Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Merlini

2015 QCCDCSF 40

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1007

 

DATE :

31 juillet 2015

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Claude Mageau

Président

M. Louis Georges Boily, Pl. Fin.

Membre

M. André Chicoine, A.V.C.

Membre

_____________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

MYRTHA LAËSA MERLINI, conseillère en sécurité financière (certificat numéro 190556)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

-           Ordonnance de non-divulgation et de non-publication des informations qui permettraient d’identifier les consommateurs et tout autre renseignement à leur sujet contenu dans la preuve documentaire déposée à l’audition.

[1]           Le 8 mai 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimée le 3 septembre 2013 et ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.      Dans la province de Québec, le ou vers le 27 septembre 2012, l’intimée a contrefait ou permis que soit contrefaite la signature de S.S. sur la proposition d’assurance vie numéro 0051081820, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

2.      Dans la province de Québec, le ou vers le 28 septembre 2012, l’intimée a fourni de faux renseignements à l’assureur Industrielle Alliance sur la proposition d’assurance vie 0051081820 au nom de S.S. en inscrivant des informations erronées notamment quant aux questions d’assurabilité 1, 2, 8, 11 et 17 et certains renseignements personnels, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

 

3.      Dans la province de Québec, le ou vers le 28 septembre 2012, l’intimée n’a pas exercé ses activités avec intégrité et professionnalisme en soumettant à Industrielle Alliance la proposition d’assurance vie numéro 0051081820 au nom de S.S., dans le seul but d’en tirer un bénéfice personnel, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 18, 19 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

[2]           La plaignante était représentée par Me Jeanine Guindi alors que l’intimée était représentée par Me Carolyne Mathieu.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]           L’intimée a enregistré un plaidoyer de culpabilité aux chefs d’accusation ci-haut décrits.

[4]           Le comité s’est assuré que l’intimée comprenait bien le sens de son plaidoyer.

[5]           À la demande du comité, la procureure de la plaignante a produit par la suite, de consentement avec la procureure de l’intimée, un cahier de pièces cotées P-1 à P-8.

[6]           En révisant lesdites pièces, la procureure de la plaignante relate en détails pour le bénéfice du comité, les circonstances de la commission des infractions reprochées à l’intimée.

[7]           Le comité, après s’être retiré et avoir révisé ladite preuve documentaire, prend acte du plaidoyer de culpabilité et déclare l’intimée coupable des trois (3) infractions reprochées.

[8]           Par la suite, les procureures des parties ont informé le comité qu’elles n’étaient pas en mesure de procéder immédiatement aux représentations sur sanction.

[9]           La procureure de la plaignante indique alors au comité qu’elle aura un (1) témoin à faire entendre alors que la procureure de l’intimée mentionne qu’elle fera entendre cinq (5) témoins.

[10]        Après discussion avec le comité, il fut entendu qu’une (1) journée d’audition serait nécessaire pour la preuve et les représentations sur sanction.

[11]        À cet effet, le comité a tenu une conférence téléphonique le 23 mai 2014, et il a fixé de consentement avec les procureures des parties, l’audition sur sanction au
9 octobre 2014.

AUDITION SUR SANCTION LE 9 OCTOBRE 2014

[12]        Dès le début de l’audition, le comité est informé par les procureures des parties que depuis la tenue de la conférence téléphonique du 23 mai 2014 ci-haut mentionnée, les parties ont eu des discussions et se sont entendues sur une recommandation commune à être soumise au comité en ce qui concerne les sanctions, tel qu’il sera plus amplement mentionné ci-après.

[13]        De plus, la procureure de l’intimée dépose comme pièce SI-1, un document signé par l’intimée et intitulé « Confirmation d’acceptation des sanctions ».  À cette pièce SI-1, l’intimée confirme consentir aux sanctions demandées par la plaignante, soit une radiation d’une année à être purgée concurremment sur chacun des chefs de la plainte et la condamnation aux déboursés liés au présent dossier, dont les frais de publication.

LA PREUVE

[14]        L’intimée est conseillère en sécurité financière depuis 2010.  Elle est originaire de la France et a immigré au Canada en août 2010.

[15]        Elle était alors avocate et membre du Barreau de Paris.

[16]        Elle est, par la suite, devenue membre du Barreau du Québec en vertu d’une entente réciproque de reconnaissance existant entre le Barreau de Paris et celui du Québec.

[17]        Elle est conseillère en sécurité financière depuis mars 2011 pour Industrielle Alliance.

[18]        En septembre 2012, afin de pouvoir participer au concours « Soirée du Président » de son organisation, elle a demandé à un de ses amis, soit S.S., de bien vouloir soumettre une proposition d’assurance qui serait par la suite annulée.

[19]        En fait, il s’agissait donc d’une police d’assurance fictive qui serait émise temporairement pour permettre à l’intimée d’obtenir un bénéfice personnel, à savoir un crédit additionnel de vente à son dossier pour lui permettre de participer à la « Soirée du Président », un événement prestigieux de son employeur, Industrielle Alliance.

[20]        Elle a donc préparé la proposition d’assurance (pièce P-2), inscrit des informations qui étaient inexactes et signé cette proposition au nom de son client pour pouvoir obtenir un tel crédit de vente additionnel.

[21]        Dans une déclaration faite aux enquêteurs de la plaignante qui a été enregistrée mécaniquement et produite comme pièce P-7, elle admet qu’elle avait rempli ladite proposition d’assurance-vie lors d’une conversation téléphonique avec son client, S.S., et que cette proposition était en fait fictive étant donné qu’elle serait automatiquement annulée par la suite après l’événement ci‑haut décrit.

[22]        Elle admet, par la suite, qu’elle a fait une erreur étant donné que cela constituait un manque d’intégrité de sa part.

[23]        Elle indique aussi à la déclaration enregistrée (pièce P-7) que c’est son conjoint qui avait fait alors le chèque de 153,00$ accompagnant la proposition d’assurance-vie de S.S.

REPRÉSENTATIONS DE LA PROCUREURE DE LA PLAIGNANTE

[24]        La procureure de la plaignante dépose une attestation de droit de pratique de l’intimée plus récente comme pièce SP-1.

[25]        On y constate que l’intimée a élargi ses domaines de pratique pour inclure celui de représentante de courtier en plans de bourses d’études.

 

 

[26]        La procureure de l’intimée indique qu’une recommandation commune est faite de la part des deux (2) procureures à l’effet qu’une ordonnance de radiation d’un (1) an concurrente sur chacun des chefs de la plainte soit ordonnée par le comité.  La recommandation commune prévoit aussi la condamnation au paiement des déboursés de même qu’une ordonnance de publication.

[27]        Elle indique que l’intimée est membre du Barreau du Québec depuis 2010, soit depuis son arrivée au Québec.

[28]        La procureure de la plaignante indique que l’avantage personnel visé par l’intimée par la commission des trois (3) infractions reprochées était celui de pouvoir participer à la « Soirée du Président », événement annuel de prestige à Industrielle Alliance.

[29]        Elle indique qu’un seul consommateur fut impliqué, soit S.S., qui était un ami de l’intimée.

[30]        Par la suite, la procureure de la plaignante souligne la gravité objective des accusations commises par l’intimée.

[31]        Plus particulièrement, il s’agit de la contrefaçon de la signature d’un client et de l’inscription d’informations inexactes quant à la demande de proposition d’assurance-vie (pièce P-2).

[32]        Ces infractions reprochées sont objectivement graves étant donné que la commission de celles-ci sont faites évidemment dans un but d’obtenir un bénéfice personnel pour l’intimée, ce qui est contraire aux valeurs d’intégrité et de probité que doit montrer un conseiller en sécurité financière dans l’exécution de sa profession.

[33]        La procureure de la plaignante indique aussi le fait que l’intimée avait peu d’expérience à titre de conseillère en sécurité financière, soit environ une (1) année.

[34]        Elle indique cependant que le risque de récidive ne semble pas présent étant donné qu’elle reconnaît sa culpabilité et qu’elle consent même aux sanctions recommandées par les procureures des parties.

[35]        La procureure de la plaignante dépose un cahier d’autorités[1] pour appuyer la recommandation commune.

[36]        Toutes ces autorités consacrent le principe qu’une radiation temporaire est normalement la sanction rendue pour des infractions en semblable matière.

[37]        La procureure de la plaignante termine donc par mentionner que dans les circonstances, compte tenu de tous les facteurs ci-haut mentionnés, la recommandation commune faite par les procureurs des parties d’un an (1) de radiation accompagnée du paiement des déboursés et d’une ordonnance de publication est dans les circonstances raisonnable et qu’elle devrait être acceptée par le comité.  

REPRÉSENTATIONS DE LA PROCUREURE DE L’INTIMÉE

[38]        La procureure de l’intimée confirme au comité qu’il s’agit d’une suggestion commune et elle souligne au comité que l’intimée accepte cette recommandation en référant plus particulièrement à la pièce SI-1.

 

MOTIFS ET ANALYSE

[39]        Au moment de la commission des infractions reprochées, l’intimée était conseillère en sécurité financière depuis peu, soit un peu plus d’un (1) an.

[40]        Elle était cependant membre du Barreau du Québec, après avoir été antérieurement, avant son arrivée au Québec, membre du Barreau de Paris.

[41]        Elle n’a aucun antécédent disciplinaire et n’a pas fait l’objet d’autres plaintes disciplinaires depuis la commission des infractions reprochées.

[42]        De plus, l’intimée a plaidé coupable aux infractions à la première opportunité raisonnable et elle consent même aux sanctions recommandées par la plaignante (SI-1).

[43]        L’intimée, bien que cherchant un avantage personnel, à savoir sa participation au concours « Soirée du président », n’a pas bénéficié d’un avantage pécuniaire additionnel par la commission des infractions reprochées.

[44]        Le consommateur S.S. n’a pas non plus subi de préjudice pécuniaire et avait été informé par l’intimée qu’elle procéderait à la soumission d’une proposition fictive d’assurance-vie.

[45]        L’intimée a contrefait la signature de S.S. et a sciemment transmis à l’assureur une proposition d’assurance-vie qui serait par la suite annulée par le client et ce, uniquement pour son bénéfice personnel.

[46]        Les infractions reprochées sont au cœur même de l’exercice de la profession de conseiller en sécurité financière, étant donné qu’elles sont contraires aux valeurs d’intégrité et de probité qu’un conseiller en sécurité financière doit faire montre dans l’exécution de sa profession.

[47]        Le comportement de l’intimée est d’autant plus troublant qu’au moment de l’infraction, elle était aussi officier de justice, c’est-à-dire avocate en règle du Barreau du Québec.

[48]        À l’appui de la suggestion commune, le comité a pris connaissance des autorités produites par la procureure de la plaignante et le comité est d’opinion que ces autorités sont effectivement applicables en l’espèce pour motiver la recommandation commune faite par les procureurs des parties[2].

[49]        Faisant face à une recommandation commune présentée par deux (2) procureures expérimentées, le comité ne doit pas écarter celle-ci à moins qu’il détermine qu’elle est déraisonnable, inadéquate, contraire à l’intérêt public et de nature à déconsidérer le système de justice[3].

[50]        Après analyse sérieuse des faits et des autorités citées, le comité considère qu’il n’est absolument pas dans un tel cas où il doit écarter la recommandation commune présentée par deux (2) procureures compétentes et expérimentées.

[51]        En conséquence, il donnera suite à la recommandation faite par les procureures des parties et il condamnera l’intimée à une radiation temporaire d’un (1) an sur chacun des chefs, à être purgée de façon concurrente.

 

 

[52]        Le comité ordonnera également la publication de la décision, les parties n’ayant exposé au comité aucun motif pouvant l’inciter à déroger à la règle habituelle, voulant qu’un avis soit publié de toute décision imposant une radiation temporaire du droit d’un représentant d’exercer ses activités professionnelles en vertu de l’article 156 (5) du Code des professions.

[53]        L’intimée est aussi condamnée au paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimée sur chacun des trois (3) chefs d’accusation portés contre elle;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimée prononcée à l’audience sur chacun des trois (3) chefs d’accusation mentionnés à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION

Sous chacun des trois (3) chefs d’accusation contenus à la plainte :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimée pour une période d’une (1) année, lesdites sanctions de radiation devant être purgées de façon concurrente;

 

 

ORDONNE au secrétaire du Comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimée un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimée a ou avait son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156 (5) du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26.

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26;

 

 

 

 

_(s) Claude Mageau____________________

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

 

 

 (s) Louis George Boily _________________

M. LOUIS GEORGE BOILY, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

_(s) André Chicoine____________________

M. ANDRÉ CHICOINE, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

Me Jeanine Guindi

THERRIEN COUTURE AVOCATS, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Carolyne Mathieu

Procureure de la partie intimée

 

Dates d’audience :

 

Le 8 mai 2014 (culpabilité)

Le 9 octobre 2014 (sanction)

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]Rioux c. Roche, CD00-0441, décision sur culpabilité et sanction rendue le 12 août 2003; Champagne c.   Robin, CD-00-0782, décision sur culpabilité et sanction rendue le 1er mars 2010; Champagne c. Beckers, décision sur culpabilité et sanction rendue le 17 août 2012; Rioux c. Daigneault, CD00-0672, décision sur culpabilité et sanction rendue le 8 septembre 2008; Champagne c. Platis, CD00-0082, décision sur culpabilité et sanction rendue le 16 avril 2012.

[2] Supra note 1.

[3] Dumont c. La Reine, [2013] QCCA 576, par. 13; La Reine c. Douglas, [2002] 162 C.C.C. 37; Chan c.

Médecins, [2014] QCTP 5-A, par. 42.

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