Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Derkson

2015 QCCDCSF 32

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1027

 

DATE :

23 juin 2015

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, es qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

JERRY DERKSON, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives et représentant de courtier en épargne collective, (numéro de certificat 109 493 et numéro de BDNI 1581011)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 8 septembre 2014, au siège social de la Chambre de la sécurité financière, sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal et le 16 septembre 2014, à l’Hôtel Delta, sis au 475, avenue Président-Kennedy, Montréal, le comité de discipline s'est réuni et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À Montréal, le ou vers le 9 juillet 2008 l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de H.P., alors qu’il lui faisait souscrire la proposition d’assurance-vie numéro [...] auprès de TransAmerica, contrevenant ainsi aux articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 10);

2.          À Montréal, le ou vers le 9 juillet 2008, l’intimé a fourni à TransAmerica des renseignements faux, trompeurs ou susceptibles d’induire en erreur, sur la proposition d’assurance-vie numéro [...], en indiquant que le bénéficiaire était la succession de H.P., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D.-9.2, r.3);

3.          À Montréal, le ou vers le 17 avril 2009, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de H.P., alors qu’il lui faisait souscrire la proposition d’assurance-vie numéro [...] auprès de Desjardins Sécurité Financière contrevenant ainsi aux articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 10);

4.          À Montréal, le ou vers le 17 avril 2009, l’intimé a fourni à Desjardins Sécurité Financière des renseignements faux, trompeurs ou susceptibles d’induire en erreur, en indiquant sur la proposition d’assurance-vie numéro [...]  que le bénéficiaire était la succession de H.P., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D.-9.2, r.3);

5.          À Montréal, entre les ou vers les 14 août 2009 et 6 mars 2011, l’intimé n’a pas assuré la confidentialité des renseignements personnels de son client H.P. en divulguant à la conjointe de ce dernier l’existence de la police d’assurance-vie numéro [...] qu’il avait souscrite auprès de Desjardins Sécurité Financière, contrevenant ainsi aux articles 26 et 27 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D.-9.2, r.3);

6.          À Montréal, le ou vers le 30 octobre 2009, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de A.Z., alors qu’il lui faisait modifier le titulaire et le bénéficiaire de la police d’assurance-vie numéro [...] souscrite auprès de Desjardins Sécurité Financière, contrevenant ainsi aux articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 10);

7.          À Montréal, le ou vers le 30 octobre 2009, l’intimé n’a pas agi en conseiller consciencieux, ni avec compétence et professionnalisme, alors qu’il faisait modifier le titulaire et le bénéficiaire de la police d’assurance-vie numéro [...] souscrite auprès de Desjardins Sécurité Financière pour A.Z., sans que ce dernier ait un intérêt pécuniaire susceptible d’assurance de 500 000 $ dans la vie de H.P., tel que requis par l’article 2415 du Code civil du Québec, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D.-9.2, r.3). »

[2]           Au terme de l’audition, le comité a réclamé la transcription des notes sténographiques des témoignages entendus. Celle-ci lui est parvenue le 4 novembre 2014, date du début du délibéré.

LA PREUVE

[3]           Au soutien de la plainte, la plaignante fit entendre la syndique adjointe, Me Sandra Robertson (Me Robertson). Elle déposa de plus au dossier une appréciable preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-15.

[4]           Quant à l’intimé, celui-ci fit entendre M. H.P. (H.P.) et M. A.Z. (A.Z.), les consommateurs concernés, et témoigna lui-même. Il versa de plus au dossier une pièce qui fut cotée I-1.

MOTIFS ET DISPOSITIF

Chef numéro 1

[5]           À ce chef, il est reproché à l’intimé, alors que le 9 juillet 2008 il faisait souscrire à H.P. une proposition d’assurance-vie auprès de TransAmerica (T.A.), de ne pas avoir recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de ce dernier.

[6]           Or signalons d’abord que l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (le Règlement), l’une des dispositions législatives évoquées au soutien dudit chef, impose au représentant, avant la souscription d’une proposition d’assurance-vie, de procéder à ce qui est généralement convenu d’appeler une « analyse des besoins » du client.

[7]           Ledit article se lit comme suit :

« 6. Le représentant en assurance de personnes doit, avant de faire remplir une proposition d’assurance, analyser avec le preneur ou l’assuré ses besoins d’assurance, les polices ou contrats qu’il détient, leurs caractéristiques, le nom des assureurs qui les ont émis et tout autre élément nécessaire, tels ses revenus, son bilan financier, le nombre de personnes à charge et ses obligations personnelles et familiales. Il doit consigner par écrit ces renseignements. »

[8]           Il s’agit d’une procédure préalable essentielle à l’émission de tout contrat d’assurance de personnes. Elle permet au représentant de bien connaître la situation de son client et de le conseiller adéquatement. La disposition législative exige par ailleurs que les renseignements obtenus soient consignés par écrit.

[9]           Or, d’une part, l’intimé qui a témoigné n’a, lors de l’audition, présenté ou offert aucun document attestant d’un tel exercice. D’autre part, au moment de son enquête, Me Robertson, l’enquêteure au dossier, a réclamé de ce dernier qu’il lui achemine l’ensemble du dossier de H.P., le consommateur en cause. Elle a déposé un courriel adressé à ce dernier le 26 novembre 2012 (pièce P-14) où elle mentionnait : « Nous vous demandons de nous transmettre une copie complète et intégrale du dossier de H.P. incluant toutes vos notes personnelles (informatiques ou manuscrites) à l’exception des documents que vous avez déjà transmis par télécopieur à Pierre Boivin le 4 avril 2011. Nous vous demandons de nous transmettre le tout le plus rapidement possible. » Malgré ses échanges avec l’intimé, elle n’a reçu de ce dernier aucun document qui témoignerait d’une véritable « analyse des besoins ».

[10]        L’intimé s’est défendu en déclarant que lors de la souscription de la proposition d’assurance-vie en cause, il avait tout simplement suivi les volontés ou les demandes de H.P. et de A.Z.

[11]        Il a raconté que puisque H.P. « avait contracté » un emprunt auprès de A.Z., « ce dernier avait décidé du montant d’assurance-vie qu’il voulait pour protéger son prêt ». Ajoutant « ce sur quoi H.P. était d’accord »[1].

[12]        Il a de plus mentionné qu’il avait précédemment fait affaire avec H.P. et A.Z. et possédait dans ses dossiers, « au bureau », « toutes les données nécessaires » pour lui permettre de procéder à la souscription de la police d’assurance-vie en cause.

[13]        Il a enfin affirmé que H.P. et A.Z. « avaient refusé » de se soumettre à un exercice « d’analyse des besoins ».

[14]        Or de l’avis du comité, ces moyens, évoqués par l’intimé, ne permettent pas de le disculper de la faute qui lui est reprochée à ce chef.

[15]        Même si la police d’assurance-vie en cause pouvait avoir comme objectif, notamment dans l’esprit de H.P. qui l’a souscrite, de protéger la créance de A.Z., cet état de fait n’autorisait pas l’intimé à se soustraire à l’impérieux devoir qui lui était imposé par l’article 6 du Règlement précité.

[16]        Ladite disposition couchée en des termes impératifs[2] oblige clairement le représentant en assurance de personnes, avant de compléter une proposition d’assurance, de procéder à une « analyse des besoins » du client et requiert qu’il consigne par écrit les renseignements obtenus. Le législateur (pas plus qu’à l’endroit des différents types de polices qui pourraient être souscrites), ne distingue pas à l’égard des motifs ou des objectifs recherchés par le preneur ou l’assuré. Il n’y a donc pas lieu à ce que le représentant fasse de telles distinctions.

[17]        Par ailleurs même si H.P. et/ou A.Z. ont refusé de se soumettre à l’exercice, tel que l’a évoqué l’intimé, cela ne permet pas non plus d’absoudre ce dernier. Le comité l’a déjà affirmé à quelques reprises : «  Ce n’est pas au client à dicter ou à prescrire au représentant sa ligne de conduite »[3].

[18]        Lors de la souscription de tout contrat d’assurance-vie, l’« analyse des besoins » du client et la consignation par écrit des renseignements obtenus constituent un devoir obligé du représentant.

[19]        La prépondérance de la preuve est à l’effet que l’intimé a fait défaut de respecter cette obligation.

[20]        Pour ces motifs, l’intimé sera reconnu coupable sous ce chef pour avoir contrevenu à l’article 6 précité du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

Chef numéro 2

[21]        À ce chef, il est reproché à l’intimé d’avoir, le ou vers le 9 juillet 2008, fourni à l’assureur TransAmerica, sur la proposition d’assurance-vie mentionnée au chef précédent, des renseignements faux, trompeurs ou susceptibles d’induire en erreur, en y indiquant à titre de bénéficiaire la succession de H.P.

[22]        La preuve présentée au comité sous ce chef a révélé qu’alors que la succession de H.P. y a été désignée à titre de bénéficiaire (révocable), dans un document séparé, préparé la même journée (pièce P-2a), H.P., le propriétaire souscrivant, indiquait en modifier ledit bénéficiaire en faveur de A.Z. et consentir à ce que, après l’émission du contrat, la propriété en soit transportée à ce dernier.

[23]        Le chef d’accusation porté par la plaignante prend appui sur cette situation.

[24]        Or, au cours de son enquête, Me Robertson a interrogé l’intimé à savoir pourquoi il n’avait pas simplement demandé, dès le départ, l’émission de la police au nom de A.Z. La réponse qu’elle a obtenue c’est que ce dernier voulait d’abord « voir » son débiteur H.P. parvenir à obtenir l’émission d’une police sur sa vie ou à son nom, avoir ensuite le bénéfice de l’examiner, d’en étudier les conditions, etc., pour éventuellement décider, à sa convenance et s’il le jugeait à propos, qu’elle lui soit transférée, et contracter alors l’obligation d’en effectuer le paiement des primes.

[25]        Voici un extrait de l’entretien téléphonique que l’enquêteure a eu avec l’intimé :

« Mme SANDRA ROBERTSON :

Hum, hum. Non, je comprends mais j’ai une seule interrogation. Pourquoi, bien une, bien qui me vient à l’esprit là, pourquoi que la proposition ou l’application n’a pas été faite directement, par exemple, pour le titulaire, bien le propriétaire de la police et le bénéficiaire directement tout de suite au nom de…

M. JERRY DERKSON :

O.K.

Mme SANDRA ROBERTSON :

… monsieur Z.?


 

M. JERRY DERKSON :

O.K. Premièrement, ce n’était… affaire avec monsieur Z. premièrement parce que monsieur Z. n’a pas voulu commencer de faire des explications en détails avec l’assureur…

Mme SANDRA ROBERTSON :

O.K.

M. JERRY DERKSON :

… il a voulu voir, premièrement, à cause le fait que monsieur P. était refusé, a eu des surcharges, il n’a pas voulu savoir, il a voulu savoir qu’est-ce qui sera accepté, pour quelles conditions et par suite décider s’il procédait.

Mme SANDRA ROBERTSON :

O.K.

M. JERRY DERKSON :

Parce que des fois quand quelqu’un est chargé trop, on va sur l’assurance garantie pour voir si on a un meilleur taux.

Mme SANDRA ROBERTSON :

O.K.

M. JERRY DERKSON :

Alors comme ça, il a voulu voir qu’est-ce que la situation exacte là-dedans et c’était la seule raison, rien de plus. »

[26]        De l’échange qui précède, le comité croit devoir conclure que si le document (pièce P-2a) signé par H.P. la même journée que la proposition d’assurance indique la volonté de ce dernier d’en modifier le bénéficiaire en faveur de A.Z. et d’éventuellement en transférer la propriété à ce dernier, il ne s’agissait au moment de la signature de la proposition que d’un « projet de changement », sujet au consentement postérieur de A.Z. à se rendre propriétaire du contrat.

[27]        Il faut retenir de ce qui précède qu’A.Z. s’était réservé le droit, à son choix, d’éventuellement devenir ou non bénéficiaire et titulaire de la police. Ce dernier exigeait de pouvoir vérifier, le cas échéant, à quelles conditions et selon quelles modalités une police serait émise sur la vie de H.P., quels seraient les taux de couverture qui lui seraient imposés, les surcharges, les conditions, etc., et se réservait le droit, à sa seule convenance ou discrétion, de devenir ou non par la suite, bénéficiaire et titulaire de la police.

[28]        Ainsi au moment de la souscription, la cession éventuelle de celle-ci en faveur de A.Z. et le changement de bénéficiaire n’étaient ni assurés ni arrêtés. D’ailleurs, pour qu’il puisse être donné effet au document précité, il fallait que H.P. et A.Z. consentent, après l’émission de la police, à signer une demande de modification qui serait ensuite acheminée à l’assureur, ce qui n’était pas garanti ou assuré dans le cas de A.Z.

[29]        Il est vrai qu’au soutien de ce chef et vraisemblablement afin de contester la version de l’intimé, la plaignante a produit un document « en apparence » signé par H.P. le 2 octobre 2010 (P-12, C-4). Ce dernier y aurait déclaré que lors d’une rencontre avec l’intimé à laquelle A.Z. assistait :

« It was mentioned by Mr. Derkson, that having Mr. Z. initially apply for insurance on my life, and stating the reason for the insurance would probably not be accepted. Instead, he suggest I apply for the insurance and make my wife the beneficiary, not being very knowledgeable in the area of finance, I followed his suggestion. »

[30]        Or d’une part ledit document fait référence à un contrat d’assurance-vie souscrit postérieurement, soit en 2009. De plus, il semble être adressé à l’Industrielle Alliance alors que cet assureur n’est aucunement impliqué dans la souscription de la police en cause au présent chef.

[31]        Mais d’autre part, et surtout, même si le document semble comporter une signature qui en apparence identifierait H.P. comme signataire, ce dernier a nié catégoriquement avoir signé ledit document.

[32]        L’intimé a produit sous la cote I-1 un affidavit signé par H.P. où ce dernier mentionne que le contenu de la lettre est faux et mensonger. Ledit affidavit se lit comme suit :

« I, H.P., salesman, domiciled and residing at [...], in the city and district of Montreal, province of Quebec, [...], do solemnly affirm:

1.    I am signing this Affidavit on my own free will and nobody has promised me anything or given me anything in exchange for this signature of the present Affidavit;

2.    The contents of the letter dated October 2, 2010, allegedly signed by myself, are absolutely false and do not reflect what transpired between myself, Jerry Derkson and A. Z. whatsoever;

3.    For purposes of clarification, the letter mentioned in paragraph 2 is not in my hand writing and I did not instruct anybody to write it;

4.    I remember signing a document for Mr. Ian Robinson, but it was not the alleged letter;

5.    Therefore, the facts contained in the letter dated October 2, 2010 do not reflect my opinion in any way and if they were interpreted, construed and acted upon, I wish that those actions be null and void;

6.    All the facts alleged in the present Affidavit are true and correct. »

[33]        Compte tenu de la preuve qui lui a été soumise, de l’avis du comité, l’intimé ne peut être reconnu coupable de l’infraction qui lui a été reprochée à ce chef. La plaignante n’étant pas parvenue à se décharger de son fardeau de preuve prépondérante, ledit chef sera rejeté.

Chef numéro 3

[34]        À ce chef, il est reproché à l’intimé, le ou vers le 17 avril 2009, alors qu’il faisait souscrire à H.P. une proposition d’assurance-vie auprès de Desjardins Sécurité Financière (Desjardins), de ne pas avoir recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de ce dernier.

[35]        Selon la chronologie des événements, après que T.A. eut refusé la proposition d’assurance-vie du 9 juillet 2008 mentionnée au chef 1, l’intimé a préparé et produit le 17 avril 2009 auprès de Desjardins une demande pour l’émission d’un contrat de nature comparable à celui qui avait été sollicité l’année précédente. Cette fois la proposition a été acceptée par l’assureur, mais avec une surprime.

[36]        De l’avis du comité, relativement à ce chef, les circonstances et les faits étant assimilables, les raisonnements et arguments généralement mentionnés lors de l’étude de la preuve relative au chef numéro 1, doivent trouver application.

[37]        Comme dans le cas du chef numéro 1, et généralement pour les mêmes considérations, le comité est d’avis qu’alors qu’il faisait souscrire à son client H.P. la proposition d’assurance-vie en cause, l’intimé a fait défaut de procéder à une « analyse des besoins » conforme et de consigner ensuite par écrit les renseignements obtenus, contrevenant ainsi à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

[38]        Essentiellement pour les mêmes motifs que ceux mentionnés lors de l’examen et de l’analyse de la preuve concernant le chef 1, l’intimé sera déclaré coupable sous ce chef.

Chef numéro 4

[39]        À ce chef, il est reproché à l’intimé d’avoir, le ou vers le 17 avril 2009, fourni à l’assureur Desjardins des renseignements faux, trompeurs ou susceptibles d’induire en erreur en indiquant à titre de bénéficiaire, sur la proposition d’assurance-vie en cause, la succession de H.P.

[40]        Ladite proposition (P-4) visait l’émission d’un contrat d’assurance-vie temporaire comportant une protection de 500 000 $ pour un terme de dix (10) ans.

[41]        Après que celle-ci lui eut été acheminée, Desjardins émit le 14 août 2009, tel que nous l’avons mentionné précédemment au paragraphe 34, la police souscrite, mais avec une surprime.

[42]        Peu après l’émission, soit le ou vers le 25 août 2009, H.P. et A.Z. signèrent un document (P-6) par lequel H.P. déclarait qu’il « transférait » à A.Z. tous ses droits dans le contrat. Audit document, il est indiqué qu’« en cas de décès de H.P., A.Z. en sera le bénéficiaire ». Il y est de plus mentionné que le montant obtenu de l’assureur devra servir à payer les dettes de H.P. à l’endroit de A.Z., mais aussi qu’en cas de surplus la balance du produit de l’assurance ira aux héritiers légaux de H.P. (voir pièce P-6)[4].

[43]        Par la suite, soit le 6 octobre 2009, une demande de modification de la police (P‑8) était signée par H.P. et A.Z.

[44]        Quelques jours après, soit le 8 octobre 2009, Desjardins confirmait au moyen d’une correspondance (P-9) adressée à A.Z. que les changements réclamés au contrat avaient été mis en force (soit la modification du propriétaire et du bénéficiaire de la police en faveur de A.Z.).

[45]        Les faits relativement à ce chef s’apparentent à ceux rattachés au chef 2. De la preuve qui lui a été présentée, le comité conclut que lors de la signature de la proposition d’assurance auprès de Desjardins, H.P. et A.Z. avaient conçu le projet d’en modifier éventuellement le bénéficiaire en faveur de A.Z. mais que la décision n’en était pas arrêtée.

[46]        Tel que mentionné lors de l’étude du chef 2 et pour sensiblement les mêmes motifs, le comité en arrive à la conclusion que A.Z., au moment de la souscription, s’était réservé le droit, mais à sa seule convenance, de devenir, après son émission, titulaire et/ou bénéficiaire de la police.

[47]        D’ailleurs l’entente écrite (P-6), relative au changement de bénéficiaire, signée par H.P. et A.Z., n’intervient que le 25 août 2009, soit plus de quatre (4) mois après la signature de la proposition, et environ dix (10) jours après l’émission de la police.

[48]        D’autre part l’entente entre les parties semble avoir été que même si A.Z. choisissait de devenir titulaire de la police et que le produit de celle-ci devait d’abord servir à acquitter l’ensemble des créances que pouvait avoir A.Z. à l’endroit de H.P., une fois cette obligation respectée, le surplus de couverture, le cas échéant, était destiné aux héritiers légaux de H.P.

[49]        Ainsi lorsque le 17 avril 2009 l’intimé a transmis à Desjardins la proposition d’assurance en cause en y indiquant à titre de bénéficiaire la succession de H.P., il a simplement produit un document conforme à la réalité et à la volonté de H.P. à ce moment.

[50]        Même si H.P. et A.Z. avaient alors conçu le projet d’éventuellement en modifier le propriétaire et le bénéficiaire en faveur de A.Z., il ne s’agissait que d’une intention conditionnelle à l’acquiescement postérieur et discrétionnaire de A.Z. (à éventuellement devenir propriétaire titulaire de la police).

[51]        Ce dernier attendait de voir à quelles conditions une police serait émise sur la vie de H.P., quels seraient les tarifs applicables, quelles seraient les surcharges, etc.

[52]        Il se réservait le droit de ne pas en devenir le bénéficiaire titulaire si cela ne lui convenait pas.

[53]        Pour ce qui est des présumées affirmations de l’intimé apparaissant à la lettre du 2 octobre 2010 (pièce P-12) dont il a été fait mention lors de l’analyse du chef 2, cet élément de preuve n’est pas probant. Tel que précédemment mentionné, le document est adressé à l’Industrielle Alliance plutôt qu’à l’assureur en cause et lors de son témoignage H.P. a nié catégoriquement avoir signé le document ou avoir participé à sa confection. Tel que nous l’avons vu lors de l’étude du chef 2, l’intimé a déposé un affidavit signé par H.P. (pièce I-1) où ce dernier jure que le contenu de la lettre est faux et mensonger.

[54]        Ainsi, la plaignante n’étant pas parvenue, de l’avis du comité à se décharger de son fardeau de preuve prépondérante sous ce chef, il sera rejeté.

Chef numéro 5

[55]        À ce chef, il est reproché à l’intimé, entre le ou vers le 14 août 2009 et le 6 mars 2011, de ne pas avoir assuré la confidentialité de renseignements personnels provenant de son client H.P. en divulguant à la conjointe de ce dernier l’existence de la police d’assurance-vie qu’il avait souscrite auprès de Desjardins.

[56]        Or de l’aveu même de l’intimé[5], après qu’il eut, de façon fortuite, rencontré la conjointe de H.P. (qui s’avère aussi être sa cousine), celle-ci l’aurait questionné et il lui aurait alors confirmé que H.P. avait souscrit « une police d’assurance avec A.Z. ».

[57]        Dans une correspondance adressée à l’enquêteur du départ, M. Pierre Boivin (M. Boivin), l’intimé a admis avoir résumé à l’épouse de H.P. le contrat d’assurance contracté par son mari.

[58]        Voici ce qu’il écrivait dans sa lettre du 4 avril 2011 (pièce P-13) adressée à M. Boivin :

« Mr. P. is married to my cousin, who when I met by chance, had indicated the desire to get all copies of the papers from Mr. Z.; I summarized very quickly what insurance had been taken, and advised her to speak to her husband regarding any further details of his relationship with Mr. Z.

Consequently Mr. P. is angry with me for disclosing to her the insurance summary, which she would have obtained in any case from Mr. Z. »

[59]        Or aucune preuve démontrant que l’intimé ait été relevé, explicitement ou implicitement par H.P., de son obligation de confidentialité n’a été administrée.

[60]        Au contraire, à la suite de ces événements, H.P. s’est plaint aux autorités, même s’il a par la suite exprimé la volonté de retirer sa plainte.

[61]        Bien que les révélations de l’intimé ne l’ont pas été en faveur d’un étranger, mais à l’épouse de H.P., l’information qu’il a divulguée était néanmoins confidentielle.

[62]        D’ailleurs, lors d’une conversation sur le sujet avec Me Robertson, l’intimé a admis que lors de sa rencontre avec l’épouse de H.P. il aurait dû parfaitement se taire.

[63]        Aussi le comité doit conclure qu’en divulguant sans autorisation[6] à l’épouse de H.P. le sommaire de la protection d’assurance que ce dernier avait contractée par son entremise, l’intimé a fait défaut de respecter son obligation de confidentialité.

[64]        À l’appui de ce chef d’accusation, la plaignante invoque notamment l’article 27 du Code de déontologie de la chambre de la sécurité financière (Code de déontologie).

[65]        Ledit article se lit comme suit :

« 27. Le représentant ne doit pas divulguer les renseignements personnels ou de nature confidentielle qu’il a obtenus autrement que conformément aux dispositions de la loi, ni les utiliser au préjudice de son client ou en vue d’obtenir un avantage pour lui-même ou pour une autre personne. »

[66]        Bien que l’intimé ne semble pas avoir agi avec une quelconque intention malveillante, de l’avis du comité il a contrevenu à ladite disposition.

[67]        Compte tenu de ce qui précède, l’intimé sera déclaré coupable sous ce chef pour avoir contrevenu à l’article 27 de son Code de déontologie.

Chef numéro 6

[68]        À ce chef, il est reproché à l’intimé, alors que le ou vers le 30 octobre 2009, il faisait modifier le titulaire et le bénéficiaire de la police d’assurance-vie souscrite par H.P. auprès de Desjardins, de ne pas avoir recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de A.Z.

[69]        Au soutien de ce chef d’accusation, comme au soutien des chefs d’accusation 1 et 3 préalablement étudiés, la plaignante invoque notamment comme disposition de rattachement l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

[70]        Ladite disposition dont le texte se retrouve in exenso au paragraphe 7 des présentes fait obligation au représentant, avant de remplir une proposition d’assurance, d’analyser avec le preneur ou l’assuré ses besoins d’assurance, les polices ou contrats qu’il détient, leurs caractéristiques, etc.[7]; en résumé, en langage du métier, de procéder à une « analyse des besoins ».

[71]        Toutefois, pour donner raison à la plaignante sous ce chef, il faudrait étendre l’application de la disposition législative en cause aux demandes de modifications de titulaires et/ou de bénéficiaires de polices d’assurance-vie, ce qu’elle ne mentionne ni ne prévoit.

[72]        Dans ces conditions, ladite disposition ne peut trouver application. On n’y retrouve en effet aucune ambiguïté de rédaction et le comité ne se croit pas autorisé à en étendre la portée au-delà de ce qui apparaît à la simple lecture.

[73]        Au soutien de ce chef la plaignante invoque également les articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF).

[74]        Ledit article 16 de la LDPSF se lit comme suit :

« 16. Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients. Il doit agir avec compétence et professionnalisme. »

Tandis que l’article 27 de la même Loi se lit comme suit :

« 27. Un représentant en assurance doit recueillir personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d'identifier les besoins d'un client afin de lui proposer le produit d'assurance qui lui convient le mieux. »

De l’avis du comité, ni l’une ni l’autre de ces dispositions législatives ne peut trouver application en l’espèce.

[75]        La preuve présentée au comité relativement à ce chef ne permet pas de conclure à une quelconque forme d’absence d’honnêteté ou de loyauté envers les clients, d’absence de compétence ou de professionnalisme (article 16), non plus qu’un défaut par l’intimé de recueillir personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins ou le produit d’assurance qui convenait à son client dont fait état l’article 27.

[76]        Compte tenu de ce qui précède, ce chef d’accusation sera rejeté.

Chef numéro 7

[77]        À ce chef, il est reproché à l’intimé, le ou vers le 30 octobre 2009, de ne pas avoir agi en conseiller consciencieux, non plus qu’avec compétence et professionnalisme alors qu’il faisait modifier en faveur de A.Z. le titulaire et le bénéficiaire de la police d’assurance-vie souscrite auprès de Desjardins, alors que ce dernier n’avait pas un intérêt pécuniaire susceptible d’assurance de 500 000 $ dans la vie de H.P. « tel que requis par l’article 2415 du Code civil du Québec » contrevenant alors aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[78]        Or soulignons d’abord que si ledit chef d’accusation fait état de l’article 2415 du Code civil du Québec, l’on peut penser que ce serait plutôt l’article 2418 que l’on aurait voulu invoquer.

[79]        L’article 2415 du Code civil du Québec se lit en effet comme suit :

« 2415. Outre les mentions prescrites pour toute police d'assurance, la police d'assurance de personnes doit, le cas échéant, indiquer le nom de l'assuré ou un moyen de l'identifier, les délais de paiement de prime et les droits de participation aux bénéfices, ainsi que la méthode et le tableau devant servir à établir la valeur de rachat et les droits à la valeur de rachat et aux avances sur police.

Elle doit aussi indiquer, le cas échéant, les conditions de remise en vigueur, les droits de transformation de l'assurance, les modalités de paiement des sommes dues et la période durant laquelle les prestations sont payables. »

Il s’agit d’un article général de direction, indiquant ce que l’on doit retrouver à une police d’assurance de personnes et, ceci dit avec respect, de l’avis du comité sans application en l’espèce.

[80]        L’article 2418 du Code civil du Québec par contre se lit comme suit :

« 2418. Le contrat d’assurance individuelle est nul si, au moment où il est conclu, le preneur n’a pas un intérêt susceptible d’assurance dans la vie ou la santé de l’assuré, à moins que ce dernier n’y consente par écrit.

Sous cette même réserve, la cession d’un tel contrat est aussi nulle lorsque, au moment où elle est consentie, le cessionnaire n’a pas l’intérêt requis. »

et pourrait être la disposition du Code civil auquel l’on a songé lors de la rédaction de ce chef d’accusation.

[81]        Quoi qu’il en soit, la preuve offerte au comité, à l’égard de ce chef, a révélé, en résumé, les faits suivants :

[82]        A.Z. était créancier de H.P. pour une somme d’environ ou d’au moins 55 000 $.

[83]        À la demande de H.P. qui lui a déclaré qu’il agissait à la connaissance et avec l’accord de A.Z., l’intimé a procédé à obtenir au bénéfice de ce dernier la modification du titulaire et du bénéficiaire de la police d’assurance-vie qui avait été émise par Desjardins le 14 août 2009.

[84]        Bien que la valeur exacte de sa créance n’ait pas été parfaitement établie, A.Z. n’avait certes pas alors, selon la preuve présentée au comité, un intérêt pécuniaire à la hauteur de 500 000 $ dans la vie de H.P.

[85]        Les parties s’étaient toutefois entendues pour que tout surplus de capital, une fois la ou les créances de A.Z. remboursées, soit destiné aux héritiers de H.P. tel qu’il appert de l’entente P-6.

[86]        En résumé les parties avaient convenu que le montant de 500 000 $, soit le capital assuré, servirait d’abord à rembourser A.Z. de l’ensemble de ses créances mais que tout surplus irait aux héritiers de H.P.

[87]        En faisant modifier en faveur de A.Z. le titulaire et le bénéficiaire de la police en cause, l’intimé a suivi la volonté claire de A.Z. et H.P. telle qu’exprimée à la convention P-6.

[88]        Au soutien de ce chef, tel que nous l’avons mentionné précédemment, la plaignante invoque les articles 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[89]        L’article 12 du Code de déontologie se lit comme suit :

« 12. Le représentant doit agir envers son client ou tout client éventuel avec probité et en conseiller consciencieux notamment en lui donnant tous les renseignements qui pourraient être nécessaires ou utiles.

Il doit compléter des démarches raisonnables afin de bien conseiller son client. »

[90]        Quant à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, le texte de celui-ci se retrouve au paragraphe 73 des présentes.

[91]        La plaignante, dans sa plaidoirie, a suggéré que l’intimé avait fait défaut d’agir avec compétence et professionnalisme et/ou en conseiller consciencieux en « faisant modifier la police d’assurance en faveur de A.Z. » alors que la créance de celui-ci n’était pas à la hauteur du montant de capital souscrit, soit 500 000 $.

[92]        Elle a soutenu qu’il n’était pas dans l’intérêt de H.P. de souscrire une police d’assurance sur sa vie pour plus que la dette qu’il avait à l’endroit de A.Z. et a reproché à l’intimé de ne pas avoir cherché à obtenir la preuve de la créance de A.Z. afin de déterminer « l’intérêt assurable » de ce dernier.

[93]        Or H.P. était, en principe, autorisé à contracter et à maintenir une assurance en faveur de ses héritiers pour le montant qu’il lui plaisait (sous réserve des usages de l’assureur en cause) et, tel que mentionné précédemment, si l’entente (P-6) intervenue entre lui et A.Z. prévoyait qu’au décès les montants d’assurance serviraient d’abord à rembourser la créance de A.Z., il avait aussi été convenu que le surplus irait à sa succession, ce qui pouvait ou devait fort bien lui convenir.

[94]        Il est vrai que la preuve a semblé révéler qu’au moment de l’audition l’entente de départ entre H.P. et A.Z. ne tenait plus, mais c’est la situation qui existait au moment de la modification de la police qui est pertinent et que nous devons examiner. La preuve ne révèle pas que l’intimé ait eu quelque chose à voir avec ce qui serait subvenu par la suite.

[95]        La preuve ne permet pas de croire que H.P. et/ou A.Z. aient été animés d’une intention malveillante ou aient voulu au moment où ils se sont entendus, de quelque façon se soustraire à une quelconque obligation (vis-à-vis de l’assureur par exemple).

[96]        A.Z. avait un intérêt assurable jusqu’à hauteur à tout le moins d’environ 55 000 $ dans la vie de son débiteur H.P. lorsque l’intimé a procédé le 30 octobre 2009 à modifier le titulaire et le bénéficiaire de la police d’assurance-vie souscrite par ce dernier auprès de Desjardins mais les parties avaient aussi convenu que le surplus de couverture serait destiné aux héritiers de H.P.

[97]        Rien n’empêchait H.P. de vouloir, au moyen de la police qu’il détenait, à la fois « protéger » la créance de A.Z. et favoriser ses héritiers.

[98]        De l’avis du comité, la plaignante n’est pas parvenue à se décharger de son fardeau de preuve prépondérante sous ce chef, il sera rejeté.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

REJETTE les chefs d’accusation 2, 4, 6 et 7;

DÉCLARE l’intimé coupable sous les chefs d’accusation 1, 3 et 5;

CONVOQUE les parties avec l’assistance du secrétaire du comité à une audition sur sanction.

 

 

_(s) François Folot___________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

_(s) Gisèle Balthazar_________________

Mme GISÈLE BALTHAZARD, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

_(s) Stéphane Côté___________________

M. STÉPHANE CÔTÉ, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Valérie Déziel

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Éric L. Clark

Procureur de l’intimé

 

Dates d’audience :

8 et 16 septembre 2014

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 


Chambre de la sécurité financière c. Derkson

2015 QCCDCSF 32

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1027

 

DATE :

17 décembre 2015

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière;

Partie plaignante

c.

 

JERRY DERKSON, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives et représentant de courtier en épargne collective, (numéro de certificat 109 493 et numéro de BDNI 1581011);

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                     Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et du prénom des consommateurs concernés ainsi que de toute information permettant de les identifier.

[1]           À la suite de sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni le 14 octobre 2015, aux locaux de la Commission des relations du travail, située au 35, rue de Port-Royal Est, 2e étage, à Montréal, salle 2.35, et a procédé à l’audition sur sanction.

LA PREUVE

[2]           D’entrée de jeu, tant la plaignante que l’intimé indiquèrent n’avoir aucune preuve additionnelle à offrir.

[3]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[4]           La plaignante par l’entremise de sa procureure débuta en avisant le comité qu’elle lui proposait l’imposition des sanctions suivantes :

Sous chacun des chefs 1 et 3 : la condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ (total 10 000 $).

Sous le chef 5 : l’imposition d’une réprimande.

Elle ajouta réclamer de plus la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[5]           Elle évoqua ensuite les facteurs à son avis atténuants et aggravants suivants :

Facteurs atténuants

-       un seul consommateur concerné par les fautes de l’intimé;

-       l’admission par ce dernier des faits et des gestes qu’il a posés;

-       sa « bonne collaboration » à l’enquête de la syndique;

-       son absence d’antécédents disciplinaires;

Facteurs aggravants

-       des fautes, notamment celles mentionnées aux chefs 1 et 3, allant au cœur de l’exercice de la profession;

-       une conduite générale « clairement prohibée » dans l’industrie;

-       l’atteinte à l’image de la profession;

-       l’expérience de l’intimé (ce dernier œuvrant dans le domaine de la distribution de produits d’assurances et/ou financiers depuis 1989) qui aurait dû le mettre à l’abri de la commission de fautes comme celles qui lui ont été reprochées.

[6]           À l’appui de ses recommandations, elle produisit un cahier d’autorités qu’elle commenta[8].

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[7]           Quant au procureur de l’intimé, celui-ci débuta en soulignant le paragraphe 75 de la décision sur culpabilité où le comité, à la suite de son analyse des événements rattachés au chef 6 et, à titre de motif pour le rejet de celui-ci, indiquait que la preuve administrée ne permettait pas de conclure à une quelconque forme d’absence d’honnêteté ou de loyauté envers les clients, d’absence de compétence ou de professionnalisme (article 16 de la LDPSF), non plus qu’au défaut par l’intimé de recueillir personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins ou le produit d’assurance qui convenait à son client (article 27 de la LDPSF).

[8]           Relativement aux chefs d’accusation 1 et 3 reprochant tous deux (2) à l’intimé le défaut de procéder à une analyse des besoins (ABF) conforme et complète, il indiqua qu’à son avis, le comité n’avait en réalité été confronté qu’à une seule et même faute, répétée par l’intimé lors d’une seconde demande, après que la souscription d’une première police d’assurance lui eut été refusée.

[9]           Il ajouta que « dans l’esprit de l’intimé la situation était claire » et qu’il n’avait simplement cherché qu’à satisfaire la demande de son client H.P. dont l’objectif était de protéger la créance de A.Z.

[10]        Il affirma qu’à son avis son client avait été reconnu coupable « d’erreurs sans conséquence », et que dans de telles circonstances le comité n’était pas tenu de suivre « une jurisprudence généralement appliquée dans des situations souvent différentes ».

[11]        Il indiqua que ce dernier avait déjà payé cher pour ses fautes, qu’il avait vécu deux (2) ans « sous tension », qu’il avait dû « absorber » deux (2) journées d’audition et encourir les frais d’un avocat.

[12]        Après avoir résumé la situation en mentionnant que ce dernier se retrouvait maintenant confronté à une demande pour que lui soient imposées des amendes totalisant 10 000 $, il suggéra que le comité devrait plutôt, compte tenu de ce qui précède, lui imposer sous le chef 1 une amende de 1 000 $ et sous le chef 3 une réprimande.

[13]        Relativement au chef 5, après avoir souligné que la faute commise n’avait eu aucune conséquence et que son client avait agi sans intention de nuire, il indiqua que la suggestion de la plaignante de lui imposer une réprimande lui apparaissait appropriée.

[14]        Il termina en plaidant que, relativement au paiement des déboursés, son client ne devrait être condamné à en acquitter que les 2/7, les chefs 1 et 3 n’étant en réalité qu’une seule et même faute, et ce dernier n’ayant été de plus « condamné » que sous le chef 5.

RÉPLIQUE DE LA PLAIGNANTE

[15]        En réplique aux propos du procureur de l’intimé, la plaignante, par l’entremise de sa procureure, indiqua que bien qu’il était vrai que les chefs d’accusation 1 et 3 ne concernaient que le même client, il s’agissait néanmoins de deux (2) infractions distinctes commises à près d’une année d’intervalle. Elle plaida qu’après l’écoulement d’un tel lapse de temps, les besoins du client se devaient d’être réévalués et que l’intimé avait ainsi bel et bien commis deux (2) infractions.

[16]        Relativement à la suggestion du procureur de ce dernier à l’égard du paiement des déboursés, elle mentionna qu’à son avis les chefs d’accusation rejetés n’avaient pas « alourdi » le déroulement de l’audition, que même sans ceux-ci la durée en aurait sensiblement été la même, les mêmes témoins devant alors néanmoins être entendus, et que dans de telles circonstances, l’intimé devrait être condamné à en défrayer l’entièreté.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[17]        L’intimé œuvre dans le domaine de la distribution de produits et services, financiers et/ou d’assurance, depuis 1989.

[18]        Il n’a aucun antécédent disciplinaire.

[19]        Il a offert une bonne collaboration à l’enquête de la plaignante.

[20]        Devant le comité il n’a aucunement nié ou tenté de nier les faits.

[21]        Les gestes fautifs qui lui ont été reprochés et pour lesquels il a été reconnu coupable ne concernent qu’un seul et même consommateur.

Chefs 1 et 3

[22]        Les chefs 1 et 3 sont relatifs au défaut de procéder, dans des circonstances similaires, à environ une année d’intervalle, à une analyse complète et conforme des besoins de son client (ABF).

[23]        Ses fautes sont en lien avec la souscription de contrats d’assurance comparables, dans le but de répondre aux mêmes besoins dudit client.

[24]        Néanmoins, le défaut de procéder, préalablement à la souscription d’une police d’assurance-vie, à une analyse complète et conforme des besoins du client (ABF) et de consigner par écrit le résultat de l’exercice, tel que l’exige l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants, est une faute sérieuse.

[25]        Le comité l’a indiqué au paragraphe 8 de sa décision sur culpabilité : « L’ABF est une procédure préalable essentielle à l’émission de tout contrat d’assurance de personnes. Elle permet au représentant de bien connaître la situation de son client et de le conseiller adéquatement ».

[26]        Aussi, dans une situation où comme en l’instance, aucune intention malveillante ne peut être imputée au représentant, depuis les dernières années l’imposition d’une amende de 5 000 $ est la sanction habituellement imposée pour ce type d’infraction qui touche au cœur de l’exercice de la profession.

[27]        La plaignante a d’ailleurs cité quelques décisions où le comité a condamné les représentants fautifs à des amendes de 5 000 $ pour le même type d’infractions que celles pour lesquelles l’intimé a été reconnu coupable à ses chefs.

[28]        En l’espèce le comité doit toutefois tenir compte des particularités de l’affaire et ne peut faire abstraction que l’intimé a simplement, dans des circonstances semblables, à près d’une année d’intervalle, répété la même infraction, et ce, après qu’une première demande pour l’émission d’un contrat lui eut été refusée par TransAmerica.

[29]        Considérant cette situation, tenant compte du principe de la globalité des sanctions, et après révision des facteurs tant objectifs que subjectifs, aggravants qu’atténuants qui lui ont été présentés, le comité est d’avis que l’imposition sous le premier chef de la sanction suggérée par la plaignante, soit la condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $, combinée à l’imposition d’une réprimande sous le chef 3, seraient des sanctions justes et appropriées, conformes aux infractions ainsi que respectueuses des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

Chef 5

[30]        Relativement au chef 5, en accord avec les représentations des parties et compte tenu des circonstances propres et particulières rattachées à l’infraction commise, le comité donnera suite à leurs recommandations et imposera à l’intimé une réprimande.

[31]        Enfin, considérant que l’intimé n’a été reconnu coupable que sous trois (3) des sept (7) chefs d’accusation portés contre lui, il condamnera ce dernier au paiement des 3/7 des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sous le chef d’accusation numéro 1 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $

Sous le chef d’accusation numéro 3 :

IMPOSE à l’intimé une réprimande;

Sous le chef d’accusation numéro 5 :

IMPOSE à l’intimé une réprimande;

CONDAMNE l’intimé au paiement des 3/7 des déboursés.

 

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Gisèle Balthazard_________________

Mme GISÈLE BALTHAZARD, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Stéphane Côté____________________

M. STÉPHANE CÔTÉ, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Valérie Déziel

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Éric L. Clark

Procureur de l’intimé

 

Date d’audience :

14 octobre 2015

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 



[1]     Voir les notes sténographiques de la conversation téléphonique du 26 novembre 2012 entre M. Jerry Derkson et Mme Sandra Robertson, page 13, lignes 18, 19 et 20.

[2]     Le terme « doit » utilisé à celui-ci par le législateur semble confirmer qu’il s’agit d’une obligation impérative.

[3]     Voir Mme Léna Thibault c. Henri-Paul Grenier, CD00-0727, décision sur culpabilité en date du 30 avril 2009.

[4]     Selon la preuve, H.P. et A.Z. auraient aussi convenu entre eux que ce dernier serait remboursé en capital, provenant de la partie couverture d’assurance, du montant des primes qu’il aura payé.

[5]     À Me Robertson lors d’une conversation téléphonique le 29 novembre 2012.

[6]     Aucune preuve n’a été administrée permettant de croire que H.P. aurait donné son consentement à la divulgation.

[7]     Le texte précis de la disposition se retrouve au paragraphe 6 des présentes.

[8]     Champagne c. Bégin, CD00-0995, 14 mars 2014 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Charbonneau, CD00-0858, 30 juillet 2012 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Dubois, CD00-0969, 9 octobre 2013 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Beckers, CD00-0862, 17 août 2012 (C.D.C.S.F.); Thibault c. Abbey, CD00-0750, 12 octobre 2010 (C.D.C.S.F.).

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