reproché à l’intimé d’avoir « fait à sa cliente des déclarations ou des représentations erronées quant à la durée du contrat et à la valeur de la garantie à l’échéance du fonds distinct qu’il lui faisait souscrire ».

[37]        En l’espèce, l’intimé, tel qu’il apparaît à la pièce P-4, a fait l’erreur d’indiquer un niveau de garantie de 100 % alors que la garantie applicable n’était que de 75 % compte tenu de l’âge de la cliente.

[38]        Bien que l’intimé ait ainsi commis une faute inexcusable pour un représentant de son expérience, selon ce qui a été présenté au comité, celle-ci serait le résultat d’un simple moment d’égarement ou de distraction.

[39]        Compte tenu des circonstances entourant cette faute, et propres à ce chef d’accusation, après considération des facteurs tant objectifs que subjectifs, atténuants comme aggravants qui lui ont été présentés, le comité est d’avis que la condamnation de l’intimé sous celui-ci à une amende de 3 000 $, tel que suggéré par les parties, serait en l’instance une sanction raisonnable.

[40]        Il condamnera donc l’intimé sous ce chef au paiement d’une amende de 3 000 $.

[41]        Conformément à la suggestion des parties, le comité condamnera également l’intimé au paiement des déboursés.

[42]        Relativement à la publication de la décision, le comité est d’avis d’ordonner celle-ci. Aucune « circonstance exceptionnelle »[2] lui permettant de se dispenser de l’ordonner ne lui ayant été présentée.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé sous chacun des chefs 1, 2 et 3 contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable sous chacun des chefs d’accusation 1, 2 et 3 contenus à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous chacun des chefs 1 et 2 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois à être purgée de façon concurrente;

Sous le chef 3 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $;

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, RLRQ chapitre C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 141 du Code des professions, RLRQ chapitre C-26.

 

 

 

_(s) François Folot___________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

_(s) Nacera Zergane__________________

Mme NACERA ZERGANE

Membre du comité de discipline

 

_(s) Frédérick Scheidler_______________

M. FRÉDÉRICK SCHEIDLER

Membre du comité de discipline

 

 

Me Sylvie Poirier

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Carolyne Mathieu

Procureure de la partie intimée

 

Date d’audience :

7 avril 2015

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Champagne c. Vendramini, CD00-1026, décision sur culpabilité et sanction en date du 6 mars 2015; Champagne c. Chartrand, CD00-1021, décision sur culpabilité et sanction en date du 21 octobre 2014; Champagne c. Natale, CD00-0818, décision sur culpabilité en date du 21 mars 2012 et décision sur sanction en date du 3 janvier 2013; Lelièvre c. Deschênes, CD00-0890, décision sur culpabilité et sanction en date du 30 octobre 2012; Champagne c. Ménard, CD00-0924, décision sur culpabilité et sanction en date du 10 avril 2013; Champagne c. Lemire, CD00-0955, décision sur culpabilité et sanction en date du 20 août 2013; Lelièvre c. Aubrais, CD00-0900, décision sur culpabilité et sanction en date du 25 octobre 2012.

[2]     Voir Rousseau c. Ingénieurs, 2005 QCTP 41 (TP); Wells c. Notaires, 1993 DDCP 240 (TP).

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