Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

Chambre de la sécurité financière c. Nantel

2015 QCCDCSF 18

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0999

 

DATE :

17 avril 2015

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Sylvain Généreux

Président

Mme Ginette Racine, A.V.C.

Membre

M. John Ruggieri, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

PIERRE NANTEL, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 124885)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

I - LA PLAINTE ET LE DÉROULEMENT DE L’INSTANCE

[1]              Une plainte en date du 20 juin 2013 a été portée contre l’intimé.

[2]              Les chefs d’infraction énoncés aux neuf paragraphes de cette plainte se lisent comme suit :

 

M.B.

1.         Dans la grande région de Montréal, le ou vers le 19 février 2008, l’intimé a signé à titre de conseiller et témoin de la signature de M.B. sur la proposition portant le numéro [...] ayant donné lieu à l’émission de la police [...] (fonds distincts) d’Empire Vie, alors qu’il n’a pas agi à ce titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

2.         Dans la grande région de Montréal, le ou vers le 12 janvier 2009, l’intimé a signé à titre de conseiller et témoin de la signature de M.B. sur la proposition portant le numéro [...] ayant donné lieu à l’émission de la police [...] (fonds distincts) d’Empire Vie, alors qu’il n’a pas agi à ce titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

3.         Dans la grande région de Montréal, le ou vers le 12 janvier 2009, l’intimé a signé à titre de conseiller et témoin de la signature de M.B. sur les propositions des polices d’assurance vie [...] et [...] d’Empire Vie alors qu’il n’a pas agi à ce titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

4.         Dans la grande région de Montréal, le ou vers le 25 février 2009, l’intimé a signé à titre de témoin de la signature de M.B. sur le « Questionnaire sur les troubles psychologiques » d’Empire Vie alors que celle-ci n’avait pas signé ce formulaire, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

5.         Dans la grande région de Montréal, le ou vers le 16 avril 2009, l’intimé a signé à titre de témoin de la signature de M.B. sur les « Formulaire de modification de la proposition » et « Reçu de livraison de la police » pour les polices portant les numéros [...] et [...] d’Empire Vie, alors qu’il n’a pas agi à ce titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

N.C.

6.         À Salaberry-de-Valleyfield, les ou vers les 16 et 30 septembre 2008, l’intimé n’a pas divulgué à l’assureur son statut de représentant alors qu’il faisait souscrire à N.C. les propositions de régime épargne-études individuel portant les numéros [...], [...] et [...] d’Industrielle Alliance et leurs annexes, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

E.L.

7.         À Salaberry-de-Valleyfield, le ou vers le 10 octobre 2008, l’intimé n’a pas divulgué à l’assureur son statut de représentant alors qu’il faisait souscrire à E.L. la proposition de régime d’épargne-études individuel portant le numéro [...] d’Industrielle Alliance et ses annexes, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

M.B. et F.B.

8.         Dans la grande région de Montréal, le ou vers le 19 novembre 2009, l’intimé a signé à titre de conseiller et témoin de la signature de M.B. et/ou F.B. sur la proposition de la police d’assurance vie [...] d’Empire Vie, alors qu’il n’a pas agi à ce titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

9.         Dans la grande région de Montréal, le ou vers le 18 janvier 2010, l’intimé a signé à titre de témoin de la signature de M.B. et F.B. sur les « Formulaire de modification de la proposition » et « Reçu de livraison de la police » d’Empire Vie de la police [...] alors qu’il n’a pas agi à ce titre, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

[3]              À la demande de l’intimé, le président du comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a permis que cette plainte soit réunie à celle portée contre Marie-Brigitte Parent dans le dossier CD00-0997 et que ces deux plaintes soient instruites en même temps et jugées sur la même preuve.

[4]              Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) a d’abord siégé à Montréal les 11, 12, 13 et 14 mars 2014.

[5]              Me Julie Piché représentait la plaignante et Me Monique Ménard les intimés.

[6]              En cours d’audience, le 13 mars 2014, l’intimée, Marie-Brigitte Parent, a enregistré un plaidoyer de culpabilité en regard de tous les chefs d’infraction énoncés dans la plainte portée contre elle[1].

[7]              Lors de son contre-interrogatoire le 14 mars 2014, l’intimé a reconnu les faits qui lui étaient reprochés en regard du paragraphe 9 de la plainte et a enregistré un plaidoyer de culpabilité. Le comité l’a alors déclaré coupable des chefs d’infraction énoncés au paragraphe 9 de la plainte portée contre lui.

[8]              L’audience sur la plainte portée contre l’intimé s’est poursuivie et s’est terminée le 5 septembre 2014.

[9]              La plaignante a fait entendre Me Gabriel Clermont-Daigneault, enquêteur à la Chambre de la sécurité financière (CSF), M.B. et F.B. En défense, l’intimé a témoigné et il a fait entendre Mme Marie-Brigitte Parent, Mme Réna Tucker, tarificatrice chez compagnie d’assurance Empire Vie (Empire Vie) et M. Gilbert Deguire, vice-président chez Banque nationale assurances.

[10]        En vertu des dispositions de l’article 142 du Code des professions, le comité a émis une ordonnance de non-accessibilité, de non-publication et de non-diffusion du contenu des agendas de Mme Parent produits à titre de pièces P-31, P-32, P-33, I-22, I-23 et I-24.

II - LA PREUVE ET L’ANALYSE

1º         Les objections à la preuve

[11]        Lors de la présentation de la preuve, l’intimé s’est objecté à la production d’un compte-rendu de sa version des faits recueillie par un représentant d’Empire Vie (P-4).

[12]        De son côté, la plaignante s’est objectée à la production du document I-4 lequel fait état d’informations médicales relatives à M.B. en invoquant que ces informations n’étaient pas pertinentes à la détermination de la culpabilité de l’intimé.

[13]        La production de ces documents (P-4 et I-4) a été permise « sous réserve »; le comité ayant décidé de disposer de ces objections dans sa décision sur le fond.

[14]        Le comité est d’avis que le compte-rendu (P-4) ne serait pertinent au débat que dans la mesure où il ferait preuve d’aveux extrajudiciaires.

[15]        Aux termes de l’article 2867 C.c.Q. :

« L’aveu, fait en dehors de l’instance où il est invoqué, se prouve par les moyens recevables pour prouver le fait qui en est l’objet ».

[16]        Ainsi, les déclarations contraires à ses intérêts (aveux extrajudiciaires) qu’aurait faites l’intimé à un employé d’Empire Vie aurait pu être mises en preuve par le témoignage de ce dernier à l’audience.

[17]        Rappelons la règle suivant laquelle le témoignage, pour faire preuve, doit (sauf exception ou accord des parties) être rendu à l’audience (article 2843 C.c.Q.).

[18]        Or, cette personne n’a pas été appelée à témoigner; si tel avait été le cas, l’intimé aurait pu la contre-interroger.

[19]        Aux termes du régime d’exception prévu à l’article 2870 C.c.Q., la déclaration (le rapport écrit) de l’employé d’Empire Vie qui n’a pas comparu comme témoin aurait pu être admissible en preuve si les conditions suivantes avaient été satisfaites :

        la démonstration qu’il était impossible d’obtenir la comparution de cette personne comme témoin ou déraisonnable de l’exiger; la partie plaignante n’a pas présenté de preuve à cet égard;

        la démonstration que les circonstances entourant la déclaration donne à celle-ci des garanties suffisamment sérieuses pour pouvoir s’y fier; le compte-rendu (P-4) n’a même pas été signé par l’employé.

[20]        Pour ces motifs, l’objection est donc maintenue et la production de ce compte-rendu (P-4) n’est pas permise[2].

[21]        En ce qui a trait au document I-4, l’objection est rejetée. Les informations médicales qui y sont contenues ont servi au comité dans l’analyse qu’il a faite de la crédibilité du témoin M.B.

2º         Les chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1, 2, 3, 4, 5, 8 et 9 de la plainte au sujet des consommateurs M.B. et F.B.

[22]        La plaignante plaide que l’intimé n’a pas signé à titre de conseiller ou de témoin de la signature de M.B. et de F.B. sur les propositions, questionnaire, formulaires et reçus d’Empire Vie mentionnés à ces paragraphes de la plainte puisqu’il n’était pas présent lorsque les consommateurs ont apposé leur signature à ces documents.

[23]        Cet argument se fonde, pour l’essentiel, sur des aveux de l’intimé et sur le témoignage des deux consommateurs lesquels ont indiqué au comité n’avoir rencontré l’intimé, pour la première fois, qu’à une date postérieure à celle correspondant aux faits reprochés à la plainte.

[24]        L’intimé de son côté a plaidé qu’il était présent avec les consommateurs à chacune des dates mentionnées à la plainte (sauf en une occasion d’où le plaidoyer de culpabilité enregistré à l’égard des chefs d’infraction mentionnés au paragraphe 9 de la plainte). Il a invité le comité à écarter la version des faits qu’il a fournie aux enquêteurs de la CSF et à Empire Vie.

[25]        Face à des versions des faits nettement contradictoires sur ce qui est au cœur du débat, le comité a cherché à déterminer, parmi les témoignages entendus, ceux qui étaient les plus crédibles et probants.

a)    Les faits non contestés

[26]        Avant de procéder à cette analyse, il est utile d’énumérer certains faits révélés par la preuve et qui ne sont pas contestés :

        M.B. était cliente de l’Industrielle Alliance (l’Industrielle);

        l’intimé a occupé le poste de directeur à l’Industrielle de 2005 à 2007; Mme Parent faisait alors partie de son équipe; ils travaillaient souvent ensemble;

        Mme Parent est la représentante de M.B. en septembre 2006 et l’est demeurée jusqu’en novembre 2010 (I-21A, B et C, P-15, P-20, P-28);

        M.B. et son conjoint se séparent à la fin de l’année 2006;

        F.B. et M.B. commencent à se fréquenter en 2007;

        au-delà de leur relation d’affaires, M.B. et Mme Parent deviennent amis en 2007;

        en août 2007, M. Nantel quitte l’Industrielle et commence à travailler pour Empire Vie; M. Nantel n’aura pas de « code de représentant » avec l’Industrielle avant trois ans; de son côté, Mme Parent est « attachée » à l’Industrielle (réseau captif); M. Nantel et Mme Parent continuent cependant à travailler ensemble; Mme Parent souhaitait un jour acheter la clientèle de M. Parent et celui-ci désirait lui vendre;

        en ce qui a trait aux documents mentionnés à la plainte, M.B. a reconnu avoir signé les propositions mentionnées aux paragraphes 1 (P-5), 2 (P-6), 3 (P-7) et 8 (P-12) de la plainte, ainsi que les formulaires de modification et les reçus de livraison dont font état le paragraphe 5 (P-9) et le paragraphe 9 (P-13); F.B. a reconnu avoir signé la proposition mentionnée au paragraphe 8 de la plainte (P-12) et le formulaire de modification mentionné au paragraphe 9 (P-13); ces documents signés par M.B. et F.B. l’ont été au cours de la période de février 2008 à janvier 2010;

        en octobre 2010, l’intimé obtient de nouveau un code de représentant de l’Industrielle;

        en décembre 2010, Empire Vie annule deux des polices mentionnées à la plainte (paragraphes 3 et 8) ainsi que l’exonération des primes (paragraphe 3 de la plainte) au motif de fausses déclarations qu’aurait faites M.B. en regard de sa condition médicale (I-8);

        le 5 janvier 2011, M.B. demande, sans succès, à Empire Vie de réviser sa décision (I-9 et I-15); dans la lettre qu’elle fait parvenir à Empire, M.B. allègue qu’on l’a informée en octobre 2010 que l’intimé était son conseiller (et non Mme Parent);

        le 29 mars 2011, M. Nantel fournit sa version des faits à Empire Vie (P-3);

        le 20 avril 2011, M.B. écrit une lettre à l’Industrielle dans laquelle elle écrit notamment qu’elle n’avait jamais rencontré l’intimé avant le 15 novembre 2010 (P-19);

        le 27 avril 2011, Empire Vie formule une demande d’enquête auprès de l’AMF (P-3);

        en mai 2011, Empire Vie met fin au contrat de l’intimé (P-14);

        au cours de l’enquête de la syndique de la CSF en 2012, l’intimé a fourni sa version des faits (par écrit et lors d’entrevues); M.B. et Mme Parent l’ont également fait lors d’entrevues;

        le 20 juin 2013, la plainte a été portée.

b)   Analyse des témoignages de M.B., de F.B., de Mme Parent et de l’intimé

[27]        Procédons maintenant à l’analyse des éléments de preuve pertinents soumis par les divers témoins.

[28]        M.B. est formelle : elle n’a rencontré l’intimé, pour la première fois, que le 15 novembre 2010 lors d’une entrevue à son domicile.

[29]        Depuis plusieurs années, sa conseillère était Mme Parent; c’est elle qui lui a proposé les produits d’Empire Vie qui sont mentionnés à la plainte (car ils comportaient plus d’avantages que ceux offerts par l’Industrielle).

[30]        Ont été mis en preuve une série de documents transmis à M.B. (relevés de police (I-21A, B et C), formulaires (P-15), documents informatifs et publicitaires (P-20 et P-28) sur lesquels, de 2006 à 2009, le nom de Mme Parent apparaît comme conseillère ou représentante de M.B.

[31]        M.B. a admis avoir reçu des documents où le nom de l’intimé apparait après qu’elle ait souscrit à P-5 et P-6 mais elle a expliqué au comité avoir été informée par Mme Parent que l’intimé était son patron et que son nom y apparaissait pour ce motif.

[32]        M.B. a témoigné avec précision du lieu et du déroulement des événements survenus aux dates mentionnées aux paragraphes 1, 2, 3, 4, 5, 8 et 9 de la plainte en précisant que Mme Parent avait recueilli sa signature (et celle de son conjoint de l’époque F.B. pour ce qui est des documents mentionnés aux paragraphes 8 et 9) et que l’intimé n’était pas présent.

[33]        Dans son agenda, M.B. a indiqué des rendez-vous avec Mme Parent aux dates mentionnées aux paragraphes 2, 3 et 5 de la plainte (P-16). Par ailleurs, le nom de l’intimé n’est inscrit dans cet agenda qu’à la page du 15 novembre 2010 (P-16).

[34]        M.B. a témoigné ne jamais avoir signé le « Questionnaire sur les troubles psychologiques » (P-8) (sur lequel d’ailleurs sa signature n’apparaît pas).

[35]        À la suite d’une période d’invalidité causée par des problèmes de santé, M.B. a fait une demande pour être exonérée du paiement des primes d’assurance. Selon des notes qu’elle a prises à l’époque contemporaine (P-18) et le témoignage qu’elle a rendu à l’audience, M.B. a appris, lors d’une conversation téléphonique avec une représentante de Empire Vie, le 25 octobre 2010, que son représentant était l’intimé et non Mme Parent et qu’aucune information au sujet d’une conseillère dont le nom était Marie-Brigitte Parent n’apparaissait dans les dossiers d’Empire Vie.

[36]        Cette personne lui a également indiqué que si elle voulait changer de conseiller, c’est avec l’intimé qu’elle devait communiquer. C’est ce que M.B. a fait.

[37]        Le 15 novembre 2010 (tel qu’indiqué à son agenda P-16), l’intimé s’est présenté chez M.B. Elle était seule avec sa fille, son conjoint n’était pas présent. Elle rencontrait l’intimé pour la première fois.

[38]        Elle était alors insatisfaite des services que lui avait rendus récemment Mme Parent.

[39]        M.B. a témoigné que l’intimé lui a dit que Mme Parent et lui travaillaient ensemble étroitement et qu’elle serait appelée à « prendre sa relève ». Il a ajouté que Mme Parent connaissait des moments difficiles (Mme Parent lors de son témoignage a confirmé avoir éprouvé à l’époque des problèmes de santé).

[40]        Compte tenu de ces représentations, M.B. a accepté, à la demande de l’intimé, de rédiger et de signer (et de rédiger et de faire signer à son conjoint F.B.) la lettre suivante datée du 15 novembre 2010 adressée à l’Industrielle :

« Par la présente, je demande que M. Pierre Nantel devienne mon représentant auprès de votre cie étant mon conseiller financier depuis plusieurs années. » (I-12 et I-16).

[41]        M.B. a expliqué au comité avoir accepté de signer cette lettre, à la demande de l’intimé, pour que Mme Parent n’ait pas de « représailles ».

[42]        Pour l’essentiel, elle a fourni les mêmes explications à l’enquêteur de la CSF lors d’une entrevue téléphonique.

[43]        Dans une lettre qu’elle a fait parvenir à Empire Vie le 5 janvier 2011 (I-9) dans laquelle elle demandait que la décision d’annuler ses polices soit révisée, elle conclut en écrivant ce qui suit :

« S’il était possible, j’aimerais aussi me voir attribuer un nouvel agent pour la police d’assurance [...] et mes placements. Suite à plusieurs incidents produits à l’été 2010 j’ai demandé qu’on m’assigne un nouvel agent et on m’a référé à monsieur Pierre Nantel car on me disait qu’il était déjà mon agent. J’ai rencontré Monsieur Nantel le 15 novembre 2010 pour comprendre qu’il est le patron de Marie-Brigitte Parent. Étant donné ce conflit d’intérêt j’aimerais maintenant ne plus être cliente auprès de Monsieur Nantel sans préjudices. » (sic)

[44]        Afin de tenter de miner la crédibilité de M.B., l’intimé a fait la preuve que Empire Vie avait annulé les polices [...] (P-7) et [...] (P-12) ainsi que l’exonération des primes en ce qui concerne la police [...] (P-7) au motif qu’elle avait répondu incorrectement à certaines questions à caractère médical (I-8, lettre du 10 décembre 2010).

[45]        M.B. a expliqué, tant dans la lettre qu’elle a transmise à Empire Vie le 5 janvier 2011 (I-9) que lors de son témoignage devant le comité, les motifs pour lesquels elle n’avait pas indiqué à l’assureur certains médicaments. Elle a témoigné s’être fiée aux conseils de Mme Parent en ce qui a trait à l’un des médicaments et avoir cru que le fait qu’elle n’avait pas pris un autre médicament qui lui avait été pourtant prescrit, l’exemptait de l’obligation de le divulguer. Elle a également ajouté qu’elle croyait ne pas avoir à indiquer les visites qu’elle avait faites chez un psychologue puisqu’elle y était allée de son propre chef et non suite à une « ordonnance ».

[46]        Lors de son témoignage, Mme Parent a confirmé avoir indiqué à M.B. qu’il n’était pas nécessaire d’informer l’assureur qu’elle prenait le médicament dont il est fait état au paragraphe précédent.

[47]        Dans la version des faits que l’intimé a fait parvenir à Empire Vie le 29 mars 2011 (P-3), il mentionne qu’il a conseillé à M.B. de contester la décision de l’assureur d’annuler les polices.

[48]        Informée de la décision d’Empire Vie de maintenir sa décision et d’annuler les polices, M.B. a décidé de « tourner la page ».

[49]        Bien qu’elles n’aient pas fait en sorte qu’Empire Vie modifie sa décision, les explications fournies par M.B. sont plausibles et n’amènent pas le comité à mettre en doute sa bonne foi ni à atténuer, à ses yeux, la force probante de son témoignage.

[50]        F.B. a témoigné de ce qui suit.

[51]        Il a rencontré Mme Parent au début de l’année 2007 alors qu’il a décidé de retenir ses services à titre de conseillère. Il l’a revue à sept ou huit reprises par la suite.

[52]        Il a signé la proposition P-12 le 19 novembre 2009 (paragraphe 8 de la plainte) en présence de M.B. et de Mme Parent; l’intimé n’était pas présent.

[53]        Mme Parent n’a pas complété la proposition devant M.B. et lui; elle l’a fait hors leur présence.

[54]        En ce qui a trait au formulaire de modification de la proposition P-13 (paragraphe 9 de la plainte), il l’a signé le 18 janvier 2010 en présence de Mme Parent et de M.B.; l’intimé n’était pas présent. F.B. n’avait jamais d’ailleurs entendu parler de lui à l’époque.

[55]        F.B. a croisé une fois l’intimé; il arrivait à l’appartement de M.B. sur la rue St-Ferdinand en 2010 alors que l’intimé quittait. À cette époque, il était séparé de M.B.; ils étaient en « thérapie de couple ».

[56]        Il s’était rendu chez son ex-conjointe ce soir-là afin d’y rencontrer l’intimé. Il a témoigné de ce qui suit :

« J’étais supposé rencontrer M. Nantel parce que… notre assurance conjointe était transférée à M. Nantel. Je devais le rencontrer ce soir-là mais lui devait quitter pour un autre rendez-vous, j’imagine. »

[57]        Mme Parent n’était pas présente ce soir-là car, selon F.B., « tout était cancellé avec Mme Parent à cette époque ».

[58]        Il a reconnu sa signature sur le document du 15 novembre 2010 (I-16) qu’avait rédigé M.B. à la demande de l’intimé afin que « Mme Parent n’ait pas de préjudice » selon ce que son ex-conjointe lui avait dit.

[59]        M.B. et F.B. ont ainsi tous deux témoigné avoir rencontré l’intimé pour la première fois en 2010.

[60]        De son côté, Mme Parent a témoigné que l’intimé, son patron jusqu’en août 2007 chez l’Industrielle, l’accompagnait régulièrement chez des clients afin de superviser son travail et de pourvoir à sa formation.

[61]        Après août 2007, il a continué à l’accompagner chez certains clients dont M.B. et F.B. pour des produits financiers offerts par Empire Vie. Elle a ajouté qu’elle était allée à quelques reprises, seule, rencontrer M.B. et que l’intimé l’avait également fait de son côté.

[62]        De façon à préciser au comité les dates où l’intimé l’avait accompagnée chez M.B. (ou M.B. et F.B.), elle a référé à ses agendas 2007, 2008 et 2010 lesquels ont été  produits dans leur intégralité (P-31, P-32 et P-33); elle n’a cependant pu retracer son agenda 2009.

[63]        En regard du 19 février 2008 (P-5, paragraphe 1 de la plainte) il est indiqué : « M.B. acc. Pierre » dans son agenda (P-32).

[64]        En ce qui a trait au 18 janvier 2010 (P-13, paragraphe 9 de la plainte), rien n’est indiqué dans son agenda. On y lit cependant la mention « M.B., F.B. acc. Pierre » le 19 janvier 2010 (P-33).

[65]        Rappelons que l’intimé a admis qu’il n’était pas présent lors de la livraison de P-13 et qu’il a plaidé coupable aux chefs d’infraction énoncés au paragraphe 9. Mme Parent a indiqué au comité que c’était probablement elle qui avait fait cette livraison.

[66]        Le 20 juin 2007, elle a écrit dans son agenda « livraison M.B. » (P-31); elle a témoigné qu’elle avait livré à M.B. (sans que l’intimé ne soit présent) un avenant d’une police d’assurance de l’Industrielle.

[67]        La preuve a révélé que Mme Parent a complété et fait signer à M.B. les déclarations d’invalidité (I-6 et I-7) du 17 septembre 2010. Il est pourtant indiqué à son agenda qu’elle était en formation à cette date et elle n’y a rien indiqué au sujet de M.B. Mme Parent a mentionné au comité que c’était peut-être mal indiqué dans son agenda.

[68]        De plus, à la lecture de l’agenda de Mme Parent pour la période du 1er janvier au 1er août 2007 (période au cours de laquelle elle faisait équipe avec l’intimé à l’Industrielle), on ne retrouve aucune mention à l’effet que l’intimé l’aurait accompagnée chez un client autre que M.B. Pourtant, l’intimé et Mme Parent ont témoigné qu’ils allaient régulièrement voir les clients ensemble.

[69]        Le comité est d’avis que les agendas de Mme Parent ne sont pas des éléments  corroboratifs convainquant de son témoignage.

[70]        Pour ce qui est des rendez-vous avec M.B. (ou M.B. et F.B.) en 2009 (année pour laquelle elle n’a pu se référer à son agenda ne l’ayant pas retracé), elle a témoigné que l’intimé l’accompagnait le 12 janvier 2009 (P-6 et P-7, paragraphes 2 et 3 de la plainte) et le 19 novembre 2009 (P-12, paragraphe 8 de la plainte). Elle n’en a pas témoigné de façon claire pour ce qui est du 16 avril 2009 (P-9, paragraphe 5 de la plainte).

[71]        En ce qui a trait au « Questionnaire sur les troubles psychologiques » (P-8, paragraphe 4 de la plainte), Mme Parent n’a pu témoigner de souvenirs précis; elle a plutôt émis des hypothèses que l’on peut résumer ainsi : la compagnie d’assurance a dû formuler une demande, j’ai dû contacter M.B., j’ai dû compléter le questionnaire; j’ai dû le faire par téléphone car la signature de M.B. n’y est pas; je l’ai remis ou fait parvenir à l’intimé pour qu’il le signe et pour qu’il l’envoie à la compagnie d’assurance.

[72]        Quant à I-12 et I-16, Mme Parent a témoigné que M.B. et F.B. avaient signé ces lettres à sa demande à une époque où elle n’allait pas bien et prévoyait quitter l’Industrielle; elle ne voulait pas qu’ils deviennent des clients « orphelins ».

[73]        Le comité accorde une certaine importance au fait que Mme Parent a témoigné qu’elle se proposait d’acheter la clientèle de l’intimé; que le projet était sur la glace à cause de ses problèmes de santé; et que si sa santé s’améliorait elle pourrait encore l’acheter. Le comité ne peut écarter que l’intimé, comme « mentor », ait encore de l’influence sur Mme Parent et que le témoignage de celle-ci s’en trouve affecté.

[74]        De plus, au cours de son témoignage, Mme Parent a souvent utilisé les mots et expressions : « probablement », « ça doit être », « je présume », en plus de se rabattre sur des hypothèses et des généralités.

[75]        Le comité procède maintenant à l’étude du témoignage de l’intimé.

[76]        D’abord appelé par Empire Vie à fournir des explications et plus particulièrement à répondre à la question : « Quand avez-vous rencontré M.B. avant la signature des propositions en 2008 et 2009… », l’intimé a écrit ce qui suit le 29 mars 2011 (P-3) :

« J’ai été directeur des ventes à Industrielle Alliance (agence Cartier) de 2005 à 2007. Mme Parent était sous ma responsabilité, ma supervision comme directeur des ventes durant cette période, donc j’ai appris à très bien connaître Mme Parent. C’est une conseillère très professionnelle et très près de ses clients. Depuis mon départ de l’Industrielle Alliance Mme Parent et moi avont continué à travailler ensemble. Il avait une clause dans mon contrat de directeur qui disait qu’il m’était impossible d’avoir un code de représentant avec Industrielle Alliance pas avant trois ans. C’est-à-dire du 01-08-2007 à septembre 2010. J’ai maintenant un code de représentant depuis octobre 2010. Durant cette période j’ai fait des REE et assrance-hypothécaire avec industrielle Alliance. Ces ventes ont passé sur le code de Mme Parent et de M. Gérard Thibeault (Services Financiers G.Thibeault).

M.B. est la cliente de Mme Parent depuis Industrielle Alliance 17 Août 2004. Donc je connais le dossier de M.B. depuis 2005 ses deux périodes de déprimes suite à ses deux séparations de ses conjoints. Tous les informations concernant les médicaments, questionnaires psychologiques etc. ont été inscrit dans les propositions-vie. Le seul élément qui n’est pas inscrit a été son ONOVULANT pour rétablir de façon régulière sa période de menstruation. M.B. le confirme à Mme Parent ainsi qu’a moi à deux reprises à l’automne dernier, lors d’une rencontre à son domicile et à un appel téléphonique en décembre 10. M.B. me confirme qu’elle a parlé à son médecin et que celui-ci est prêt à confirmer l’affirmation de M.B. Mme Parent à rempli les propositions d’assurance-vie et de placement avec mon accord car on connaissait M.B. depuis 2004 et pour moi 2005. Cela à permis à Mme Parent de se familiarisé avec les produits de Empire. Depuis 20 ans j’ai rarement inscrit les onovulants dans mes propositions-vie. Toutes les autres informations des clients sont inscrites dans mes propositions. L’analyse des besoins de M.B. sont dans les dossiers client de Industrielle-Alliance. Je ne fais pas d’analyse si mon client me demande une assurance-vie pour son enfant. Les services financier-sensiels AGA n’a pas toutes les compagnies. Si j’ai un client qui a besoin d’un produit spécifique et que mon AGA ne peut l’offrir j’utilise on réseaux contact de conseillers et eux vont signer la proposition. Je l’ai fait durant trois ans avec Industrielle-Alliance par l’entremise de Mme parent et des Services Financiers G. Thibeault. Maintenant que j’ai un code j’ai récupéré tous mes clients. » (sic)

(nous avons souligné)

[77]        Le 27 avril 2011, Empire Vie a transmis à l’AMF une demande d’enquête au sujet de l’intimé (P-3). Le 5 septembre 2012, l’enquêteur Alain Roberge de la CSF a informé l’intimé d’une enquête liée à ses activités professionnelles à titre de représentant. Il a demandé à l’intimé de lui faire parvenir le dossier intégral de M.B. (P-30).

[78]        Le 18 septembre 2012, l’enquêteur de la CSF a reçu de l’intimé le dossier de M.B. et une lettre (P-14) dans laquelle il exposait sa version des faits. Il y mentionnait les éléments suivants :

        Mme Parent faisait partie de son équipe à l’Industrielle;

        il a accompagné Mme Parent chez plusieurs de ses clients dont M.B.;

        après son départ de l’Industrielle, il a continué à faire équipe avec Mme Parent;

« En 2009, nous avons à nouveau rencontré M.B. ensemble et trois contrats ont été émis avec Empire Vie. C’est lors de la rencontre du dernier contrat fait avec M.B. que je n’ai pu assister à la signature de ce contrat, j’ai par contre été présent lors de la livraison. »;

        il connaissait cette cliente depuis plusieurs années et l’avait rencontrée à plusieurs reprises; et « [il] était loin de « se » douter que le fait de ne pas avoir été présent pour cette signature serait considéré comme un manquement au Code de déontologie »;

        il a ensuite indiqué à M. Roberge qu’il ne commettrait plus une telle erreur d’autant plus que Mme Parent n’est plus rattachée à l’Industrielle par le réseau captif; ils sont tous les deux maintenant représentants autonomes.

[79]        Au sujet de cette lettre (P-14), il a témoigné qu’il a indiqué, par erreur, ne pas avoir assisté à la signature d’un contrat en 2009 alors que cet événement est survenu en 2010. Il a expliqué au comité qu’il avait rédigé cette lettre de mémoire et sans l’aide de documents.

[80]        Ce témoignage a de quoi étonner. En effet, au premier paragraphe de cette lettre, il écrit :

« Tel que demandé, je vous fais parvenir le dossier de M.B. et les documents que vous m’avez demandé. » (sic)

[81]        De plus, au moment où il a écrit cette lettre (P-14), Empire Vie avait formulé une demande d’enquête à la CSF à son sujet en avril 2011 et avait mis fin à son contrat en mai 2011. De son côté, il avait intenté des procédures judiciaires contre Empire Vie au printemps 2012.

[82]        Cela dit, l’état de l’ensemble de son dossier devait normalement l’amener à réviser avec attention les faits avant de répondre à l’enquêteur de la CSF.

[83]        Dans la lettre (P-3) qu’il a fait parvenir à Empire Vie le 29 mars 2011, l’intimé a mentionné avoir rencontré M.B. à son domicile à l’automne 2010.

[84]        À l’audience, il a mentionné, à plusieurs reprises, qu’il n’avait pas vu M.B. en 2010; il a ajouté que dans sa lettre (P-3) il indiquait plutôt que c’est Mme Parent qui avait rencontré M.B. en 2010 et que, de son côté, il n’avait eu qu’une conversation téléphonique avec M.B. au cours de cette même année.

[85]        Pourtant, il a déclaré aux enquêteurs lors de l’entrevue du 6 novembre 2012 (P-21A) avoir été présent chez M.B. le 17 septembre 2010 lorsque celle-ci a signé ses déclarations d’invalidité (I-6 et I-7). À l’audience, l’intimé a plutôt témoigné qu’il n’était pas présent avec Mme Parent ou avec M.B. le 17 septembre 2010 lorsque les déclarations d’invalidité (I-6 et I-7) ont été complétées.

[86]        Rappelons que M.B. et F.B. ont témoigné n’avoir vu l’intimé pour la première fois qu’en 2010.

[87]        Dans la lettre (P-14) qu’il a fait parvenir à la CSF en septembre 2012 et dans l’entrevue qu’il a eue avec les deux enquêteurs, le 6 novembre 2012, il a reconnu ne pas avoir été le témoin de la signature de M.B. et de F.B. sur la proposition P-12 le 19 novembre 2009 (paragraphe 8 de la plainte). À l’audience, il a témoigné ne pas avoir signé l’illustration I-11 (signée par M.B. et F.B. le 19 novembre 2009) car il n’était pas présent.

[88]        La proposition (P-12) a été complétée et signée par M.B. et F.B. en l’absence de l’intimé le 19 novembre 2009 et ce dernier l’a signée le 20 novembre 2009 lorsque le document lui a été présenté. Il a signé la proposition (P-12) puisque Mme Parent ne pouvait « signer avec Empire Vie ». Lors de l’entrevue du 6 novembre 2012 avec les enquêteurs, l’intimé a reconnu sa faute (paragraphe 8 de la plainte). Par contre, à l’audience, il a témoigné qu’il était présent le 19 novembre 2009.

[89]        Lors de cette même entrevue, il a admis qu’il n’était pas présent le 16 avril 2009 lors de la livraison de la police [...] (P-9) (paragraphe 5 de la plainte). À l’audience, il a témoigné qu’il était présent le 16 avril 2009 lors de la rencontre avec M.B.; il a ajouté avoir fait erreur lors de l’entrevue avec les enquêteurs.

[90]        L’intimé a témoigné avoir rencontré F.B. chez M.B. en 2006 et avoir regardé avec lui à la télévision une période d’un match de hockey. La preuve a pourtant révélé que M.B. et F.B. ont commencé à se fréquenter en 2007; il est improbable que l’intimé et F.B. se soient vus chez M.B. en 2006.

[91]        En ce qui a trait au « Questionnaire sur les troubles psychologiques » (P-8) (paragraphe 4 de la plainte), la signature de l’intimé apparaît à la rubrique « signature du témoin » en date du 25 février 2009 sur P-8 alors que celle de M.B. n’y apparaît pas. Une copie de P-8 a été transmise par l’intimé à l’enquêteur.

[92]        M.B. a témoigné qu’elle n’avait pas complété P-8 et a ajouté que son nom y avait été écrit incorrectement.

[93]        Dans son témoignage, l’intimé a été particulièrement nébuleux au sujet de ce document P-8. Il a d’abord indiqué au comité que le « Questionnaire sur les troubles psychologiques » avait été complété avec M.B. au moment où les propositions ont été complétées le 12 janvier 2009. L’intimé a alors expliqué qu’il avait ainsi procédé parce qu’il savait que Empire Vie demanderait qu’un tel questionnaire soit complété vu les antécédents médicaux de M.B.

[94]        Après avoir reçu d’Empire Vie un courriel du 24 février 2009 (I-20B) dans lequel il était fait mention de l’exigence d’un tel questionnaire, l’intimé a complété avec Mme Parent (mais hors la présence de M.B.) le « Questionnaire » (P-8) et il l’a signé à titre « d’aide-mémoire ».

[95]        Il aurait alors été demandé à M.B. de confirmer que les mentions apparaissant à P-8 étaient conformes à la réalité.

[96]        Pressé de questions, l’intimé a mentionné au comité que Empire Vie avait l’original du « Questionnaire » sur lequel on retrouvait la signature de M.B.

[97]        Il a ensuite témoigné qu’il avait rencontré M.B. le 25 février 2009 ou dans les jours qui ont suivi au sujet du « Questionnaire » et qu’il pourrait être plus précis quant à la date de l’entrevue s’il avait en main l’original de P-8.

[98]        Mme Resa Tucker, tarificatrice chez Empire Vie a par la suite été assignée comme témoin; elle a produit une copie numérisée de l’original du « Questionnaire » P-8 (copie produite sous P-8A) qui se trouve au dossier.

[99]        On ne trouve rien de plus à P-8A qu’à P-8. De façon plus particulière, la signature de M.B. n’y apparaît pas.

[100]     La thèse proposée par l’intimé suivant laquelle le dossier de Empire Vie révélerait que M.B. avait signé P-8 ne s’est pas avérée.

[101]     D’autre part, l’intimé a d’abord témoigné avoir été présent lors de la rencontre avec M.B. le 19 février 2008 (paragraphe 1 de la plainte). Il a ensuite indiqué au comité que sa première rencontre avec M.B. avait eu lieu le 12 janvier 2009 (pour P-6, P-7, I-1 et I-4; paragraphes 2 et 3 de la plainte). Il a subséquemment indiqué au comité qu’il s’était trompé et que la première entrevue avec elle avait été tenue le 19 février 2008.

[102]     Le comité n’accorde pas beaucoup de poids aux explications fournies par l’intimé à l’audience pour tenter de justifier pourquoi il ne devrait pas être tenu compte de certains éléments contenus à la lettre (P-14) et à la version des faits qu’il a fournie aux enquêteurs.

[103]     De plus, malgré que l’enquêteur de la CSF lui ait demandé l’intégralité de son dossier le 5 septembre 2012 (P-30), l’intimé a déposé à l’audience des pièces qu’il n’avait pas fait parvenir à M. Roberge. Il a expliqué au comité qu’il n’avait pu faire parvenir à l’enquêteur ce que son avocat (dans le dossier civil) avait en main. Cette explication est simpliste aux yeux du comité : l’intimé aurait pu demander à son avocat copie de ce qui lui manquait ou encore indiquer à l’enquêteur qu’il ne lui faisait pas parvenir l’intégralité de son dossier.

[104]     Le comité s’interroge également sur le fait que l’intimé ait trouvé certaines pages de son agenda (pièces I-17 et I-18) la veille de son témoignage afin de tenter de convaincre le comité qu’il avait bel et bien été présent aux rendez-vous avec M.B.

[105]     De plus, les versions des faits offertes par l’intimé (par écrit et oralement avant l’audience et dans le cadre de son témoignage) contiennent (comme l’étude du comité l’a démontré aux paragraphes 76 à 101) de nombreuses contradictions. Le témoignage de l’intimé est peu crédible. Le comité a constaté que l’intimé avait, en quelques occasions, « tenté d’ajuster » son témoignage afin de le faire correspondre à la thèse qu’il proposait. Bref, le témoignage qu’il a rendu à l’audience est, dans l’ensemble, peu probant. Ajoutons à cela que l’intimé a admis à l’audience que les nombreux problèmes de santé qu’il avait éprouvés au cours des années avaient affecté sa mémoire.

[106]     Pour les raisons indiquées précédemment aux paragraphes 60 à 74, le témoignage de Mme Parent ne convainc pas non plus.

[107]     Le comité accorde au témoignage de M.B. une grande valeur probante. Le comité ajoute à ce qu’il a indiqué aux paragraphes 28 à 49 que M.B. n’a pas formulé de « plainte » contre Mme Parent ou contre l’intimé à l’AMF ou à la CSF; elle est venue témoigner à la demande de la plaignante et n’avait rien « à gagner » dans ce dossier. Il en est de même pour F.B., son ex-conjoint.

[108]     Cela dit, le comité croit utile d’ajouter ce qui suit.

[109]     Même si le comité avait cru que l’intimé était présent chez M.B. aux dates mentionnées à la plainte, cela n’aurait pas suffi à le disculper.

[110]     En effet, aux paragraphes 1, 2, 3 et 8 de la plainte, il lui est reproché d’avoir signé à titre de conseiller et témoin de la signature de M.B. (de M.B. et de F.B. dans le cas du paragraphe 8) et aux paragraphes 4 et 5 d’avoir signé à titre de témoin de la signature de M.B.

[111]     Or, la preuve a démontré que c’est Mme Parent qui a agi à titre de conseillère de M.B. et F.B. C’est elle qui faisait parvenir à M.B. les relevés et les informations écrites pertinentes; qui prenait rendez-vous avec elle, qui proposait à M.B. et à F.B. des produits adaptés à leurs besoins; qui fournissait, lors des entrevues, la majorité des informations nécessaires et qui complétait, dans une très large mesure, les formulaires.

[112]     De plus, aucun élément de preuve substantiel n’a été présenté quant à la « procédure » suivant laquelle M.B. et F.B. auraient signé en présence de l’intimé lequel aurait alors agi à titre de témoin des signatures pour ensuite signer, à son tour, à ce titre.

[113]     L’ensemble de la preuve amène le comité à conclure que l’intimé a apposé sa signature sur les documents mentionnés à la plainte (hors la présence de M.B. et de F.B.) afin de toucher les commissions versées par Empire Vie et de tenter de faire en sorte que les dossiers de M.B. et de F.B. témoignent du fait qu’il avait agi comme leur conseiller.

[114]     En d’autres termes, il ne suffisait pas à l’intimé de tenter de convaincre le comité qu’il était présent aux dates mentionnées à la plainte, encore aurait-il fallu (pour les paragraphes 1, 2, 3 et 8) qu’il convainque le comité qu’il avait agi à titre de conseiller et qu’en présence des consommateurs, il avait signé comme témoin de leur signature.

[115]     Pour ce qui est des infractions invoquées en regard des paragraphes 4 et 5, le comité en arrive à la même conclusion quant au fait que la preuve n’a pas été faite qu’il a, en présence des consommateurs, signé à titre de témoin de leur signature.

[116]     Pour toutes ces raisons, le comité conclut qu’en agissant de la façon décrite aux paragraphes 1, 2, 3, 4, 5 et 8 de la plainte, l’intimé n’a pas agi avec compétence, professionnalisme et intégrité.

[117]     Il sera donc reconnu coupable des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1, 2, 3, 4, 5 et 8 de la plainte.

3º         Les chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 6 et 7 de la plainte au sujet des consommateurs N.C. et E.L.

[118]     Sur les trois propositions de régime épargne-études individuel auxquelles a souscrit N.C. en septembre 2008 (P-10) et sur celle à laquelle E.L. a souscrit en octobre 2008 (P-11), le nom et la signature de Gérald Thibeault apparaissent à titre de témoin et de représentant et non celui de l’intimé.

[119]     Or, la preuve a révélé que M. Thibeault n’était pas présent lors de ces souscriptions.

[120]     Dans la déclaration écrite (P-29) de N.C. qui a été produite pour tenir lieu de son témoignage, il est indiqué ce qui suit :

        l’intimé s’occupait de l’ensemble de ses produits financiers;

        en 2008, elle l’a rencontré et elle a souscrit à des régimes d’épargne-études pour ses trois enfants;

        elle n’a jamais rencontré ni ne connaît Gérald Thibeault.

[121]     Le comité a retenu ce qui suit de la version des faits fournie oralement par l’intimé à l’enquêteur Alain Roberge de la CSF le 7 décembre 2012 et dont l’enregistrement a été produit (P-21B) :

        lors de cette entrevue, l’intimé avait en main les propositions (P-10 et P-11);

        puisqu’il avait quitté son poste de directeur de l’Industrielle en 2007, il n’avait pas de « code de représentant » auprès de cette compagnie au cours de la période de 2007 à 2010;

        il a complété avec Mme Parent les propositions (P-10 et P-11); lors des entrevues avec les clients, N.C. et E.L., Gérald Thibeault n’était pas présent;

        afin de toucher des commissions, il a fait signer les propositions par Gérald Thibeault lequel était autorisé à vendre des produits de l’Industrielle; après avoir complété les formalités auprès de cette compagnie, Gérald Thibeault lui a versé les commissions.

[122]     Sur la version des faits qu’il a transmise à la compagnie Empire Vie le 29 mars 2011 (P-3), l’intimé indique avoir fait des ventes de produits de l’Industrielle (au cours de la période de 2007 à 2010) qui ont « passé sur le code de Mme Parent et de M. Gérald Thibeault ».

[123]     L’enregistrement de l’entrevue téléphonique que Marie-Brigitte Parent a eue avec Alain Roberge le 16 janvier 2013 a également été mis en preuve.

[124]     Mme Parent avait alors en main les propositions (P-10 et P-11) et elle a indiqué à l’enquêteur ce qui suit :

        elle a accompagné l’intimé lors des entrevues avec les clients de ce dernier, N.C. et E.L.; M. Thibeault n’était pas présent;

        elle a complété certaines des mentions apparaissant à ces propositions et a fourni des informations aux clients quant aux régimes d’épargne-études;

        elle n’était pas présente lorsque Gérald Thibeault a signé.

[125]     La procureure de l’intimé a plaidé que Mme Parent avait complété les propositions (P-10 et P-11), qu’elle avait fourni les explications aux clients et que c’est elle, en fait, qui avait agi à titre de représentante et non l’intimé. En d’autres termes, si quelqu’un est coupable des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 6 et 7, c’est Mme Parent et non l’intimé.

[126]     Le comité ne partage pas ce point de vue.

[127]     Des aveux extrajudiciaires que l’intimé a faits à l’enquêteur Roberge, du courriel transmis à Empire Vie (P-3) et des faits relatés par Mme Parent à l’enquêteur, il est clair que l’intimé a agi comme représentant lorsque N.C. et E.L. ont souscrit à des propositions de régime épargne-études; que l’intimé n’aurait pas eu droit à des commissions s’il avait indiqué son nom et signé les propositions (P-10 et P-11) à ce titre et qu’il a demandé à Gérald Thibeault (lequel était autorisé à vendre des produits de l’Industrielle) d’indiquer son nom et de signer à titre de témoin et de représentant de façon à pouvoir toucher les commissions lesquelles lui ont ensuite été versées.

[128]     Le fait que Mme Parent ait effectué une partie du travail n’a pas fait en sorte que l’intimé a cessé d’être le représentant de ses clients.

[129]     L’intimé n’a donc pas divulgué à l’Industrielle Alliance son statut de représentant sur les propositions P-10 et P-11.

[130]     L’intimé n’a pas fourni à l’assureur les renseignements qu’il est d’usage de fournir; il n’a pas agi avec compétence, professionnalisme et intégrité.

[131]     Il sera donc reconnu coupable des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 6 et 7 de la plainte.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimé en regard des chefs d’infraction énoncés au paragraphe 9 de la plainte.

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité prononcée à l’audience quant aux chefs d’infraction énoncés au paragraphe 9 de la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 de la plainte; et

CONVOQUE les parties à l’audience sur sanction et demande à la secrétaire du comité de faire le nécessaire à cet égard.

 

 

(s) Me Sylvain Généreux  _____________

Me Sylvain Généreux

Président du comité de discipline

 

(s) Ginette Racine   __________________

Mme Ginette Racine, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

(s) John Ruggieri  ___________________

M. John Ruggieri, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Julie Piché

Therrien Couture, avocats s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la plaignante

 

Me Monique Ménard

Bernard & Brassard, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de l’intimée

 

Dates d’audience :

 11, 12, 13, 14 mars et 5 septembre 2014

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] La décision sur culpabilité et sanction a été rendue contre Marie-Brigitte Parent dans le dossier CD00-0997.

[2] Précis de la preuve, 6e Éd., 2005, Léo Ducharme, Wilson Lafleur, section 1255 à 1420; Québec Métal Recyclé (FNF) inc. c. Transport Express inc. (CS) EYB2005-98179; Dubé c. Cliche (CA) REJB 2003-49607.

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