Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Dagenais

2015 QCCDCSF 1

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1041

 

DATE :

26 janvier 2015

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Suzanne Côté, Pl. Fin.

Membre

Mme Monique Puech

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière;

Partie plaignante

c.

 

SYLVIE DAGENAIS, conseillère en sécurité financière, représentante de courtier en épargne collective et planificateur financier (numéro de certificat 158741, BDNI 1556821)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 10 septembre 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimée ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       Dans la région de Montréal, le ou vers le 8 avril 2011, l’intimée n’a pas effectué les démarches raisonnables afin de bien conseiller sa cliente et ne lui a pas donné tous les renseignements nécessaires ou utiles avant qu’elle ne rachète sa police d’assurance-vie 8513973-3, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 12, 13, 15 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

 

2.          Dans la région de Montréal, entre les ou vers les 25 mars et 4 juillet 2012, l’intimée a fait à C.D. des représentations fausses, incomplètes ou trompeuses, en lui laissant croire  que l’assureur avait commis une erreur lors du rachat de sa police d’assurance-vie 8513973-3 et que le chèque de 3 600 $ daté du 28 mars 2012 lui était versé à titre de compensation, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 160 et 160.1 de la Loi sur les valeurs mobilières (RLRQ, chapitre V-1.1), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.7.1), 2, 6, 10, 11 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, chapitre D-9.2, r.7.1);

 

3.          Dans la région de Montréal, le ou vers le 26 mars 2012, l’intimée a complété une demande de retrait d’un montant de 3 600 $ du compte non enregistré P7405972-7 qu’elle a soumis à l’assureur à l’insu et sans l’autorisation de C.D., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 160 et 160.1 de la Loi sur les valeurs mobilières (RLRQ, chapitre V-1.1), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.7.1), 2, 6, 10, 11 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, chapitre D-9.2, r.7.1);

 

4.          Dans la région de Montréal, le ou vers le 26 mars 2012, l’intimée a contrefait ou a permis à un tiers de contrefaire la signature de C.D. sur une demande de retrait de la police P7405972-7, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 160 de la Loi sur les valeurs mobilières (RLRQ, chapitre V-1.1), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, chapitre D-9.2, r.7.1);

 

5.          Dans la région de Montréal, le ou vers le 26 mars 2012, l’intimée a signé à titre de témoin de la signature de C.D. sur une demande de retrait à l’insu et hors la présence de cette dernière, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 160 de la Loi sur les valeurs mobilières (RLRQ, chapitre V-1.1), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, chapitre D-9.2, r.7.1). »

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]           D’entrée de jeu, l’intimée enregistra un plaidoyer de culpabilité sous chacun des chefs 1, 2, 3 et 5 contenus à la plainte.

[3]           L’instruction se poursuivit ensuite relativement au chef numéro 4.

LA PREUVE

[4]           Au soutien dudit chef, la plaignante fit entendre M. Donald Poulin, enquêteur à la Chambre de la sécurité financière, Mme C.D., la consommatrice concernée, et enfin, à titre d’experte en écriture et documents, Mme Yolande Gervais. Elle versa de plus au dossier une importante preuve documentaire composée d’éléments recueillis lors de son enquête qui furent cotés P-1 à P-35.

[5]           L’intimée, quant à elle, déclara n’avoir aucune preuve à offrir.

LES FAITS

[6]           De l’ensemble de la preuve qui lui a été présentée, le comité retient les faits suivants :

[7]           C.D., la consommatrice en cause, possédait une police d’assurance-vie entière, avec participation, entièrement libérée, souscrite le 16 août 1989 auprès de la London Life. Les valeurs de rachat y rattachées étaient de l’ordre de 36 000 $.

[8]           N’ayant pas d’enfants et possédant une résidence payée, le ou vers le 8 avril 2011, C.D. convient avec sa représentante, l’intimée, d’annuler la police d’assurance-vie précitée pour en toucher lesdites valeurs de rachat.

[9]           La stratégie envisagée est de transférer les sommes obtenues dans un compte d’épargne non enregistré et, qu’à chaque année, une part de celles-ci serve à permettre à C.D. de contribuer à un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) et d’ainsi bénéficier d’un retour d’impôt.

[10]        Au cours de leurs échanges, l’intimée indique à C.D. qu’elle va bénéficier d’un retour d’impôt de l’ordre de 3 000 $ et 4 000 $ si elle dépose 10 000 $ à un compte REER.

[11]        C.D. confirme donc par écrit sa décision de racheter la police et signe une « demande de valeur de rachat ». Elle y requiert que le produit de la vente soit transféré dans un compte non enregistré.

[12]        Comme C.D. a antérieurement procédé à un emprunt d’environ 5 000 $ sur sa police, une somme de l’ordre de 31 000 $ est versée à son compte d’épargne non enregistré.

[13]        Par la suite, soit le ou vers le 20 janvier 2012, C.D. signe les documents nécessaires à l’ouverture d’un compte REER. Une somme de 10 000 $ provenant de son compte non enregistré y est déposée[1].

[14]        Le ou vers le 25 janvier 2012, C.D. reçoit de la part de la London Life une confirmation du retrait d’une somme de 10 000 $ de son compte non enregistré. À la même période, l’assureur lui fait tenir un reçu de placement à un REER pour l’année d’imposition 2011.

[15]        Au printemps 2012, au moment de la préparation de ses rapports d’impôt, C.D. est toutefois avisée par son comptable que le remboursement d’impôt auquel elle aura droit pour le versement effectué à son compte REER sera non pas de 3 000 $ à 4 000 $ mais plutôt de l’ordre d’environ 250 $. En effet, comme le prix de base rajusté du contrat d’assurance racheté était de l’ordre de 21 500 $, il en résultait pour C.D. un gain approximatif imposable de 9 500 $.

[16]        C.D. communique alors avec l’intimée pour obtenir des explications. Ne parvenant pas à la rejoindre, elle laisse un message à cette dernière de la rappeler.

[17]        Lorsque l’intimée rappelle, C.D. est au travail mais son ex-conjoint est à la maison.

[18]        L’intimée informe cette dernière que c’est par erreur que C.D. a reçu de London Life un relevé fiscal de gain de l’ordre de 9 500 $ et que pour la compenser l’assureur va lui faire don d’une somme de 3 600 $ représentant environ ce qu’elle aurait autrement reçu en remise d’impôt.

[19]        Au début d’avril 2012, C.D. reçoit un chèque de London Life au montant de 3 600 $ mais des indications sur le chèque lui laissent alors penser que « ça ne ressemble pas » à un geste de bonne foi de l’assureur.

[20]        Elle communique avec l’intimée à ce sujet. Cette dernière lui indique qu’elle n’a pas à s’inquiéter, qu’elle peut « échanger » le chèque, qu’il n’y aura pas de problème, que le solde à son compte non enregistré est toujours d’environ 21 000 $, et qu’elle va bientôt recevoir un document le confirmant.

[21]        C.D. fait alors confiance à sa représentante et encaisse le chèque de l’assureur.

[22]        Quelques jours plus tard, elle reçoit un relevé de London Life qui lui indique que le solde à son compte non enregistré est diminué du montant du chèque qu’elle a reçu et encaissé. Un solde de l’ordre de 18 000 $ y est indiqué.

[23]        Elle rappelle alors l’intimée qui lui redit de ne pas s’inquiéter, qu’elle va recevoir un nouveau relevé dans environ deux (2) semaines où elle verra bien que le solde à son compte est tel qu’elle le lui affirme de l’ordre de 21 000 $.

[24]        Le ou vers le 22 juin 2012, n’ayant pas reçu le document promis par l’intimée, C.D. laisse un message à cette dernière l’avisant qu’elle n’a rien reçu, qu’elle ne la croit plus et qu’elle va devoir prendre les mesures appropriées.

[25]        L’intimée communique alors avec C.D. et tente encore une fois de la rassurer. C.D. ne prêtant toutefois plus foi aux propos de l’intimée, lui demande de lui fournir une preuve écrite de ce qu’elle avance.

[26]        L’intimée lui fait alors tenir un courriel où elle lui promet qu’au 30 juin 2012 le solde qui va apparaître à son relevé de compte sera de l’ordre de 21 727,84 $. (Voir pièce P-25.) Une rencontre est aussi fixée au domicile de C.D., le mercredi 4 juillet, afin de tirer les choses au clair.

[27]        Mais lors de la rencontre, l’intimée, tout en affirmant que le document confirmant ce qu’elle lui a toujours dit n’était pas encore disponible, exhibe à C.D. un relevé qui démontre un solde de 18 012,92 $ à son compte non enregistré.

[28]        C.D. qui ne croit plus l’intimée s’interroge alors à savoir comment une somme de 3 600 $ a pu être retirée à son insu de son compte.

[29]        À la suite de démarches dans le but d’éclaircir la situation, elle apprend du superviseur de l’intimée que l’assureur serait en possession de documents, portant sa signature, justifiant le retrait.

[30]        Elle en réclame une copie et l’assureur lui fait tenir un exemplaire d’un formulaire intitulé : « Demande de retrait » signé le 26 mars 2012 où l’on retrouve ce qui est en apparence une signature de sa part.

[31]        Après examen dudit document, C.D. informe l’assureur qu’il ne comporte pas sa réelle signature et qu’elle n’a pas autorisé qui que ce soit à le signer en son nom.

[32]        L’assureur entreprend alors une enquête et, à la suite de celle-ci, en toute vraisemblance après en être arrivé à la conclusion que le retrait net de 3 600 $ au compte non enregistré de C.D. a été effectué sans l’approbation de cette dernière, lui verse ladite somme. Il en obtient par la suite le remboursement de l’intimée.

MOTIFS ET DISPOSITIF

Chef d’accusation numéro 1

[33]        À ce chef, il est reproché à l’intimée, le ou vers le 8 avril 2011, de ne pas avoir effectué les démarches raisonnables afin de bien conseiller sa cliente et de ne pas lui avoir donné tous les renseignements nécessaires ou utiles avant qu’elle ne rachète sa police d’assurance-vie.

[34]        L’intimée a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard de ce chef d’accusation.

[35]        De plus, à la lettre qu’elle a fait tenir à la personne qui a fait enquête au nom de l’assureur, elle a clairement avoué qu’au cours d’une rencontre avec C.D. en janvier 2012, dans le but de discuter de cotisation à un REER, elle lui a déclaré qu’elle devait, au plan fiscal, s’attendre à un retour de l’ordre de 30 % à 40 % de la somme contribuée au régime.

[36]        Par ailleurs, dans une seconde lettre qu’elle adressait à la même personne le 20 août 2012 (pièce P-23), elle a indiqué ne pas avoir expliqué à sa cliente le gain imposable sur police parce qu’elle ne savait pas qu’il y avait un gain au rachat de celle-ci. Elle y explique que comme l’ex-conjoint de C.D. avait procédé à une démarche semblable l’année précédente et qu’il n’y avait pas eu dans son cas de montant imposable, elle n’y avait pas songé.

[37]        Quant à C.D., son témoignage est clair à l’effet qu’elle n’a pas été avisée par l’intimée qu’il y aurait un gain ou une possibilité de gain imposable rattaché au rachat de la police.

[38]        Compte tenu de ce qui précède, l’intimée sera déclarée coupable sous ce chef d’accusation.

Chef d’accusation numéro 2

[39]        À ce chef, il est reproché à l’intimée, entre les ou vers les 25 mars et 4 juillet 2012, d’avoir fait à sa cliente des représentations fausses, incomplètes ou trompeuses en lui laissant croire que l’assureur avait commis une erreur lors du rachat de sa police d’assurance-vie et que le chèque de 3 600 $ daté du 28 mars 2012 lui était versé à titre de compensation pour l’erreur.

[40]        L’intimée a également enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard de ce chef d’accusation.

[41]        De plus, le témoignage non contredit de C.D. est à l’effet que l’intimée lui a déclaré que le chèque de 3 600 $ provenant de la London Life lui était gracieusement fourni à titre de compensation pour l’erreur que l’assureur avait présumément commise en lui émettant, à la suite du rachat de sa police d’assurance-vie, un formulaire attestant d’un gain imposable de l’ordre de 9 500 $.

[42]        Compte tenu de ce qui précède, l’intimée sera déclarée coupable sous ce chef d’accusation.

Chef d’accusation numéro 3

[43]        À ce chef, il est reproché à l’intimée, le ou vers le 26 mars 2012, d’avoir complété une demande de retrait d’un montant de 3 600 $ du compte non enregistré appartenant à sa cliente C.D. et de l’avoir ensuite soumise à l’assureur à l’insu et sans l’autorisation de cette dernière.

[44]        L’intimée a aussi enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard de ce chef d’accusation.

[45]        De plus, C.D. a clairement témoigné à l’effet que c’est à son insu et sans son autorisation que la demande de retrait de 3 600 $ de son compte non enregistré a été soumise à l’assureur.

[46]        Compte tenu de ce qui précède, l’intimée sera déclarée coupable sous ce chef d’accusation.

Chef d’accusation numéro 5

[47]        À ce chef, il est reproché à l’intimée, le ou vers le 26 mars 2012, d’avoir signé à titre de témoin de la signature de C.D. sur une demande de retrait, et ce, à l’insu et hors la présence de cette dernière.

[48]        L’intimée a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard de ce chef d’accusation.

[49]        De plus, C.D. a clairement témoigné ne pas avoir eu de rencontre avec la représentante à la date concernée et son témoignage n’a pas été contredit.

[50]        Compte tenu de ce qui précède, l’intimée sera déclarée coupable sous ce chef d’accusation.

Chef d’accusation numéro 4

[51]        À ce chef, il est reprochée à l’intimée d’avoir, le ou vers le 26 mars 2012, contrefait ou permis à un tiers de contrefaire la signature de C.D. sur une demande de retrait de police.

[52]        Sous ce chef, l’intimée a enregistré un plaidoyer de non-culpabilité.

[53]        La plaignante a toutefois offert à l’égard de celui-ci une preuve prépondérante de culpabilité.

[54]        D’une part cette dernière a établi que l’assureur, lors de son enquête, n’a pu trouver aucune indication au dossier-client de l’intimée qui supporterait l’hypothèse que C.D. ait demandé de retirer 3 600 $ net de son compte non enregistré.

[55]        D’autre part, C.D., dont le témoignage n’a nullement été contredit, a clairement et sans équivoque déclaré devant le comité n’avoir en aucun moment apposé sa signature à la demande de retrait en cause.

[56]        Enfin Mme Yolande Gervais, reconnue à titre d’experte en écriture et documents, qui a analysé la demande de retrait du 26 mars 2012, a témoigné que, compte tenu des indices de fausse signature et du nombre de dissimilitudes retrouvées avec les spécimens de comparaison qu’elle a obtenus, il était fort probable que C.D. ne soit pas l’auteure de la signature en litige. Elle a de plus ajouté que l’examen de comparaison de la signature en litige avec les écrits et signature de l’intimée démontrait, au plan des caractéristiques structurales et morphologiques, des similitudes significatives. Elle a terminé en concluant qu’à son opinion, compte tenu de la preuve indiciaire élevée, il était fort probable que l’intimée soit l’auteure de la signature en litige.

[57]        Compte tenu de ce qui précède, l’intimée sera déclarée coupable sous ce chef d’accusation.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ACCUEILLE la plainte de la plaignante;

DÉCLARE l’intimée coupable, pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers sous chacun des chefs d’accusation 1 à 5 contenus à la plainte;

CONVOQUE les parties avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Suzanne Côté____________________

Mme SUZANNE CÔTÉ, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Monique Puech___________________

Mme MONIQUE PUECH

Membre du comité de discipline

 

 

Me Caroline Isabelle

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimée se représente elle-même.

 

Date d’audience :

10 septembre 2014

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


Chambre de la sécurité financière c. Dagenais

2015 QCCDCSF1

 1

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1041

 

DATE :

14 septembre 2015

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Suzanne Côté, Pl. Fin.

Membre

Mme Monique Puech

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, es qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière;

Partie plaignante

c.

 

SYLVIE DAGENAIS, conseillère en sécurité financière, représentante de courtier en épargne collective et planificateur financier (numéro de certificat 158741, BDNI 1556821)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           À la suite de sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni le 25 juin 2015 aux locaux de la Commission des lésions professionnelles située au 500, boulevard René-Lévesque Ouest, 18e étage, Montréal, et a procédé à l'audition sur sanction.


PREUVE DES PARTIES

[2]           D’entrée de jeu, tant la plaignante que l’intimée déclarèrent n’avoir aucune preuve additionnelle à offrir.

[3]           Elles soumirent ensuite au comité leurs représentations respectives sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[4]           La plaignante, par l’entremise de sa procureure, débuta en mentionnant qu’elle proposait au comité l’imposition des sanctions suivantes :

Sous chacun des chefs 1, 2 et 5 : la condamnation de l’intimée au paiement d’une amende de 5 000 $ (15 000 $ au total);

Sous chacun des chefs 3 et 4 : la radiation temporaire de l’intimée pour une période de deux (2) mois à être purgée de façon concurrente.

[5]           Elle ajouta réclamer de plus la publication de la décision et la condamnation de cette dernière au paiement des déboursés.

[6]           Elle poursuivit en soulignant ensuite les facteurs à son avis atténuants et aggravants suivants :

Facteurs atténuants :

-       la perte d’emploi subie par l’intimée, cette dernière ayant été congédiée par son employeur à la suite de la décision du comité;

-       son remboursement audit employeur des sommes qui ont dû être versées à la consommatrice en compensation du préjudice subi;

-       son absence d’antécédents disciplinaires;

-       l’enregistrement par cette dernière d’un plaidoyer de culpabilité sous quatre (4) des cinq (5) chefs d’accusation contenus à la plainte;

Facteurs aggravants :

-       la gravité objective des infractions commises, celles-ci étant de nature à déconsidérer la profession;

-       des contraventions multiples et évidentes aux règles déontologiques de la profession, l’intimée ayant d’abord commis la faute qui lui a été reprochée au chef 1, et ensuite les infractions mentionnées aux chefs 2, 3, 4 et 5 dans le but de « camoufler » cette première faute;

-       l’expérience de l’intimée qui, exerçant depuis 2003, aurait dû être « à l’abri » de commettre de telles fautes.

[7]           En terminant, au soutien de ses représentations, elle produisit un cahier d’autorités qu’elle commenta[2].

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉE

[8]           Quant à l’intimée, celle-ci débuta ses représentations en rappelant qu’à la suite de la décision du comité la déclarant coupable de cinq (5) chefs contenus à la plainte, elle avait été congédiée par son employeur.

[9]           Elle enchaîna en affirmant que le montant total des amendes suggérées par la plaignante lui semblait à son avis « fort élevé », soulignant alors qu’elle ne disposait que de peu de ressources et affirmant à l’appui de sa proposition qu’elle n’avait pas eu les moyens de se faire représenter par avocat.

[10]        Elle signala ensuite que, d’une certaine façon, ayant indemnisé l’employeur des sommes versées à celle-ci, « elle avait remboursé la cliente ».

[11]        Elle évoqua enfin avoir déjà « assez payé » pour ses fautes, se retrouvant maintenant sans emploi, privée de sommeil à la suite des événements, et au plan santé, dans une condition où elle doit être « réopérée » pour un sérieux mal contre lequel elle lutte depuis trois (3) ans.

[12]        Elle termina en déclarant ne plus avoir l’intention d’œuvrer dans le domaine de la distribution de produits et services financiers.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[13]        Selon l’attestation de droit de pratique provenant de l’Autorité des marchés financiers produite par la plaignante, l’intimée a débuté dans le domaine de la distribution de produits d’assurances et/ou financiers le ou vers le 1er janvier 2004.

[14]        Elle n’a aucun antécédent disciplinaire.

[15]        Elle a enregistré un plaidoyer de culpabilité sous quatre (4) des cinq (5) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[16]        Les fautes qui lui sont reprochées ont été commises à l’égard d’une seule et même cliente dans un contexte où, après avoir commis la faute mentionnée au chef 1, elle a désespérément tenté d’éviter d’être découverte au moyen des supercheries et mensonges mentionnés aux chefs 2 à 5.

[17]        Tel qu’elle l’a déclaré, à la suite de la décision rendue par le comité le 26 janvier 2015 la reconnaissant coupable des infractions qui lui ont été reprochées, elle a été congédiée par son employeur. Elle ne disposerait que de peu de ressources pour le paiement d’amendes.

[18]        Elle impute ses fautes en bonne part à un manque d’encadrement suffisant à son travail, un directeur lui ayant, par exemple, si l’on se fie à ses propos, laissé entendre que « ce n’était pas grave  d’attester erronément de la signature d’un client ». Dans ce contexte, ses fautes ne seraient imputables qu’à « sa naïveté ».

[19]        Selon ce qu’elle a affirmé, depuis les événements en cause, sa vie aurait basculé au point où elle n’arrive plus, ou difficilement, à retrouver le sommeil.

[20]        De plus, elle souffre de problèmes de santé importants et doit subir une nouvelle intervention chirurgicale pour un mal sérieux avec lequel elle se débat depuis trois (3) ans.

[21]        Enfin elle a remboursé à son employeur les sommes que ce dernier a dû débourser auprès de la cliente concernée afin de réparer le préjudice subi par cette dernière.

[22]        Néanmoins la gravité objective des infractions pour lesquelles elle a été reconnue coupable est indéniable.

[23]        Après avoir commis la faute mentionnée au chef 1, plutôt que d’admettre celle-ci à la cliente concernée, elle s’est entêtée à utiliser toutes sortes de moyens ou mensonges pour tenter d’éluder sa responsabilité, commettant alors les fautes mentionnées aux chefs 2, 3, 4 et 5.

[24]        De plus, au départ, lorsqu’interrogée par son employeur, elle s’est défendue d’avoir commis la faute qui lui est reprochée au chef numéro 1 ne l’avouant que par la suite.

[25]        Par ailleurs, après l’avoir vue et entendue, le comité doit malheureusement déclarer qu’il n’est pas parfaitement convaincu qu’elle assume en totalité la responsabilité de ses fautes et en comprend la gravité objective.

[26]        Aussi, compte tenu de ce qui précède et après analyse et considération des facteurs tant objectifs que subjectifs, aggravants qu’atténuants, qui lui ont été présentés, le comité est d’avis d’imposer à l’intimée les sanctions suivantes :

Sous le chef d’accusation numéro 1 : le paiement d’une amende de 4 000 $;

Sous le chef d’accusation numéro 2 : le paiement d’une amende de 5 000 $;

Sous chacun des chefs d’accusation 3, 4 et 5 : une radiation temporaire de deux (2) mois à être purgée de façon concurrente.

[27]        De telles sanctions, de l’avis du comité, seraient des sanctions justes, raisonnables, adaptées aux infractions, ainsi que respectueuses des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

[28]        En terminant le comité croit devoir mentionner que sa décision de condamner l’intimée à une période de radiation temporaire de deux (2) mois sous le chef numéro 5 plutôt qu’à l’amende suggérée par la plaignante s’inspire notamment du fait que les gestes reprochés à l’intimée aux trois (3) derniers chefs d’accusation « participent de la même faute ou de la même intention fautive » et appellent donc, à son avis, la même sanction.

[29]        Enfin s’il a choisi d’imposer à l’intimée le paiement d’une amende de 4 000 $ sous le premier chef plutôt qu’une amende de 5 000 $, tel que réclamé par la plaignante, c’est notamment en considération du principe de la « globalité des sanctions » et du fait que l’intimée était, au moment de l’audition, sans emploi, et que, selon la preuve qui lui a été présentée, les moyens dont elle dispose ne seraient pas très importants.

[30]        D’ailleurs, considérant la situation financière de l’intimée et sa condition au plan emploi, le comité est d’avis, même si elle ne l’a pas réclamé, de lui accorder un délai de dix-huit (18) mois pour le paiement des amendes qui lui seront imposées.

[31]        Enfin, le comité n’ayant aucun motif qui le justifierait de s’écarter des règles habituelles, ordonnera la publication de la décision et condamnera l’intimée au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sous le chef d’accusation numéro 1 :

CONDAMNE l’intimée au paiement d’une amende de 4 000 $;

Sous le chef d’accusation numéro 2 :

CONDAMNE l’intimée au paiement d’une amende de 5 000 $;

Sous chacun des chefs d’accusation numéros 3, 4 et 5 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimée pour une période de deux (2) mois à être purgée de façon concurrente;

ACCORDE à l’intimée un délai de dix-huit (18) mois pour le paiement des amendes;

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimée un avis de la présente décision dans un journal où l’intimée a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156 c) du Code des professions, RLRQ chapitre C-26;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ chapitre C-26.

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Suzanne Côté____________________

Mme SUZANNE CÔTÉ, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Monique Puech___________________

Mme MONIQUE PUECH

Membre du comité de discipline

 

 

Me Caroline Isabelle

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimée se représente elle-même.

 

Date d’audience :

25 juin 2015

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     P-12 est la confirmation du retrait du compte non enregistré pour dépôt au compte REER de la consommatrice.

[2]     Champagne c. Paquet, CD00-0919, décision sur culpabilité en date du 24 janvier 2013; Champagne c. Fortin, CD00-0796, décision sur culpabilité et sanction en date du 15 décembre 2010; Rioux c. Allard, CD00-0477, décision sur culpabilité en date du 7 octobre 2003 et décision sur sanction en date du 19 juillet 2004; Rioux c. Côté, CD00-0633, décision sur culpabilité en date du 30 mai 2007 et décision sur sanction en date du 17 janvier 2008; Lelièvre c. Cantin, CD00-1012, décision sur culpabilité et sanction en date du 25 juin 2014; Champagne c. Ferjuste, CD00-0922, décision sur culpabilité et sanction en date du 26 avril 2013; Champagne c. Le Corvec, CD00-0776, décision sur culpabilité en date du 31 août 2010 et décision sur sanction en date du 31 mai 2011; Thibault c. Ferland, CD00-0754, décision sur culpabilité en date du 3 janvier 2011 et décision sur sanction en date du 20 juillet 2011; Champagne c. Paquet, CD00-0919, décision sur culpabilité et sanction en date du 24 janvier 2013; Brazeau c. Rioux, jugement de la Cour du Québec en date du 7 novembre 2006 (2006 QCCQ 11715; Champagne c. Dubois, CD00-0969, décision sur culpabilité et sanction en date du 9 octobre 2013; Champagne c. Proteau, CD00-0880, décision sur culpabilité et sanction en date du 12 avril 2012; Lévesque c. Plamondon, CD00-0767, décision sur culpabilité et sanction en date du 24 novembre 2010.

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