Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Hornez

2015 QCCDCSF 38

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1022

 

DATE :

3 juillet 2015

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Claude Mageau

Président

M. André Chicoine, A.V.C.

Membre

M. Guy Julien, A.V.C.

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

IRÈNE HORNEZ (certificat numéro 116 499)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 15 juillet 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimée le 30 octobre 2013 et ainsi libellée :

LA PLAINTE

E.P. (investisseur numéro 24)

1.         Dans la région de Montréal, entre novembre 2000 et janvier 2001, l’intimée a sollicité et conseillé E.P. pour qu’elle fasse effectuer par Luc Chartrand des opérations portant sur des formes d’investissement telles des valeurs mobilières, titres et options, pour un montant d’environ 4 000$, dans le compte marge de courtage numéro [...] de TD Waterhouse ouvert sous le nom de «  CHIL Investment Club », alors que ni elle, ni ce dernier n’y était autorisés en vertu de leur certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D‑9.2);

L.D. (investisseur numéro 23)

2.         Dans la région de Montréal, entre novembre et décembre 2000, l’intimée a sollicité et conseillé L.D. pour qu’elle fasse effectuer par Luc Chartrand des opérations portant sur des formes d’investissement telles des valeurs mobilières, titres et options, pour un montant d’environ 20 000$, dans le compte marge de courtage numéro [...] de TD Waterhouse ouvert sous le nom de «  CHIL Investment Club », alors que ni elle, ni ce dernier n’y était autorisé en vertu de leur certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2);

J.-L.L. (investisseur numéro 26)

3.         Dans la région de Montréal, entre décembre 2000 et janvier 2001, l’intimée a sollicité et conseillé J.-L.L. pour qu’il fasse effectuer par Luc Chartrand des opérations portant sur des formes d’investissement telles des valeurs mobilières, titres et options, pour un montant d’environ 7 000$, dans le compte marge de courtage numéro [...] de TD Waterhouse ouvert sous le nom de «  CHIL Investment Club », alors que ni elle, ni ce dernier n’y était autorisé en vertu de leur certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2).

[2]           La plaignante était représentée par Me Valérie Déziel et l’intimée était absente.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]           L’intimée a fait parvenir au comité une lettre datée du 7 juillet 2014 lui indiquant qu’elle souhaitait plaider coupable aux infractions reprochées (pièce P-17).

[4]           L’intimée informait aussi le comité qu’elle ne serait pas présente à l’audition prévue pour le 15 juillet 2015, ce qui fut le cas.

[5]           De plus, elle indiquait à sa lettre qu’elle s’en remettait au comité en ce qui concerne la sanction à lui être imposée vu son intention de plaider coupable.

[6]           Dans les circonstances, le comité a considéré la lettre (pièce P-17) comme un plaidoyer de culpabilité de l’intimée et a invité la procureure de la plaignante à lui faire la présentation de la preuve de même que ses représentations sur sanction.

LA PREUVE

[7]           La procureure de la plaignante a résumé le contexte factuel des infractions commises à l’aide d’une preuve documentaire produite comme pièces P-1 à P-16.

[8]           La procureure de la plaignante a fait un bref résumé des faits à l’origine de la plainte en signalant qu’en 2000, l’intimée, avec son conjoint de l’époque, monsieur Luc Chartrand, avait débuté un club de placement appelé CHIL (ci-après « CHIL »), auquel les consommateurs décrits aux trois (3) chefs d’accusation de la plainte ont participé.

[9]           Pour le choix de ces placements, l’intimée s’en remettait à Luc Chartrand car lui seul gérait CHIL.

[10]        Luc Chartrand et l’intimée ne détenaient pas des autorités réglementaires compétentes, une certification de « courtier de plein exercice ».

[11]        La procureure de la plaignante informe le comité qu’en ce qui concerne le chef numéro 1, le consommateur a investi 4 000 $.

[12]        En ce qui concerne le chef numéro 2, le consommateur a investi 20 000 $.

[13]        Finalement, pour ce qui est du chef numéro 3, le consommateur a investi 7 000 $.

[14]        En fait, Luc Chartrand était le promoteur et le gestionnaire des fonds investis dans CHIL.

[15]        L’intimée lui avait référé les consommateurs mentionnés à la plainte et ceux-ci ont perdu totalement les sommes investies décrites ci-haut.

[16]        En 2009, Luc Chartrand, étant donné les pertes encourues par les investisseurs dans CHIL, décida de créer un deuxième club de placement intitulé CHIL 2, auquel cependant l’intimée ne participa pas.

[17]        La procureure de la plaignante explique qu’une ordonnance de blocage fut émise par le Bureau de décision et de révision, le 29 avril 2011, pour empêcher la continuation des activités de CHIL (pièces P-8 à P-13).

[18]        De ce qui précède, le comité constatant sans équivoque que l’intimée a commis les trois (3) chefs d’accusation qui lui sont reprochés à la plainte disciplinaire, il la trouve coupable de ceux-ci.

REPRÉSENTATIONS SUR SANCTION

[19]        La procureure de la plaignante recommande au comité qu’une radiation temporaire d’un (1) an soit ordonnée avec une ordonnance de publication de même qu’une condamnation aux débours.

[20]        Pour appuyer sa demande, la procureure de la plaignante soumet les facteurs aggravants et atténuants suivants :

Facteurs aggravants

-        La gravité objective des infractions commises par l’intimée;

-        Les trois (3) consommateurs impliqués ont perdu la totalité de leur investissements pour une somme totalisant 30 000 $;

-        Aucune indemnisation n’est possible pour les consommateurs étant donné qu’il s’agissait d’un exercice illégal de l’activité de courtier de plein exercice;

-        Elle avait dix (10) ans d’expérience au moment de la commission des infractions;

-        Elle avait une faible connaissance des consommateurs impliqués;

-        De plus, elle a fait l’objet d’un antécédent disciplinaire pour une infraction ayant été commise à la fin novembre 2007 pour avoir fait défaut d’agir avec compétence et professionnalisme envers son client, le tout conformément à une décision rendue par le comité le 20 juin 2009 (pièce P-16).

Facteurs atténuants

-        Un plaidoyer de culpabilité transmis par l’intimée, évitant ainsi la tenue d’un procès;

-        Elle n’a tiré aucun intérêt financier de ce club d’investissement;

-        Elle était inactive au niveau professionnel depuis le 8 mars 2011;

-        Elle a présentement 62 ans et vit apparemment sous le seuil de la pauvreté (pièce P-17);

-        Un faible risque de récidive compte tenu du peu de chances qu’elle revienne sur le marché du travail, ayant indiqué à de nombreuses reprises qu’elle n’avait pas l’intention d’y revenir à titre de représentante.

[21]        La procureure de la plaignante dépose aussi trois (3) décisions pour appuyer sa demande, dans lesquelles des radiations variant d’un (1) an à trois (3) ans ont été rendues[1].

[22]        La procureure de la plaignante indique que l’intimée n’était pas celle qui a fondé le club de placement, lequel a été plutôt mis en place par Luc Chartrand, tel que mentionné plus haut.

[23]        Elle indique aussi que dans le cas de monsieur Luc Chartrand, ce dernier a plaidé coupable aux infractions disciplinaires devant une autre formation du comité et que le dossier était alors en délibéré.  La procureure de la plaignante indique qu’elle avait alors demandé dans ce dossier deux (2) ans de radiation temporaire, compte tenu qu’il y avait vingt‑quatre (24) chefs d’accusation, dont parmi ceux-ci les accusations relativement aux trois (3) consommateurs visés par la présente instance.

[24]        La procureure de la plaignante réclame de plus la condamnation aux déboursés de même que la publication de la radiation, tel que prévu aux articles 151 et 156 (5) du Code des professions.

ANALYSE ET MOTIFS

[25]        Tel que mentionné précédemment, l’intimée mentionne à sa lettre (pièce P-17) qu’elle ne pratique plus à titre de conseillère en sécurité financière depuis plusieurs années.

[26]        De plus, elle indique qu’en raison de sa condition médicale, à savoir une chirurgie aux deux (2) hanches, elle n’a pas été en mesure de travailler et qu’elle a été obligée de déclarer faillite le 31 mars 2010.  Elle aurait été libérée de sa faillite le 1er janvier 2011.

[27]        Elle indique aussi qu’elle a été condamnée par la Cour du Québec à une amende de 12 000 $ suite à une accusation de pratique illégale de conseillère de plein exercice, amende pour laquelle elle n’a toujours pas complété le paiement.

[28]        Finalement, toujours à sa lettre du 7 juillet 2014 (pièce P-17), étant donné qu’elle ne sera pas en mesure de reprendre ses activités de conseillère en sécurité financière, elle mentionne au comité qu’elle n’a aucune objection à ce que le comité lui ordonne une radiation permanente ou temporaire.  Elle indique aussi que compte tenu de sa situation financière, elle déclare qu’elle sera dans l’impossibilité d’acquitter toute amende qui pourrait lui être imposée en rapport au présent dossier.

[29]        Les infractions reprochées à l’intimée sont très graves car, ne possédant pas les certifications de courtier de plein exercice, l’intimée a donc agi et conseillé illégalement des clients alors qu’elle n’en avait pas le droit et les compétences pour ce faire.

[30]        Elle n’était cependant pas la fondatrice du club de placement CHIL.  C’était plutôt monsieur Luc Chartrand qui en était l’instigateur et lequel était à l’époque son conjoint.

[31]        D’ailleurs, tel que mentionné plus haut, ce dernier a plaidé coupable devant une autre formation du comité le 9 juin 2014 à vingt‑quatre (24) chefs identiques à ceux pour lesquels l’intimée a plaidé coupable.  En fait, trois (3) des vingt-quatre (24) chefs d’accusation portés contre Luc Chartrand et pour lesquels il a plaidé coupable, concernent les trois (3) consommateurs mentionnés aux chefs d’accusation portés contre l’intimée.

[32]        Le 21 octobre 2014, le comité a condamné Luc Chartrand à une radiation de six (6) mois[2].

[33]        Comme son complice Luc Chartrand, l’intimée a fait l’objet d’une plainte pénale d’avoir exercé illégalement la profession de courtier de plein exercice, laquelle avait été déposée par l’Autorité des marchés financiers et pour laquelle elle a été condamnée à payer une amende de 12 000 $.

[34]        D’ailleurs, tel que relaté à sa lettre (pièce P-17), le Percepteur des amendes du Québec a saisi les biens de l’intimée dans le but d’acquitter l’amende.

[35]        Les faits reprochés à l’intimée sont de nature à discréditer la profession aux yeux du public.

[36]        De plus, l’intimée a un antécédent disciplinaire, ayant été condamnée le 29 juin 2009 à une radiation d’un (1) mois pour avoir fait défaut d’agir avec compétence et professionnalisme envers son client, en ne s’assurant pas que le produit qu’elle lui faisait souscrire correspondait à sa situation financière.

[37]        Cette infraction était cependant postérieure à celles reprochées à la présente plainte, soit en novembre 2007.  Les faits reprochés en la présente instance remontent à 2000 et 2001.

[38]        Les trois (3) consommateurs faisant l’objet des trois (3) chefs d’accusation de la plainte ont perdu totalement leur investissements, soit une somme de 30 000 $.

[39]        Il est aussi à remarquer que les consommateurs ne seront pas non plus éligibles à une indemnisation étant donné qu’il s’agissait de la part de l’intimée d’un exercice illégal de la profession d’activité de courtier de plein exercice.

[40]        La procureure de la plaignante suggère au comité une radiation d’un (1) an compte tenu des autorités déposées au soutien de sa prétention[3].

[41]        La procureure de la plaignante indique qu’elle réclame une radiation moins grande que celle réclamée dans le dossier de Luc Chartrand étant donné que monsieur Chartrand était le promoteur et le gestionnaire du club d’investissement et que l’intimée avait un rôle beaucoup moins important que celui de monsieur Chartrand.

[42]        La suggestion de la procureure de la plaignante, bien que raisonnable au moment de sa présentation, ne pouvait pas tenir compte de la sanction effectivement  rendue le 21 octobre 2014 dans l’affaire de Luc Chartrand ci-haut mentionnée[4].

[43]        En effet, dans ce dossier, alors que monsieur Luc Chartrand est l’instigateur du club d’investissement, qu’il gérait celui-ci et qu’il a plaidé coupable à vingt-quatre (24) chefs d’exercice illégal, le comité a considéré approprié de le radier pour une période de six (6) mois compte tenu des facteurs atténuants et subjectifs militant en faveur de Luc Chartrand.

[44]        Même si chaque sanction doit être évaluée selon les faits qui sont propres au dossier concerné, le comité doit tenir compte de la sanction rendue dans le cas de Luc Chartrand et ce, en vertu du principe bien établi de la parité des sanctions.

[45]        Aussi, compte tenu des circonstances propres à la présente affaire, après considération des facteurs tant objectifs que subjectifs, atténuants comme aggravants qui lui ont été présentés, le comité est d’opinion que l’imposition d’une radiation temporaire de six (6) mois à être purgée de façon concurrente serait en l’espèce une sanction juste, raisonnable, adaptée aux infractions ainsi que respectueuse des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

[46]        En effet, bien qu’elle n’ait pas été l’instigatrice du club de placement et qu’elle est coupable de seulement trois (3) chefs d’accusation, elle a cependant un antécédent disciplinaire alors que Luc Chartrand n’en avait pas et que sa collaboration avec la syndique avait été exemplaire.  Il avait même pendant plusieurs années, au moyen d’investissements personnels, tenté de récupérer les pertes des clients, ce qui ne fut pas le cas de l’intimée.

[47]        Relativement à la publication de la décision, le comité est d’avis d’ordonner celle‑ci compte tenu qu’aucun motif ne lui a été exposé afin de lui permettre d’agir autrement.

[48]        Relativement aux déboursés, le comité considère que l’intimée devra assumer ceux-ci, notant cependant que compte tenu de sa situation financière particulière et de son état de santé actuel, le comité lui accordera un délai d’un (1) an pour en effectuer l’acquittement.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimée sous les trois (3) chefs d’accusation de la plainte portée contre elle;

RÉITÈRE la condamnation de culpabilité prononcée à l’audience concernant les trois (3) chefs d’accusation en vertu des articles 9, 12, et 13 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

ORDONNE l’arrêt des procédures en ce qui concerne l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers pour les trois (3) chefs d’accusation;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION

Sous chacun des chefs d’accusation 1 à 3 contenus à la plainte :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimée pour une période de six (6) mois à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimée, un avis de la présente décision dans un journal où l’intimée a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156 (5) du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26;

ACCORDE à l’intimée un délai d’une (1) année de la date des présentes pour l’acquittement des déboursés.

 

 

 

(s) Claude Mageau  ___________

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

 

(s) André Chicoine  ____________

M. ANDRÉ CHICOINE, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Guy Julien _________________

M. GUY JULIEN, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Valérie Déziel

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimée est absente.

 

Date d’audience :         Le 15 juillet 2014

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Caroline Champagne c. Jolaine Drury, décision sur culpabilité et sanction en date du 4 octobre 2013, CD00-0971; Caroline Champagne c. Cary Ward, décision sur culpabilité et sanction en date du 23 décembre 2013, CD00-0976; Caroline Champagne c. François Simard, décision sur culpabilité en date du 16 février 2012 et sur sanction en date du 26 novembre 2012, CD00-0807 et CD00-0835.

[2] Caroline Champagne c. Luc Chartrand, décision sur culpabilité et sanction en date du 21 octobre 2014, CD00-1021.

[3] Supra, note 1.

[4] Supra, note 2.

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