Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1025

 

DATE :

Le 8 décembre 2014

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. André Chicoine, A.V.C.

Membre

M. Serge Lafrenière, Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

EMMANUEL DESIRE POUKPA (certificat numéro 176588)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion de tous les renseignements concernant le consommateur et permettant de l’identifier.

[1]          Le 29 mai 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni à la Commission des lésions professionnelles, sise au
500 boul. René-Lévesque Ouest, 18e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire suivante portée contre l'intimé le 5 novembre 2013 :

 

LA PLAINTE

1.   À Montréal, le ou vers le 19 février 2011, l’intimé a donné à R.D. des informations fausses, incomplètes ou trompeuses lorsqu’il lui a fait souscrire la police d’assurance-vie Genesis d’Industrielle-Alliance numéro (…), contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 12, 13, 14 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3).

[2]          La plaignante était représentée par Me Alain Galarneau. Quant à l’intimé, il était présent, mais se représentait seul.

[3]          Me Galarneau a fait entendre le consommateur R.D. et a déposé sa preuve documentaire (P-1 à P-8).

[4]          Pour sa part, l’intimé a déposé les pièces I-1 et I-2.

[5]          Le comité retient ce qui suit des faits mis en preuve.

LES FAITS

[6]           R.D. travaille en maçonnerie depuis 1974. En 2004, il a souscrit une assurance vie entière et une assurance-accidents auprès de L’Américaine compagnie d’assurance vie et revenu « American Income Life Insurance Company » (AIL).

[7]           Suivant ses dires, l’intimé a communiqué avec lui vers 2006-2007 pour l’informer qu’il remplaçait son représentant précédent chez AIL.

[8]           En février 2011, l’intimé l’a appelé de nouveau pour lui dire qu’il était devenu représentant auprès de l’Industrielle Alliance (IA). Après lui avoir demandé s’il se rappelait de lui, il lui a dit avoir d’autres produits d’assurance à lui proposer et lui a fixé une rencontre.

[9]           Lors de la rencontre du 19 février 2011, l’intimé l’a informé que la compagnie AIL, étant en restructuration, procédait à la fermeture de ses bureaux au Québec. R.D. avait déjà entendu parler de cette fermeture dans les médias. Selon ce qu’il a compris, l’intimé préparerait tous les documents nécessaires au transfert des polices détenues avec AIL.

[10]        Cette rencontre a duré une heure tout au plus. La première moitié a été consacrée à discuter de la fermeture d’AIL et la deuxième de la proposition de la police Genesis auprès d’IA (P-6). Il a souscrit à cette dernière l’estimant meilleure que la précédente et craignant qu’AIL ferme ses portes au Québec. Avant de quitter sa maison, l’intimé lui a remis des bons de réduction valables chez Le Lunetier.

[11]        Une lettre, signée par R.D. et datée du 14 mars 2011, a été adressée à AIL, réclamant la résiliation des polices souscrites en 2004 auprès d’AIL et le remboursement de leur valeur de rachat (P-7). Ces polices ont été résiliées et R.D. a reçu 857,50 $ d’AIL.

[12]        Le 15 mars 2011, l’intimé lui a livré la nouvelle police Genesis.

[13]        Le 24 avril 2012, R.D. a reçu un appel d’une représentante d’AIL qui lui a demandé s’il était toujours satisfait de ses assurances détenues auprès d’AIL. Surpris, R.D. l’a rencontrée la journée même, accompagné de son épouse. Apprenant qu’AIL avait toujours des bureaux au Québec, R.D. et son épouse ont voulu remettre en vigueur leurs anciennes polices avec AIL, mais selon cette représentante, c’était impossible. Ils ont alors contracté, par son entremise, une assurance vie temporaire avec AIL (P-8), laquelle police leur coûte beaucoup plus cher que celle de 2004. Cette représentante les a encouragés à porter plainte contre l’intimé auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF), ce qu’ils ont fait le 27 avril 2012 (P-2).

[14]        R.D. a aussi annulé la police Genesis, souscrite auprès d’IA par l’entremise de l’intimé. Selon son témoignage, si l’intimé ne lui avait pas fait de fausses représentations quant au départ du Québec des bureaux d’AIL, il n’aurait pas souscrit à cette assurance. Par ailleurs, il n’a pas intenté de poursuite civile contre l’intimé.

[15]        En contre-interrogatoire, R.D. a reconnu l’analyse des besoins financiers (ABF)[1] et les illustrations de la police Genesis[2] soumises par l’intimé et a affirmé qu’il se souvenait que c’était l’intimé qui l’avait appelé en 2011 pour fixer une rencontre.

[16]        Questionné par le comité au sujet des trois polices d’IA, toujours en vigueur, mentionnées dans sa plainte à l’AMF, R.D. ne se souvenait pas s’il en avait fait mention à l’intimé lorsqu’il a souscrit la police Genesis. Toutefois, il a reconnu que l’intimé n’aurait pas pu inscrire qu’il possédait une police avec Desjardins s’il ne le lui avait pas dit.

[17]        La proposition d’assurance Genesis[3] ne fait pas mention de l’assurance détenue chez AIL, ni chez IA. Toutefois, trois polices d’assurance figurent à l’ABF[4], soit une assurance vie de 15 000 $, une assurance hypothécaire de 35 000 $ et une assurance collective de 10 000 $.

[18]        L’intimé a commencé à exercer en 2007, en tant que stagiaire chez AIL, où il est resté à peine trois mois. Ensuite, il a été représentant chez IA, d’avril 2008 à mars 2012, ayant dû quitter IA en raison d’un différend avec son directeur des ventes. Son certificat a par la suite été suspendu par l’AMF, faute d’avoir complété la formation continue obligatoire.

[19]        Quand il a reçu la plainte portée par la syndique de la Chambre de la sécurité financière (CSF), il croyait à un « canular », mais après quelques jours, il a communiqué avec la CSF qui l’a dirigé vers Me Galarneau. Ce dernier lui a divulgué les documents concernant le dossier de R.D. Il a pris connaissance de la plainte portée par R.D. à l’AMF grâce à cette divulgation.  

[20]        Quand l’enquêteur du bureau de la syndique de la CSF a communiqué avec lui, il ne savait pas de quel dossier il s’agissait, il n’avait rien en mains et ne pouvait ainsi se fier qu’à un souvenir très vague puisqu’IA a conservé tous les dossiers et les documents.

[21]        Il a nié avoir fait des représentations à R.D. voulant que ses polices détenues avec AIL doivent être transférées à IA. Au surplus, un tel transfert de police souscrite auprès d’une compagnie d’assurance à une autre compagnie est impossible.

[22]        Selon l’intimé, remplir la proposition d’assurance nécessitait au moins une heure et il ne pouvait, contrairement à ce que R.D. a avancé, avoir parlé des assurances d’AIL. La rencontre a servi à compléter l’ABF afin de déterminer ses besoins en assurance (I-1).

[23]        Aussi, ayant commencé en décembre 2007, en tant que stagiaire auprès d’AIL, il ne peut avoir appelé R.D. en 2006-2007, ou même en 2008, comme avancé par ce dernier, car il n’était pas encore représentant et n’avait pas accès aux dossiers.

[24]        L’intimé a aussi contesté certaines affirmations contenues dans la plainte portée à l’AMF[5] par R.D., plus particulièrement quand il est écrit que l’intimé possédait déjà tout son dossier lors de la rencontre à son domicile. Dans ce cas, aux dires de l’intimé, s’il avait voulu contacter R.D., il aurait pu le faire bien avant 2011. Sachant que R.D. possédait déjà des polices avec IA, il aurait utilisé le même numéro de dossier et l’aurait fait bénéficier d’un rabais de 5 % sur les frais d’administration.

[25]        Concernant les faits entourant la remise de bons de réduction, il a affirmé qu’il n’a jamais possédé de voiture blanche comme mentionnée par R.D. À cette époque, il avait une Honda Civic bleue et a présentement une voiture de couleur verte.

[26]        Selon l’intimé, il n’a jamais appelé R.D. en 2011 pour fixer un rendez-vous, puisqu’il n’a jamais été capable de faire des appels «à froid». Il a expliqué que chez IA, des téléphonistes font le démarchage auprès de clients et, s’ils le désirent, un rendez-vous leur est fixé avec un représentant. Pour bénéficier de ce service, des frais de 30 $ sont exigés du représentant, et l’intimé s’en prévalait.

[27]        Il a témoigné que la police Genesis n’a pas été souscrite en remplacement d’une autre et que d’ailleurs, la proposition ne le mentionne pas.

[28]        Il a admis qu’il a été question de police d’assurance vie dont les montants de couverture sont notés à l’ABF, mais il n’a pu indiquer que celle de Desjardins, puisque le client ne lui en a pas fourni d’autres. Comme l’ABF le reflète, il y a deux autres polices, une collective et une assurance vie individuelle.

[29]        L’intimé a expliqué que la proposition[6] datée du 19 février 2011 est générée par la copie papier de l’illustration[7] en entrant le numéro inscrit sur le formulaire de signature. L’illustration est signée lors de la proposition et de nouveau à la livraison, en l’occurrence le 15 mars 2011, pour confirmer qu’elle n’a pas été modifiée depuis la souscription[8].

[30]        Quant à la demande de rachat de la police AIL[9], il l’a vue pour la première fois dans les documents divulgués, affirmant qu’il n’en était pas l’auteur. Pour ce qui est des inscriptions « Studio Photo Rose » et « Torchmark » y apparaissant, il ne les reconnaissait pas non plus.  

[31]        Il a estimé à environ 462 $ la commission que lui a procurée cette vente.

 

ANALYSE ET MOTIFS

[32]        Les dispositions alléguées au soutien du chef porté contre l’intimé sont les suivantes :

Loi sur la distribution de produits et services financiers :

16. Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.

Il doit agir avec compétence et professionnalisme.

 

Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière

12. Le représentant doit agir envers son client ou tout client éventuel avec probité et en conseiller consciencieux, notamment en lui donnant tous les renseignements qui pourraient être nécessaires ou utiles. Il doit accomplir les démarches raisonnables afin de bien conseiller son client.

13. Le représentant doit exposer à son client ou à tout client éventuel, de façon complète et objective, la nature, les avantages et les inconvénients du produit ou du service qu'il lui propose et s'abstenir de donner des renseignements qui seraient inexacts ou incomplets.

14. Le représentant doit fournir à son client ou à tout client éventuel les explications nécessaires à la compréhension et à l'appréciation du produit ou des services qu'il lui propose ou lui rend.

16. Nul représentant ne peut faire, par quelque moyen que ce soit, des déclarations ou des représentations incomplètes, fausses, trompeuses ou susceptibles d'induire en erreur.

[33]        Le chef reproche à l’intimé d’avoir fait de fausses représentations à R.D. voulant qu’il y ait fermeture des bureaux d’AIL au Québec et que les dossiers d’AIL seraient transférés chez IA, de sorte que c’est en raison de ces représentations que R.D. a accepté de souscrire à une police avec IA. L’intimé, pour sa part, a nié lui avoir fait quelques représentations que ce soit en ce sens.

[34]        Dans Vaillancourt c. Avocats[10], le Tribunal des professions a de nouveau rappelé la nature et le degré de preuve exigé en droit disciplinaire, qui est celui d’une preuve prépondérante. Il doit s'agir d'une preuve de qualité, c’est-à-dire claire et convaincante. Les faits prouvés doivent dépasser le seuil de la possibilité et s'avérer probables[11].

[35]        Le comité est confronté à des versions contradictoires, son appréciation de la crédibilité du consommateur et de l’intimé revêt par conséquent toute son importance.

[36]        Notons que l’intimé a peu témoigné, se contentant plutôt de contre-interroger R.D. et d’émettre des hypothèses à partir de ses réponses, ainsi que de faire porter à la nouvelle représentante d’AIL la responsabilité de la plainte portée à l’AMF par R.D.

[37]        Il n’y a pas lieu d’écarter le témoignage de R.D., le comité ne voyant pas ce qui aurait pu le motiver à inventer cette histoire. Ainsi, le comité préfère le récit des événements rendu par R.D., car en dépit de certaines contradictions entre son témoignage et le contenu de sa plainte portée à l’AMF, sa version sur les faits d’importance s’avère plus vraisemblable et plus conforme à la preuve documentaire, contrairement à celui de l’intimé.

[38]        R.D. indique que la rencontre avec l’intimé en 2011 a duré tout au plus une heure, dont la moitié a été consacrée à discuter de la situation d’AIL et à peine une demi-heure pour la proposition d’assurance. Comme souligné par l’intimé, on peut difficilement prendre moins d’une heure pour valider les informations concernant l’ABF, discuter des illustrations, remplir la proposition, y compris comme en l’espèce le questionnaire médical.

[39]        Toutefois, l’ABF au décès[12] est datée du 18 février 2011, soit la veille de la rencontre avec R.D. et son épouse. Or, on y retrouve notamment des informations concernant la valeur de leurs différentes polices d’assurance vie, de leurs épargnes et placements, de leur résidence principale, hypothèque et autres valeurs, ainsi que les frais au décès. À ces informations s’ajoutent leur revenu et l’évaluation du capital nécessaire au décès. De plus, l’illustration de la police IA souscrite[13] indique que celle-ci a été préparée le 14 février 2011 et imprimée le 18 février 2011. Tous ces documents ont donc été complétés à l’avance par l’intimé.

[40]        Cette preuve rend non seulement vraisemblable le témoignage de R.D. quant à la durée de la rencontre, mais corrobore également le fait que l’intimé possédait toutes les informations pertinentes concernant son épouse et lui-même avant leur rencontre du 19 février 2011. Force est de constater que si l’intimé n’a pas hérité du dossier de R.D. chez IA, il ne pouvait avoir en sa possession toutes les informations nécessaires pour remplir l’ABF comme il l’a fait, à moins qu’il n’ait conservé les informations contenues au dossier de R.D. chez AIL. Il en est probablement ainsi des bons de réduction chez Le Lunetier.

[41]        Quant à la lettre du 14 mars 2011[14], adressée en anglais à AIL, et par laquelle R.D. réclame la résiliation et le remboursement de la valeur de rachat des polices y mentionnées, bien que disant ne pas s’en rappeler, R.D. a reconnu sa signature et a conclu qu’elle avait dû être préparée par l’intimé. Toutefois, ce document ne disait rien à l’intimé et, ni lui ni R.D., ne pouvaient expliquer les inscriptions de télécopie en date du
18 mars 2011, au haut de cette lettre.

[42]        Or, l’examen de la preuve documentaire révèle que « Pointe-aux-Trembles » écrit avec un « s » au mot « Pointes », comme écrit sur cette lettre, apparait uniquement sur les documents remplis par l’intimé. Quant à l’erreur au code postal soulignée par R.D., elle se retrouve tant sur le formulaire de « Renseignements personnels » que sur la proposition remplis par l’intimé auprès d’IA. Il s’avère que c’est ce même code postal qui est inscrit sur les polices émises par AIL en 2004. Ces dernières observations sont aussi révélatrices des informations que l’intimé détenait avant même de rencontrer R.D.

[43]        Aussi, le comité ne peut ignorer, comme allégué par Me Galarneau, l’incidence des dates entourant cette affaire. Cette lettre est datée du 14 mars 2011, alors que l’intimé a livré la police Genesis à R.D. dès le lendemain, le 15 mars 2011. Le comité conclut qu’il est plus que probable que l’intimé soit celui qui a préparé la lettre de résiliation des polices AIL. Il en ressort que l’intimé avait prévu remplacer les polices d’AIL par celle d’IA, comme allégué par R.D., quoiqu’il ait indiqué le contraire dans la proposition soumise à IA.

[44]        Le comité, étant d’avis que la plaignante s’est déchargée de son fardeau de preuve, déclarera l’intimé coupable sous l’unique chef de la plainte.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

 

DÉCLARE l’intimé coupable sous l’unique chef de la plainte portée contre lui, pour avoir contrevenu à l’article 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures quant aux autres dispositions législatives et règlementaires alléguées sous chacun des quatre chefs d’accusation contenus à la plainte;

CONVOQUE les parties avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

 

 

 

 

(s) Janine Kean______________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) André Chicoine___________________

M. André Chicoine, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Serge Lafrenière__________________

M. Serge Lafrenière, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT, CARON, PRÉVOST, BÉLISLE, GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente seul.

 

Date d’audience :

Le 29 mai 2014

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 


Chambre de la sécurité financière c. Poukpa

2015 QCCDCSF 58

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1025

 

DATE :

8 juin 2015

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. André Chicoine, A.V.C.

Membre

M. Serge Lafrenière, Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

EMMANUEL DESIRE POUKPA (certificat numéro 176588)

Partie intimée

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion de tous les renseignements concernant le consommateur permettant de l’identifier dans le but de protéger sa vie privée.

[1]          Le 24 février 2015, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, à Montréal, pour entendre la preuve et les représentations des parties sur sanction.

[2]          La plaignante était représentée par Me Alain Galarneau. Quant à l’intimé, il se représentait seul.

LA PREUVE

[3]          Me Galarneau a déposé une attestation du droit de pratique de l’intimé, en date du 20 janvier 2015, laquelle confirme qu’il n’a pas renouvelé son certificat depuis 2012.

[4]          L’intimé n’a produit aucune preuve supplémentaire.

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

[5]          Me Galarneau a invoqué essentiellement la gravité objective de l’infraction. Hormis cette gravité, il a mentionné notamment le préjudice qui en a résulté pour le consommateur, ce dernier ayant annulé la police d’assurance vie entière qu’il détenait auprès de l’assureur précédent pour une vie temporaire auprès de l’Industrielle Assurance (IA).

[6]          Dûment assermenté, l’intimé a clamé son innocence. Quoique le comité comprenne la situation que vit l’intimé qui ne possède pas les mêmes ressources et les mêmes connaissances juridiques que le syndic d'un ordre professionnel ou de son procureur, l’intimé a choisi de se représenter seul. Il était de sa responsabilité de prendre tous les moyens pour assurer adéquatement sa défense.

[7]          Après que le comité l’ait avisé de la procédure à suivre pour se pourvoir contre la décision rendue sur culpabilité, il a limité ses représentations à la sanction en alléguant que celle proposée par la plaignante était trop sévère.

ANALYSE ET MOTIFS

[8]           Par la décision rendue le 8 décembre 2014, l’intimé a été déclaré coupable d’avoir fait de fausses représentations à son client.

[9]           Étant devenu représentant pour IA, l’intimé avait indiqué au consommateur qu’il y avait fermeture des bureaux de son assureur précédent au Québec dont les dossiers seraient transférés chez IA. En raison de ces représentations, son client a accepté de souscrire à une police avec IA.

[10]        La plaignante a suggéré une sanction de radiation temporaire pour une période de six mois insistant sur la gravité objective de l’infraction commise. Cependant, les décisions fournies à son soutien sont difficilement comparables aux faits en l’espèce et le comité ne peut y trouver appui. Dans l’affaire Harton[15], l’intimée a été trouvé coupable sous 21 des 26 chefs portés contre elle et au surplus, les infractions commises l’ont été à l’égard de plusieurs clients. Quant à l’affaire Arnovitz[16], la décision ne révèle pas les motifs ayant conduit aux sanctions ordonnées.

[11]        La période de radiation temporaire proposée par la plaignante paraît dans les circonstances nettement exagérée. L’intimé, qui avait à peine trois ans d’expérience au moment des événements, a expliqué longuement la difficulté qu’il éprouvait à contacter «à froid» la clientèle. En conséquence, il défrayait des honoraires pour le démarchage de client. Sans excuser les gestes reprochés, cela peut potentiellement les expliquer.

[12]        L’intimé est un jeune père de famille qui a déjà subi les conséquences d’un congédiement par IA. Il n’a pas d’antécédent disciplinaire. Même s’il n’exerce pas actuellement dans le milieu financier, il a tenu à se présenter devant le comité et a agi de façon respectueuse à l’égard de tous y compris du consommateur qu’il a contre-interrogé lors de la preuve sur culpabilité. L’expérience du processus disciplinaire contribue certes à l’effet dissuasif recherché à l’égard de l’intimé sans compter qu’il devra en acquitter les déboursés. Son droit d’exercer la profession, s’il le désire, fait également partie des éléments à considérer lors de la détermination des sanctions.

[13]              En conséquence, considérant les faits propres à ce dossier, les facteurs tant aggravants qu’atténuants et toutes les circonstances entourant cette affaire, le comité est d’avis qu’une période de radiation temporaire de deux mois constitue une sanction juste et raisonnable.

[14]              En vertu de la règle voulant que la partie qui succombe doit supporter les déboursés, l’intimé sera condamné à leur paiement.

[15]              Le comité ordonnera également la publication de la décision en l’absence de preuve de circonstances exceptionnelles justifiant de ne pas le faire.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux mois sous l’unique chef d’accusation de la plainte portée contre lui;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26.

 

 

_(s) Janine Kean_____________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

_(s) André Chicoine  _________________

M. André Chicoine, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

_(s) Serge Lafrenière_________________

M. Serge Lafrenière, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT, CARON, PRÉVOST, BÉLISLE, GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente seul.

 

Date d’audience :

Le 24 février 2015

 

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

 



[1] I-1.

[2] I-2, pages 0151 à 0163.

[3] P-6.

[4] I-1.

[5] P-2.

[6] P-6 C.

[7] P-6 C, pages 0153, 0161 et 0162.

[8] I-2, pages 0161 et 0162.

[9] P-7.

[10] 2012 QCTP 126; jugement rectifié, 2012 QCTP 126-A.

[11] ROYER, Jean-Claude, La preuve civile, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 4e édition 2008, paragr. 173-174.

[12] I-1. Ce document comporte cinq pages, incluant la page couverture.

[13] I-2. Ce document contient 12 pages, incluant la page couverture, ainsi qu’un formulaire intitulé « Renseignements personnels » (page 0163 de la divulgation). Ce dernier révèle l’adresse, la date de naissance, le numéro d’assurance sociale, l’état civil, le nom de l’employeur et les revenus de R.D. et de son épouse.

[14] P-7.

[15] Rioux c. Harton, 2005 CanLII 59624 (QC CDCSF).

[16] Rioux c. Arnovitz, 2005 CanLII 59617 (QC CDCSF).

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