Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Leclerc

2015 QCCDCSF 46

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

N° :

CD00-1050

CD00-1049

 

DATE :

15 septembre 2015

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Armand Éthier, A.V.C.

Membre

M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière;

Partie plaignante

c.

 

PASCALE LECLERC, conseillère en sécurité financière (numéro de certificat 152505);

Partie intimée

 

ET

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière;

            Partie plaignante

c.

 

NOËL BONNICI, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 142342);

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Les 20, 21, 22, 23 et 24 octobre 2014, aux locaux de la Commission des lésions professionnelles située au 500, boulevard René-Lévesque Ouest, 18e étage, salle 18.113, Montréal, et le 30 octobre 2014, au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni et a procédé à l'audition de plaintes disciplinaires portées contre les parties intimées ainsi libellées :

LES PLAINTES

CD00-1050

1.         À Montréal, le ou vers le 8 octobre 2003, l’intimée n’a pas recueilli tous les renseignements ni procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de M.C., alors qu’elle lui faisait souscrire la police d’assurance vie universelle « Destinée » numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6  du  Règlement sur  l’exercice  des  activités des  représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10);

 

2.         À Montréal, le ou vers le 8 octobre 2003, l’intimée n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de M.C., alors qu’elle lui faisait souscrire la police d’assurance vie universelle « Destinée » numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 18, 19, 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

3.          À Montréal, entre septembre 2004 et juillet 2007, l’intimée a indiqué sur neuf (9) sommaires qu’elle a préparés et transmis à son client M.C. des montants trompeurs ou susceptibles d’induire en erreur quant à la véritable valeur de ses placements dans la police d’assurance vie universelle « Destinée » numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 13 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3).

CD00-1049

1.            A Montréal, le ou vers le 8 octobre 2003, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements ni procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de M.C., alors qu’il lui conseillait de souscrire la police d’assurance vie universelle « Destinée » numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur les produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10);

 

2.          À Montréal, le ou vers le 8 octobre 2003, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de M.C., alors qu’il lui conseillait de souscrire la police d’assurance vie universelle « Destinée » numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 18, 19 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3).

[2]           Au terme de l’audition, le comité réclama la transcription des notes sténographiques des témoignages entendus. Celle-ci lui parvint le 9 janvier 2015, date du début du délibéré.

LES OBJECTIONS À LA PREUVE

[3]           En cours d’audition, quelques objections à la preuve ont été prises « sous réserve » par le comité. Il fut alors convenu que si elles n’étaient pas à nouveau évoquées par les parties lors des plaidoiries, le comité devrait considérer qu’elles y ont renoncées.

[4]           Or, lors des plaidoiries, certaines ont été reprises et, avant d’analyser le fond de l’affaire, le comité doit d’abord trancher celles-ci.

Première objection

[5]           La première objection à traiter est survenue le 20 octobre 2014, à la première journée d’audition. La procureure de la plaignante a alors cherché à mettre en preuve une résolution de la compagnie de gestion détenue par le consommateur M.C. Elle a indiqué qu’elle cherchait ainsi à démontrer le moment du début de la relation entre M.C. et l’intimée (Pascale Leclerc).

[6]           Le procureur des intimés s’y est objecté sur la base de la pertinence.

[7]           Or, bien que ledit document ajoute peu à la preuve qui a été administrée relativement aux événements intervenus entre M.C. et les intimés, le comité est d’avis que l’objection fondée sur l’argument de la non-pertinence du document doit être rejetée.

[8]           Le document en cause sera en conséquence déposé au dossier sous la cote P‑8.

Deuxième objection

[9]           La seconde objection sur laquelle doit se pencher le comité porte sur le dépôt par la procureure de la plaignante d’une correspondance (P-20) en date du
11 août 2009, émanant de l’établissement qui employait l’intimée, avisant notamment M.C. « que le lien de confiance était rompu et qu’il devait mettre fin à leur relation d’affaires ».

[10]        Au soutien de son objection, le procureur des intimés a invoqué la non-pertinence du document, soulignant entre autres qu’il s’agit d’une correspondance subséquente aux événements dont fait état la plainte.

[11]        Or, bien que le comité ait autorisé que soit versé au dossier une preuve importante relativement à des faits postérieurs aux événements mentionnés à ladite plainte, le comité est d’avis que le dépôt de la correspondance en cause, dans le contexte des questions que le comité aura à trancher et/ou des éléments de reproche mentionnés à la plainte, ne serait pas justifié non plus qu’approprié. Pour ce motif et pour les motifs plus amplement invoqués par le procureur des intimés, l’objection sera maintenue.

Troisième et quatrième objections

[12]        Les troisième et quatrième objections survenues le 24 octobre se rapportent au contre-interrogatoire de l’expert Jean-Guy Grenier (M. Grenier) par la procureure de la plaignante.

[13]        Les objections alors formulées par le procureur des intimés s’adressaient aux questions posées par cette dernière à savoir si l’expert avait rencontré les représentants en cause, pendant combien de temps, et quelle était la raison ou le motif, le cas échéant, desdites rencontres.

[14]        Le procureur des intimés s’est objecté auxdites questions notamment sur la base du secret professionnel et/ou du privilège relatif au litige.

[15]        En réponse à l’objection, la procureure de la plaignante a essentiellement plaidé que « le privilège relatif au litige » et/ou le « secret professionnel » ne devait pas s’appliquer à ses questions parce que celles-ci portaient simplement sur des faits préalables ayant mené à la préparation du rapport d’expertise et aucunement sur les sujets (ou événements) qui auraient pu être discutés ou traités.

[16]        Elle a ajouté que l’expert, dans son rapport, citait des « propos entendus » lors de rencontres avec lesdits représentants et qu’elle était donc en droit de le questionner à savoir s’il les avait rencontrés.

[17]        Elle a de plus mentionné que des questions de même nature avaient préalablement été posées par le procureur de l’intimée à son expert, sans qu’elle ne s’objecte.

[18]        Quant au procureur des intimés, il a notamment plaidé que les questions concernaient des communications privilégiées entre les intimés et l’expert retenu pour leur défense, et qu’elles se rattachaient donc au privilège relatif au litige.

[19]        Après avoir ensuite indiqué qu’il était lui-même présent lors des échanges, il ajouta qu’à son avis « toutes les discussions où l’avocat est présent, sont couvertes par le privilège relatif au litige et/ou le secret professionnel ».

[20]        Il signala enfin que s’il avait pu poser le même type de questions à l’expert de la plaignante, c’est que la procureure de cette dernière avait tout simplement choisi de ne pas s’y objecter et qu’elle n’avait qu’à le faire si elle voulait lui interdire d’agir de la sorte.

[21]        De l’avis du comité, l’objection doit être rejetée. Les questions posées par la procureure de la plaignante ne portaient pas sur les communications intervenues entre l’expert et le procureur de l’intimée. Elles ne mettaient aucunement en cause le caractère confidentiel de la relation entre l’expert et la partie qui l’a retenu. Elles pouvaient cependant avoir un impact sur la crédibilité de l’expert Grenier et sur la fiabilité de certaines des affirmations à son rapport, particulièrement celles ayant un lien ou ayant trait à sa rencontre avec les intimés. Ajoutons qu’un élément de preuve susceptible d’être déclaré privilégié ne l’est plus lorsque le témoin y réfère au cours de son témoignage.

[22]        En conclusion, de l’avis du comité, il ne lui a pas été démontré que les informations recherchées par les questions de la procureure de la plaignante tombaient dans le champ couvert par le « privilège relatif au litige » ou le « secret professionnel ».

[23]        Pour ce motif ainsi que pour les motifs plus amplement évoqués par la procureure de la plaignante, l’objection formulée par le procureur des intimés est donc rejetée.

[24]        Maintenant que le comité a disposé des objections qu’il avait à trancher, il soumet aux parties sa décision relativement au fond de l’affaire.

[25]        Pour des motifs de convenance, le comité traitera d’abord de la plainte CD00-1050 portée contre l’intimée Pascale Leclerc.

PLAINTE CD00-1050

LES FAITS

[26]        Selon la preuve présentée au comité, le contexte factuel rattaché à la plainte est le suivant :

[27]        Le ou vers le 1er octobre 2003, l’intimée, qui a agi auparavant comme représentante auprès du frère de M.C., le consommateur en cause, rencontre ce dernier au siège de l’entreprise qu’il dirige à Blainville.

[28]        Au cours de ladite rencontre dont l’objectif est notamment le placement de liquidités détenues par M.C. dans sa compagnie de gestion, différents types d’investissements tels CPG, obligations, actions privilégiées, fonds communs de placement, etc. sont discutés et M.C. souscrit alors un placement de l’ordre de 267 000 $.

[29]        Durant leurs échanges, M.C. confie à l’intimée que malgré quelques légers problèmes d’arythmie il est en bonne santé, qu’il travaille à titre de consultant en environnement, qu’il est âgé de 53 ans, qu’il possède des liquidités de l’ordre de 900 000 $, que ses revenus annuels sont de l’ordre de 100 000 $, qu’il a vendu un commerce de serres en 1993, qu’il est divorcé, qu’il a deux (2) enfants majeurs et que sa nouvelle compagne est financièrement indépendante.

[30]        Il lui mentionne de plus que son plan de retraite est « déjà atteint » et qu’il prévoit pour ses héritiers un fardeau fiscal au décès de l’ordre de 200 000 $ à 500 000 $.

[31]        Il lui raconte aussi qu’il est incapable d’obtenir, à la hauteur de ce qu’il désirerait, une assurance-responsabilité couvrant ses activités professionnelles, et qu’il est donc à la recherche d’un « investissement qui lui permettrait de mettre des sommes à l’abri des créanciers, mais qu’il ne veut pas payer trop d’impôt ».

[32]        Sont alors examinés et/ou discutés certains produits dont notamment les fonds distincts, les polices d’assurance-vie entière et les polices d’assurance-vie universelle.

[33]        Au terme de la rencontre, l’intimée avise M.C. qu’elle va réviser et analyser sa situation avec un spécialiste dans le domaine de l’assurance-vie puis re-communiquer avec lui pour une rencontre.

[34]        Le ou vers le 2 octobre 2003, elle contacte M. Noël Bonnici (M. Bonnici) qui agit à titre de consultant en assurance-vie chez RBC, Gestion de patrimoine, services financiers (RBC) et discute avec ce dernier du dossier de M.C.

[35]        Le ou vers le 3 octobre 2003, une conférence téléphonique est organisée à laquelle participent l’intimée, M. Bonnici et M.C. Les besoins et objectifs de M.C. y sont revus.

[36]        À la suite de ladite conférence téléphonique, une rencontre est planifiée. Elle se tient le ou vers le 8 octobre 2003 à la Place Ville-Marie, aux bureaux de M. Bonnici[1].

[37]        Cette rencontre du 8 octobre 2003 et les événements subséquents ont suscité une preuve contradictoire.

[38]        Selon l’intimée, dont le témoignage est corroboré par celui de M. Bonnici, la susdite rencontre « c’est une rencontre consacrée à l’assurance ».

[39]        Les préoccupations et objectifs de M.C. y sont revus, examinés et analysés.

[40]        Des informations échangées il ressort notamment que M.C. détient une somme de l’ordre de 300 000 $ à 500 000 $ qu’il veut « protéger de ses créanciers », tout « en payant le moins d’impôt possible ». M.C. veut de plus s’assurer « que sa succession soit intacte ».

[41]        La souscription d’une police d’assurance-vie universelle, qui est un produit comportant à la fois une composante assurance[2] et une composante « outil de placement », est discutée et proposée à M.C.

[42]        Quelques scénarios sont examinés et diverses illustrations notamment afin de « lui faire comprendre la mécanique d’un type de placement vie universelle » lui sont présentées.

[43]        Lesdites illustrations font état d’un plan comportant cinq (5) dépôts annuels de capital de l’ordre de 100 000 $ (total 500 000$).

[44]        La stratégie analysée vise à répondre aux objectifs précédemment mentionnés de M.C., et à lui procurer un revenu de retraite supplémentaire.

[45]        Une proposition pour l’émission d’une police d’assurance-vie universelle dont le capital assuré est de 1 803 937 $ (P-7) à laquelle sont jointes des illustrations est alors complétée puis signée par M.C.

[46]        Après étude de la proposition, à la suite d’un examen médical, l’assureur indique qu’une surprime devra être affectée au dossier.

[47]        L’intimée réapprécie et réévalue la situation de M.C. avec M. Bonnici.

[48]        Il est alors convenu après calculs de réduire la somme initiale assurée (mentionnée à la police) à un montant de base de l’ordre de 900 000 $.

[49]        De nouvelles illustrations faisant état de dépôts annuels de 50 000 $ pendant six (6) ans (au lieu des cinq dépôts annuels de 100 000 $ initialement prévus) sont préparées.

[50]        Le sujet est discuté avec M.C. et l’assureur est avisé des nouvelles options.

[51]        Le 10 février 2004 ce dernier émet une police d’assurance-vie universelle modifiée dont le capital assuré est de l’ordre de 903 885 $ (P-11).

[52]        Par la suite, le ou vers le 2 avril 2004, l’intimée rencontre M.C. à son lieu d’affaires et procède à la livraison du contrat.

[53]        M.C. appose alors sa signature à plusieurs documents dont des documents confirmant les modifications à la police et la surprime (P-11).

[54]        Il signe un document d’acceptation et un accusé de réception de la police (I-7), une formule de confirmation d’identité (P-12, p. 46) et un document ratifiant l’affectation initiale de ses placements (P-12, p. 397).

[55]        Il choisit alors de réduire, pour la première année, de 50 000 $ à 25 000 $ le dépôt prévu à la police et tire un chèque pour ce montant à l’ordre de l’assureur sur le compte de sa compagnie de gestion.

[56]        Au cours des deux (2) années subséquentes M.C. ne dépose à la police qu’une somme de 25 000 $ (au moyen de sa compagnie de gestion). Puis il cesse d’y faire quelque autre versement.

[57]        Au moyen des fonds accumulés, la police souscrite se maintient en vigueur sans contribution additionnelle de M.C. jusqu’en 2011 au moment où ce dernier en demande la résiliation (P-21).

[58]        La version de M.C. diverge de celle de l’intimée.

[59]        Selon ce dernier, le ou vers le 8 octobre 2003, en prenant connaissance des illustrations, il aurait refusé les suggestions ou propositions de l’intimée et lui aurait mentionné une absence totale d’intérêt pour ce qui lui était proposé.

[60]        Il aurait néanmoins signé la proposition parce qu’on lui aurait indiqué « qu’il fallait qu’il signe »[3] et que cela allait permettre que soit évalué son état de santé.

[61]        Si l’on se fie à son témoignage, il aurait signé la proposition d’assurance simplement afin de gracieusement bénéficier d’une évaluation de son état de santé et/ou de son assurabilité[4].

[62]        Mais alors pourquoi aurait-il par la suite accepté en avril 2004 que la police (même modifiée) lui soit livrée, et signé des documents en conséquence? Et pourquoi aurait-il alors tiré un chèque au montant de 25 000 $ à l’ordre de l’assureur … et un nouveau chèque l’année suivante?

[63]        Le récit qu’il fait des événements apparaît difficilement compatible avec la prépondérance des probabilités raisonnables.

[64]        D’autre part la difficulté éprouvée par ce dernier lorsqu’il s’est agi de situer certains événements dans le temps, de les décrire avec précision, amène le comité à conclure que sa déposition ne présente pas une base suffisamment certaine pour emporter sa conviction.

[65]        En résumé, au plan de la rigueur, de la fiabilité comme de la vraisemblance, le témoignage de M.C. comporte des carences importantes et ne présente pas une base suffisamment sûre et claire pouvant inciter le comité à s’y fier.

[66]        Il doit donc préférer le témoignage formel de l’intimée qui, relativement à certains éléments essentiels, est corroboré par celui de M. Bonnici.

MOTIFS ET DISPOSITIF

Chef numéro 1

[67]        À ce chef, il est reproché à l’intimée de ne pas avoir recueilli tous les renseignements ni procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de M.C. alors que le ou vers le 8 octobre 2003 elle lui faisait souscrire une police d’assurance-vie universelle, et ce, en contravention notamment de l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (le Règlement).

[68]        Ledit article 6 qui traite spécifiquement de ce qui est communément appelé « l’analyse des besoins financiers du client », ou dans le langage du métier de l’ABF, se lit comme suit :

« 6. Le représentant en assurance de personnes doit, avant de faire remplir une proposition d'assurance, analyser avec le preneur ou l'assuré ses besoins d'assurance, les polices ou contrats qu'il détient, leurs caractéristiques, le nom des assureurs qui les ont émis et tout autre élément nécessaire, tels ses revenus, son bilan financier, le nombre de personnes à charge et ses obligations personnelles et familiales. Il doit consigner par écrit ces renseignements. »

[69]        La preuve de la plaignante sous ce chef prend appui notamment sur le témoignage et le rapport d’expertise déposé par M. Denis Preston (M. Preston).

[70]        À son rapport, ce dernier mentionne qu’il n’a pas « trouvé » dans le dossier qui lui a été remis « … une analyse des besoins écrite qui justifierait la souscription d’une assurance-vie de 1 800 000 $ » et affirme : « … la cueillette de données est incomplète et aucun calcul du patrimoine successoral n’a été effectué par le représentant ».

[71]        Ainsi l’expert reproche à l’intimée :

a)        l’absence d’une analyse des besoins permettant de justifier ou venant appuyer la souscription d’une assurance-vie de 1 800 000 $;

b)        une cueillette de données incomplète;

c)        l’absence de calcul du patrimoine successoral du client.

[72]        Étudions tour à tour chacun de ses motifs de reproche.

a)         L’absence d’une analyse des besoins permettant de justifier la souscription d’une assurance-vie de 1 800 000 $

[73]        L’expert Preston indique à son rapport qu’il n’a pas retrouvé dans l’analyse des besoins effectuée par l’intimée de justification à la souscription d’une assurance vie de 1 800 000 $.

[74]        À son point de vue, le représentant doit déterminer « les sommes qui seront disponibles au décès » et « si les sommes déjà disponibles permettent d’atteindre les objectifs du client » « on a pas besoin de souscrire de l’assurance-vie additionnelle »[5].

[75]        Or d’une part il ne faut pas perdre de vue que les besoins d’assurance au décès peuvent croître avec le temps, notamment s’il est à prévoir qu’au cours des ans les actifs de la personne assurée risquent d’augmenter ou puissent augmenter. Et ainsi rien n’interdit que dans ce contexte le montant d’assurance dépasse les besoins successoraux immédiats du client s’il le désire ou y consent.

[76]        En l’espèce il pouvait être raisonnable de prévoir que ceux de M.C. puissent s’accroître au fil des années et il apparaît logique de penser qu’il pouvait être dans son intérêt de se prémunir contre une telle situation.

[77]        Mais de plus, et surtout, la recommandation de souscrire un contrat d’assurance-vie universelle, un produit à deux (2) volets, s’avérait en l’espèce une réponse à des besoins plus larges que ceux simplement rattachés à la nécessité d’une couverture d’assurance-vie. Cet aspect des choses sera plus amplement discuté à l’occasion de l’analyse de la preuve à l’égard du chef 2.

[78]        Tel que nous le verrons alors, le capital assuré de la police d’assurance-vie universelle devait notamment être suffisamment élevé pour permettre notamment à M.C. d’y transporter les montants en capital qu’il désirait « mettre à l’abri » de ses créanciers.

[79]        Pour ces raisons, le comité ne retient pas ce premier motif de reproche de l’expert.

b)         Une cueillette de données incomplètes

[80]        Au plan de « la cueillette des données » la preuve administrée devant le comité a révélé qu’au moyen des rencontres, des conversations et/ou échanges qu’elle a eues avec M.C., l’intimée a recueilli moult renseignements et informations relativement à la situation de ce dernier dont notamment qu’il :

-       possédait une entreprise (une compagnie opérante) qui rendait des services dans le domaine de la protection de l’environnement;

-       était incapable d’obtenir à la hauteur qu’il désirait une assurance-responsabilité couvrant ses activités professionnelles;

-       retirait de ladite compagnie des revenus de l’ordre de 100 000 $ par année (au cours de son témoignage devant le comité M.C. a déclaré en tirer des revenus annuels de l’ordre de 60 000 $ à 70 000 $ plus bonifications);

-       était âgé de 53 ans, et divorcé;

-       celle avec qui il faisait dorénavant vie commune était ingénieure et financièrement indépendante;

-       avait deux (2) enfants majeurs;

-       considérait que son « plan de retraite était atteint » mais cherchait néanmoins à améliorer celui-ci;

-       disposait, en plus de sa compagnie opérante, d’une « compagnie de gestion »;

-       possédait une valeur nette se situant aux alentours de 900 000 $ « liquide » partagée également entre sa compagnie de gestion et ses avoirs propres;

-       possédait personnellement des liquidités de l’ordre de 300 000 $ à 500 000 $ qu’il « voulait protéger de ses créanciers en payant le moins d’impôt possible »;

-       cherchait à garder son patrimoine intact pour ses héritiers;

-       prévoyait que ces derniers auraient à assumer à son décès un impôt de l’ordre d’entre 300 000 $ et 500 000 $.

[81]        Il est vrai que la disposition précitée du Règlement fait obligation au représentant d’analyser avec son client les polices ou contrats d’assurance que détient ce dernier et que rien n’apparaît à ce sujet aux notes écrites consignées au dossier par l’intimée.

[82]        Mais, selon la preuve prépondérante qui a été présentée au comité, l’intimée a été informée par M.C. qu’il ne possédait pas de police ou de contrat d’assurance-vie. (Cela apparaît clairement à la deuxième page de la proposition d’assurance signée par ce dernier (P-7)).

[83]        Et même s’il eut alors été préférable qu’une simple indication à cet effet apparaisse aux notes de l’intimée, il s’agit d’une légère lacune qui ne permet certes pas en elle-même que ce chef d’accusation soit retenu. Il faut en effet savoir distinguer entre ce qui aurait été le plus souhaitable et ce qui serait déontologiquement condamnable.

[84]        Le comité ne retient pas ce motif de reproche de l’expert.

c)         L’absence de calcul du patrimoine successoral de M.C.

[85]        Au plan des besoins successoraux de M.C., il a été discuté sinon établi qu’au décès une somme de 300 000 $ à 500 000 $ serait nécessaire. L’information à cet égard provient de M.C. et l’expert reproche à l’intimée de ne pas en avoir elle-même effectué ou vérifié le calcul avec son client.

[86]        Or lorsqu’il s’agit d’établir l’intensité des vérifications auxquelles doit en pareil cas s’astreindre le représentant, les connaissances et les capacités du client en matière de calculs ou d’estimations financières, doivent être prises en compte.

[87]        Dans une situation où le représentant transige avec un homme d’affaires tel M.C. et que ce dernier lui déclare que son besoin successoral et/ou que l’acquittement des impôts rattachés à sa succession nécessitera une somme de l’ordre de 300 000 $ à 500 000 $, en l’absence de motif lui permettant de sérieusement douter des affirmations de ce dernier, il ne devrait pas être absolument tenu de reprendre avec lui le calcul de son patrimoine successoral et/ou des impôts qui vraisemblablement s’appliqueront à son décès.

[88]        Sauf s’il a des indices sérieux l’incitant à se méfier des indications fournies, le comité ne voit pas que le représentant ait absolument l’obligation de reprendre l’exercice effectué par son client.

[89]        Le comité ne retient donc pas ce motif de reproche de l’expert.

[90]        Ainsi, le comité est d’avis que l’exercice effectué par l’intimée lui a permis de recueillir, avant la souscription de la police d’assurance-vie universelle en cause, l’ensemble des données préalables requises et nécessaires dont notamment les revenus de son client, les éléments pertinents à sa situation financière, ses obligations personnelles et familiales, le nombre de personnes à sa charge, et que les renseignements pertinents ont été consignés par écrit.

[91]        La preuve présentée au comité a convaincu celui-ci que, compte tenu de l’ensemble des circonstances propres à cette affaire l’intimé a, préalablement à la souscription par M.C. de la police d’assurance-vie universelle en cause, procédé à une cueillette des données complète et conforme, et a respecté l’article 6 du Règlement précité.

[92]        Compte tenu de ladite preuve et pour conclure sous ce chef, le comité tient à souligner qu’il souscrit entièrement aux conclusions de l’expert des intimés, M. Jean-Guy Grenier, lorsque ce dernier déclare à son rapport :

« CONCLUSION

Je constate que les intimés ont recherché ou obtenu tous les renseignements nécessaires aux fins du mandat et les ont utilisés dans divers scénarios qui ont constitué l’analyse de besoins, menant à la recommandation finale d’utiliser un contrat d’assurance-vie universelle Destinée en réponse aux objectifs du client dont le principal était de protéger des actifs contre des poursuites éventuelles.

À mon avis, les intimés ont fait une analyse complète et conforme à la pratique dans les circonstances. Ils ont recherché tous les renseignements nécessaires dans une démarche davantage axée sur le conseil, en tenant compte de divers scénarios pour optimiser dans un contrat d’assurance-vie universelle les avantages de la composante placement qui étaient désirés. »

[93]        Quant aux articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF), également évoqués par la plaignante au soutien de ce chef d’accusation, de l’avis du comité ils ne peuvent trouver application en l’espèce. La preuve (qui amène le comité à conclure que l’intimée a respecté les exigences de l’article 6 du Règlement) ne lui permet en effet aucunement de conclure qu’elle aurait fait défaut d’agir avec honnêteté ou loyauté ou qu’elle aurait alors fait défaut d’agir avec compétence et professionnalisme.

[94]         La plaignante n’étant pas parvenue à se décharger de son fardeau de preuve prépondérante sous ce chef, il sera rejeté.

Chef numéro 2

[95]        À ce chef, il est reproché à l’intimée, le ou vers le 8 octobre 2003, alors qu’elle faisait souscrire à M.C. la police d’assurance-vie universelle en cause, d’avoir fait défaut de subordonner son intérêt personnel à celui de ce dernier.

[96]        Comme dans le cas du chef précédent, les reproches de la plaignante prennent appui notamment sur le témoignage et les conclusions du rapport d’expertise préparé par M. Preston.

[97]        À celui-ci (page 9) ce dernier affirme : « En matière d’assurance-vie[6] les informations cueillies par le représentant devraient être suffisamment exhaustives pour que celui-ci puisse calculer si le patrimoine successoral (bilan et liquidité) du client est suffisamment élevé (et bien réparti entre les bénéficiaires ou les successifs) pour que les objectifs du client soient atteints ».

[98]        Il poursuit en indiquant qu’à son avis, si le représentant constate une insuffisance, alors il doit recommander une assurance qui correspond à l’écart à combler, tandis que si le patrimoine successoral permet d’atteindre les objectifs du client, il n’existe pas de besoin d’assurance-vie.

[99]        L’expert ajoute : « En aucun temps le capital d’assurance recommandée ne devrait être en fonction de la prime. La capacité du client de payer la prime peut influencer le choix du produit mais ne détermine pas son besoin d’assurance ».

[100]     De toute évidence, de ces affirmations, et de l’ensemble de son témoignage lors de l’audition, le comité est forcé de conclure que M. Preston est de l’école de pensée qui veut que la vocation d’une police d’assurance-vie, même « universelle », est essentiellement de servir à couvrir des besoins d’assurance[7].

[101]     Or, tel que le comité l’a déjà indiqué lors de décisions antérieures, la police d’assurance-vie de type « universelle » est un produit singulier, comportant deux (2) volets, soit certes un volet « couverture d’assurance-vie » mais aussi un volet « outil de placement » emportant certains avantages fiscaux et une possible protection contre les créanciers.

[102]     Si la première école de pensée, à laquelle semble adhérer M. Preston, est d’avis que la police d’assurance-vie universelle peut, par exemple, servir à permettre à un client d’éviter d’avoir à choisir entre « affecter son capital à la qualité de sa vie personnelle ou léguer des sommes substantielles à sa succession », une deuxième école est d’avis que ledit produit, qui se différencie de toute autre forme d’assurance-vie, peut être tout à fait « adaptée à des gens qui prévoient un revenu de retraite complet provenant d’une autre source d’actif, qui n’ont pas besoin de liquidité à court terme, qui désirent réduire leur fardeau fiscal et possiblement être en mesure de mettre certains actifs à l’abri de leurs créanciers ».

[103]     En la présente affaire, la preuve administrée a révélé que l’intimée et M. Bonnici ont, à la demande de leur client, cherché essentiellement à couvrir les objectifs suivants :

1.        La protection contre les créanciers d’une somme d’environ 300 000 $ à 500 000 $;

2.        Une forme « d’efficacité fiscale » rattachée à la croissance de ladite somme à l’abri de l’impôt;

3.        L’éventualité d’un impôt au décès se situant entre 300 000 $ et 500 000 $.

[104]     La souscription d’une police d’assurance-vie universelle n’a donc pas été suggérée à ce dernier dans le seul but de combler des besoins en assurance-vie, mais également afin de lui permettre de procéder à des placements à l’abri de ses créanciers comportant certains avantages fiscaux.

[105]     Ainsi le montant du « capital décès » n’a pas été déterminé uniquement en fonction de ses besoins en assurance-vie mais également en tenant compte de l’investissement disponible de ce dernier.

[106]     M.C. possédait en effet des liquidités de l’ordre de 300 000 $ à 500 000 $, qu’il désirait protéger. Il cherchait à se prémunir contre la possibilité d’une saisie de la part de ses créanciers, notamment à cause de son incapacité à obtenir de l’assurance responsabilité couvrant adéquatement ses activités professionnelles, et n’était pas, disons-le comme ça, « insensible » à l’idée de réduire son fardeau fiscal.

[107]     C’est dans le but de lui permettre d’atteindre les objectifs qu’il s’était lui-même fixés qu’il lui a été offert ou suggéré de souscrire une police d’assurance-vie universelle.

[108]     Une telle police allait lui permettre de placer des sommes à l’abri de ses créanciers tout en bénéficiant de l’imposition différée des revenus qui proviendraient des montants investis.

[109]     Ajoutons de plus que lesdits investissements, tout comme les revenus tirés de ceux-ci, n’allaient vraisemblablement pas figurer sur ses déclarations fiscales annuelles, rendant ainsi plus ardu la recherche d’actifs lui appartenant par d’éventuels créanciers.

[110]     Enfin la couverture à proprement dite d’assurance-vie allait permettre de couvrir les impôts à son décès.

[111]     Certes au départ M.C. allait être astreint à payer les frais rattachés à une couverture d’assurance-vie dépassant singulièrement les impôts prévisibles à son décès. Et notamment pour cette raison, le produit n’était vraiment intéressant qu’à moyen ou long terme, ce qui apparaît assez précisément des illustrations qui lui ont été communiquées (et qui ont été déposées au dossier).

[112]     M.C. se trouvait toutefois dans une situation où les revenus nécessaires pour sa retraite, selon les informations qu’il a transmises à l’intimée, étaient déjà assurés et dans cette optique il était logique de penser qu’il n’aurait pas à dégager de revenus des actifs en cause avant la quinzième année, soit avant le moment où la souscription d’une police d’assurance-vie universelle allait, selon ce qui était prévu et qui apparaissait aux illustrations jointes à la police, devenir avantageuse.

[113]     Certes le contrat n’avait d’intérêt que dans la mesure où les scénarios proposés, étudiés et acceptés, étaient suivis et réalisés.

[114]     Mais dans de telles circonstances, de l’avis du comité, le produit suggéré par l’intimée pouvait répondre aux objectifs de M.C. qui est apparu au comité comme un homme d’affaires d’expérience, un investisseur entrainé possédant des connaissances générales en matières financières et qui, de son propre aveu, posait beaucoup de questions avant de s’engager[8].

[115]     Compte tenu de la situation et des objectifs recherchés par ce dernier, la souscription d’une police d’assurance-vie universelle était une solution pouvant répondre à ses préoccupations, aux besoins qu’il avait exprimés, et lui convenir.

[116]     D’une part la souscription d’une telle police allait permettre d’indemniser ses héritiers des impôts qu’ils auraient à payer en cas de décès (300 000 $ à 500 000 $).

[117]     Également dans la mesure où le capital assuré allait être suffisamment élevé, il pourrait y transférer en capital, en six (6) ans, une somme entre 300 000 $ et 500 000 $ (qui produirait par la suite des revenus libres d’impôt) tandis que la nomination à la police d’un bénéficiaire privilégié au sens des articles 2457 et 2458 du Code civil du Québec pouvait permettre de rendre insaisissables ou à l’abri des créanciers les sommes qui y seraient investies.

[118]     Le placement dans un tel produit était donc conforme à l’objectif du client de protéger une partie de ses biens contre d’éventuels créanciers.

[119]     Il est vrai qu’au départ, à la proposition d’assurance signée par M.C, ce sont les « héritiers légaux » qui y ont été mentionnés à titre de bénéficiaires et que dans un tel contexte les articles 2457 et 2458 du Code civil du Québec permettant la nomination de bénéficiaires privilégiés ne pouvait trouver application. Cette situation a toutefois été corrigée le 12 octobre 2006 au moyen d’un changement de bénéficiaire en faveur des deux (2) fils de M.C. (P-15).

[120]     L’intimée a admis avoir commis au départ une erreur à cet égard, mais ce n’est pas le débat qui nous concerne.

[121]     L’expert Preston soutient que, compte tenu des objectifs et de la situation de M.C., l’utilisation de fonds distincts (dont les primes (dépôts) auraient été payées directement par M.C. (également titulaire)) aurait été plus appropriée et avantageuse.

[122]     Or pour les motifs plus amplement mentionnés par l’expert Grenier à son rapport[9], et également parce que M.C. possédait déjà des fonds distincts auprès de l’assureur Manuvie et qu’une approche globale de gestion pouvait justifier une diversification de ses placements, le comité ne souscrit pas à cette conclusion.

[123]     En résumé, le comité est d’accord avec l’expert des intimés, M. Jean-Guy Grenier, lorsqu’il écrit aux pages 26 et 27, de son rapport :
« CONCLUSION

Je suis d’avis que le recours à un produit d’assurance vie universelle était la solution la plus utile et convenable à l’ensemble du patrimoine du client et conforme à son objectif principal de vouloir protéger des biens contre d’éventuels créanciers.

Compte tenu d’un besoin de financer des impôts en cas de décès, il était justifié d’utiliser un contrat d’assurance-vie universelle pour des avantages supérieurs aux autres types de produits d’assurance sur le marché.

Je suis donc d’avis que les intimés ont effectivement priorisé l’intérêt personnel de leur client alors qu’ils lui conseillaient de souscrire la police d’assurance-vie universelle ici en cause. »

[124]      De l’avis du comité, la prépondérance de la preuve ne supporte pas ce chef d’accusation. Il sera rejeté.

Chef numéro 3

[125]     À ce chef, il est reproché à l’intimée, entre septembre 2004 et juillet 2007, d’avoir indiqué, sur neuf (9) sommaires qu’elle a préparés et transmis à son client M.C., des montants trompeurs ou susceptibles d’induire en erreur quant à la véritable valeur de ses placements dans la police d’assurance-vie universelle dont il est question aux chefs précédents.

[126]     Les sommaires en cause se retrouvent en liasse à la pièce P-17 et ce qui est reproché à l’intimée ce sont les montants qui y sont indiqués à l’égard du poste d’actif « RBC Assurances », soit 25 000 $ par exemple dans le sommaire de la fin de septembre 2004, de 50 000 $ dans celui du 13 avril 2005 et ainsi de suite.

[127]     Les montants y indiqués correspondent aux sommes déposées par M.C. auprès de l’assureur plutôt qu’à la valeur contemporaine des placements contenus à la police.

[128]     Or mentionnons d’abord que selon la preuve qui a été présentée au comité, de tels « sommaires maison » étaient acheminés périodiquement, soit à tous les trois (3) ou quatre (4) mois environ, par l’intimée à M.C., et ce, à la demande de ce dernier qui voulait un tableau facile résumant ses investissements. Ils lui auraient été acheminés de trimestre en trimestre, et d’année en année pendant près de sept (7) ans même si le chef d’accusation ne se rapporte qu’à la situation ayant prévalu les trois (3) premières années.

[129]     C’est ce qui ressort du témoignage de l’intimée :

« Me RENÉ VALLERAND :

Q.  Madame Leclerc, on en était à l’onglet 17 et vous avez devant vous la page 44, je  pense.

R.  Oui.

Q.  Qui est le sommaire fin septembre deux mille quatre (2004) pour M.C. Ce document a été, ce document, et les autres de la même pièce là, qu’on ne verra pas nécessairement en détail, ont été identifiés comme étant des sommaires maison que vous avez effectués à la demande de monsieur C.?

R.  Oui.

Q.  Ça fait que… vous le confirmez. À quelle fréquence est-ce que de tels documents étaient demandés?

R.  En fait, c’est lui qui m’appelait, environ chaque trois (3) à quatre (4) mois : « Pascale, fais-moi donc un autre sommaire. » Parce qu’il avait des placements chez RBC Assurances, chez RBC Dominion, qui est nous, il avait ses REER, il avait sa compagnie de gestion. Donc, il voulait que je lui fasse un résumé à chaque trois (3), quatre (4) mois.

Q.  Bon.

R.  Qu’il passait en revue, qu’il annotait, qu’il approuvait.

Q.  On y voit dans la colonne de gauche du premier sommaire, page 44, trois (3) items : RBC Investissement, Manuvie et RBC Assurances.

R.  Oui.

Q.  Alors, pouvez-vous faire la distinction pour nos fins?

R.  Oui. RBC Investissement, c’est le compte où il y avait le premier portefeuille dont j’ai discuté, ses placements dans sa compagnie de gestion, donc, ses obligations, ses CPG, qui étaient détenus chez RBC Dominion. La deuxième, Manuvie, c’est là où il avait ses fonds distincts et, RBC Assurances, c’est la police vie universelle.

Q.  Bon. Eu égard à ce sommaire, ainsi que les autres de la même pièce, il a été souligné que la, concernant la police d’assurance, la valeur actuelle correspondait au montant déposé?

R.  Oui.

Q.  Contrairement aux deux (2) autres comptes que l’on voit dans les tableaux?

R.  En effet. [10]»

[130]     M.C. a soutenu, lors de son témoignage, qu’il s’est plaint régulièrement auprès de l’intimée que les montants y indiqués en regard du poste d’actif « RBC Assurances » ne correspondaient pas à la valeur contemporaine du portefeuille ou des investissements rattachés à la police d’assurance-vie universelle.

[131]     Son témoignage est cependant contredit par celui de l’intimée.

[132]     Voici à cet égard le témoignage de cette dernière :

«  Q.    Alors, comment est-ce que ça a été discuté avec monsieur C.?

R.  En fait, c’est monsieur C. qui m’en a fait la demande. Il voulait avoir un tableau simple, puis qui résumait la situation, et puis il était clair qu’il avait les états de compte par la poste de RBC Assurances, mais à sa demande il voulait voir la même valeur et puis ça, tableau après tableau, après tableau, il en a eu une vingtaine, et puis il les annotait, il les approuvait, et s’il y avait eu un changement à ses instructions ou s’il n’était pas content ou insatisfait, il avait eu vingt (20) occasions pour me demander de le changer. Alors, c’est, les instructions provenaient de lui, parce qu’il prenait cette information-là pour ses bilans financiers par la suite, c’est des états financiers, je ne veux pas spéculer là-dessus, ça regarde le consommateur, mais c’était à sa demande.

Q.  O.k. Et vous avez fait de tels tableaux, on voit que celui-ci est de septembre deux mille quatre (2004)?

R.  Oui.

Q.  Jusqu’à quand?

R.  Le dernier qui est dans les pièces, c’est en deux mille sept (2007), mais il y en a eu après ça. Il y en a eu jusqu’en deux mille dix (2010).

Q.  Et, durant ces six (6) ou sept (7) années-là, y a-t-il eu une demande de modifier la présentation?

R.  Non. Puis comme je vous dis, monsieur C., c’est quelqu’un qui pose des questions, qui … en revue, il annotait ces tableaux-là, il faisait des commentaires, et puis il n’y a jamais eu de demande de modification. [11]»

[133]     Ajoutons de plus que lors de son contre-interrogatoire, M.C. a rendu un témoignage, de l’avis du comité, peu convaincant.

[134]     Ainsi, après avoir d’abord avancé qu’il aurait exigé par écrit de l’intimée que l’information apparaissant aux sommaires corresponde aux relevés de RBC Assurances, et qu’il « avait des écrits » à l’appui de son affirmation, pressé de produire lesdits écrits, il n’a pas été en mesure de le faire.

[135]     Il faut également souligner qu’aux états financiers de sa compagnie de gestion, la police d’assurance-vie en cause a été comptabilisée à la valeur des montants déposés auprès de l’assureur (comme sur les sommaires-maison provenant de l’intimée) plutôt qu’à la valeur contemporaine des placements apparaissant aux relevés émis par RBC Assurances, ce qui pourrait supporter ou accréditer la version de l’intimée à l’effet que les « instructions » d’agir de la sorte provenaient de M.C.

[136]     En résumé, la déposition de M.C. sur le sujet, de l’avis du comité, ne présente pas une base suffisamment certaine pour emporter conviction[12].

[137]     Enfin, le comité est d’avis que même dans l’hypothèse (à laquelle il ne souscrit pas) où il lui faudrait préférer le témoignage de M.C., il ne pourrait que conclure que l’intimée a dans les circonstances commis des « erreurs techniques de comptabilité » dans la préparation des sommaires-maison qu’elle a acheminés à la seule demande de son client et comme ce dernier bénéficiait de toute façon de l’information exacte à partir des relevés qui lui étaient périodiquement expédiés par RBC, les fautes qu’elles auraient alors commises ne comporteraient pas un degré tel d’importance qu’elles puissent être qualifiées de fautes déontologiques.

[138]     M.C. recevait en effet, de toute façon, des relevés officiels de RBC lui permettant de saisir parfaitement la véritable valeur des investissements qu’il détenait à la police d’assurance-vie universelle.

[139]     La plaignante n’étant pas parvenue à se décharger de son fardeau de preuve prépondérante sous ce chef, il sera rejeté.

PLAINTE CD00-1049

[140]     À cette plainte, il est adressé à l’intimé Noël Bonnici les mêmes reproches que ceux qui ont été adressés à l’intimée Pascale Leclerc aux chefs 1 et 2 de la plainte CD00-1050.

[141]     Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exprimés précédemment par le comité à l’égard des chefs 1 et 2 de la plainte portée contre Pascale Leclerc, le comité rejettera les chefs 1 et 2 contenus à la plainte (CD00-1049) portée contre Noël Bonnici.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PLAINTE CD00-1050

REJETTE les chefs d’accusation 1, 2 et 3 contenus à la plainte;

PLAINTE CD00-1049

REJETTE les chefs d’accusation 1 et 2 contenus à la plainte;

CONDAMNE la plaignante au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ chapitre C-26.

 

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Armand Éthier____________________

M. ARMAND ÉTHIER, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

(s) Sylvain Jutras____________________

M. SYLVAIN JUTRAS, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me René Vallerand

DONATI MAISONNEUVE

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience :

20, 21, 22, 23, 24 et 30 octobre 2014

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Les événements qui viennent d’être relatés ont pu faire à certains égards l’objet d’une preuve contestée par M.C. mais la mémoire chancelante pour ne pas dire défaillante de ce dernier, lorsqu’il s’est agi de rapporter ceux-ci, impose au comité de se fier au témoignage de l’intimée.

[2]     Les particularités de ce produit seront plus amplement discutées à l’occasion de l’analyse de la preuve à l’égard du chef 2.

[3]     Pages 206 et 207 des notes sténographiques de l’audition du 20 octobre 2014.

[4]     Page 42 des notes sténographiques de l’audition du 21 octobre 2014.

[5]     Voir page 187 des notes sténographiques de l’audition du 21 octobre 2014.

[6]     Il ne semble faire aucune distinction à l’égard des types de polices d’assurance-vie.

[7]     L’expert indique à la page 20 de son rapport : « Bien que l’assurance-vie universelle contienne une portion épargne, c’est d’abord et avant tout un produit d’assurance-vie qui a mission de combler des besoins d’assurance-vie. »

[8]     Voir, entre autres, les notes sténographiques de l’audition du 20 octobre 2014, pages 193 et 194.

[9]     Voir pages 19 et 20 du rapport d’expertise déposé par M. Grenier.

[10]    Voir pages 75, 76 et 77 des notes sténographiques de l’audition du 24 octobre 2014.

[11]    Voir pages 77, 78 et 79 des notes sténographiques de l’audition du 24 octobre 2014.

[12]    Voir pages 71, 72 et 73 des notes sténographiques de l’audition du 21 octobre 2014.

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