Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. St-Onge

2015 QCCDCSF 26

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1053

 

DATE :

10 juin 2015

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre

M. Marc Binette, Pl. Fin.

Membre

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

MARC ST-ONGE, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives, représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 131582 et numéro de BDNI 1837821)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                De non-divulgation, non-publication et non-diffusion des renseignements personnels ou financiers concernant le consommateur et permettant de l’identifier, se trouvant dans les pièces P-1 à P-16  produites à l’audience.

[1]          Le 6 mai 2015, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière
(le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo-Pariseau,
26e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 31 mars 2014.

[2]                 La plaignante était représentée par Me Julie Piché et l’intimé par Me Pierre Éloi Talbot.

[3]          En début d’audience, Me Piché a demandé au comité la permission de retirer le troisième chef d’accusation et, de consentement avec l’intimé, d’amender le deuxième chef. Le comité a donné suite à ces demandes et la plainte, telle qu’amendée, se lit dorénavant comme suit :

LA PLAINTE AMENDÉE

1.    À St-Jean-sur-Richelieu, le ou vers le 9 juin 2008, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements ni procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de J.D. et de la société ABC, alors qu’il leur faisait souscrire les polices [...] et [...], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 6 et 22 (1) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10);

 

2.    À St-Jean-sur-Richelieu, le ou vers le 9 juin 2008, l’intimé a fourni à l’assureur des renseignements faux, trompeurs, incomplets ou susceptibles d’induire en erreur en indiquant notamment sur le formulaire « Application for Disability Insurance » numéro [...] que J.D. était propriétaire à 100 % de la société ABC et en omettant de divulguer que la société ABC détenait la police d’assurance invalidité [...] pour J.D., et en ne s’assurant pas de l’authenticité de la signature de J.D., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

 

  1. Retiré.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[4]          Après s’être assuré que l’intimé comprenait bien le sens et la portée de son plaidoyer de culpabilité, le comité a donné acte à son enregistrement.

[5]          Le procureur de la plaignante a déposé de consentement les pièces P-1 à P-16, dont l’attestation du droit de pratique de l’intimé démontrant qu’il exerce depuis 1992. Au moment des gestes reprochés à la plainte, il détenait un certificat dans les disciplines d’assurance de personnes, d’assurance collective de personnes ainsi que de courtage en épargne collective, bien que depuis le 22 juin 2014, il ne détient plus de certificat dans cette dernière discipline (P-1 A)).

[6]          En ce qui a trait au premier chef d’accusation, selon la preuve documentaire et les faits rapportés par Me Piché, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements nécessaires à une analyse complète des besoins financiers (ABF) de son client, J.D. Le procureur de l’intimé a pour sa part expliqué que, comme il s’agissait d’une police d’assurance invalidité, l’intimé ne croyait pas devoir compléter une analyse complète des besoins financiers. Bien qu’il s’agisse d’une erreur, il soutient qu’elle a été commise de bonne foi.

[7]          Quant au deuxième chef d’accusation, l’intimé a indiqué sur la proposition que J.D. était propriétaire à 100 % de l’entreprise familiale, alors qu’il ne détenait que 10 % des actions, étant devenu propriétaire majoritaire qu’un an plus tard. L’intimé a aussi fait défaut d’inscrire, même s’il détenait cette information dans son dossier, une deuxième police d’assurance Manuvie dont J.D. était propriétaire. Enfin, après sa rencontre avec J.D., l’intimé a chargé son adjointe de le faire signer, mais sans s’assurer de l’authenticité de cette signature qui s’est révélée non conforme.

[8]          Au sujet de cette signature dont J.D. a nié être l’auteur, l’expert en écriture, retenu par la plaignante, conclut que celle-ci présente les caractéristiques d’une fausse signature, sans toutefois confirmer que la signature contrefaite est l’œuvre de l’intimé.

[9]           Après étude de la preuve documentaire et un court délibéré, le comité a déclaré l’intimé coupable sous chacun des deux chefs d’accusation de la plainte amendée.

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

[10]       Les parties ont suggéré de condamner l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous chacun des deux chefs d’accusation et à celui des déboursés. Au soutien de leurs recommandations communes, elles ont soumis une série de décisions[1].

[11]       Au titre des facteurs aggravants et atténuants, Me Piché a invoqué :

Aggravants 

a)    La gravité objective des infractions, le premier chef concernant l’ABF qui a maintes fois été déclarée être la pierre angulaire du travail que doit accomplir tout représentant. Quant au deuxième chef, les informations transmises à l’assureur sont essentielles au maintien de la relation de confiance entre l’assureur et le représentant;

b)    La négligence démontrée par l’intimé qui révèle un certain laxisme dans l’exercice de sa profession, par exemple en déléguant beaucoup de fonctions à son ou ses adjointes;

c)    La longue expérience de l’intimé qui exerce depuis 1992, ce qui exclut une erreur de débutant;

Atténuants

a)     L’absence de malhonnêteté et de gain pour l’intimé;

b)     L’absence de préjudice pécuniaire pour le consommateur qui a conservé les polices d’assurances qui répondaient à ses besoins;

c)      Le temps écoulé depuis ces infractions qui remontent à 2008;

d)     La présence d’un seul consommateur et d’infractions commises sur une même séquence d’événements;

e)     L’enregistrement du plaidoyer de culpabilité de l’intimé.

[12]       Quant aux fausses informations relatives à l’actionnariat majoritaire de J.D., le procureur de l’intimé a indiqué que J.D. lui-même était confus au moment de la souscription de l’assurance en 2007, car il était déjà considéré comme actionnaire majoritaire par le personnel de la compagnie, bien que le tout n’ait été confirmé légalement qu’en octobre 2009.

[13]             Au sujet de l’absence de mention d’une deuxième police Manuvie, le procureur de l’intimé a allégué que ce défaut était de moindre gravité puisqu’il s’agissait du même assureur. Pour ce qui est de l’authenticité de la signature, la faute de l’intimé était plutôt, à son avis, d’avoir mandaté une tierce personne pour faire signer J.D. sans cependant s’assurer de l’authenticité de cette signature.

[14]       Enfin, il a fait valoir que les mises en garde (S-1 à S-3) ne constituaient pas des antécédents disciplinaires et que si la plaignante n’a pas porté plainte, c’est qu’elle a jugé qu’il n’y avait pas matière pour le faire.

ANALYSE ET MOTIFS

[15]       Conformément à l’article 154 du Code des professions, le comité consigne par écrit la décision sur culpabilité rendue séance tenante contre l’intimé donnant ainsi acte à l’enregistrement de son plaidoyer de culpabilité et le déclarant coupable sous chacun des deux chefs d’accusation de la plainte amendée portée contre lui.

[16]       La plainte concerne un seul consommateur et les infractions ont été commises au cours d’une même séquence d’événements.

[17]       Notons que les sanctions communes recommandées par les parties paraissent clémentes notamment en raison des trois mises en garde faites à l’intimé par la syndique postérieurement aux faits rapportés dans la présente plainte et le laxisme avec lequel l’intimé semble exercer la profession. Toutefois, considérant la jurisprudence applicable en droit disciplinaire au sujet des recommandations communes négociées par des avocats d’expérience, le comité donnera suite à ces recommandations.

[18]       Par conséquent, sous chacun des deux chefs d’accusation de la plainte amendée, le comité condamnera l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $, pour un total de 10 000 $, ainsi qu’au paiement des déboursés.

[19]       Enfin, le comité souhaite que la présente expérience fasse en sorte que l’intimé exerce de façon plus rigoureuse et ce, dans son propre intérêt et celui de ses clients.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE PRENDRE ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous les deux chefs d’accusation de la plainte amendée;

RÉITÈRE DÉCLARER l’intimé coupable sous les deux chefs d’accusation de la plainte amendée;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous chacun des deux chefs d’accusation de la plainte amendée, pour un total de 10 000 $;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés y compris les frais d’expertise conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26.

 

 

_(s) Janine Kean____________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

_(s) Stéphane Côté___________________

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

_(s) Marc Binette_____________________

M. Marc Binette, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Pierre Éloi Talbot

LEGAULT JOLY THIFFAULT, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 6 mai 2015

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Thibault c. Borgia, CD00-0637, décision sur culpabilité du 2 février 2009 et décision sur sanction du 28 juillet 2011; Champagne c. Charbonneau, CD00-0858, décision sur culpabilité du 30 juillet 2012 et décision sur sanction du 22 janvier 2013; Champagne c. Di Salvo, CD00-0970, décision sur culpabilité et sanction du 26 novembre 2013; Champagne c. Haché, CD00-0778, décision sur culpabilité du 15 juin 2010 et décision sur sanction du 4 avril 2011, ainsi que Haché c. Champagne, 2013 QCCQ 4082, jugement rendu le 24 avril 2013; Champagne c. Di Maio, CD00-0885, décision sur culpabilité et sanction du 15 mai 2012; Champagne c. Dubois, CD00-0969, décision sur culpabilité et sanction du 9 octobre 2013.

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