Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

Chambre de la sécurité financière c. Parent

2015 QCCDCSF 17

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA                                                                     

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0997

 

DATE :

17 avril 2015

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Sylvain Généreux

Président

Mme Ginette Racine, A.V.C.

Membre

M. John Ruggieri, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

MARIE-BRIGITTE PARENT, conseillère en sécurité financière (numéro de certificat 160778)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

I - LA PLAINTE ET LE DÉROULEMENT DE L’INSTANCE

[1]              Une plainte en date du 20 juin 2013 a été portée contre l’intimée.

[2]              Les chefs d’infraction énoncés aux quatre paragraphes de cette plainte se lisent comme suit :

 

M.B.

 

1.         Dans la grande région de Montréal, le ou vers le 19 février 2008, l’intimée n’a pas divulgué à l’assureur son statut de conseillère alors qu’elle faisait souscrire à M.B. la proposition portant le numéro [...] ayant donné lieu à l’émission de la police [...] (fonds distincts) d’Empire Vie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D‑9.2, r.3);

 

2.         Dans la grande région de Montréal, le ou vers le 12 janvier 2009, l’intimée n’a pas divulgué à l’assureur son statut de conseillère alors qu’elle faisait souscrire à M.B. la proposition portant le numéro [...] ayant donné lieu à l’émission de la police [...] (fonds distincts) d’Empire Vie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D‑9.2, r.3);

 

3.         Dans la grande région de Montréal, le ou vers le 12 janvier 2009, l’intimée n’a pas divulgué à l’assureur son statut de conseillère alors qu’elle faisait souscrire à M.B. la proposition des polices d’assurance vie [...] et [...] d’Empire Vie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D‑9.2, r.3);

M.B. et F.B.

 

4.         Dans la grande région de Montréal, le ou vers le 19 novembre 2009, l’intimée n’a pas divulgué à l’assureur son statut de conseillère alors qu’elle faisait souscrire à M.B. et F.B. la proposition de la police d’assurance vie [...] d’Empire Vie, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D‑9.2, r.3).

[3]              À la demande de l’intimée, le président du comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a permis que cette plainte soit réunie à celle portée contre Pierre Nantel dans le dossier CD00-0999 et que ces deux plaintes soient instruites en même temps et jugées sur la même preuve.

[4]              Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) a d’abord siégé à Montréal les 11, 12, 13 et 14 mars 2014.

[5]              Me Monique Ménard représentait alors les intimés et Me Julie Piché la plaignante.

[6]              En cours d’audience, le 13 mars 2014, l’intimée a indiqué au comité qu’elle désirait enregistrer un plaidoyer de culpabilité.

[7]              Le comité l’a interrogée afin de s’assurer qu’elle comprenait bien le sens et la portée d’un tel plaidoyer.

[8]              Le comité a ensuite déclaré l’intimée coupable des chefs d’infraction contenus aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 de la plainte sur la base de son plaidoyer de culpabilité.

[9]              En vertu des dispositions de l’article 142 du Code des professions, le comité a émis une ordonnance de non-accessibilité, de non-publication et de non-diffusion quant au contenu des agendas de l’intimée produits à titre de pièces P-31, P-32, P-33, I-22, I‑23 et I-24.

[10]        Lors de l’audience sur sanction le 12 septembre 2014, l’intimée n’était plus représentée par avocat.

 

II - LA PREUVE

[11]        À l’époque des faits pertinents à la plainte, l’intimée détenait un certificat dans la discipline de l’assurance de personnes pour le cabinet Industrielle Alliance (l’Industrielle) (SP-1).

[12]        Elle ne pouvait faire souscrire ses clients qu’à des produits de l’Industrielle.

[13]        Croyant que certains produits offerts par Empire Vie conviendraient mieux aux besoins de ses clients M.B. et F.B., elle les a amenés à souscrire aux produits mentionnés à la plainte (P-5, P-6, P-7 et P-12).

[14]        Dans chacun des cas, un autre représentant, Pierre Nantel (lequel était autorisé à faire souscrire à des produits de Empire Vie), a signé les propositions.

[15]        Par conséquent, pour chacune des propositions mentionnées à la plainte, l’intimée n’a pas divulgué à l’assureur son statut de conseillère alors qu’en fait, elle y avait fait souscrire M.B. et F.B.

[16]        À l’audience sur sanction, l’intimée a témoigné de ce qui suit :

     lorsqu’elle a commis les infractions, cette façon de faire était pratique courante dans son milieu;

     elle est désolée et ne se fiera plus, à l’avenir, à ce que ses pairs lui disent; elle vérifiera ce qui lui est permis de faire;

     les infractions commises n’ont pas causé préjudice à ses clients, M.B. et F.B.;

     elle n’a pas été rémunérée pour les souscriptions mentionnées à la plainte; Pierre Nantel l’a été;

     à l’époque où les infractions ont été commises, elle se proposait d’acheter la clientèle de Pierre Nantel; elle n’avait cependant pas discuté du prix de vente avec ce dernier; Pierre Nantel lui « enseignait gratuitement »;

     la façon dont il a été procédé lui permettait de conserver sa clientèle;

     au cours des dernières années, elle a éprouvé des problèmes de santé et sa rémunération annuelle des trois dernières années s’est chiffrée à 23 000 $, 13 000 $ et 14 000 $;

     elle pourvoit aux besoins de ses trois enfants, tous adolescents;

     sa santé commence à s’améliorer;

     elle n’a plus l’intention d’acheter la clientèle de Pierre Nantel.

[17]        La preuve a également révélé que l’intimée n’a pas d’antécédents disciplinaires.

III - LES REPRÉSENTATIONS SUR SANCTION

[18]        La plaignante a souligné les facteurs aggravants et atténuants que le comité devait prendre en compte et référé aux décisions rendues dans les affaires Lachance, Breton et Tremblay[1].

[19]        Elle a proposé les sanctions et mesures suivantes :

     la condamnation de l’intimée à des amendes de 3 000 $ (pour un total de 6 000 $) en ce qui a trait aux chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1 et 4 de la plainte;

     l’imposition de réprimandes en ce qui a trait aux chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 2 et 3 de la plainte;

     accorder un délai de 24 mois pour le paiement des amendes, lequel devant être fait au moyen de 24 versements mensuels, égaux et consécutifs, le montant total encore dû devenant exigible à défaut par l’intimée de payer à temps l’une des mensualités;

     la condamnation de l’intimée au paiement de 25% des déboursés.

[20]    L’intimée a recommandé au comité de la condamner au paiement d’une amende de 2 000 $ et de lui accorder un délai de 24 mois pour payer. Elle n’a pas fait de recommandation particulière en ce qui a trait aux déboursés.

IV - L’ANALYSE

[21]    Pour l’essentiel, le comité prend en compte les facteurs atténuants et aggravants soulignés par la procureure de la plaignante lors de sa plaidoirie :

     l’intimée a été influencée par son « mentor », Pierre Nantel, dans la façon dont elle a procédé;

     l’intimée n’a pas agi de mauvaise foi; elle a proposé à ses clients, M.B. et F.B., des produits adaptés à leurs besoins mais elle n’a pas procédé de façon conforme à ce que prévoit la réglementation;

     bien qu’elle espérait ultimement en retirer un avantage, elle n’a pas été rémunérée dans le cadre des propositions mentionnées à la plainte;

     la situation financière de l’intimée est précaire et elle a trois enfants à charge;

     l’intimée a compris la leçon et elle a exprimé des remords sincères à l’audience; les risques de récidive sont minces;

     ses clients, M.B. et F.B., n’ont pas subi de préjudice financier.

[22]    En contrepartie, le comité ne peut écarter les éléments suivants lesquels ont également été soulignés par la procureure de la plaignante :

     l’intimée avait quand même quatre ou cinq ans d’expérience lorsqu’elle a commis les infractions;

     elle a agi de façon déontologiquement incorrecte à quatre reprises au cours d’une période d’un an et demi; on ne peut parler d’une faute isolée;

     les infractions commises mettent en péril la relation de confiance qui doit exister entre assureurs et représentants et l’image de la profession s’en trouve entachée.

[23]    Les recommandations de la plaignante se retrouvent dans « la fourchette » de sanctions imposées par le comité dans les décisions qu’elle a soumises. Elle a tenu compte du principe de la globalité des sanctions pour proposer la condamnation à des amendes et l’imposition de réprimandes.

[24]    Cependant, certains éléments propres au présent dossier amènent le comité à ne pas retenir complètement ces recommandations.

[25]    Le comité accorde une importance significative au fait que l’intimée n’a pas été rémunérée dans le cadre des souscriptions mentionnées à la plainte. Le comité prend en compte également la situation financière précaire de l’intimée et ses charges familiales importantes.

[26]    Dans ce contexte, l’imposition d’amendes totalisant 6 000 $ rendrait ardu le désir de l’intimée de prendre un nouveau départ. Rappelons qu’en droit disciplinaire, l’imposition des sanctions vise à protéger le public et non à punir le professionnel; il faut ainsi éviter d’imposer des sanctions dont chacune peut être justifiée mais dont le total peut être accablant.

[27]    Le comité condamnera donc l’intimée au paiement d’une amende de 3 000 $ en regard des chefs d’infraction énoncés au paragraphe 4 de la plainte et des réprimandes pour ce qui est des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1, 2 et 3 de la plainte.

[28]    Tel que proposé par les parties, l’intimée se verra accorder un délai de 24 mois pour payer l’amende; elle devra cependant le faire à raison de versements mensuels égaux et consécutifs et le montant total encore dû deviendra exigible à défaut par elle de payer l’une des mensualités à la date prévue.

[29]    Quant aux déboursés, l’intimée ayant plaidé coupable au début de la troisième des quatre journées d’enquête de l’audience « conjointe », elle sera condamnée à payer 25% des déboursés.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimée en regard des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1 à 4 de la plainte;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimée quant aux chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1 à 4 de la plainte;

Et, procédant à rendre la décision sur sanction :

IMPOSE à l’intimée des réprimandes en regard des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1, 2 et 3 de la plainte;

CONDAMNE l’intimée au paiement d’une amende de 3 000 $ en regard des chefs d’infraction énoncés au paragraphe 4 de la plainte;

ACCORDE à l’intimée un délai de 24 mois pour le paiement de l’amende, lequel devrait être fait au moyen de 24 versements mensuels égaux et consécutifs à compter du 31e jour de la signification de la présente décision, le montant total encore dû devenant exigible à défaut par l’intimée de payer l’une des mensualités à la date prévue;

CONDAMNE l’intimée au paiement de 25% des déboursés prévus aux dispositions de l’article 151 du Code des professions.

 

 

 

(s) Me Sylvain Généreux  _____________

Me Sylvain Généreux

Président du comité de discipline

 

(s) Ginette Racine ___________________

Mme Ginette Racine, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

(s) John Ruggieri_____________________

M. John Ruggieri, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE AVOCATS S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Monique Ménard

BERNARD & BRASSARD

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience :

11, 12, 13, 14 mars et 12 septembre 2014

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Rioux c. Lachance, CD00-0561, 4 avril 2005 et 15 juin 2005 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Breton, CD00-0808, 11 juillet 2011 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Tremblay, CD00-0865, 14 février 2012 (C.D.C.S.F.).

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