Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1028

 

DATE :

31 juillet 2015

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Suzanne Côté, Pl. Fin.

Membre

M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

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CAROLINE CHAMPAGNE, es qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière;

Partie plaignante

c.

 

KATHLEEN LAMOUREUX, numéro de certificat 163 003

Partie intimée

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DÉCISION SUR SANCTION

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[1]           À la suite de sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni le 20 mai 2015 aux locaux de la Commission des lésions professionnelles, 500, boulevard René-Lévesque Ouest, 18e étage, salle 18.114, Montréal, et a procédé à l'audition sur sanction.

[2]           Alors que la plaignante était représentée par son procureur, Me Alain Galarneau, l’intimée, bien que dûment convoquée et appelée, était absente.

[3]           Après un certain temps d’attente, la plaignante réclama l’autorisation de procéder « ex parte » et le comité, compte tenu des représentations de cette dernière, des circonstances et des particularités propres à cette affaire, accorda la demande.

[4]           La plaignante procéda alors à la présentation de sa preuve et de ses représentations sur sanction.

LA PREUVE

[5]           La plaignante, après le dépôt sous la cote SP-1 d’une attestation de droit de pratique plus récente de l’intimée, avisa le comité qu’elle n’avait aucune preuve additionnelle à offrir.

[6]           Elle soumit ensuite ses représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[7]           La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta en avisant le comité qu’elle lui recommandait l’imposition des sanctions suivantes :

Sous le chef numéro 1 : la radiation temporaire de l’intimée pour une période de deux (2) ans;

Sous le chef numéro 2 : la radiation temporaire de l’intimée pour une période de dix (10) ans, toutes les sanctions de radiation devant être purgées de façon concurrente.

[8]           Elle ajouta réclamer la publication de la décision ainsi que la condamnation de l’intimée au paiement des déboursés.

[9]           Après un bref rappel des faits, elle souligna que l’intimée avait été reconnue coupable sous le premier chef d’avoir contrefait la signature d’un client sur un formulaire de demande de carte de crédit et, sous le chef 2, d’avoir sans autorisation effectué, ou permis que soient effectués, au moyen de ladite carte de crédit, cinq (5) retraits bancaires totalisant une somme de 2 500 $.

[10]        Relativement au chef numéro 1, elle rappela la décision rendue par la Cour du Québec dans l’affaire Maurice Brazeau[1], maintes fois invoquée, où celle-ci a émis les principes devant guider le comité dans l’imposition des sanctions dans le cas de contrefaçon de signature. Elle rappela que la Cour y avait indiqué que le fait d’imiter des signatures et de les utiliser était en soi un geste grave qui justifiait une période de radiation, ladite période devant être plus ou moins longue selon que la personne concernée avait posé le geste avec une intention frauduleuse ou non.

[11]        Elle indiqua qu’en l’espèce l’intention malveillante de l’intimée lui apparaissait « claire » et qu’en ce sens son cas se démarquait des nombreux autres où, bien que le représentant ait contrefait la signature d’un client, il visait simplement à s’éviter alors une démarche « inutile ou improductive ».

[12]        Elle affirma que la période de radiation imposée à l’intimée sous ce chef devait prendre en considération les intentions de cette dernière et refléter l’importance de l’infraction.

[13]        Relativement au chef numéro 2, elle souligna la gravité objective de la faute y mentionnée, l’intimée ayant effectué des retraits d’argent ou permis que soient effectués des retraits d’argent à l’aide de la carte de crédit obtenue au moyen de la contrefaçon dont fait état le chef précédent. Elle insista donc sur l’absence d’intégrité de l’intimée signalant qu’entre le 25 février 2012 et le 16 mars 2012 cinq (5) retraits avaient frauduleusement été effectués avec ladite carte.

[14]        Elle indiqua ensuite que des infractions de nature semblable avaient par le passé conduit le comité à imposer des sanctions variant généralement entre cinq (5) à dix (10) ans de radiation et la radiation permanente, et qu’ainsi ses recommandations respectaient les paramètres jurisprudentiels applicables. Elle cita à cet égard quelques décisions du comité[2].

[15]        Elle ajouta qu’au plan strictement objectif, le comité était confronté à des infractions « graves », signalant de plus qu’en l’absence de l’intimée, peu ou pas de facteurs subjectifs ou atténuants ne pouvaient être retenus en sa faveur.

[16]        Elle mentionna que bien que cette dernière ne possédait pas d’antécédents, il s’agissait « d’un facteur neutre » puisque, de tous les professionnels « on s’attend à ce qu’ils ne commettent pas de fautes disciplinaires ».

[17]        Elle concéda que l’intimée avait déclaré à l’enquêteur Champagne de la Direction enquêtes et gestions des fraudes du mouvement Desjardins, qu’elle avait posé les gestes qui lui sont reprochés à la suite de menaces de la part de son ex-conjoint, mais rappela qu’elle lui avait aussi déclaré ne s’être jamais servie personnellement de la carte de crédit en cause, alors que dans les photos de la dernière transaction intervenue le 16 mars 2012 on la retrouvait clairement au guichet automatique procédant à une opération bancaire, et qu’il fallait donc s’interroger relativement à la crédibilité à accorder à son « explication ».

[18]        Elle termina en soulignant que cette dernière avait fait défaut de collaborer à l’enquête de la syndique, ne s’était pas présentée à l’audition sur culpabilité pas plus qu’elle n’était présente à l’audition sur sanction, si bien que le comité ignorait généralement sa situation et que dans de telles circonstances rien ne permettait d’être « rassuré » à l’égard de possibles risques de récidive.

[19]        Après avoir commenté chacune des décisions citées à l’appui de ses recommandations, elle indiqua qu’à son avis, dans les circonstances, les sanctions qu’elle recommandait lui apparaissaient justes, raisonnables et appropriées.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[20]        Outre le fait que l’intimée ne semble pas avoir d’antécédents disciplinaires, compte tenu notamment de son absence lors des auditions, aucun facteur atténuant ne peut véritablement être retenu en sa faveur.

[21]        Par ailleurs, la gravité objective des fautes qu’elle a commises est incontestable.

[22]        Le comité est en présence d’infractions de nature à porter atteinte à l’image de la profession et de nature à discréditer celle-ci.

Chef numéro 1

[23]        Sous ce chef, l’intimée a été reconnue coupable d’avoir contrefait la signature d’une cliente sur un formulaire de demande de carte de crédit et d’avoir ensuite soumis celui-ci à l’insu de cette dernière aux fins de l’émission d’une telle carte.

[24]        Le comité n’est pas confronté à une situation où le représentant aurait contrefait la signature d’une cliente pour s’éviter certaines démarches. L’intention de l’intimée était d’obtenir une carte de crédit pour ensuite l’utiliser ou permettre qu’elle soit utilisée à des fins frauduleuses.

[25]        Dans l’affaire Balan[3], citée par la plaignante, le représentant à qui il était reproché d’avoir obtenu d’une institution financière une marge de crédit de 50 000 $ au nom d’une cliente, à l’insu de cette dernière, a été condamné à une radiation temporaire de deux (2) ans notamment parce que l’infraction commise visait à lui permettre de procéder ensuite à des appropriations de fonds.

[26]        Aussi, compte tenu de ce qui précède et des circonstances propres à cette affaire, le comité est d’avis de suivre la recommandation de la plaignante et condamnera l’intimée sous ce chef à une radiation temporaire de deux (2) ans.

Chef numéro 2

[27]        À ce chef l’intimée a été reconnue coupable d’avoir effectué ou permis que soient effectués sans autorisation cinq (5) retraits totalisant 2 500 $ à l’aide de la carte de crédit qu’elle a fait émettre au moyen de la contrefaçon qui lui est reprochée au chef précédent.

[28]        La preuve soumise au comité a révélé que c’est elle qui a personnellement effectué avec ladite carte de crédit, le 16 mars 2012, le dernier des cinq (5) retraits frauduleux.

[29]        Les fautes qui lui sont reprochées, exécutées de façon délibérée, préméditée, volontaire et voulue, démontrent une absence évidente de probité.

[30]        Dans l’affaire Raymond[4] citée par la plaignante, la représentante qui s’était approprié au total, de façon frauduleuse, la somme approximative de 1 325 $, a été condamnée à une période de radiation temporaire de dix (10) ans.

[31]        Aussi, de l’avis du comité, les circonstances propres à cette affaire supportent la proposition de la plaignante d’imposer à l’intimée une telle radiation temporaire de dix (10) ans sous ce chef.

[32]        Le comité suivra donc sa recommandation et ordonnera sous ce chef la radiation temporaire de l’intimée pour une période de dix (10) ans.

[33]        Enfin, en l’absence de motifs qui le justifieraient d’agir autrement, il ordonnera la publication, aux frais de l’intimée, de la décision, et condamnera cette dernière au paiement des déboursés.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sous le chef numéro 1 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimée pour une période de deux (2) ans à être purgée de façon concurrente;

Sous le chef numéro 2 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimée pour une période de dix (10) ans à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimée, un avis de la présente décision dans un journal où l’intimée a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, RLRQ chapitre C-26;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ chapitre C-26.

 

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Suzanne Côté____________________

Mme SUZANNE CÔTÉ, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Sylvain Jutras____________________

M. SYLVAIN JUTRAS, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT, CARON, PREVOST, BELISLE, GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimée bien que dûment appelée et convoquée était absente.

 

Date d’audience :

20 mai 2015

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Maurice Brazeau c. Me Micheline Rioux, 2006 QCCQ 11715.

[2]     Caroline Champagne c. Jean Alix Junior Balan, CD00-0848, décision sur culpabilité et sanction en date du 13 juin 2011; Caroline Champagne c. Maguie Ferjuste, CD00-0922, décision sur culpabilité et sanction en date du 26 avril 2013; Caroline Champagne c. Mélanie Raymond, CD00-0829, décision sur culpabilité et sanction en date du 22 juin 2011 et Caroline Champagne c. Ugues-Alexandre Labonté, CD00-0878, décision sur culpabilité et sanction en date du 3 avril 2012.

[3]     Caroline Champagne c. Jean Alex Junior Balan, CD00-0848, décision sur culpabilité et sanction datée du 13 juin 2011.

[4]     Caroline Champagne c. Mélanie Raymond, CD00-0829, décision sur culpabilité et sanction.

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