Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Lacharité

2015 QCCDCSF 47

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1032

 

DATE :

21 septembre 2015

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ* :

Me Claude Mageau

Président

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

RÉAL LACHARITÉ, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives, représentant de courtier en épargne collective (certificat numéro 118067 et numéro BDNI 1742201)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion des pièces et de tout renseignement ou information qui pourraient permettre d’identifier le consommateur mentionné dans la présente décision.

 

[1]           Le 27 octobre 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 29 novembre 2013, ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.         À Boucherville, le ou vers le 20 mars 2008, l’intimé ne s’est pas acquitté du mandat confié par M.M. en lui faisant souscrire le contrat [...] et investir ses fonds selon une répartition « équilibrée », contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3), 2 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 7.1);

 

2.         À Boucherville, le ou vers le 20 mars 2008, l’intimé a transféré les placements que M.M. détenait dans ses contrats [...] et [...] vers le contrat [...] dans des fonds « équilibrés », ce qui ne correspondait pas à sa situation financière et personnelle ainsi qu’à ses objectifs de placements, contrevenant ainsi aux articles 16, 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D‑9.2), 12, 15, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3), 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 7.1);

 

3.         À Boucherville, le ou vers le 20 mars 2008, l’intimé a fait défaut de bien connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement de M.M. en omettant d’établir son profil d’investisseur, contrevenant ainsi aux articles 16, 27, 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D‑9.2, r.3), 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 7.1).

[2]           La plaignante était représentée par Me Alain Galarneau alors que l’intimé était représenté par Me Carolyne Mathieu.

 

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]           Suite à un échange entre le comité et les procureurs des parties, le procureur de la plaignante, de consentement avec l’intimé, a amendé le chef numéro 3 de la plainte pour se lire comme suit :

 

3.    À Boucherville, le ou vers le 20 mars 2008, l’intimé a fait défaut de bien connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement de M.M. en omettant d’effectuer une analyse des besoins financiers de ce dernier contrairement aux articles 6 et 22 (1) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r. 1.3).

[4]           Cet amendement a été accepté par le comité et à ce chef d’accusation amendé numéro 3, l’intimé a plaidé coupable. Le comité s’est bien assuré que l’intimé comprenait l’amendement et le sens de son plaidoyer de culpabilité.

[5]           Le procureur de la plaignante a informé le comité que suite au plaidoyer de culpabilité de l’intimé, la plaignante désirait retirer les chefs numéros 1 et 2 de la plainte.

[6]           Par la suite, les procureurs des parties ont informé le comité que suite au plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur le chef numéro 3 et le retrait des chefs numéros 1 et 2 de la plainte par le procureur de la plaignante, une recommandation commune sera faite au comité quant à la sanction à être ordonnée par celui-ci pour le chef numéro 3, tel qu’amendé.

 

LA PREUVE

[7]           Le procureur de la plaignante a produit de consentement avec l’intimé la pièce P‑1 qui est l’attestation de droit de pratique de l’intimé émise par l’Autorité des marchés financiers et datée du 8 septembre 2014.

[8]           Le procureur de la plaignante produit aussi un cahier contenant les pièces SP-1 à SP‑7.

[9]           En révisant lesdites pièces, le procureur de la plaignante relate en détails pour le bénéfice du comité le contexte de la commission de l’infraction pour laquelle l’intimé a plaidé coupable.

[10]        Au moment de l’infraction reprochée, l’intimé détenait un certificat en assurance de personnes, assurance collective de personnes, courtage en épargne collective et courtage en plans de bourses d’études.

[11]        Au moment de l’infraction, le consommateur mentionné à la plainte, M.M., était retraité et âgé de 79 ans.

[12]        Le consommateur était un client d’un autre conseiller en sécurité financière de qui l’intimé avait acheté la clientèle.

[13]        Une première rencontre a eu lieu entre M.M. et l’intimé au domicile de M.M. alors que l’ancien conseiller en sécurité financière a présenté M.M. à l’intimé.

[14]        M.M. avait alors indiqué à l’intimé qu’il voulait possiblement changer les fonds de placement qu’il avait avec Investissements Manuvie (« Manuvie »).

[15]        Après discussion et l’obtention de certains détails inscrits à la main par l’intimé sur une feuille de papier (SI-1), des transferts internes de fonds à Manuvie sont effectués par l’intimé pour le bénéfice de M.M.

[16]        L’intimé, avant d’exécuter les transactions, n’avait pas effectué une analyse des besoins financiers de M.M.

[17]        En effet, tel qu’il appert de la pièce SI-1, l’information obtenue est incomplète et on n’y retrouve aucune indication quant à la tolérance aux risques du consommateur, un élément primordial dans l’établissement de l’analyse des besoins financiers d’un client.

[18]        Finalement, M.M. a changé d’idée et décidé de revenir aux produits d’assurance qu’il détenait antérieurement aux transferts ci-haut mentionnés.

[19]        Heureusement, M.M. n’a subi aucun préjudice monétaire par ces différents transferts et changements de produits financiers.

[20]        L’intimé témoigne devant le comité et vient essentiellement confirmer les faits rapportés par le procureur de la plaignante.

[21]        De ce qui précède, le comité constate clairement que l’intimé a commis l’infraction reprochée au chef numéro 3, tel qu’amendé.

[22]        De plus, le comité accepte et prend acte du retrait des chefs numéros 1 et 2 de la plainte par le procureur de la plaignante.

 

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE LA PLAIGNANTE

[23]        Le procureur de la plaignante informe le comité qu’il fait, conjointement avec la procureure de l’intimé, la recommandation commune d’une amende de 5 000 $ pour l’infraction reprochée, en plus du paiement des frais et déboursés en vertu de l’article 151 du Code des professions.

[24]        Après avoir référé à nouveau aux faits à l’origine du chef d’accusation pour lequel l’intimé a plaidé coupable, le procureur de la plaignante insiste sur le fait que l’infraction reprochée était d’une gravité objective importante étant donné que le défaut d’exécuter une analyse des besoins financiers de son client est au cœur même de l’exécution des fonctions du conseiller en sécurité financière et ce, nonobstant le fait que dans la présente instance, il ne s’agit pas d’un placement, mais plutôt d’un produit d’assurance de personnes.

[25]        À cet effet, il indique qu’à la pièce SI-1, qui est la note manuscrite sur laquelle on retrouve de l’information concernant M.M. inscrite par l’intimé, on y trouve aucun élément qui constate la tolérance aux risques du consommateur.

[26]        Le procureur de la plaignante souligne aussi les facteurs subjectifs atténuants pertinents en l’espèce.

[27]        Plus particulièrement, il indique que l’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire et qu’il  a évidemment décidé de plaider coupable à la première opportunité.

[28]        Enfin, il indique que la recommandation commune des procureurs assure la protection du public et respecte les caractères d’exemplarité et de dissuasion nécessaires à toute sanction en matière disciplinaire.

[29]        Enfin, le procureur de la plaignante soumet et commente un cahier d’autorités contenant les décisions en la matière qui appuie la recommandation faite par les procureurs des parties[1].

 

 

REPRÉSENTATIONS DE LA PROCUREURE DE L’INTIMÉ

[30]        La procureure de l’intimé insiste surtout sur les facteurs atténuants en l’espèce.

[31]        Plus particulièrement, elle indique qu’il n’y a eu aucun dommage pécuniaire pour le consommateur impliqué dans la présente instance et qu’il a pu sans pénalité retourner aux deux produits d’assurance qu’il détenait avant les transferts discutés ci-haut.

[32]        Elle indique aussi qu’il s’agit de produits d’assurance et non de placements et que, cette distinction doit être faite lorsqu’on réfère à l’infraction reprochée à l’intimé.

[33]        Enfin, elle confirme au comité que la recommandation faite par le procureur de la plaignante est effectivement commune et du consentement de l’intimé.

 

ANALYSE ET MOTIFS

[34]        L’intimé est dans le domaine de l’assurance depuis 1991.

[35]        Au moment de l’audition devant le comité, l’intimé détenait un certificat en assurance de personnes et en assurance collective de personnes (pièce P-1).

[36]        L’intimé avait donc plusieurs années d’expérience au moment de la commission de l’infraction reprochée et pour laquelle il a enregistré un plaidoyer de culpabilité.

[37]        Il n’a aucun antécédent disciplinaire et a collaboré pleinement et en toute bonne foi à l’enquête du bureau de la syndique.

[38]        De plus, il plaide coupable à l’infraction reprochée évitant ainsi la tenue d’une audition et conséquemment, le déplacement et le témoignage d’un consommateur qui était au moment de l’infraction en 2008, âgé de 79 ans, et qui aurait donc eu au moment de l’audition près de 85 ans.

[39]        Il est bien évident cependant que l’infraction reprochée, à savoir le défaut d’avoir effectué une analyse des besoins financiers de son client, est au cœur même de l’exercice de la profession de conseiller en sécurité financière.

[40]        Néanmoins, le consommateur impliqué dans le présent dossier n’a subi aucun préjudice monétaire, tel que souligné par les procureurs des parties.

[41]        Le comité reconnaît la compétence et l’expérience des deux (2) procureurs qui lui recommandent conjointement comme sanction une amende de 5 000 $ de même que le paiement des frais et déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions.

[42]        Le comité est d’opinion que cette recommandation est en accord avec la jurisprudence produite par le procureur de la plaignante[2] et qu’elle respecte les principes de parité de sanction pour les infractions de même nature.


[43]        Le comité estime donc que cette recommandation est juste et raisonnable et qu’elle répond aussi aux principes de dissuasion et d’exemplarité.

[44]        Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, le comité donnera suite à la recommandation commune des parties et condamnera l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ au chef d’accusation numéro 3, tel qu’amendé, et condamnera l’intimé au paiement des déboursés et frais reliés à l’enquête.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimé au chef d’accusation numéro 3, tel qu’amendé;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité prononcée à l’audition quant au chef d’accusation numéro 3, tel qu’amendé;

AUTORISE le retrait des chefs numéros 1 et 2 de la plainte;

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

CONDAMNE l’intimé à une amende de 5 000 $ sur le chef numéro 3, tel qu’amendé;

CONDAMNE l’intimé au paiement des débours conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (R.L.R.Q., c. C-26).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(s) Claude Mageau___________________

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

 

(s) Felice Torre______________________

M. FELICE TORRE, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT, CARON, PRÉVOST, BÉLISLE, GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Carolyne Mathieu

Cabinet de services juridiques Inc.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

27 octobre 2014

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



*Note: M. Sylvain Beauséjour, un des trois membres du comité ayant entendu le présent dossier, a démissionné à titre de membre du Comité de discipline le 9 avril 2015.  Le comité rend donc la présente décision à deux conformément à l’article 119 du Code des professions (R.L.R.Q., c. C-26) et à l’article 371 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (R.L.R.Q., c. D-9.2).

[1]     Champagne c. Tremblay, décision sur culpabilité et sanction rendue le 26 juin 2013, CD00-0945; Thibault c. Beaudoin, décision sur culpabilité rendue le 18 mars 2011, CD00‑0765; Champagne c. Charbonneau, décision sur culpabilité rendue le 30 juillet 2012, CD00-0858; Champagne c. Beckers, décision sur culpabilité et sanction rendue le 17 août 2012, CD00-0862; Champagne c. Di Salvo, décision sur culpabilité et sanction rendue le 26 novembre 2013, CD00-0970.

[2] Supra Note 1.

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