Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Jacob

2015 QCCDCSF 45

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1057

 

DATE :

3 septembre 2015

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre

 

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre

 

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

PARNELL ADLER JACOB, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 152954)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]          Le 15 avril 2015, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni à la Commission des lésions professionnelles, sise au 500, boulevard René-Lévesque Ouest, 18e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire suivante portée contre l'intimé le 29 avril 2014.

LA PLAINTE

 

1.        Dans la région de Montréal, le ou vers le 8 novembre 2010, l’intimé n’a pas agi avec intégrité en réclamant à son employeur le remboursement d’une somme de 106,67 $ pour une dépense qui n’avait pas été réellement engagée, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 3);

 

2.        Dans la région de Montréal, le ou vers le 23 novembre 2010, l’intimé n’a pas agi avec intégrité en réclamant à son employeur le remboursement d’une somme de 367,50 $ pour une dépense qui n’avait pas été réellement engagée, contrevenant  ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 3);

 

3.        Dans la région de Montréal, le ou vers le 17 janvier 2011, l’intimé n’a pas agi avec intégrité en réclamant à son employeur le remboursement d’une somme de
156,46 $ pour une dépense qui n’avait pas été réellement engagée, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 3);

 

4.        Dans la région de Montréal, le ou vers le 5 mai 2011, l’intimé n’a pas agi avec intégrité en réclamant à son employeur le remboursement d’une somme de
437,42 $ pour une dépense qui n’avait pas été réellement engagée, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ
, chapitre D-9.2) et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 3).

 

 

[2]          La partie plaignante était représentée par Me Jean-François Noiseux, alors que l’intimé était représenté par Me Jean-David Fortier.

[3]          D’entrée de jeu, le procureur de la plaignante a indiqué que l’intimé désirait enregistrer un plaidoyer de culpabilité précisant que ce dernier avait reconnu les gestes reprochés notamment dans sa lettre datée du 29 avril 2012 adressée à la plaignante dans la cadre de son enquête, et de nouveau dans sa lettre du 13 juin 2014, adressée cette fois au comité de discipline après la signification de la plainte portée contre lui le 29 avril précédent.

[4]          Le procureur de l’intimé a indiqué que même si son client reconnaissait les gestes commis, il remettait en question qu’il s’agisse d’une faute déontologique.

[5]          Dans ces circonstances, aucun plaidoyer de culpabilité n’a été enregistré et les parties ont procédé à la preuve sur culpabilité. Me Noiseux n’a fait entendre aucun témoin alors que l’intimé a témoigné.

[6]          Après avoir entendu la preuve et les représentations des procureurs, le comité a accueilli la demande du procureur de la plaignante de fournir des notes additionnelles alléguant avoir été pris par surprise par le fait que l’intimé n’enregistrait pas un plaidoyer de culpabilité, contrairement à ce qu’il avait été indiqué auparavant. Le 15 mai 2015, à la suite de la réception des notes respectives des parties, le comité a commencé le délibéré.

LA PREUVE

La plaignante

[7]          Me Noiseux a déposé de consentement les pièces P-1 à P-5, dont l’attestation du droit de pratique de l’intimé indiquant qu’il détenait un certificat en assurance de personnes en tout temps jusqu’au 31 mai 2014.

[8]          Dans la lettre du 29 avril 2012 adressée à la plaignante, l’intimé rapporte qu’entre le 8 novembre 2010 et le 5 mai 2011, il a réclamé à son employeur un remboursement de différentes sommes 106,67$, 367,50$, 156,46$ et 437,42$ qui visaient des dépenses non réellement engagées au moment de la réclamation. Or, ces sommes correspondent à celles mentionnées aux quatre chefs d’accusation contenus à la plainte.

L’intimé

[9]          L’intimé a expliqué qu’il avait procédé à ces réclamations en soumettant à son employeur des notes de frais à deux reprises pour la même dépense. Il a encaissé les sommes ainsi versées par son employeur. Lorsque son employeur a découvert le stratagème, il a reconnu ses fautes et a procédé au remboursement. En janvier 2012, à la suite de ceux-ci, il a été congédié par la RBC.

[10]       Deux mois et demi après son congédiement, il a trouvé un nouvel emploi. Il agit maintenant comme courtier en assurance de dommages, et ce, depuis le 27 janvier 2015.

[11]       Il est marié et père d’un enfant de dix ans. Il a précisé qu’il ne vivait pas une situation financière difficile au moment de la commission de ces gestes.

[12]       Il a expliqué qu’il regrettait amèrement ces gestes, mais que ceux-ci n’impliquaient pas la clientèle, de sorte que le public n’a en aucun temps été mis en danger et n’a pas subi de préjudice pécuniaire.

[13]       Il ne peut s’expliquer lui-même ces gestes et a trouvé pénible de les expliquer  à sa conjointe. Il reconnaît qu’il a agi de façon irresponsable.

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES SUR CULPABILITÉ

[14]       Le procureur de la plaignante a allégué que l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (Loi) ainsi que l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière s’appliquent dans les circonstances. Ceux-ci exigent des représentants d’agir avec compétence et professionnalisme, ainsi qu’avec honnêteté. Même si la deuxième disposition se trouve sous la section «Devoirs et obligations envers la profession», il soutient qu’elle doit recevoir une interprétation large et libérale et ne pas être lue strictement dans le contexte où le représentant est en relation directe avec un client, mais dans l’exercice de ses activités de représentant, comme l’était l’intimé en l’espèce.

[15]       Affirmant que la conduite de l’intimé démontrait un manque de probité, il a déposé au soutien de ses prétentions la décision rendue dans l’affaire Lanthier[1]. Dans cette affaire, l’intimé avait obtenu 6 000 $ et 1 000 $ dans le cadre d’un programme de bénévolat mis sur pied par son employeur (la banque) pour une association de tennis qu’il disait présider, mais l’avait plutôt employée pour ses besoins personnels (chefs 6 et 7). L’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité. En le déclarant coupable le comité, au paragraphe 49 de sa décision, a indiqué:

« Bien que l’intimé n’ait commis aucune faute auprès de la clientèle de la banque, l’obligation qui était la sienne, d’agir avec honnêteté et probité, s’appliquait aussi à l’endroit de l’institution et de ses employés ».

[16]       Pour sa part, le procureur de l’intimé a essentiellement soutenu que les infractions en cause n’étaient pas de nature déontologique, étant donné que l’intimé ne les avait pas commises à l’égard d’un client, mais de son employeur. À l’audience, il a avancé que ces fautes relevaient plutôt du droit criminel étant en quelque sorte de la nature d’un vol. Toutefois, dans ses représentations écrites, il a indiqué qu’elles relevaient davantage du « (...) droit des relations du travail, les normes du travail, ou à la limite, les poursuites sommaires de la Cour Municipale de Montréal »[2].

[17]       Il s’est dit d’avis qu’une interprétation restrictive des dispositions législatives devait être appliquée. Comme aucun client n’était impliqué, l’article 16 de la Loi ne pouvait s’appliquer.

[18]       Aussi, comme l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, se trouve sous la section « Devoirs et obligations envers la profession » traitant de l’exercice de façon malhonnête ou négligente de la profession, il a fait valoir que les gestes commis par l’intimé ne faisaient pas partie des activités du représentant lesquelles consistent à gérer le portefeuille des clients, « les épargnes des citoyens, les placements faits au nom de ses clients, etc. La gestion à l’interne du compte de dépense d’un employeur n’est pas concernée par cette disposition de la loi »[3]. Il a ajouté que l’employeur de l’intimé n’a subi aucune perte puisque les sommes versées à l’intimé sans droit ont été remboursées et qu’il s’agissait d’une gestion à l’interne du compte de dépenses de l’intimé.

[19]       Il a en conséquence demandé d’acquitter l’intimé sous chacun des quatre chefs de la plainte portée contre lui.

[20]       Dans ses représentations supplémentaires, le procureur de la plaignante a réitéré son argument et ajouté deux autres décisions[4]. Dans l’affaire Cartier, l’intimée s’était appropriée pour ses fins personnelles approximativement 261 000 $ des comptes grand-livre de son ancien employeur, une institution financière. Même si ce n’était pas en relation directe avec un client, le comité a conclu que ces gestes constituaient un acte posé dans le cadre de ses activités professionnelles et, par conséquent, qu’il s’agissait d’une infraction de nature déontologique.

[21]       Il a maintenu que la même conclusion devait être tirée à la lumière des faits du présent dossier « (…) puisque l’intimé a réclamé en double des dépenses obligatoires pour lui permettre de continuer d’exercer sa profession, ce qui constitue une contravention aux devoirs d’honnêteté, de compétence et de professionnalisme. Les actes ont ainsi été posés dans le cadre des activités professionnelles de l’Intimé »[5].

[22]       Dans l’affaire Raymond, rendue subséquemment à l’affaire Cartier, rappelant que l’intimée s’était également appropriée des fonds du compte grand-livre de son employeur, il a argué qu’un manque d’honnêteté envers l’employeur peut constituer une infraction déontologique, et au soutien a cité le passage suivant :

« [47] Néanmoins, la gravité objective des fautes qu’elle a commises ne fait aucun doute. Cette dernière a trahi la confiance que lui portait son employeur. Ajoutons que l’appropriation de fonds, comme le comité l’a déclaré à plusieurs reprises, est l’une des infractions les plus sérieuses que puisse commettre un représentant. » (notre emphase);

[23]       Il a conclu à la culpabilité de l’intimé sous chacun des chefs de la plainte.

ANALYSE ET MOTIFS

[24]        Il y a lieu de reproduire les dispositions alléguées au soutien des chefs d’accusation :

Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2)

 

Honnêteté.

 

16.  Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.

 

Compétence.

 

Il doit agir avec compétence et professionnalisme.

 

Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre
 D-9.2, r. 3
)

 

Devoirs et obligations envers la profession

 

35. Le représentant ne doit pas exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente.

 

[25]        L’intimé a reconnu avoir posé les gestes reprochés. Sa contestation repose sur l’argument de son procureur voulant qu’il ne s’agisse pas d’une infraction déontologique, mais relevant plutôt d’un autre domaine de droit, puisque non commise à l’égard de la clientèle. Il avance également que les dispositions alléguées au soutien des chefs d’accusation doivent être interprétées restrictivement.

[26]        Le comité ne partage pas cet avis. La protection du public fait en sorte qu’il doit interpréter de façon large et non restrictive les obligations du représentant. De plus, le fait que ces gestes puissent constituer un acte relevant également d’un autre domaine de droit n’empêche pas de constituer aussi des infractions déontologiques.

[27]        L’intimé a soumis sciemment à son employeur des notes de frais à deux reprises pour la même dépense, en plus d’encaisser les sommes équivalentes versées par ce dernier dans son compte de banque personnel, en acquittement de ces notes de frais.
Il a répété ces gestes à quatre reprises sur une période de six mois.

[28]        Nul doute que ce faisant, l’intimé n’a pas agi avec intégrité, il a manqué d’honnêteté et de probité, qualités essentielles que doit posséder tout représentant. Les employeurs, tout comme le public en général, doivent pouvoir avoir une confiance totale et absolue dans l’intégrité des membres de la Chambre de la sécurité financière. Ces gestes vont au cœur de l’exercice de la profession.

[29]        Ainsi, le comité estime que l’intimé a commis ces gestes dans l’exercice de ses activités de représentant, bien que non commis à l’égard de clients.

[30]       Par conséquent, l’intimé sera déclaré coupable sous chacun des quatre chefs d’accusation contenus dans la présente plainte.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable sous chacun des quatre chefs d’accusation contenus dans la présente plainte;

CONVOQUE les parties avec l’assistance du secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

 

(s) Janine Kean______________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(s) Gisèle Balthazard_________________

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Stéphane Côté____________________

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Jean-François Noiseux

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Jean-David Fortier

Jean-David Fortier, avocat

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 15 avril 2015

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 


Chambre de la sécurité financière c. Jacob

2015 QCCDCSF 45

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1057

 

DATE :

16 novembre 2015

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre

 

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre

 

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

PARNELL ADLER JACOB, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 152954)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]          Le 4 novembre 2015, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition sur sanction suivant sa décision sur culpabilité rendue le 3 septembre 2015.

[2]          La partie plaignante était représentée par Me Jean-François Noiseux, alors que l’intimé était représenté par Me Jean-David Fortier.

[3]          D’entrée de jeu, les procureurs ont informé le comité qu’ils présenteraient des recommandations communes.

LA PREUVE

[4]          Le procureur de la plaignante a déclaré ne pas avoir de preuve additionnelle à présenter sur sanction.

[5]          Le procureur de l’intimé a déposé une preuve documentaire supplémentaire, consistant en une lettre de ce dernier adressé à la syndique de la Chambre de la sécurité financière (CSF) le 13 juin 2014 (SI-1), et informé qu’il se référerait également à la lettre de l’intimé datée du 29 avril 2012 et à l’attestation du droit de pratique de l’intimé, ces documents ayant été produits par la plaignante à l’audition sur culpabilité respectivement sous P-6 et P-1.

[6]          Il a également fait témoigner l’intimé qui a principalement réitéré son témoignage rendu sur culpabilité, précisant toutefois avoir saisi la leçon et n’avoir jamais commis d’infractions semblables à l’égard de clients ou collègues. 

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

[7]          Les parties se sont entendues pour recommander la radiation de l’intimé pour une période de deux ans, à purger de façon concurrente, sous chacun des quatre chefs d’infraction contenus dans la plainte dont il a été déclaré coupable. En outre, elles ont demandé que ces radiations prennent effet à la date d’audience, nonobstant appel.

[8]          Les parties ont de plus suggéré la publication de la décision et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[9]          Au titre des facteurs aggravants, mis à part la gravité objective des infractions commises, le procureur de la plaignante a souligné :

a)     que celles-ci portaient atteinte à l’image de la profession;

b)     que l’intimé était un représentant d’expérience ayant accumulé près de huit années de pratique au moment des infractions;

c)      qu’il a agi avec préméditation en profitant du système de l’employeur qui versait dans le compte personnel du représentant les dépenses de formation réclamées sans autre vérification. Aussi, l’intimé a répété son stratagème quatre fois en l’espace de cinq mois;

d)     que la préméditation et la répétition des gestes commis permettaient de conclure à l’existence d’une intention malhonnête chez l’intimé lors de la commission de ces infractions.

[10]       Comme facteurs atténuants, le procureur de la plaignante a mentionné la reconnaissance par l’intimé des gestes reprochés dès qu’il y a été confronté par son employeur et à la première occasion auprès de la syndique de la CSF en dépit de sa contestation d’avoir enfreint ses obligations déontologiques comme plaidé par son procureur. Il a également souligné le remboursement fait par l’intimé à son employeur et l’absence d’antécédent disciplinaire.

[11]       Le procureur de la plaignante a terminé en déposant et commentant les décisions rendues dans les affaires Lanthier[6] et Raymond[7]. Il a signalé que la première, qui traite d’infraction de même nature qu’en l’espèce, conclut à une période de radiation de deux ans, alors que la deuxième visait plutôt une appropriation. De telle sorte, la première lui semblait fournir davantage d’éléments comparables à ceux en l’espèce, d’où la recommandation des parties, et ce, même si l’intimé Lanthier n’avait pas profité personnellement des sommes reçues, contrairement à l’intimé dans le présent dossier.

[12]       Pour sa part, le procureur de l’intimé a confirmé que, vu l’ensemble des faits, la sanction recommandée lui paraissait raisonnable. En ce qui concerne les facteurs atténuants, il a ajouté notamment la collaboration de l’intimé à l’enquête. Il a expliqué que l’intimé désirait exercer de nouveau la profession même si la radiation recommandée avait un «effet dévastateur» sur sa carrière, assumant la responsabilité des gestes commis. Il a insisté sur le fait qu’aucun client n’était impliqué dans ces infractions, qu’il y avait eu remboursement et que son client avait déjà subi un congédiement en conséquence de ses gestes et a été obligé de trouver un nouvel emploi. Enfin, il s’est dit d’avis qu’il y avait absence de risque de récidive.

[13]       Ensuite, indiquant des extraits de la Charte canadienne des droits et libertés[8] et passant en revue certaines décisions[9], il a conclu que la recommandation des parties était appropriée et respectait la norme suivie dans des cas semblables.

ANALYSE ET MOTIFS

[14]        Conformément à l’article 154 du Code des professions, le comité consigne par écrit la décision sur sanction rendue séance tenante contre l’intimé par laquelle il a donné suite aux recommandations communes des parties en ordonnant la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux ans sous chacun des quatre chefs d’accusation contenus à la plainte disciplinaire, celles-ci devant être purgées de façon concurrente, ordonnant la publication de la décision et condamnant l’intimé au paiement des déboursés. Le comité a également ordonné l’exécution immédiate de ces périodes de radiation à compter du 4 novembre 2015, et ce, nonobstant appel.

[15]        Rappelons que l’intimé a été déclaré coupable de ne pas avoir agi avec intégrité, ayant soumis sciemment à son employeur des notes de frais à deux reprises pour la même dépense, en plus d’encaisser les sommes équivalentes versées par ce dernier dans son compte de banque personnel, en acquittement de ces notes de frais. Il a répété ces gestes à quatre reprises sur une période de six mois.

[16]        Les employeurs, comme le public en général, doivent pouvoir avoir confiance dans l’intégrité des membres de la Chambre de la sécurité financière.

[17]        Les infractions commises sont d’une gravité indéniable et vont au cœur de l’exercice de la profession. En l’espèce, la répétition des gestes et leur préméditation supportent l’intention malhonnête dans la commission de ces infractions, tel qu’avancé par le procureur de la plaignante.

[18]        En conséquence, considérant l’ensemble du dossier, les sanctions suggérées par les parties paraissent justes et raisonnables, notamment pour les motifs qu’elles nous ont exposés. En vertu des principes émis par la Cour d’appel du Québec[10], et maintes fois retenus en droit disciplinaire[11], le comité ne devrait pas s’écarter des recommandations communes des parties que s’il les juge inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou si elles paraissent de nature à discréditer l’administration de la justice.

[19]        En conséquence, le comité y a donné suite.

[20]        Enfin, pour les motifs exposés à l’audience par la plaignante et étant donné le consentement de l’intimé, le comité accueille la demande d’exécution des périodes de radiation ordonnées à compter du jour de l’audience tenue le 4 novembre 2015, et ce, nonobstant appel.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE la décision rendue séance tenante le 4 novembre 2015;

ORDONNE sous chacun des chefs 1 à 4, la radiation temporaire de l’intimé comme membre de la Chambre de la sécurité financière et ce, pour une période de deux ans à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE l’exécution immédiate des périodes de radiation à compter du 4 novembre 2015, nonobstant appel;

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a eu son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions, RLRQ, c. C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

 

 

(s) Janine Kean______________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(s) Gisèle Balthazard_________________

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Stéphane Côté___ ________________

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Jean-François Noiseux

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Jean-David Fortier

Jean-David Fortier, avocat

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 4 novembre 2015

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 



[1] Champagne c. Lanthier, CD00-0836, décision sur culpabilité du 17 octobre 2011.

[2] Représentations supplémentaires de l’intimé du 6 mai 2015.

[3] Voir la note 1.

[4] Champagne c. Cartier, CD00-0792, décision sur culpabilité du 28 janvier 2011; Champagne c. Raymond, CD00-0829, décision sur culpabilité du 22 juin 2011.

[5] Représentations supplémentaires de la plaignante.

[6] Champagne c. Lanthier, CD00-0836, décision sur culpabilité et sanction rendue le 17 octobre 2011.

[7] Champagne c. Raymond, CD00-0829, décision sur culpabilité et sanction rendue le 22 juin 2011.

[8] Articles 1 à 15.

[9] Thibault c. Talbi, CD00-0759, décision sur culpabilité et sanction rendue le 1er mars 2010; Champagne c. Messier, CD00-0927, décisions sur culpabilité du 21 novembre 2012 et sur sanction du 25 septembre 2014; Lelièvre c. Potvin, CD00-0954, décisions sur culpabilité du 27 mai 2014 et sur sanction du 2 mars 2015.

[10] Douglas c. Sa Majesté la Reine, [2002] Can LII 32492 (QC C.A.).

[11] Notamment : Roy c. Médecins, 1998 Q.C.T.P. 1735 ; Tremblay c. Ordre professionnel des Arpenteurs-géomètres [2001] D.D.O.P. 245 (T.P.); Malouin c. Notaires, D.D.E. 2002 D-23 (T.P.); Stebenne c. Ordre professionnel des Médecins [2002] D.D.O.P. 280 (T.P.).

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