Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Nemeth

2015 QCCDCSF 24

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1035

 

DATE :

4 juin 2015

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Sylvain Généreux

Président

M. Pierre Masson, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Serge Bélanger, A.V.C.

Membre

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Plaignante

c.

STEVEN NEMETH, conseiller en sécurité financière et conseiller en assurance et rentes collectives (numéro de certificat 124961)

Intimé

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

 I.    LA PLAINTE ET LE DÉROULEMENT DE L’AUDIENCE

[1]         La plaignante a porté une plainte disciplinaire contre l’intimé dont les chefs d’infraction se lisent comme suit :

 

1.   À Saguenay, entre les ou vers les 3 mars 2011 et 27 juin 2011, l’intimé a fait à C.L. et J.R.G. des déclarations incomplètes ou susceptibles de les induire en erreur quant à la proposition [...] qu’il leur faisait souscrire en remplacement de leurs contrats d’assurance vie [...] et [...], notamment quant au capital décès, contrevenant ainsi aux articles 16, 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

 

 

2.   À Saguenay, le ou vers le 3 mars 2011, alors qu’il faisait souscrire à J.R.G. et C.L. la proposition [...] pour l’émission d’un contrat d’assurance vie, laquelle était susceptible d’entraîner le remplacement de leurs contrats d’assurance vie [...] et [...], l’intimé n’a pas rempli et transmis le préavis de remplacement requis contrevenant ainsi à l’article 22 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10);

 

3.   À Saguenay, le ou vers le 3 mars 2011, l’intimé n’a pas favorisé le maintien en vigueur du contrat d’assurance vie [...] au nom de C.L., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 20 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10);

 

4.   À Saguenay, le ou vers le 3 mars 2011, l’intimé n’a pas favorisé le maintien en vigueur du contrat d’assurance vie [...] au nom de J.R.G., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 20 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10);

 

5.   À Saguenay, le ou vers le 3 mars 2011, l’intimé a fait signer des documents incomplets à C.L. et J.R.G., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

 

6.   À Saguenay, le ou vers le 3 mars 2011, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de J.R.G. et C.L. alors qu’il leur faisait souscrire la proposition [...], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 6 et 22(1) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10);

 

7.   À Saguenay, entre les ou vers les 16 mai et 30 juin 2011, l’intimé a créé ou risqué de créer un découvert d’assurance en faisant signer J.R.L et C.L. et en transmettant une demande de résiliation des polices d’assurance vie [...] et [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3).

[2]         Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) a siégé à Saguenay le 4 novembre 2014. Me Claude Baril représentait la plaignante et Me Carolyne Mathieu l’intimé.

[3]         Les pièces P-1 à P-24 ont été produites par la plaignante avec le consentement de l’intimé.

[4]         L’intimé a produit un document dans lequel il était fait état de ses admissions. Le comité référera à plusieurs de celles-ci dans le cadre de son analyse.

[5]         À la demande de la plaignante, M. Laurent Larivière, enquêteur pour la Chambre de la sécurité financière, a témoigné de même que J.R.G. et C.L., les consommateurs dont les noms sont indiqués à la plainte. L’intimé a témoigné en défense.

[6]         Le comité a requis la transcription des notes sténographiques de cette audience; elles lui ont été acheminées le 26 novembre 2014, date à laquelle l’affaire a été prise en délibéré.

II.    LA PREUVE ET L’ANALYSE

1º L’objection prise sous réserve

[7]         À l’audience, la procureure de la plaignante s’est objectée à ce que l’intimé rende un témoignage d’opinion quant aux polices d’assurance vie de J.R.G. et C.L.

[8]         Le comité a permis à l’intimé de répondre aux questions, sous réserve de décider au moment du délibéré, de la recevabilité de cette portion de son témoignage.

[9]         Le comité est d’avis que l’intimé a témoigné de la compréhension qu’il avait des polices d’assurance vie que détenaient C.L. et J.R.G.; il ne s’agit pas d’un témoignage d’opinion au sens strict; l’objection est donc rejetée.

2º L’analyse des faits relatifs à l’ensemble des chefs d’infraction

[10]      L’intimé œuvre dans le domaine de l’assurance de personnes depuis 1994 (P-1). C.L. et son époux J.R.G. ont chacun souscrit auprès de Canada-Vie une police d’assurance vie en 1985 (P-4 et P-5).

[11]      Le montant de capital assuré prévu à ces polices d’assurance était de 50 000$ pour C.L. et de 100 000$ pour J.R.G.

[12]      Le représentant de ces deux consommateurs était alors M. Jacques Lavoie lequel a par la suite « vendu sa clientèle » à l’intimé.

[13]      Étant d’avis que les polices d’assurance vie souscrites auprès de Canada-Vie ne satisfaisaient plus aux besoins de C.L. et J.R.G., l’intimé a communiqué avec eux et les a amenés, le 3 mars 2011, à soumettre une proposition à Empire Vie quant à l’émission d’une police d’assurance vie (P-6).

[14]      Au moment de la commission des infractions reprochées, C.L. et J.R.G. n’avaient pas de connaissances particulières en matière d’assurance. J.R.G. avait alors 72 ans et C.L. 69 ans.

[15]      À l’audience, l’intimé a expliqué ainsi les raisons pour lesquelles il a communiqué avec J.R.G. et C.L. :

« La première fois que j’ai rentré en contact avec monsieur et madame G, c’est quand j’ai reçu le relevé annuel de la Canada-Vie Là, j’ai vu sur le relevé annuel qu’il y avait… monsieur G avait un moins trois mille (-3000) dans ses valeurs de rachat avec une assurance vie. Et quand j’ai commencé à tourner les pages de son relevé annuel – ça, c’est un relevé annuel, pour une police universelle, c’est un relevé qu’on reçoit une fois par année. Ça fait que là, j’ai tourné la deuxième page pour savoir qu’est-ce qui en était, pourquoi que le trois mille (3000) était… le moins trois mille (-3000) était aperçu dans ses valeurs de rachat. Là, sur la deuxième page du graphique, j’ai vu que le monsieur il payait tant et—parce que c’était un … à la troisième page, c’était un coût d’assurance qui était un TRA.  Ça fait que c’est une assurance vie, c’est un temporaire un an, qui augmente à chaque année. Ensuite, sur le graphique de la deuxième page, j’ai vu le montant qu’il payait, et sur l’autre graphique il y avait un montant que la compagnie demandait. Parce que la personne elle paie toujours le même prix, mais si la compagnie augmente ses tarifs, ça crée une réserve qui est dans le négatif. Puis à la troisième page, c’était marqué… son coût d’assurance était TRA, ça veut dire renouvelable annuellement. Ça fait que là, j’ai contacté monsieur G pour lui dire que son assurance vie était en danger, autrement dit, et je lui ai demandé d’avoir une rencontre, qu’il faudrait revoir son… bien, moi j’ai perçu que son contrat était en danger et j’ai contacté monsieur G pour qu’on puisse avoir une rencontre afin de regarder son contrat pour que je lui explique en termes clairs c’est quoi le contrat qu’il avait pris, là, il y a peut-être une trentaine d’années de ça. »[1]

[16]      L’intimé a témoigné que C.L. lui a demandé de remplacer les polices d’assurance vie souscrites auprès de Canada-Vie par une police d’assurance vie comportant des « primes uniformes la vie durant » d’un montant maximal de 264$ par mois.

[17]      Vu cette demande de C.L., l’intimé n’a pas complété l’analyse des besoins; il a cherché, à partir du logiciel « Lifeguide », une police d’assurance vie « combinée » dont la prime mensuelle serait de 264$; ce logiciel l’a amené à proposer la police d’assurance vie offerte par Empire Vie.

[18]      Sur la proposition adressée à Empire Vie (P-6), l’intimé a indiqué à la main les chiffres « 236 » et « 243 »; il a témoigné qu’il s’agissait là des montants d’argent que les clients étaient prêts à payer mensuellement.

[19]      C.L. a témoigné que les deux primes à payer à Canada-Vie totalisaient 218,07$ par mois.

[20]      J.R.G. a témoigné qu’il n’a pas été discuté avec l’intimé du montant des primes qui devraient être payées à Empire Vie. Selon le témoignage de J.R.G., l’intimé a mentionné que les polices d’assurance vie souscrites auprès de Canada-Vie étaient « désuètes ». Les propos de l’intimé ont amené J.R.G. à croire qu’il s’agissait d’un « transfert », d’une « continuité » des polices de Canada-Vie à Empire Vie. J.R.G. a aussi mentionné se souvenir que l’intimé leur a dit qu’ils seraient obligés de payer 3 000$ à Canada-Vie et qu’à chaque année la situation empirerait.

[21]      L’ensemble des éléments mis en preuve, dont les sommes indiquées par l’intimé sur P-6 et le montant précis de primes mentionné par C.L., n’amènent pas le comité à conclure que les clients ont indiqué à leur représentant qu’ils exigeaient de ne pas payer plus de 264$ de prime par mois; ces éléments n’amènent pas non plus le comité à conclure que le montant mensuel de primes ait été l’élément principal ayant amené les consommateurs à procéder de la façon proposée par l’intimé.

[22]      À la demande de l’intimé, C.L. et J.R.G. ont également rédigé à la main et signé, le 3 mars 2011, un document adressé à Canada-Vie aux termes duquel ils demandaient à cet assureur de « canceller les assurances » (P-11). L’intimé a plus tard indiqué la date du 16 mai 2011 sur ce document.

[23]      Le 18 avril 2011, Empire Vie a émis une police d’assurance vie en faveur de J.R.G. et de C.L. Il y était prévu pour J.R.G. un montant de capital assuré de 40 000$ et pour C.L. un montant de 25 000$. Cette police d’assurance n’a pas été remise aux consommateurs en avril 2011 ni en mai 2011 (malgré ce qui est indiqué sur le « reçu de livraison de police » du 16 mai 2011 (P-10)) mais le 27 juin 2011; elle n’a ensuite été « mise en vigueur » que le 30 juin 2011 (P-18). En effet, l’intimé, afin d’éviter que ses clients aient à payer (pour la même période) des primes tant à Canada-Vie qu’à Empire Vie, a demandé à cette dernière, par courriel du 20 mai 2011, de réémettre la police en date du 1er juin 2011 (P-13).

[24]      En parallèle, l’intimé a fait parvenir à Canada-Vie le document manuscrit (P-11) aux termes duquel les consommateurs demandaient à ce qu’il soit mis fin à leur police d’assurance; Canada-Vie a reçu ce document le 24 mai 2011.

[25]      Le 27 mai 2011, Canada-Vie a écrit à l’intimé afin de lui indiquer avoir été informée de la décision de C.L. et de J.R.G. de résilier leur police. Canada-Vie y mentionnait qu’à défaut par l’intimé de communiquer avec elle au plus tard le 10 juin 2011, il serait procédé aux résiliations demandées (P-14). L’intimé n’a pas communiqué avec Canada-Vie.

[26]      Les polices d’assurance vie souscrites par J.R.G. et C.L. auprès de Canada Vie ont été résiliées en date du 24 mai 2014 (date à laquelle Canada-Vie a reçu P-11).

[27]      En regard de la demande de l’intimé de réémettre la police d’assurance vie en date du 1er juin 2011, Empire Vie lui a écrit ce qui suit dans un courriel du 2 juin 2011 (P-15) :

« Nous avons reçu votre demande de ré-émission afin de dater la police pour le 1er juin 2011. Veuillez noter que si nous datons la police pour le 1er juin 2011, l’âge assurable de M. J.R.G. augmentera à 72 ans et la prime mensuelle sera au montant de 278,25$. Un montant additionnel de 14,25$ sera requis afin de régler cette police.

Si nous datons la police pour le 2 mai 2011, l’âge assurable de M. G. demeurera à 71 ans. La prime mensuelle sera au montant de 263,99$ et nous serons en mesure de régler cette police. La prime du mois de juin sera prélevée par DPA le 5 juin 2011, et tous les 5 du mois par la suite.

Veuillez nous confirmer dès que possible comment votre client désire procéder afin d’éviter un délai dans le traitement de votre demande. »

[28]       L’intimé, sans consulter ses clients, a demandé à Empire Vie, par courriel du 7 juin 2011 de « réduire le capital assuré afin que le client paie une prime de $264.00/mois maximum » (P-15).

[29]       Le 27 juin 2011, J.R.G. et C.L. ont signé le « formulaire de modification de la proposition » (P-17) faisant état d’un changement au montant de capital assuré (de 40 000$ à 37 111$ pour J.R.G.).

[30]       Sur réception par Empire Vie du « formulaire de modification de la proposition » (P-17), le 30 juin 2011, la police d’assurance vie a pris effet.

[31]       Invoquant le fait qu’ils n’avaient constaté pour la première fois que le 27 juin 2011 (lors de la livraison de la police d’assurance Empire Vie) que le montant de capital assuré prévu aux polices d’assurance vie souscrites auprès de Canada-Vie (100 000$ pour J.R.G. et 50 000$ pour C.L.) serait considérablement réduit dans la police d’assurance émise par Empire Vie (37 111$ pour J.R.G. et 25 000$ pour C.L.), les consommateurs ont réclamé et obtenu de Empire Vie l’annulation de leur police d’assurance vie (P-19).

[32]       Canada-Vie a par ailleurs refusé de « remettre en vigueur » les polices d’assurance vie de C.L. et J.R.G. (P-21).

3º L’analyse des faits et du droit en regard de chacun des chefs d’infraction

[33]      La procureure de l’intimé a plaidé que les polices d’assurance vie souscrites en 1985 par C.L. et J.R.G. auprès de Canada-Vie n’offraient plus, en 2011, des conditions satisfaisantes et que son client n’était pas responsable de cet état de fait.

[34]      Le comité n’a pas à trancher ces questions; il doit plutôt déterminer si l’intimé, par la façon dont il a procédé dans le dossier, a commis ou non les infractions qui lui sont reprochées dans la plainte.

a) avoir fait, entre le 3 mars 2011 et le 27 juin 2011, des déclarations incomplètes ou susceptibles d’induire en erreur C.L. et J.R.G. quant à la proposition de souscrire une assurance vie avec Empire Vie en remplacement des polices d’assurance vie souscrites auprès de Canada-Vie notamment quant au capital décès (paragraphe 1 de la plainte)

[35]      En début d’audience, le comité a été informé que l’intimé admettait « ne pas avoir mentionné aux consommateurs que le montant de couverture auquel ils souscrivaient avec Empire Vie était moindre que celui de leur police existante avec Canada-Vie ». Dans le cas de J.R.G., le capital assuré passait d’un montant de 100 000$ à 37 411$ et celui de C.L. de 50 000$ à 25 000$.

[36]      Au-delà de l’aveu de l’intimé, le comité conclut de l’analyse de la preuve que J.R.G. et C.L. ne l’ont appris que le 27 juin 2011 (lors de la livraison de la police d’Empire Vie) alors qu’à la suggestion de l’intimé, ils avaient déjà résilié les polices d’assurance vie souscrites auprès de Canada-Vie. C.L. et J.R.G. ont témoigné avoir eu l’impression, avant le 27 juin 2011, que la « couverture d’assurance demeurerait la même ».

[37]      La preuve a révélé que le maintien du « montant de couverture » était pour ces consommateurs un élément important quant à la décision de remplacer leur police d’assurance vie. Le comité est d’avis qu’il s’agit, dans la majorité des cas, d’un élément majeur de la décision d’un consommateur de souscrire à une nouvelle police d’assurance vie en remplacement de celle qu’il détient.

[38]      La preuve prépondérante permet au comité de conclure que l’intimé a fourni peu d’informations au couple C.L. et J.R.G. quant aux polices d’assurance vie détenues chez Canada-Vie et celle qu’il proposait chez Empire Vie.

[39]      L’intimé a fait défaut de préciser à ses clients la nature des garanties offertes; il ne leur a pas fourni tous les renseignements et toutes les explications nécessaires ou utiles à l’appréciation des divers produits; il a agi de façon négligente, il n’a pas agi avec compétence et professionnalisme.

[40]      Il sera donc reconnu coupable des chefs d’infraction énoncés au paragraphe 1 de la plainte.

b) ne pas avoir rempli et transmis le préavis de remplacement requis alors qu’il faisait souscrire à J.R.G. et à C.L., le 3 mars 2011, la proposition pour l’émission d’un contrat d’assurance vie avec Empire Vie susceptible d’entraîner le remplacement de leur contrat d’assurance vie avec Canada-Vie (paragraphe 2 de la plainte)

[41]      L’intimé a admis « ne pas avoir remis de préavis de remplacement aux consommateurs ».

[42]      La preuve a également révélé que l’intimé n’a pas transmis de préavis de remplacement à Canada-Vie.

[43]      Il a donc clairement contrevenu aux dispositions de l’article 22 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants[2] dont le texte à l’époque des infractions reprochées était le suivant :

« 22. Lorsque la souscription d'un contrat d'assurance est susceptible d'entraîner la résiliation, l'annulation ou la réduction des bénéfices d'un autre contrat d'assurance, le représentant doit:

1° procéder à une analyse des besoins de l’assuré ou du preneur conformément à l’article 6;

2° remplir, en même temps que la proposition d’assurance, le formulaire vendu par l’Autorité, prévu à l’annexe I ou II si l’assuré ou le preneur a avantage à remplacer son contrat par un autre;

3° remettre le formulaire dès qu’il est rempli à l’assuré ou au preneur et le lui expliquer en faisant la comparaison des caractéristiques des contrats en vigueur par rapport à ceux proposés et la description des avantages et désavantages du remplacement;

4° expédier le formulaire rempli par tout moyen permettant d’attester la date de l’envoi au siège des assureurs dont les contrats sont susceptibles d’être remplacés dans les 5 jours ouvrables de la signature de la proposition d’assurance;

5° expédier une copie du formulaire rempli dans le délai prévu au paragraphe 4 à l'assureur auprès duquel le représentant en assurance de personnes se propose de placer le nouveau contrat. »

c) ne pas avoir favorisé le maintien en vigueur des contrats d’assurance vie émis par Canada-Vie en faveur de C.L. et de J.R.G. (paragraphes 3 et 4 de la plainte)

[44]      L’article 20 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants prévoit ce qui suit :

« 20. Le représentant doit favoriser le maintien en vigueur de tout contrat d’assurance à moins que son remplacement ne soit justifié dans l’intérêt du preneur ou de l’assuré, justification dont la preuve incombe au représentant en assurance de personnes qui procède au remplacement. »

[45]      L’intimé a admis « ne pas avoir procédé à l’analyse des besoins financiers des consommateurs ».

[46]      Ne l’ayant pas fait, il n’a pu s’assurer que le remplacement des contrats d’assurance vie émis par Canada-Vie était dans l’intérêt de C.L. et de J.R.G.

[47]      L’intimé a témoigné que le montant des primes de ces contrats d’assurance vie devenait de plus en plus élevé, mais il n’a pas vérifié auprès des consommateurs leur capacité (ou leur incapacité) de les payer dans l’avenir.

[48]      De plus, il ne s’est pas enquis de l’importance pour eux de la clause d’incontestabilité prévue aux contrats d’assurance avec Canada-Vie.

[49]      L’intimé n’a pas discuté avec les clients (ni avec Canada-Vie) des possibilités offertes par la clause permettant la modification de la protection prévue à leur contrat d’assurance vie.

[50]      Il n’a pas cherché à vérifier si les clients pourraient être intéressés et se satisfaire de modifications à la couverture d’assurance vie pouvant se traduire, par exemple, par une augmentation moins importante des primes d’assurance ou une diminution du capital assuré.

[51]      De plus, puisqu’il n’a pas communiqué avec Canada-Vie, il n’a pas vérifié si de telles modifications pouvaient être envisagées.

[52]      Bref, l’intimé n’a pas fait la démonstration (dont la preuve lui incombait) qu’il n’avait pas à favoriser le maintien en vigueur des contrats d’assurance avec Canada-Vie au motif que leur remplacement aurait été justifié par l’intérêt de ses clients.

[53]      Il sera donc déclaré coupable des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 3 et 4 de la plainte.

d) avoir fait signer, le 3 mars 2011, des documents incomplets à C.L. et à J.R.G. (paragraphe 5 de la plainte)

[54]      L’intimé a admis « avoir fait signer [aux] consommateurs ledit « préavis » et l’avoir ensuite complété au retour à la maison ».

[55]      C.L. et J.R.G. ont témoigné que l’intimé leur avait fait signer des formulaires avant qu’ils n’aient été complétés.

[56]      Le comité est d’avis qu’un représentant ne peut faire signer des documents incomplets à des clients.

[57]      En procédant ainsi, l’intimé n’a pas agi avec compétence et professionnalisme.

[58]      Il sera donc reconnu coupable des chefs d’infraction énoncés au paragraphe 5 de la plainte.

e) ne pas avoir recueilli, le 3 mars 2011, tous les renseignements ni procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de J.R.G. et de C.L. alors qu’il leur faisait souscrire une proposition auprès de Empire Vie (paragraphe 6 de la plainte)

[59]      L’intimé a admis « ne pas avoir procédé à l’analyse des besoins financiers des consommateurs ».

[60]      La preuve a révélé que l’intimé a recueilli certaines informations auprès de J.R.G. et de C.L. quant à leur situation et à leurs revenus; cela n’est cependant pas suffisant. Il avait également l’obligation de procéder à une analyse des contrats d’assurance vie et de leurs caractéristiques de même qu’à une étude des revenus et du bilan financier de ses clients; il ne l’a pas fait.

[61]      Les informations relatives à J.R.G. et à C.L. mentionnées par l’intimé sur le formulaire « Planification financière personnelle-Renseignements confidentiels » (P-7) démontrent qu’il s’est livré à une cueillette de données incomplète et qu’il n’a pas procédé à une analyse satisfaisante.

[62]      Le comité constate également le manque de rigueur avec lequel l’intimé a complété la proposition (P-6) ayant mené à la souscription du contrat d’assurance vie émis par Empire Vie en ce qu’il a coché « non » à la question 4.2B : « Détenez-vous une autre assurance vie… » alors que les contrats d’assurance vie souscrits auprès de Canada-Vie étaient toujours en vigueur[3].

[63]      L’intimé a fait défaut d’agir avec compétence et professionnalisme.

[64]      Il sera donc déclaré coupable des infractions énoncées au paragraphe 6 de la plainte.

f) avoir créé ou risqué de créer un découvert d’assurance en faisant signer J.R.G. et C.L. et en transmettant une demande de résiliation des polices d’assurance vie émises par Canada-Vie (paragraphe 7 de la plainte)

[65]      Tel que relaté aux paragraphes 13 à 30, les démarches faites par l’intimé ont eu pour effet la résiliation, en date du 24 mai 2011, des polices d’assurance vie que détenaient ses clients C.L. et J.R.G. auprès de Canada-Vie et la prise d’effet, le 30 juin 2011 seulement, de la police d’assurance vie, émise en remplacement, par Empire Vie.

[66]      Il ressort de l’ensemble de la preuve que l’intimé n’a pas fait le nécessaire pour s’assurer que le contrat avec Empire Vie vienne remplacer la couverture d’assurance alors en vigueur dès la résiliation de celle-ci.

[67]      Il y a donc eu « découvert d’assurance » entre le 24 mai et le 30 juin 2011.

[68]        Le comité conclut que l’intimé a exercé ses activités de façon négligente; qu’il a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux et de faire preuve de compétence et de professionnalisme. Il sera donc reconnu coupable des chefs d’infraction mentionnés au paragraphe 7 de la plainte pour la période du 24 mai 2011 au 30 juin 2011.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ :

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1 à 6 de la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs d’infraction énoncés au paragraphe 7 de la plainte pour la période du 24 mai 2011 au 30 juin 2011;

CONVOQUE les parties à l’audience sur sanction et demande au secrétaire du comité de faire le nécessaire à cet égard.

 

 

 

_(s) Sylvain Généreux _______________

Me Sylvain Généreux

Président du comité de discipline

 

  (s) Pierre Masson___________________     Pierre Masson, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

  (s) Serge Bélanger__________________

M. Serge Bélanger, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Claude Baril

Therrien Couture Avocats

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Carolyne Mathieu

Cabinet de services juridiques inc.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

4 novembre 2014

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Notes sténographiques de l’audience du 4 novembre 2014, pages 109 à 111.

[2] RRQ, c. D-9.2, r 10.

[3] L’intimé a admis « avoir préparé et complété la proposition d’assurance vie avec Empire Vie ».

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