Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0966

 

DATE :

4 juillet 2014

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. André Noreau

Membre

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

GASTON GÉLINAS, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rente collective et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 114185, numéro BDNI 1591811)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Les 11 et 12 septembre 2013, au palais de justice de Québec, Cour fédérale, 300, boulevard Jean-Lesage, 5e étage, salle 502B, à Québec, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.      À Grand-Mère, le ou vers le 14 juin 2006, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs et l’horizon de placement de sa cliente R.C., alors qu’il lui recommandait de placer dans le Fonds immobilier Great-West tous les fonds qu’elle détenait dans son compte REER numéro [...], soit environ 60 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

2.          À Grand-Mère, le ou vers le 16 août 2007, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs et l’horizon de placement de son client G.C., alors qu’il lui recommandait d’ajouter environ 95 521,89 $ à son investissement d’environ 154 000 $ qu’il détenait dans le Fonds immobilier Great-West, et d’ainsi investir la totalité de son compte REER numéro [...] dans ce fonds, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

3.          À Grand-Mère, le ou vers le 19 décembre 2007, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs et l’horizon de placement de sa cliente R.C., alors qu’il lui recommandait de placer dans le Fonds immobilier Great-West tous les fonds qu’elle détenait dans son compte FEER numéro [...], soit environ 70 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

4.          À Grand-Mère, le ou vers le 19 décembre 2007, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs et l’horizon de placement de son client G.C., alors qu’il lui recommandait de placer dans le Fonds immobilier Great-West tous les fonds qu’il détenait dans son compte FEER numéro [...], soit environ 80 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

5.          À Grand-Mère, le ou vers le 14 juin 2006, l’intimé a recommandé à sa cliente R.C. de placer dans le Fonds immobilier Great-West tous les fonds qu’elle détenait dans son compte REER portant le numéro [...], soit environ 60 000 $, ce qui ne convenait pas au profil d’investisseur de cette dernière, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

6.          À Grand-Mère, le ou vers le 16 août 2007, l’intimé a recommandé à son client G.C. d’ajouter environ 95 521,89 $ à son investissement d’environ 154 000 $ qu’il détenait dans le Fonds immobilier Great-West, et d’ainsi investir la totalité de son compte REER numéro [...] dans ce fonds, ce qui ne convenait pas au profil d’investisseur de ce dernier, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

7.          À Grand-Mère, le ou vers le 19 décembre 2007, l’intimé a recommandé à sa cliente R.C. de placer dans le Fonds immobilier Great-West tous les fonds qu’elle détenait dans son compte FEER portant le numéro [...], soit environ 70 000 $, ce qui ne convenait pas au profil d’investisseur de cette dernière, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

8.         À Grand-Mère, le ou vers le 19 décembre 2007, l’intimé a recommandé à son client, G.C., de placer dans le Fonds immobilier Great-West tous les fonds qu’il détenait dans son compte FEER portant le numéro [...], soit environ 80 000 $, ce qui ne convenait pas au profil d’investisseur de ce dernier, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3). »

LES FAITS

[2]           La trame factuelle en lien avec la présente plainte se résume, pour l’essentiel, comme suit :

[3]           Avant 2001, les consommateurs en cause, Mme R.C. (R.C.) et son conjoint M. G.C. (G.C.), transigent avec un représentant qu’ils connaissent depuis quelques années, M. Alain Bergeron (M. Bergeron).

[4]           En 2001, ce dernier cède son bloc d’affaires à l’intimé.

[5]           À compter de juin 2001, l’intimé agit à titre de représentant auprès desdits consommateurs.

[6]           Le ou vers le 14 juin 2006, R.C. qui détient un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) auprès de la Great-West, à la suggestion de l’intimé, transporte sa participation dans le Fonds de placement hypothécaire et le Fonds de placement Obligation-Action (d’une valeur d’un peu plus de 20 000 $) au Fonds de placement Immobilier (Fonds Immobilier) de la société si bien que l’ensemble de son portefeuille REER (d’une valeur alors d’environ 60 000 $) se retrouve investi dans ce dernier fonds.

[7]           Quant à G.C., le ou vers le 8 août 2007 il détient un compte REER auprès de la Great-West dont l’ensemble des actifs, de l’ordre de 249 555,91 $, y est réparti comme suit : un peu plus de 150 000 $ dans le Fonds Immobilier, et 95 000 $ ou environ, parmi huit (8) autres Fonds de placement de la société.

[8]           Le ou vers le 16 août 2007, à la suggestion de l’intimé, il transporte la participation qu’il détient dans les autres Fonds de placement de la société au Fonds Immobilier, si bien que l’ensemble de son portefeuille REER se retrouve alors totalement investi dans ce dernier fonds.

[9]           Par la suite, l’intimé recommande également à R.C. et G.C. de placer toutes les sommes qu’ils détiennent dans leur compte FEER, soit environ 70 000 $ dans le cas de madame, et environ 80 000 $ pour monsieur, dans le même Fonds Immobilier.

[10]        L’année suivante la conjoncture économique se détériore, et en décembre 2008, comme conséquence notamment de l’état du marché dans le domaine de l’immeuble, la Great-West décrète un moratoire temporaire sur les rachats dans le Fonds Immobilier.

MOTIFS ET DISPOSITIF

Chefs 1 et 3 (Mme R.C.), chefs 2 et 4 (M. G.C.)

[11]        À ces chefs d’accusation, il est reproché à l’intimé, alors qu’il recommandait à ses clients de placer dans le Fonds Immobilier de la Great-West l’ensemble des sommes détenues dans leurs comptes REER (chefs 1 et 2) et FEER (chefs 3 et 4), d’avoir « fait défaut de connaître leur situation financière et personnelle ainsi que leurs objectifs et horizon de placement ».

[12]        Or l’analyse de la preuve conduit à la conclusion qu’avant de conseiller à ses clients la « stratégie » de placement en cause, l’intimé a fait défaut de recueillir l’ensemble des informations nécessaires à une connaissance complète et conforme de leur situation personnelle et financière.

[13]        Selon le témoignage de l’intimé, au cours de leurs relations d’affaires G.C. et son épouse R.C. ont refusé de lui divulguer des renseignements entiers concernant leurs actifs, biens, placements et/ou moyens financiers.

[14]        G.C. l’aurait, à un moment avisé « qu’il devait s’occuper de leurs REER » mais que pour ce qui était des autres actifs ou placements que le couple détenait, il se refusait ou n’allait pas lui transmettre de renseignements.

[15]        Ce refus ou cette décision de la part des clients de ne pas lui divulguer l’intégralité des informations nécessaires a eu comme conséquence que l’intimé n’a pu s’assurer, avant de les conseiller, qu’il connaissait leur situation de façon exacte et complète.

[16]        L’intimé a agi en fonction de ce qu’il croyait être leur condition mais sans détenir l’ensemble des renseignements pertinents. Et même si, au cours de leurs relations d’affaires, il a certes obtenu de ceux-ci, tel que l’a plaidé son procureur, plusieurs indications relatives à celle-ci, la preuve a démontré qu’il ne possédait que des renseignements parcellaires et incomplets.

[17]        Ainsi, à titre d’exemple, l’intimé a su que G.C. avait disposé de son cabinet d’assurance générale et il devait soupçonner, sinon savoir, qu’à la suite de la vente, ce dernier avait touché une contrepartie monétaire, mais il en ignorait le montant.

[18]        Il avait appris que le couple possédait un chalet ou résidence secondaire mais rien n’indique qu’il en connaissait la valeur, l’équité ou le passif non plus que les frais nécessaires au maintien de celui-ci.

[19]        Il ignorait que G.C. possédait des « fonds FTQ » ainsi que des comptes auprès de la Financière Banque Nationale, ou à tout le moins l’actif et/ou le passif en lien avec ceux-ci.

[20]        Il faut aussi ajouter que la preuve ne permet aucunement de conclure qu’avant de recommander à ses clients de placer l’ensemble des sommes détenues à leurs comptes REER et FEER dans le Fonds Immobilier Great-West, l’intimé aurait, aux fins d’évaluer leur situation financière, leur horizon de placement et leur attitude envers le risque, préparé avec eux un « profil d’investisseur ».

[21]        Le seul « profil d’investisseur » qui a été produit au dossier est celui qui avait été préparé par le représentant antérieur, M. Bergeron, lors de l’ouverture des comptes REER des clients en 1996. Aucun document tendant à établir une quelconque mise à jour ou révision, pour tenir compte de l’évolution de la situation de ces derniers, n’a été présenté au comité.

[22]        Il est vrai qu’en 2003 l’intimé a fait tenir à G.C. un « profil d’investisseur » mais que ce dernier s’est alors abstenu de répondre aux questions et/ou de remplir le document.

[23]        Il est aussi exact qu’en novembre 2007 (après que les transactions recommandées mentionnées aux chefs 1 et 2 aient toutefois été effectuées), l’intimé a expédié ou remis à G.C. un « profil d’investisseur Découverte » émanant de la Great-West mais que ce dernier a alors refusé ou évité de le compléter.

[24]        Ainsi, il faut reconnaître que lorsque l’intimé a tenté d’obtenir que ses clients complètent un « profil d’investisseur » ou qu’ils lui fournissent des données sur l’ensemble de leurs actifs, ces derniers ont refusé ou omis de collaborer.

[25]        Mais en tant que représentant, avant de les conseiller, avant de formuler à leur endroit des recommandations de placement, l’intimé avait le devoir d’obtenir d’eux l’ensemble des renseignements nécessaires à son travail. Il ne pouvait se permettre de faire fi de cette obligation puisque lesdits renseignements allaient constituer par la suite la pierre d’assise de ses recommandations.

[26]        Il ne devait pas perdre de vue qu’avant de suggérer une stratégie d’investissement à ses clients, il lui fallait être clairement instruit de leurs objectifs, de leur tolérance aux risques et de l’ensemble de leurs moyens et besoins financiers (actif et passif).

[27]        Il se devait donc d’insister auprès d’eux, avant de leur prodiguer des recommandations (et de modifier leur plan de placement) sur son obligation, de cueillir l’intégralité des informations personnelles et financières les concernant ainsi que sur la nécessité de réexaminer, réévaluer et mettre à jour avec eux leurs « profils d’investisseurs ».

[28]        Il se devait même, si nécessaire, de leur mentionner qu’en présence d’une absence incontournable de collaboration, il n’aurait d’autre choix que de refuser d’agir, voire même de les conserver comme client.

[29]        En l’espèce, la preuve prépondérante a démontré que c’est sans avoir obtenu toutes les informations nécessaires à la bonne exécution de son travail que l’intimé a procédé aux recommandations de placement en cause.

[30]        Il faut signaler toutefois, que bien que fautif, la preuve ne révèle pas qu’il ait été animé d'une intention malhonnête.

[31]        Ses fautes, de l’avis du comité, découlent d’une incapacité à refuser que sa ligne de conduite, en particulier relativement à la cueillette des informations nécessaires, ne lui soit dictée par ses clients.

[32]        À sa défense, son procureur a plaidé que « l’investisseur raisonnable doit fournir un effort minimum de compréhension et de collaboration ». Il a, à cet effet, cité notamment les arrêts rendus par la Cour d’appel dans les affaires Les immeubles Jacques Robitaille[1] et Mazzarolo[2].

[33]        L’examen desdits arrêts fait toutefois voir qu’ils ont été rendus dans un contexte tout à fait différent de la présente affaire.

[34]        Ces arrêts ne relèvent pas du droit disciplinaire mais plutôt du domaine de la responsabilité civile professionnelle. De plus, ils concernent des « courtiers de plein exercice »[3] (autorisés à exercer le courtage sur tous les titres) dont le champ d’activité est beaucoup plus large que celui du représentant de courtier en épargne collective[4].

[35]        Enfin, s’il est incontestable que le consommateur doit collaborer avec le professionnel qu’il engage, cela ne diminue en rien l’impératif devoir qui incombe au représentant d’agir en tout temps en conformité avec les règles déontologiques de sa profession.

[36]        L’intimé réfère également au jugement de la Cour du Québec dans l’affaire Lorraine Poulin[5]. Or, bien que celui-ci concernait un représentant membre de la C.S.F., il s’agit d’un jugement relatif à une réclamation civile en dommages-intérêts où la Cour a d’abord déclaré prescrit le recours de la consommatrice avant de reprendre en obiter certains des principes édictés par les tribunaux supérieurs à l’effet qu’un investisseur doive notamment s’efforcer de prendre connaissance des informations transmises par son représentant[6]. Cette affaire se distingue ainsi également de façon importante de la présente instance.

[37]        Enfin, ce dernier invoque les décisions du comité de discipline dans les affaires Pierre Piché[7] et Luc Bilodeau[8].

[38]        Dans l’affaire Piché, le comité n’a accordé aucune crédibilité au consommateur. Ce dernier avait laissé entendre qu’il n’avait « pas très bien compris ce que lui expliquait l’intimé » et que nonobstant son incompréhension, il avait accepté de souscrire aux recommandations de ce dernier. Le comité ne l’a tout simplement pas cru. Il s’agit d’un cas d’espèce où le débat était bien différent de celui qui nous concerne. Il mérite néanmoins d’être souligné qu’en cette affaire (qui date déjà de plus de dix (10) ans), le comité a indiqué que l’intimé n’aurait pas dû accepter le refus de son client de remplir le questionnaire concernant un inventaire de ses biens et indique : « Il se devait alors de refuser le mandat »[9].

[39]        Quant à l’affaire Bilodeau, bien que le comité ait conclu que la consommatrice en cause « a toujours été réticente à lui (le représentant) faire part du montant exact de ses biens », les conclusions auxquelles il en est arrivé se fondent sur le peu de crédibilité qu’il a accordé aux consommateurs en cause[10]. Selon le comité, la consommatrice « prit ses décisions en toute connaissance de cause ». Par ailleurs, il faut aussi souligner que les conclusions du comité à l’égard des chefs 7, 8, 9, et 10 ont été renversées en appel par la Cour du Québec.

[40]        Avec égard donc, de l’avis du comité, les arrêts, le jugement et les décisions précitées du comité ne peuvent en l’occurrence être d’aucun véritable secours à l’intimé.

[41]        L’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière évoqué au soutien des chefs d’accusation 1, 2, 3 et 4 se lit comme suit :

« 15. Avant de renseigner ou de faire une recommandation à son client ou à tout client éventuel, le représentant doit chercher à avoir une connaissance complète des faits. »

[42]        Le représentant a donc l’obligation de rechercher et d’obtenir l’ensemble des informations nécessaires à son travail. À cet égard, il ne peut permettre que sa ligne de conduite lui soit dictée par le client.

[43]        L’intimé, pour avoir contrevenu à l’article 15 précité de son Code de déontologie, sera donc déclaré coupable des chefs d’accusation 1, 2, 3 et 4.

Chefs 5 et 7 (Mme R.C.), chefs 6 et 8 (M. G.C.)

[44]        À ces chefs, il est reproché à l’intimé d’avoir recommandé à ses clients R.C. et G.C. de placer (en 2006) dans le Fonds de placement Immobilier de la Great-West (le Fonds Immobilier) tous les fonds qu’ils détenaient dans leur compte REER et (en 2007) tous les fonds qu’ils détenaient dans leur compte FEER, ce qui ne convenait pas à leur profil d’investisseur.

[45]        Or il faut d’abord mentionner qu’antérieurement, soit en 2003, les clients avaient temporairement adhéré à la même « stratégie » d’investissement « suggérée » par l’intimé et avaient investi l’ensemble des placements détenus dans leurs comptes auprès de la Great-West dans le Fonds Immobilier. La manœuvre les avait satisfaits ou à tout le moins ne leur avait pas complètement déplu puisqu’elle a été répétée en 2006, 2007.

[46]        Néanmoins, en agissant de la sorte l’intimé a, de l’avis du comité, commis les fautes qui lui sont imputées.

[47]        Selon son témoignage, il cherchait à protéger ses clients des chutes du marché. Le Fonds Immobilier présentait à son avis un gage de stabilité et de rentabilité qui correspondait aux demandes et au profil financier de ces derniers.

[48]        Or il ne pouvait ignorer que, bien que ledit Fonds n’était pas sujet, de la même façon que certains autres titres ou fonds aux fortunes ou aléas de la bourse, il était néanmoins soumis aux conditions d’ensemble de l’économie.

[49]        Il devait savoir, ou aurait dû savoir, tel qu’indiqué dans les documents provenant de la Great-West en sa possession ou à sa portée, que dans le cas de chute appréciable du marché immobilier, il était possible que les administrateurs du Fonds puissent « se retrouver dans une situation où leur capacité de verser des sommes d’argent à leurs détenteurs soit diminuée et qu’ils doivent recourir à un moratoire temporaire sur les rachats et/ou sur les montants versés à ces derniers ».

[50]        Alors que la situation de ses clients, âgés respectivement de 62 et 59 ans, à la retraite ou sur le point d’y arriver, commandait une source de revenus réguliers pour rencontrer leurs besoins, il leur a suggéré d’investir la totalité des sommes qu’ils détenaient à leurs comptes REER et FEER dans ledit Fonds.

[51]        Il aurait dû songer que ces derniers pouvant être appelés, en cas de besoin, à retirer des sommes additionnelles provenant de leur REER et/ou FEER[11], l’investissement intégral de leurs ressources immédiates de retraite dans un tel fonds risquait de leur causer des difficultés et de ne pas leur convenir.

[52]        Il devait savoir, ou aurait dû savoir, qu’en suggérant à ses clients de placer dans ledit Fonds toutes les sommes qu’ils possédaient dans leurs comptes REER et FEER, il dirigeait l’ensemble de leurs actifs vers des biens (immeubles) souvent moins liquides que certaines autres catégories d’actifs.

[53]        Enfin, il aurait dû réaliser qu’en leur suggérant d’agir de la sorte, c’est-à-dire en leur recommandant d’investir la totalité de leurs actifs de retraite dans un seul et même fonds, il faisait fi du principe élémentaire qui commande la diversification du portefeuille.

[54]        Sa probité, tel que précédemment mentionné, n’est pas en cause. L’intimé ne semble pas avoir agi avec une intention malhonnête ou frauduleuse.

[55]        Mais la nature des services qu’ils offrent, le degré important de confiance manifestée par les clients à leur endroit et l’importance des fonds qu’ils manipulent imposent aux représentants non seulement d’agir avec probité mais aussi d’œuvrer avec professionnalisme et compétence.

[56]        En recommandant à ses clients d’investir tous les capitaux destinés à leur retraite dans un seul et même fonds de placement, soit le Fonds immobilier (généralement qualifié de placement à long terme[12]), l’intimé a manqué de professionnalisme et de compétence et contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers qui se lit comme suit :

« 16. Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients. Il doit agir avec compétence et professionnalisme. »

[57]        En conséquence de ce qui précède, l’intimé sera déclaré coupable des chefs d’accusation 5, 6, 7 et 8.

[58]        Des mesures d’éducation ou de formation lui permettant de parfaire ou de revisiter ses connaissances pourraient être appropriées.

[59]        En terminant, il faut souligner que l’intimé, par l’entremise de son procureur, a invoqué pour sa défense le fait qu’aucune preuve au moyen d’un expert n’a été présentée pour contester l’évaluation qu’il faisait de ses clients en leur recommandant d’investir dans le Fonds immobilier Great-West et/ou pour analyser la justesse de la stratégie de placement qu’il leur a suggérée.

[60]        Or, de l’avis du comité, dans un cas aussi évident que celui en l’espèce, nul besoin n’est de recourir à des expertises, les faits étant simples et facilement intelligibles.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable des infractions reprochées aux chefs d’accusation 1 à 8 contenus à la plainte;

CONVOQUE les parties avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) André Noreau____________________

M. ANDRÉ NOREAU

Membre du comité de discipline

 

(s) Robert Chamberland_______________

M. ROBERT CHAMBERLAND, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Suzie Cloutier

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Dominic Gélineau

LANGLOIS KRONSTRÖM DESJARDINS

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience :

11 et 12 septembre 2013

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 


Chambre de la sécurité financière c. Gélinas

2015 QCCDCSF 55

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0966

 

DATE :

15 juillet 2015

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. André Noreau

Membre

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière;

Partie plaignante

c.

 

GASTON GÉLINAS, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rente collective et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 114185, numéro BDNI 1591811);

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           À la suite de sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni le 3 mars 2015 aux locaux de la Commission des lésions professionnelles, 900, Place d’Youville, 8e étage, Québec, et a procédé à l'audition sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[2]           À titre de preuve additionnelle, la plaignante fit brièvement entendre l’intimé (qui a alors admis avoir reçu une mise en garde en 2009 de la part de la syndique de la Chambre relativement à des conseils non conformes aux besoins du client). Elle ne versa par ailleurs alors aucune preuve documentaire au dossier.

[3]           Quant à l’intimé, il choisit de témoigner et produisit à l’occasion de sa déposition les pièces SI-1 en liasse et SI-2. Il fit de plus entendre M. Alain Bergeron, membre comme lui du cabinet de services financiers Argus.

[4]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[5]           La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta en indiquant qu’elle proposait au comité l’imposition des sanctions suivantes :

Sous chacun des chefs 1 et 2 : la condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $ (8 000 $ au total);

Sous chacun des chefs 3 et 4 : l’imposition d’une réprimande;

Sous chacun des chefs 5, 6, 7 et 8 : la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux (2) mois à être purgée de façon concurrente.

[6]           Elle suggéra de plus que le comité recommande au conseil d’administration de la Chambre d’imposer à l’intimé de suivre le cours 28200 intitulé : « Les produits d’épargne ».

[7]           Elle ajouta enfin réclamer la publication de la décision et la condamnation de ce dernier au paiement des déboursés.

[8]           Puis, après avoir brièvement rappelé les faits, elle souligna les facteurs, à son avis, aggravants et atténuants suivants :

Facteurs aggravants

-       la gravité objective des infractions commises;

-       la confiance que les clients témoignaient à l’intimé;

-       le préjudice causé à ces derniers;

-       relativement aux chefs d’accusation 1 à 4 inclusivement, une conduite clairement prohibée, le comité ayant en plusieurs occasions indiqué dans ses décisions que l’analyse des besoins du client était la pierre d’assise du travail du représentant;

-       la réception en 2009 d’une mise en garde de la syndique;

-       l’expérience de l’intimé qui aurait dû le mettre à l’abri des fautes qui lui sont reprochées;

-       des infractions répétées;

-       relativement aux chefs 5 à 8 inclusivement, le défaut d’observance d’un des principes élémentaires du placement, soit celui de la diversification des portefeuilles;

Facteurs atténuants

-       l’absence de mauvaise foi et de malhonnêteté de la part de l’intimé;

-       l’absence de préméditation;

-       sa collaboration à l’enquête de la syndique;

-       l’absence à proprement parler d’antécédents disciplinaires en plus de vingt (20) ans de pratique;

-       des fautes à l’endroit d’un seul et même couple de consommateurs.

[9]           Elle termina en déposant à l’appui de ses recommandations un cahier d’autorités comprenant cinq (5) décisions du comité[13] qu’elle commenta.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[10]        La procureure de l’intimé débuta en indiquant qu’après discussion avec son client et après analyse de la situation avec ce dernier, elle proposait au comité l’imposition des sanctions suivantes :

Sous chacun des chefs 1 et 2 : le paiement d’une amende de 3 000 $ (total 6 000 $);

Sous chacun des chefs 3 et 4 : l’imposition de réprimandes;

Sous chacun des chefs 5, 6, 7 et 8 : la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois à être purgée de façon concurrente.

[11]        Elle ajouta être en accord avec la proposition de la plaignante voulant que le comité propose au conseil d’administration de la Chambre d’imposer à l’intimé de suivre le cours 28200 intitulé : « Les produits d’épargne ».

[12]        Relativement aux chefs 1 à 4, elle rappela que, tel que le comité l’a mentionné au paragraphe 24 de sa décision sur culpabilité, l’intimé avait tenté, mais en vain, d’obtenir de ses clients qu’ils complètent « un profil d’investisseur ». Elle ajouta que ces derniers avaient, à plusieurs reprises, refusé de lui divulguer une information complète relativement à leur situation financière.

[13]        Elle indiqua ensuite que malgré les difficultés éprouvées à obtenir certains renseignements de ses clients, la preuve avait néanmoins révélé une bonne connaissance par l’intimé de leur situation financière et personnelle. Elle signala qu’à la suite de ses rencontres et communications avec ces derniers il avait pu observer l’évolution de leur situation ainsi que les changements survenus dans leurs objectifs de placement.

[14]        Elle plaida que, dans les circonstances, l’intimé avait recueilli le plus d’informations possible de ses clients.

[15]        Elle affirma que ce dernier avait retenu de la décision du comité qu’il était de son devoir de bien connaître le profil financier et personnel de ses clients et qu’il aurait dû, devant l’absence de collaboration de ces derniers, mettre un terme à sa relation professionnelle avec eux comme le mentionne le comité au paragraphe 28 de sa décision.

[16]        Elle rappela que l’intimé, tel que mentionné au cours de son témoignage, avait, à la suite de la décision du comité, procédé à des modifications à sa pratique. Elle mentionna qu’il avait établi au sein de son cabinet des formulaires propres à l’analyse des besoins des clients et à l’établissement de leurs profils d’investisseur et mis en place un mécanisme afin d’assurer qu’avant qu’une transaction ne soit effectuée le profil requis soit complété.

[17]        Relativement aux chefs 5 à 8 reprochant à l’intimé d’avoir recommandé à ses clients de placer tous les montants qu’ils détenaient dans leur compte REER ainsi que FEER dans le Fonds immobilier Great-West, elle rappela que les consommateurs, impliqués activement entre 2001 et 2006 dans le choix de leurs stratégies de placement, avaient consenti à ce que soit utilisé le fonds immobilier, et ce, dès février 2003, à titre de placement offrant à la fois sécurité et rendement, et qu’ils en avaient été satisfaits.

[18]        Elle rappela à cet égard le paragraphe 45 de la décision sur culpabilité.

[19]        Elle ajouta enfin que malgré le moratoire décrété par l’assureur, R.C. et G.C., les consommateurs en cause, avaient pu bénéficier par leur FEER de retraits mensuels à la hauteur de montants qu’ils avaient eux-mêmes déterminés avant que celui-ci ne soit déclaré.

[20]        Elle signala ensuite que le comité avait reconnu dans sa décision que la probité de l’intimé n’était pas en cause et qu’il n’avait pas agi avec une intention malhonnête.

[21]        À cet égard, elle référa notamment au paragraphe 54 de la décision sur culpabilité.

[22]        Elle souligna que soucieux d’apprendre et de continuer à s’améliorer, l’intimé était disposé à parfaire ses connaissances au moyen de la formation complémentaire suggérée par la plaignante.

[23]        Elle évoqua ensuite les facteurs, à son avis, atténuants suivants :

-       l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimé;

-       l’âge de ce dernier;

-       un incident isolé dans une pratique de plus de vingt (20) ans;

-       la mise en place d’outils au sein de son cabinet visant à améliorer sa pratique;

-       l’absence d’intentions malhonnêtes de sa part;

-       aucune nouvelle plainte portée contre ce dernier depuis les événements reprochés qui remontent à 2006-2007;

-       des infractions commises dans un contexte particulier, soit notamment celui de l’absence de collaboration de la part des clients;

-       l’absence, à son avis, de risque de récidive;

-       la bonne réputation de l’intimé;

-       la volonté manifestée par ce dernier d’améliorer sa formation et ses connaissances, tel qu’il en a témoigné lui-même en déposant la liste des formations qu’il s’est astreint à suivre;

-       les conséquences d’une radiation prolongée sur son cabinet et sur les collègues qui travaillent avec lui.

[24]        Elle termina en déposant au soutien de ses recommandations une série d’autorités qu’elle commenta[14].

MOTIFS ET DISPOSITIF

[25]        Selon son témoignage, l’intimé a débuté en 1991 dans la distribution de produits d’assurance et/ou financiers.

[26]        Il a fait l’objet d’une mise en garde de la part de la syndique en 2009, mais il n’a aucun antécédent disciplinaire.

[27]        Depuis les événements qui lui sont reprochés et qui remontent à 2006-2007, il n’a fait l’objet d’aucune nouvelle plainte ou demande d’enquête.

[28]        La malhonnêteté ne caractérise aucunement ses agissements.

[29]        Les fautes qui lui sont reprochées à l’égard d’un seul couple de clients ont été commises dans un contexte d’absence, ou de collaboration mitigée, de la part de ces derniers.

[30]        Depuis les événements, tel qu’il en a témoigné, il a mis sur pied à son cabinet un programme de conformité. Il a établi des formulaires propres à l’analyse des besoins et à la confection du profil d’investisseur de ses clients. Un mécanisme a également été mis en place afin d’assurer que les règles de conformité soient respectées.

[31]        Il a de plus démontré, tel qu’il en a témoigné, une volonté d’améliorer sa formation et ses connaissances.

[32]        Enfin, il a certes souffert tant personnellement que professionnellement du dépôt d’une plainte disciplinaire contre lui, et lui-même, son cabinet et ses collègues auront à supporter les conséquences des sanctions qui lui seront imposées.

[33]        Néanmoins, la gravité objective des infractions qu’il a commises et pour lesquelles il a été reconnu coupable est indéniable.

[34]        Sous les chefs d’accusation 1 à 4 inclusivement, il a été reconnu coupable du défaut, avant de les conseiller, de bien connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs et horizons de placement du couple G.C. et R.C. Il s’agit d’infractions au cœur de l’exercice de la profession.

[35]        Bien que ces derniers aient refusé de lui divulguer l’information complète sur leur situation financière et bien qu’il ait tenté d’obtenir d’eux qu’ils complètent un profil d’investisseur, il n’en demeure pas moins qu’il a fait défaut de respecter l’obligation qui lui incombait d’obtenir l’ensemble des informations nécessaires à son travail avant de s’y engager.

[36]        Tel que le comité l’a mentionné à plusieurs reprises, les renseignements obtenus du client constituent la pierre d’assise des recommandations du représentant.

[37]        Aussi, tel que le comité l’a mentionné au paragraphe 27 de sa décision sur culpabilité, l’intimé aurait dû insister auprès de ses clients pour qu’ils lui communiquent les informations nécessaires avant de leur prodiguer des recommandations et de modifier leur plan de placement. En présence d’une absence incontournable de collaboration, il lui aurait fallu refuser d’agir.

[38]        Le comité l’a mentionné à plusieurs occasions, le client n’a pas à dicter au représentant sa ligne de conduite[15].

[39]        Sous les chefs d’accusation 4, 5, 6 et 7, l’intimé a été reconnu coupable essentiellement d’avoir recommandé à ses clients de placer toutes les sommes qu’ils détenaient dans leur compte REER et FEER dans le Fonds immobilier Great-West.

[40]        Les fautes qui lui ont été reprochées à ces chefs sont au centre de l’exercice de la profession.

[41]        Tel que plus amplement exposé aux paragraphes 47 à 56 de la décision sur culpabilité, l’intimé, en agissant de la sorte, a fait défaut d’œuvrer avec professionnalisme et compétence.

[42]        Il a causé préjudice à ses clients et ceux-ci, selon les informations transmises au comité lors de l’audition, auraient institué une procédure civile en recouvrement des dommages qu’ils auraient ou pourraient avoir subis.

[43]        Mentionnons enfin que l’intimé a, de son propre aveu, fait l’objet en 2009 d’une mise en garde de la syndique relativement à la suggestion à ses clients d’un ou de produits non conformes aux besoins de ces derniers.

[44]        Au plan des sanctions qui doivent lui être imposées, soulignons d’abord que, tel que la Cour d’appel l’a indiqué dans l’affaire Daigneault[16] : « La sanction disciplinaire doit permettre d’atteindre les objectifs suivants : au premier chef la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enfin le droit par le professionnel visé d’exercer sa profession. »

[45]        Relativement aux chefs d’accusation 1, 2, 3 et 4, le comité est d’avis que la condamnation de l’intimé sous le 1er chef au paiement d’une amende de 4 000 $ (une amende conforme aux paramètres jurisprudentiels applicables) et sous le chef 2, compte tenu qu’il s’agit de la même infraction (soit le défaut de s’assurer de bien connaître la situation financière et personnelle du client) commise à l’égard de l’autre membre du couple, la condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $ ainsi que, tel que recommandé par les parties, l’imposition de réprimandes sous les chefs 3 et 4 constitueraient des sanctions justes et appropriées.

[46]        Relativement aux chefs 5, 6, 7 et 8 reprochant à l’intimé d’avoir recommandé à ses clients un placement qui ne convenait pas à leur profil d’investisseur, bien qu’il soit difficile de comparer les sanctions imposées dans un contexte particulier à celles qui devront être imposées dans un contexte différent, mentionnons que dans l’affaire Caroline Champagne c. Pierre-Philippe Morin[17] citée par la plaignante où les infractions reprochées au représentant aux chefs 2 et 4 se rapportaient au fait d’avoir suggéré à ses clients des placements qui ne correspondaient pas à leur profil d’investisseur, le représentant a été condamné à une radiation temporaire de deux (2) mois sous chacun desdits chefs à être purgée de façon concurrente.

[47]        Comme en la présente instance, le comité a conclu en cette affaire que le représentant semblait présenter des lacunes au plan des connaissances (des fonds d’investissement) et il a de plus recommandé au conseil d’administration de la Chambre de lui imposer d’approfondir ses connaissances en suivant un cours de formation.

[48]        Dans l’affaire Caroline Champagne c. Abdesselam Mejlaoui[18], le représentant reconnu coupable aux chefs 1 et 4 d’avoir fait souscrire à son client des fonds communs de placement dont la répartition ne correspondait pas au profil d’investisseur du client et, d’autre part, d’avoir recommandé à ses clients G.B. et N.T. de souscrire à une marge de crédit hypothécaire de 71 000 $, a été condamné à une radiation temporaire de deux (2) mois à être purgée de façon concurrente.

[49]        Dans l’affaire Micheline Rioux c. Roger Biduk[19], le représentant reconnu coupable d’avoir conseillé à ses clients de transférer les placements REER qu’ils détenaient dans des fonds de technologies et communications alors que tels placements ne correspondaient pas à la situation financière et aux objectifs d’investissement desdits clients, a été condamné à une radiation temporaire de trois (3) mois.

[50]        Aussi en l’espèce, le comité est d’avis d’ordonner la radiation temporaire de l’intimé sous chacun de ces chefs pour une période de deux (2) mois à être purgée de façon concurrente.

[51]        En résumé, compte tenu de ce qui précède et considérant tant les facteurs objectifs que subjectifs, aggravants qu’atténuants qui lui ont été présentés, le comité imposera à l’intimé les sanctions suivantes :

-       relativement au chef d’accusation numéro 1, tel que suggéré par la plaignante, le comité imposera le paiement d’une amende de 4 000 $;

-       relativement au chef d’accusation numéro 2, le comité imposera le paiement d’une amende de 2 000 $;

-       sous chacun des chefs 3 et 4, tel que recommandé par les parties, le comité imposera une réprimande[20];

-       sous chacun des chefs 5 à 8 reprochant à l’intimé d’avoir recommandé à ses clients de placer dans le Fonds immobilier Great-West tous les fonds qu’ils détenaient dans leur compte REER et FEER (créé par la suite), il imposera à l’intimé une radiation temporaire de deux (2) mois à être purgée de façon concurrente.

[52]        De plus, il recommandera au conseil d’administration de la Chambre d’imposer à l’intimé de suivre à ses frais le cours de formation intitulé : « Les produits d’épargne » cours numéro 28200.

[53]        De l’avis du comité, lesdites sanctions constituent des sanctions justes et équitables, adaptées aux infractions et respectueuses des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

[54]        Soulignons enfin que dans l’élaboration de celles-ci, le comité a tenu compte du principe de la globalité des sanctions.

[55]        Par ailleurs, le comité, n’ayant aucun motif qui le justifierait de s’écarter des règles habituelles, est d’avis d’ordonner la publication de la décision et de condamner l’intimé au paiement des déboursés.

[56]        En terminant, le comité tient à souligner qu’alors qu’il était sur le point de faire circuler sa décision pour signature, il a été avisé que malencontreusement l’enregistrement de l’audition du 3 mars 2015 avait échoué ou avait été égaré et n’était plus disponible. En conséquence, il a convoqué les procureurs des parties à deux (2) conférences téléphoniques. Lors de la première conférence, après leur avoir fait part de la situation, il leur a offert de reprendre l’audition. Lors de la deuxième conférence, les deux (2) parties, par la voie de leurs procureurs, ont demandé au comité de rendre sa décision, sans pour autant renoncer de leur part à leur droit d’appel.

[57]        C’est dans de telles circonstances que le comité rend la présente décision.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sous le chef numéro 1 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $;

Sous le chef numéro 2 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $;

Sous chacun des chefs numéros 3 et 4 :

IMPOSE à l’intimé une réprimande;

Sous chacun des chefs numéros 5, 6, 7 et 8 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux (2) mois à être purgée de façon concurrente;

RECOMMANDE au conseil d’administration de la Chambre de la sécurité financière d’imposer à l’intimé de suivre à ses frais le cours de formation : « Les produits d’épargne » cours numéro 28200, dispensé par la Chambre de la sécurité financière ou l'équivalent, l’intimé devant produire au conseil d’administration une attestation à l’effet que ledit cours a été suivi avec succès dans les douze (12) mois de la résolution du conseil d’administration, le défaut de s’y conformer résultant en la suspension de son droit d’exercice par l’autorité compétente jusqu’à la production d’une telle attestation;

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156 c) du Code des professions, RLRQ chapitre C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ chapitre C-26.

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) André Noreau ____________________

M. ANDRÉ NOREAU

Membre du comité de discipline

 

(s) Robert Chamberland_______________

M. ROBERT CHAMBERLAND, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jean François Noiseux

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Nathalie Dubé

LANGLOIS KRONSTRÖM DESJARDINS, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

3 mars 2015

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

 



[1]     Immeubles Jacques Robitaille inc. c. Financière Banque Nationale, 2011, QCCA 1952.

[2]     Mazzarolo c. BMO Nesbitt Burns ltée, 2013 QCCA 245.

[3]     Aujourd’hui nommé « courtier en placement ».

[4]     Le représentant en épargne collective n’est généralement autorisé à effectuer le courtage que pour les titres d’organismes de placements collectifs.

[5]     Poulin c. Bourget, 2013 QCCQ 5930.

[6]     Voir jugement précité p. 5, par. 30.

[7]     Me Françoise Bureau c. Pierre Piché, CD00-0426, décision sur culpabilité en date du 14 juillet 2003.

[8]     Me Françoise Bureau c. Luc Bilodeau, CD00-0483, décision sur culpabilité en date du 8 octobre 2003.

[9]     Me Françoise Bureau c. Pierre Piché, p. 9, par. 36.

[10]    Voir paragraphe 31 de la décision où le comité déclare clairement qu’il ne croit pas la consommatrice.

[11]    Durant la période du moratoire, R.C. et G.C. ont pu bénéficier par le biais de leur FEER des retraits mensuels qu’ils avaient eux-mêmes prédéterminés avant que celui-ci ne soit déclaré, soit 2 500 $ par mois dans le cas de monsieur et 350 $ par mois dans le cas de madame.

[12]    Voir pièce P-42.

[13]     Caroline Champagne c. Danny Delisle, CD00-0874, 16 décembre 2011; Caroline Champagne c. Rémy Gilbert, CD00-0944, 3 avril 2013; Caroline Champagne c. Pierre-Philippe Morin, CD00-0825, 3 avril 2012; Caroline Champagne c. Abdesselam Mejlaoui, CD00-0898, 27 septembre 2012; Micheline Rioux c. Roger Biduk, CD00-0565, 27 février 2007.

[14]     Pigeon c.Daignault, [2003] CanLII 32934 (QCCA); Martel c. Chambre de la sécurité financière, [2012] QCCQ 90, Champagne c. Tremblay, [2003] CanLII 40562; Champagne c. Borrelli, [2012] CanLII 97188; Thibault c. Jarry, CD00-0764, 24 août 2010; Thibault c. Pollender, [2009] CanLII 10716; BERNARD, Pierre, « La sanction en droit disciplinaire : quelques réflexions », Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire (2004), Service de la formation permanente du Barreau du Québec, 2004, pp. 71, 72, 123 et 124.

[15]     Voir Rioux c. Yannachi, CD00-0495, décision sur culpabilité du 16 janvier 2004, Thibault c. Grenier, CD00-0727, décision sur culpabilité du 30 avril 2009.

[16]     François Pigeon c. Stéphane Daigneault et le Comité de discipline de l’Association des courtiers agents immobiliers du Québec [2003] CanLII 32934 (QQCA).

[17]     Caroline Champagne c. Pierre-Philippe Morin, CD00-0825, 3 avril 2012.

[18]     Caroline Champagne c. Abdesselam Mejlaoui, CD00-0898, 27 septembre 2012.

[19]     Micheline Rioux c. Roger Biduk, CD00-0565, 27 février 2007.

[20]     Le comité a notamment tenu compte sous ces chefs qu’ils concernent un seul et même couple de consommateurs et que ces derniers ont refusé de divulguer complètement leur situation financière à l’intimé ainsi que le lien avec les chefs 1 et 2.

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