Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Zhang

2015 QCCDCSF 44

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0937

 

DATE :

18 août 2015

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Sylvain Généreux

Président

M. Daniel Bissonnette, Pl. Fin.

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre

Membre

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

QI HONG ZHANG, conseillère en sécurité financière et représentante de courtier en épargne collective (no de certificat 172330 et BDNI 1986831)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

I - LA PLAINTE

[1]       La plaignante a porté contre l’intimée une plainte datée du 17 juillet 2012.

[2]       Les chefs d’infraction énoncés à cette plainte se lisent comme suit :

À L’ÉGARD DE SES CLIENTS X.R. et Y.C.

1.    À Montréal, le ou vers le 10 mars 2008, l’intimée n’a pas cherché à avoir une connaissance complète des faits relatifs à la situation financière de ses clients, X.R. et Y.C., avant de leur recommander de souscrire le fonds distinct numéro [...], auprès de London Life, pour un montant de 100 000 $ et ce, au moyen d’un prêt levier de 100 000 $ auprès de Solutions Bancaires de la Banque Nationale, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

 

2.    À Montréal, le ou vers le 10 mars 2008, l’intimée n’a pas agi en conseillère consciencieuse en faisant souscrire à ses clients X.R. et Y.C. le fonds distinct numéro [...] auprès de London Life, au moyen d’un prêt levier de 100 000$, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3).

II - LE DÉROULEMENT DE L’AUDIENCE SUR CULPABILITÉ

[3]       Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) a entendu cette plainte à Montréal les 6, 7 et 8 mai 2013, 5, 6 et 7 août 2013 et le 29 mai 2014.

[4]       La plaignante était représentée par Me Julie Piché et l’intimée par Me Sonia Paradis.

[5]       En début d’audience, il a été indiqué au comité que X.R. (dont le nom apparaît aux deux paragraphes de la plainte) n’était pas présent et qu’il était réticent à témoigner devant le comité vu les engagements qu’il avait souscrits dans le cadre d’une entente intervenue avec le cabinet de l’intimée.

[6]       Vu l’absence de X.R., la partie plaignante a demandé au comité de reporter le début de l’audience au lendemain; elle a invoqué le fait qu’elle croyait opportun de débuter sa preuve par le témoignage du consommateur.

[7]       L’intimée s’est opposée et a suggéré que la plaignante fasse entendre un autre témoin. Dans l’hypothèse où la demande de report était accordée, elle a demandé au comité de condamner la plaignante aux « frais du jour », dont les honoraires de l’expert Mercier.

[8]       Le comité a remis le début de l’audience au lendemain et a indiqué qu’il se prononcerait, au besoin, sur la question des déboursés pour cette première journée d’audience lors du prononcé de la décision sur culpabilité ou sur sanction, le cas échéant.

[9]       Les procureurs des deux parties ont communiqué par téléphone avec X.R. afin de le convaincre de venir témoigner.

[10]       Le début de l’audience a été reporté au 7 mai 2013, date à laquelle X.R. s’est présenté devant le comité. Après le témoignage de ce dernier, la plaignante a fait entendre Me Sandra Robertson, enquêteure, et le témoin expert, Denis Tremblay.

[11]        L’audience s’est ensuite poursuivie les 5, 6 et 7 août 2013 et le 29 mai 2014.

[12]        L’intimée a alors témoigné et fait entendre le témoin expert, Daniel Mercier.

[13]        Les parties ont ensuite soumis leurs représentations et l’affaire a été prise en délibéré.

[14]        En cours d’audience, la plaignante s’est objectée à ce que trois éléments soient mis en preuve.

[15]        Le comité a permis que ces éléments soient produits sous réserve de décider, dans la décision sur le fond, de leur recevabilité.

[16]        La plaignante s’est d’abord objectée à la production de la carte d’affaires (D-11) d’un restaurant que X.R. et Y.L. auraient acheté à Montréal à la fin de l’année 2008 ou au début de l’année 2009 au motif qu’il n’en avait pas été question en février et en mars 2008 lors des entretiens des clients avec l’intimée.

[17]        L’objection sera rejetée. L’intimée a témoigné que ce restaurant avait été acheté à l’aide de l’argent (300 000 $) résultant de la vente de leur appartement à Shanghaï. Puisqu’il avait été question de la vente éventuelle de cet appartement lors des entrevues que l’intimée a eues avec X.R. et Y.C. au début de l’année 2008, la production de cette pièce est pertinente et elle sera permise.

[18]        La plaignante s’est également objectée à la portion du témoignage de M. Mercier (l’expert dont les services ont été retenus par l’intimée) au cours de laquelle il a été invité à faire état de l’existence de produits financiers comparables à celui offert aux clients dans le présent dossier.

[19]        Cette objection est retenue : il n’est pas pertinent pour le comité de connaître les caractéristiques de ces autres produits dans le cadre de la présente affaire.

[20]        La plaignante s’est objectée à la recevabilité de l’enregistrement de l’entrevue qu’a eue l’intimée (avant le dépôt de la plainte disciplinaire) avec l’enquêteure Robertson du bureau de la syndique de la Chambre de la sécurité financière (CSF).

[21]        L’intimée plaide que cet enregistrement est recevable, car il démontre que le faible niveau de connaissance de l’anglais de cette enquêteure et l’ « accent » prononcé de l’intimée n’ont pu permettre à cette dernière de fournir une version des faits complète.

[22]        De plus, elle souhaite ainsi pouvoir contrer l’argument de la plaignante selon lequel le témoignage qu’elle a rendu à l’audience ne serait pas crédible puisqu’il comporterait des éléments différents de ceux qu’elle a mentionnés à Me Robertson lors de l’entrevue.

[23]        De façon plus précise, la plaignante s’est objectée pour les motifs suivants :

        le comité n’a pas à statuer sur la façon dont l’enquête de la syndique a été menée;

        l’intimée ne peut mettre en preuve l’enregistrement d’un entretien qu’elle a eu avec une inspecteure afin de tenter de bonifier le témoignage qu’elle a rendu à l’audience.

[24]        Le premier argument invoqué par la plaignante est retenu :

« … il existe une jurisprudence constante établissant que les comités de discipline n’ont pas compétence pour statuer au sujet des tenants et aboutissants de l’enquête du syndic puisque sa mission consiste à décider du bien-fondé d’une plainte disciplinaire sur la foi des preuves établies devant lui conformément aux règles et non pas en regard des preuves obtenues au gré de l’enquête du syndic. »[1]

[25]        Par contre, son deuxième moyen sera rejeté et le dépôt de l’enregistrement de l’entrevue D-13 sera autorisé.

[26]        En effet, le comité « peut recourir à tous les moyens légaux pour s’instruire des faits allégués dans la plainte »[2].

[27]        Il peut donc, en matière de règles de preuve, s’inspirer des dispositions du Code civil du Québec (CCQ).

[28]        Aux termes de l’article 2871 CCQ :

« Lorsqu’une personne comparaît comme témoin, ses déclarations antérieures sur des faits au sujet desquels elle peut légalement déposer peuvent être admises à titre de témoignage, si elles présentent des garanties suffisamment sérieuses pour pouvoir s’y fier. »

[29]        Dans le présent dossier :

        l’intimée a comparu comme témoin à l’audience;

        les déclarations antérieures qu’elle veut mettre en preuve portent sur des faits au sujet desquels elle peut légalement déposer;

        l’enregistrement offre des garanties suffisamment sérieuses pour pouvoir s’y fier.

[30]        L’auteur Léo Ducharme[3] est d’avis qu’une autre condition s’applique :

« … la nécessité demeure une condition essentielle pour qu’une déclaration antérieure compatible d’un témoin puisse être admise comme preuve au fond en vertu d’une exception raisonnée à la règle du ouï-dire. »

[31]        L’auteur Jean-Claude Royer[4] est au contraire d’avis que ce critère de la nécessité n’est pas requis.

[32]        Le comité n’a pas à trancher cette question; en effet, ce critère de nécessité (qu’il soit ou non requis) est présent dans le dossier. Le recours à une déclaration compatible (celle qui se retrouve sur D-13) sera autorisé comme moyen de repousser l’argument visant la crédibilité de l’intimée sur la base que le témoignage qu’elle a rendu à l’audience était différent de la version des faits qu’elle avait rendue antérieurement.

III - LA PREUVE

[33]        De la preuve soumise, le comité a retenu ce qui suit.

         le témoignage de X.R.

[34]        Il a reconnu avoir rédigé la demande d’enquête adressée à l’Autorité des marchés financiers (AMF) et reçue par cette dernière le 21 janvier 2009 (P-18) ainsi que la plainte adressée à London Life Insurance Company (London Life) le 16 janvier 2009 (P-18).

[35]        Il a reconnu avoir rédigé les réponses sur le courriel transmis à Me Sandra Robertson le 15 septembre 2010 (P-21).

[36]        Il a reconnu les documents produits par Revenu Canada et qui font état notamment de son revenu brut pour les années 2007 et 2008 (P-2).

[37]        Il a reconnu sa signature sur un formulaire complété afin d’obtenir un prêt REER et qui porte la date du 3 février 2008 (P-3).

[38]        Il a refusé d’indiquer au comité s’il reconnaissait le document : « Investing to achieve your goals » du 3 février 2008 (P-5).

[39]        Quant à la question de savoir s’il reconnaissait le document : « Financial security profile » du 3 février 2008 (P-6), il a référé le comité à la réponse fournie au courriel (P-21); il avait alors écrit qu’il n’avait jamais vu ce document.

[40]        Il a reconnu avoir complété le document : « Family budget » (P-7). Il a ajouté avoir complété ce formulaire (P-7) à partir de ses factures. Quant à l’item « education » au montant de 540,00 $, il a indiqué ne pas bien se souvenir, mais croire que ce montant correspondait à des dépenses faites pour son fils.

[41]        Il a reconnu le document et sa signature sur le « Credit application » (P-8) du 4 février 2008 lequel fait état d’une demande de prêt pour un montant de 6 000 $.

[42]        En ce qui a trait au document « Checklist-Borrowing to invest » (P-9) portant la date du 4 février 2008, il a reconnu l’avoir signé, mais a ajouté que les autres mentions y apparaissant n’ont pas été inscrites par lui.

[43]        Quant au formulaire « Credit application » du 10 mars 2008 (P-11) pour un montant de 100 000 $, il a reconnu sa signature, mais il a ajouté qu’il n’avait pas inscrit à la main les autres mentions qui y apparaissent.

[44]        Il a fourni les mêmes réponses pour les documents suivants du 10 mars 2008 :

        « Application for Guaranteed Interest/Marketwatch/Freedom Fund » pour un montant de 100 000 $ (P-12);

        «Security agreement on insurance products and instructions to the Insurer» (P-13);

        «Checklist-Borrowing to invest» (P-14) pour un montant de 100 000 $.

[45]        En ce qui a trait au relevé de la London Life sur lequel il est indiqué « Freedom Fund Investment Option Plan Summary » du 20 mars 2008 (P-15), il a mentionné reconnaître ce document et, en réponse à la question de la procureure de la plaignante, il a répondu qu’il ne sait pas ce que sont des fonds distincts.

[46]        Il a reconnu les courriels qu’il a échangés avec l’intimée et qui ont été produits sous la cote P-17 et il a ajouté ne pas savoir pourquoi il les avait transmis.

[47]        Il a refusé de répondre à toute question relative au « settlement agreement » intervenu.

[48]        Quant à la question de savoir si les mentions indiquées à la page « Family budget » du document P-6 étaient exactes, il a référé à la réponse qu’il a fournie par courriel (P-21) sur lequel on retrouve la question « 3- The information contained in the Section B – Family budget are exact? » et la réponse : « It is not exact ».

         le contre-interrogatoire de X.R.

[49]        Il a reconnu avoir signé, à deux endroits, le document « Application for Guaranteed Interest/Marketwatch/Freedom Fund » du 10 mars 2008 (DI-2).

[50]        Il a reconnu les courriels produits sous la cote P-17, sa signature sur le document P-3 et le document produit sous DI-7 : « Savings contract for Guaranteed Interest, Marketwatch and Freedom Funds ».

[51]        Le témoin a refusé de répondre à la question de savoir s’il reconnaissait le document « Line of Credit » se retrouvant dans la liasse de documents DI-8; il a également refusé de dire s’il l’avait transmis à Me Robertson, l’enquêteure de la CSF.

[52]        Il a reconnu avoir transmis la lettre du 20 février 2010 (DI-9) à la CSF en réponse à des questions qui lui avaient été adressées le 2 février 2010.

[53]        Quant à une lettre du 12 mai 2009 de Mme Jocelyne Nolet de la London Life (DI-10), il a refusé de répondre à la question de savoir s’il l’avait reçue, tout en admettant que l’adresse qui y est indiquée soit bien la sienne et que C.Y. est son épouse.

[54]        Il a refusé d’indiquer en quoi il avait étudié, depuis quand il est au Canada et à toute autre question de nature générale.

         le témoignage de Me Sandra Robertson

[55]        Elle agit comme enquêteure auprès du bureau de la syndique de la CSF depuis le 19 janvier 2010.

[56]        Elle a produit l’attestation de pratique de l’intimée (P-1).

[57]        Le bureau de la syndique a reçu de l’AMF la demande d’enquête de X.R. et la plainte qu’il avait adressée à la London Life (P-18).

[58]        En cours d’enquête, elle a communiqué avec la London Life, avec X.R., avec son épouse et avec l’intimée.

[59]        L’enquêteure Brigitte Poirier (du bureau de la syndique de la CSF) a reçu de l’intimée, en mai 2009, le dossier du consommateur X.R.

[60]        À la demande de Me Poirier, l’intimée a fait parvenir, par écrit, sa version des faits le 4 décembre 2009 (P-24). Elle a reçu à la même époque la traduction anglaise du document « Investing to achieve your goals » (P-5).

[61]        Le document « Financial security profile » (P-6) a également été reçu.

[62]        En septembre 2010, elle a adressé par courriel des questions au consommateur X.R. et obtenu des réponses de celui-ci (P-21).

[63]        Elle a obtenu également du consommateur le « Family budget » (P-7). Désireuse de connaître l’actif et le passif de X.R., elle a obtenu de sa part le document sur lequel il est indiqué « B2B TRUST » (P-7).

[64]        Elle a produit la notice explicative du Fonds Liberté de la London Life d’avril 2007 (P-25).

         le contre-interrogatoire de Me Robertson

[65]        Elle est inscrite au Barreau depuis 2003.

[66]        Elle se dit fonctionnelle en anglais, mais précise aux anglophones avec qui elle entre en communication que sa langue première est le français.

[67]        Dans le cadre de son enquête, elle a enregistré une conversation avec l’intimée mais n’a pas enregistré celle qu’elle a eue avec l’épouse du consommateur.

[68]        C’est elle qui a rédigé le courriel (P-21) transmis au consommateur X.R.

[69]        Elle a eu de nombreux échanges avec X.R.

[70]        Elle ne se souvient pas si X.R. lui avait dit qu’il avait souscrit des fonds distincts auprès d’un autre représentant.

[71]        Quant aux chiffres apparaissant au « Financial security profile » (P-6), X.R. lui a dit que ce n’était pas lui qui les avait indiqués, mais elle a ajouté qu’elle ne lui avait pas demandé d’où provenaient ces chiffres.

[72]        Dans la lettre que X.R. a fait parvenir à la London Life le 16 janvier 2009 (P-18), il écrit au point 6 avoir communiqué avec l’intimée dans les jours qui ont suivi la signature du contrat afin d’annuler celui-ci après qu’il eût réalisé qu’il serait incapable de payer les intérêts mensuels. En réponse aux questions de la procureure de l’intimée,
 Me Robertson a indiqué qu’elle n’avait pas vérifié auprès de la London Life si ce contrat aurait pu être annulé et elle a ajouté que l’intimée lui avait dit que de son côté elle n’avait pas eu d’appel de X.R. à cet égard.

[73]        Elle a confirmé que son analyse du dossier l’amenait à constater que X.R. n’avait formulé aucun reproche à l’intimée avant qu’il ne formule sa demande d’enquête à l’AMF en janvier 2009.

[74]        À la lecture d’un courriel du 17 février 2009 (P-17), elle a constaté que X.R. avait continué à faire affaire avec l’intimée après avoir déposé auprès de l’AMF sa demande d’enquête. Elle n’a pas demandé d’explications à X.R. à ce sujet.

[75]        Elle a indiqué qu’elle était au fait de la crise financière survenue à l’automne 2008.

[76]        En dépit de la réponse fournie par X.R. quant à ses connaissances en matière d’investissement (D-9), Me Robertson est d’avis qu’il s’y connaissait en matière de placement.

[77]        Son enquête lui a permis de découvrir que X.R. était au Canada depuis au moins 2004 et qu’il avait investi dans son REER les contributions maximales.

[78]        Au cours de son enquête, elle n’a pas su de X.R. dans quel domaine il avait étudié ni ce qu’il faisait comme travail au quotidien si ce n’est qu’elle sait qu’il est « buyer ».

[79]        Au cours du contre-interrogatoire de Me Robertson, les parties ont indiqué au comité qu’elles convenaient que si Mme Jocelyne Nolet de la London Life venait témoigner, elle relaterait ce qui est contenu dans la lettre qu’elle a rédigée et transmise au consommateur X.R. le 12 mai 2009 (D-10).

[80]        Dans la lettre qu’il a adressée le 16 janvier 2009 à la London Life (P-18), X.R. a écrit en référant aux représentations de l’intimée :

« She guaranteed at least a stable return of 10% annually, with example of buying the fund of “London Life Real Estate”. She promised us that the value of this fund would not decrease.”

[81]        Me Robertson a indiqué que l’intimée lui avait fourni une version qui contredisait cette allégation.

         le témoignage en chef de M. Denis Tremblay

[82]        Il a produit son curriculum vitae (P-19). Il a 30 ans d’expérience dans le domaine des services financiers (vente marketing, vente spécialisée, gestion et direction du personnel).

[83]        Il a complété en 1994 un programme de premier cycle en marketing, en 1997 un certificat en intervention financière et il détient depuis 2003 une maîtrise en administration des affaires.

[84]        Il a œuvré pour diverses entreprises dans le domaine des services financiers et, depuis 2007, il offre des services de consultation dans le domaine des produits et services financiers.

[85]        Il a été reconnu comme expert à plusieurs reprises par la Cour du Québec et par le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière.

[86]        La procureure de l’intimée n’a pas posé de questions à M. Tremblay dans le cadre de l’interrogatoire visant à sa qualification comme expert.

[87]        Le comité a reconnu M. Denis Tremblay comme expert en produits et services financiers.

[88]        Il a ensuite produit son rapport d’expert (P-20).

[89]        Il a énoncé les règles qui sont généralement acceptées dans l’industrie lorsqu’un représentant en assurance de personnes procède à l’analyse des besoins financiers d’un client. Il a indiqué que le représentant doit s’assurer de bien connaître son client et qu’il est nécessaire de procéder à l’analyse de ses besoins financiers.

[90]        Il a identifié trois étapes : (1) la cueillette de renseignements, (2) l’analyse et les calculs nécessaires pour quantifier les besoins du client, (3) la recommandation d’un produit adapté aux besoins du client.

[91]        Il a ensuite énuméré les documents et divers relevés qu’un représentant devait consulter (déclarations de revenus, états financiers, testaments, relevés de paie, etc.).

[92]        Il a expliqué que le représentant devait ensuite procéder à des calculs afin de déterminer le capital requis pour pouvoir suggérer divers produits.

[93]        Parmi ces calculs, l’expert a référé au budget, lequel permet de déterminer le « revenu non engagé » ou, en d’autres termes, le surplus annuel disponible permettant au client de réaliser certains projets et au bilan, lequel permet de déterminer l’avoir net du client en tenant compte de l’impôt à payer. M. Tremblay a également souligné que le représentant devait procéder à l’analyse des besoins financiers en cas de décès, en fonction de la retraite du client ou en cas d’invalidité à cause d’une maladie grave ou d’une perte d’autonomie.

[94]        Il a de plus expliqué que le représentant doit établir le profil d’investisseur de son client afin de déterminer certains éléments de la tendance comportementale de celui-ci en matière de finances personnelles.

[95]        Le représentant doit ensuite remettre au client un document faisant état des analyses faites.

[96]        Il a conclu cette partie de son témoignage en expliquant qu’en l’absence d’une cueillette de renseignements adéquate et de calculs, il est impossible pour le représentant de faire des recommandations appropriées à son client.

[97]        Il a ajouté que le représentant devait valider auprès de son client les faits sur lesquels il se fonde pour formuler des recommandations.

[98]        Il a ensuite décrit ce qu’est un prêt levier et en a précisé les prérequis, avantages et désavantages.

[99]        En référant à un document produit par l’AMF (P-20B), il a expliqué que l’effet de levier consiste à investir en empruntant des sommes d’argent.

[100]     Il a témoigné que le rendement espéré doit être supérieur au coût de l’emprunt (en tenant compte des intérêts payés par le consommateur, mais également des déductions fiscales).

[101]     Il peut ainsi être avantageux d’obtenir un rendement positif sans avoir à utiliser ses propres fonds lesquels peuvent, par ailleurs, être utilisés à d’autres fins.

[102]     Par contre, il a souligné que le rendement de l’investissement n’était habituellement pas garanti, que des pertes étaient possibles et que l’emprunteur s’exposait à devoir rembourser (en tout ou en partie) le capital à des moments inopportuns pour lui, ce qui pouvait entraîner des problèmes de liquidité.

[103]     Il a expliqué qu’à partir du budget et du bilan du client l’on pouvait déterminer le « surplus budgétaire » auquel le client avait accès pour rembourser les intérêts et éventuellement le capital; le bilan permettant de déterminer si le client avait une équité suffisamment grande pour éventuellement rembourser le capital. Cet expert a témoigné que cette analyse devait être faite en tenant compte des considérations fiscales et des aléas possibles, dont l’invalidité.

[104]     En référant au tableau (P-20A), il a fait part au comité de trois ratios : (1) « le prêt en pourcentage de la valeur nette », (2) « le prêt en pourcentage de la valeur nette liquide », (3) « l’endettement en pourcentage des revenus totaux ».

[105]     Il a souligné que le premier ratio fait abstraction de la question de savoir si les avoirs du client sont immédiatement disponibles (par exemple certains placements qui ne peuvent être liquidés dans un délai très court) alors que le deuxième ratio en tient compte.

[106]     Le troisième ratio détermine le fardeau d’endettement par rapport aux revenus et fournit la marge de manœuvre du client en regard du pourcentage des revenus non engagés.

[107]     Selon cet expert, ces ratios sont tirés d’un avis émis par l’AMF le 9 octobre 2009 (P-20, annexe).

[108]     M. Tremblay a témoigné que les deux premiers ratios étaient loin d’être satisfaits dans le présent dossier alors que le troisième l’était.

[109]     Cet expert est d’avis que le client doit présenter un seuil de tolérance au risque de moyenne à élevée. De plus, le taux d’imposition du client doit être suffisamment élevé de façon à pouvoir tirer profit de façon intéressante de la déductibilité des intérêts. Le client doit également bénéficier d’une saine situation financière.

[110]     Bien que ce ne sont pas les seuls éléments à examiner, M. Tremblay est d’avis que l’analyse des trois ratios mentionnés précédemment permet au représentant de déterminer si la situation peut se prêter au prêt levier.

[111]     Selon cet expert, le fait qu’une institution financière accepte de consentir un prêt levier à un client ne devrait pas, aux yeux du représentant, constituer un élément déterminant.

[112]     Selon lui, il ne faut pas minimiser l’impact du prêt contracté dans l’ensemble des dettes du client, car même s’il ne paie au début que les intérêts, il ne faut pas mettre de côté le fait qu’il aura un jour à payer le capital.

[113]     Bien que le bulletin de l’AMF sur lequel il s’est fondé soit d’octobre 2009 (alors que les faits invoqués au soutien de la plainte sont survenus en 2008), il a témoigné que les principes qui y sont énoncés étaient reconnus en 2008.

[114]     Le prêt levier s’adresse donc selon lui aux clients qui ont des liquidités importantes, des actifs importants pouvant être liquidés rapidement et des revenus disponibles non engagés importants; qui se voient imposer un taux d’imposition élevé; et qui sont prêts à investir sur un horizon relativement long (un minimum de cinq à dix ans).

[115]     Bref, il ne s’agit pas d’un type de prêt qui s’adresse à tous les consommateurs ne serait-ce qu’à cause de « l’effet d’amplification » lequel fait en sorte que les effets négatifs d’un tel emprunt peuvent être importants.

[116]     Le témoin expert s’est ensuite attardé à la deuxième partie de son rapport dans laquelle il procède à l’analyse de la situation financière du consommateur X.R. et de son épouse Y.C.

[117]     L’expert a constaté des différences entre ce que l’intimé avait indiqué au « Family budget » (P-6) et ce que X.R. a indiqué à son budget familial lorsqu’interrogé à ce sujet par l’enquêteure du bureau de la syndique de la CSF (P-7).

[118]     L’expert a retenu pour le total du revenu net, un montant qui s’approche de celui retenu par l’intimée tandis que le total des dépenses qu’il a retenues est celui indiqué par X.R.

[119]     Selon M. Tremblay, le « Family budget » complété par la représentante (P-6) est incomplet en ce qui a trait aux dépenses.

[120]     L’expert a constaté que l’intimée n’a pas fait de véritable bilan. Le document « B2B TRUST » (P-7) s’apparente à un bilan et fait état d’une valeur nette de 109 000 $ alors qu’à la question 5 du document « Investing to achieve your goals » la valeur nette des avoirs de la famille du consommateur se situe dans la tranche de 200 001 $ à 300 000 $.

[121]     Cet expert est d’avis que l’intimée a utilisé un formulaire adéquat pour établir le budget (P-6) mais qu’elle ne l’a pas complété avec rigueur. Par contre, elle n’a utilisé aucun outil adéquat pour faire le bilan du consommateur. En fait, l’intimée n’a pas complété la page 2 du « Credit application » (P-8).

[122]     M. Tremblay a témoigné que le revenu disponible ne s’élève pas à 2 000 $ (tel qu’indiqué à P-6 par l’intimée) mais plutôt à moins 43 $. X.R. et son épouse étaient donc dans une situation de « déficit budgétaire » et ne disposaient pas des liquidités nécessaires pour contracter un prêt levier.

[123]     À partir du document « B2B TRUST » (P-7), l’expert Tremblay évalue à 18 000 $ les actifs que X.R. pourrait facilement liquider.

[124]     M. Tremblay a également indiqué que si l’on prenait les chiffres retenus par l’intimée (apparaissant à P-6) les deux premiers ratios seraient quand même largement dépassés. Le troisième ratio de 35% serait alors légèrement inférieur à 31%.

[125]     M. Tremblay a ajouté qu’au-delà des ratios, il s’agissait d’une question de « gros bon sens » et qu’il était évident qu’il ne devait pas être conseillé à X.R. de souscrire à un prêt levier compte tenu de sa situation (un enfant, un revenu pour le couple, une maison, des dépenses courantes à rencontrer). Bref, la marge de manœuvre était trop faible. Si X.R. perdait son emploi, si les taux hypothécaires augmentaient, si la maison requérait des réparations importantes, X.R. avait trop peu d’actifs pour pallier à d’éventuels revers de fortune. La recommandation d’un prêt levier ne convenait pas; cette recommandation était incorrecte.

[126]     Quant au fait que X.R. ait emprunté (à l’aide d’un prêt levier) pour investir dans des fonds distincts prévoyant une garantie à échéance et au décès, M. Tremblay est d’avis que le risque demeure grand, en dépit des garanties, car l’échéance de ces garanties est trop éloignée dans le temps.

         le contre-interrogatoire de M. Tremblay

[127]     Depuis 20 ans, il a agi dans une centaine de dossiers pour le syndic de la CSF. Il a dit avoir agi en quelques occasions pour des intimés, mais il a été incapable d’en nommer un seul.

[128]     Il n’en est pas à sa première opinion sur la question des prêts leviers.

[129]     Depuis 1999, il n’agit pas en première ligne auprès de la clientèle; il intervient en appui aux représentants lorsque le besoin s’en fait sentir.

[130]     Avant 1999 (et principalement de 1979 à 1991), il a fait de la vente directement aux consommateurs.

[131]     Parmi les documents qui lui ont été remis par la syndique aux fins d’analyse et de rédaction du rapport, il n’a pas pris de notes particulières quant à la question de savoir si l’enregistrement d’une conversation de l’enquêteure avec l’intimée correspondait bel et bien au dossier X.R.

[132]     Quant à cette question de l’enregistrement de l’entrevue de l’intimée avec l’enquêteure de la CSF, les procureures ont indiqué ce qui suit au comité :

        suite à une erreur, l’enregistrement audio de l’entrevue de l’intimée avec l’enquêteure quant au dossier X.R. n’a été remis à la procureure de l’intimée que la veille de la première journée d’audience;

        l’expert Tremblay ne s’était pas non plus vu remettre l’enregistrement audio de cette entrevue.

[133]     Contre-interrogé à cet égard, l’expert Tremblay a admis avoir écouté les enregistrements que la plaignante lui avait remis, mais ne pas avoir réalisé que l’entrevue de l’intimée ne concernait pas le dossier X.R. Il n’a pas pris de notes à ce sujet et n’a fait aucune démarche avant de rédiger son rapport d’expert pour obtenir le bon enregistrement.

[134]     Il a réalisé des incongruités entre le « Family budget » rédigé par l’intimée (P-6) et par X.R. (P-7) et il a retenu les montants qui lui semblaient les plus plausibles.

[135]     Il a admis n’avoir aucune connaissance de la culture chinoise par rapport à l’argent.

[136]     Il sait que X.R. a vendu le placement dont la plainte fait état, mais il ne sait pas quand il l’a vendu et pour combien.

[137]     Quant à la note de l’AMF du 9 octobre 2009 (produite en annexe de P-20) l’expert est d’avis que les règles qui y sont indiquées étaient reconnues avant le
9 octobre 2009. Pour lui, il en est de même des dispositions de l’article 6 du Règlement sur la pratique du domaine des valeurs mobilières même si celles-ci ne s’appliquent, selon ce texte de l’AMF, que depuis juin 2009.

[138]     Selon lui, ce texte de l’AMF et ce règlement ne sont venus que réitérer ce qui existait avant dans le marché. Il est d’avis que le législateur et l’AMF ont senti la nécessité de préciser certains éléments après la crise financière de 2008.

[139]     Pour appuyer ses propos, il a référé au document « Checklist-Borrowing to invest » (P-14) où l’on retrouve le ratio de 35 % auquel il a fait référence précédemment; ce document date du 10 mars 2008 (donc avant 2009).

[140]     Les normes dont l’annexe de la pièce P-20 fait état n’étaient pas consignées dans un seul document avant l’année 2009, mais ces normes existaient selon lui.

[141]     L’expert convient cependant que ces normes sont des suggestions dont on peut s’écarter.

[142]     L’expert a admis que depuis la crise financière de 2008, les autorités exigent que les représentants procèdent avec plus de rigueur. Il a ajouté cependant que l’opinion qu’il émet dans le présent dossier est fondée sur les normes qui s’appliquaient en 2008 et il réitère le fait que ces normes sont depuis demeurées inchangées. Au-delà des normes, il répète que les recommandations d’un représentant doivent être fondées sur le « gros bon sens ». Il a ajouté que les exigences quant à la conformité faisaient en sorte que les formulaires que sont appelés à compléter les représentants peuvent être différents aujourd’hui qu’ils ne l’étaient avant la crise financière de 2008.

[143]     Dans son analyse, l’expert a tenu pour acquis et a considéré le fait que X.R. avait un profil « aggressive ».

[144]     Il n’a pas considéré d’autres avoirs que ceux indiqués sur le document « B2B TRUST » (P-7).

[145]     Pour ce qui est de la somme de 5 535 $ indiquée par X.R. à titre de revenu net mensuel (P-7), l’expert est d’avis que X.R. n’a pas tenu compte de l’impôt provincial.

[146]     Il s’est fié aux avis de cotisation (P-2), car les informations sont fiables puisqu’elles proviennent du fisc et quant au reste, il s’est fondé sur ses connaissances personnelles et son expérience.

[147]     Il a admis qu’il lui arrivait de demander des pièces supplémentaires aux fins d’analyse, mais que dans ce cas-ci, il n’a pas cru que cela était nécessaire.

[148]     En ré-interrogatoire, la procureure de la plaignante lui a demandé ce qu’il advient lorsque l’emprunteur cesse de payer les intérêts dus sur un prêt levier. L’expert a répondu que tout dépendait des conditions prévues au contrat d’emprunt et que dans certaines circonstances, il pouvait y avoir rappel du prêt.

         le témoignage de l’intimée: lors de son interrogatoire en chef

[149]     Avant d’émigrer au Canada, elle a obtenu, après quatre ans d’étude, un diplôme universitaire de premier cycle en finance en Chine.

[150]     Après avoir obtenu son diplôme en 2002, elle a travaillé pour une institution bancaire en Chine.

[151]     En décembre 2006, elle a obtenu sa certification de l’AMF. À l’époque des faits reprochés, elle détenait un certificat dans les disciplines de l’assurance de personnes et du courtage en épargne collective (P-1).

[152]     Depuis 2006, elle travaille pour le cabinet Investissements et Gestion des avoirs Victor Wang inc. à titre de représentante.

[153]     La clientèle qu’elle dessert est constituée à 90 % de personnes d’origine chinoise et de 10 % de personnes dont la langue première est l’anglais.

[154]     Elle a rencontré les clients mentionnés à la plainte en 2007. Ils avaient vécu en Chine dans la même ville qu’elle.

[155]     Elle connaissait Y.C. laquelle lui a présenté son époux lors d’un party à la période de Noël de 2007, X.R. lui a dit qu’il la consulterait pour son REER. X.R. lui a dit qu’il avait déjà acheté des actions au Canada et qu’il détenait, depuis 2006, une police d’assurance et qu’il avait déjà contracté un prêt REER; il avait alors fait affaire avec un autre représentant.

[156]     X.R., Y.C. et l’intimée se sont revus en février 2008 au domicile des clients. Ils ont discuté REER. L’entrevue a été d’une durée de 90 minutes à 2 heures.

[157]     Comme elle le fait toujours, elle a rempli avec eux la version chinoise du formulaire « Investing to achieve your goals » (P-5). Elle a lu chacune des questions, X.R. répondait et elle notait les réponses. Cet exercice a permis de déterminer que X.R. était un investisseur de type « agressive ». X.R. s’est dit en accord avec le résultat ainsi obtenu.

[158]     Il est notamment indiqué à P-5 que la valeur nette des avoirs du couple se situe dans la tranche de 200 001 $ à 300 000 $.

[159]     Elle a également discuté des besoins financiers de X.R. et Y.C. Ils souhaitaient réduire le total des montants d’impôt qu’ils avaient à payer et augmenter leurs avoirs.

[160]     Lors de cette même entrevue du 3 février 2008, l’intimée a complété avec ses clients le document « Financial security profile » (P-6). L’intimée l’a complété en fonction des réponses obtenues des clients. Sur P-6, ils ont complété ensemble la page « Family budget ».

[161]     L’intimée a posé à ses clients des questions afin d’obtenir toutes les informations nécessaires pour établir le budget. Cependant, elle a expliqué au comité que les personnes issues de la culture chinoise sont peu enclines à dévoiler des informations qu’elles considèrent être de nature privée.

[162]     En présence de l’intimée, les clients ont donc plutôt calculé eux-mêmes les divers postes de dépenses (ils avaient en main des factures) et, au terme de cet exercice qui a duré une quinzaine de minutes, ils lui ont indiqué que leur montant de dépenses mensuelles était de 1 300 $, montant auquel il fallait ajouter les remboursements d’un prêt hypothécaire de 1 400 $ par mois pour un total mensuel de dépense de 2 700 $.

[163]     L’intimée a indiqué au comité qu’elle travaillait aujourd’hui de façon différente et obtenait des informations plus détaillées. Elle demande aux clients qu’elle dessert de lui fournir la preuve des différents postes budgétaires.

[164]     L’intimée a ainsi été informée que le client X.R. avait, dans le passé, contribué, en matière de REER, aux sommes maximales permises. Elle savait également qu’il avait déjà emprunté pour sa contribution au REER.

[165]     Y.C. a indiqué à l’intimée que son époux et elle étaient propriétaires d’un grand appartement à Shanghaï et qu’ils prévoyaient le vendre et ensuite transférer l’argent au Canada.

[166]     Elle a rempli avec eux le formulaire produit sous la cote P-3 en regard de l’emprunt de 6 000 $ en vue de sa contribution REER.

[167]     X.R. lui a indiqué qu’il avait l’intention de rembourser le prêt contracté pour contribuer au REER, un mois ou deux plus tard soit au moment où il recevrait son remboursement d’impôt.

[168]     La contribution REER de X.R. a été de 13 800 $ (dont 6 000 $ provenant de l’emprunt).

[169]     Le 3 février 2008, ses clients lui ont demandé s’il existait d’autres moyens de réduire les montants d’impôt à payer. L’intimée a alors brièvement discuté avec eux d’un prêt levier, mais ceux-ci voulaient d’abord s’assurer que le placement REER performerait bien avant d’en discuter davantage.

[170]     À la fin du mois de février 2008 (soit moins d’un mois après avoir investi), les clients ont constaté que l’investissement avait généré des profits de l’ordre de 340 $.

[171]     Elle a rencontré de nouveau ses clients le 10 mars 2008 à leur domicile.

[172]     Ils cherchaient un autre moyen de réduire leur fardeau fiscal.

[173]     Les clients étaient satisfaits du rendement de leur REER.

[174]     Ils ont discuté d’un prêt levier. Elle leur a parlé des risques associés à un investissement fait à l’aide d’un prêt levier :

         le risque est plus grand du fait que le placement n’est pas fait avec leurs avoirs, mais avec de l’argent emprunté;

         si les taux d’intérêt applicables à l’emprunt augmentent ou si leurs revenus personnels diminuent, le placement devient moins intéressant.

[175]     L’intimée a indiqué que les clients lui ont dit ne pas avoir de difficulté à assumer de tels risques et ont fait valoir les éléments suivants :

         X.R. détenait un emploi stable depuis cinq ans;

         ils se proposaient de vendre leur appartement à Shanghaï;

         ils avaient de bonnes liquidités.

[176]     L’intimée leur a expliqué que le rendement pouvant être généré par un investissement dans des fonds distincts n’était pas garanti.

[177]     La durée de cette entrevue du 10 mars 2008 a été d’environ 90 minutes.

[178]     Tout comme elle l’avait fait le 4 février 2008, l’intimée, le 10 mars 2008, a témoigné du fait qu’elle avait lu chacune des phrases contenues au document « Checklist-Borrowing to invest » (P-14), qu’elle l’avait complété à partir des réponses obtenues de X.R., qu’il avait signé et qu’elle avait ensuite soumis le tout à son supérieur, M. Daniel Bernier, aux fins de vérification. Elle a ajouté que M. Bernier avait examiné l’ensemble des documents et qu’un prêt levier ne pouvait être mis en place sans la signature de celui-ci, laquelle apparaît sous la mention « I have reviewed the above information and agree that borrowing to invest is a suitable investment strategy for this client ».

[179]     L’intimée avait apporté le « Financial security profile » (P-6) du 3 février 2008; elle a discuté de son contenu avec ses clients, lesquels lui ont dit qu’il n’y avait pas de changement; il en était de même pour le document « Investing to achieve your goals » (P-5).

[180]     Elle a rempli le formulaire « Credit Application » (P-11). X.R. l’a signé et elle l’a transmis à la banque.

[181]     Elle a remis aux clients copie d’un prospectus et leur a demandé de le lire attentivement.

[182]     Elle a indiqué qu’elle savait que X.R. avait obtenu un diplôme universitaire en Chine, mais elle n’a pu préciser en quelle matière. Elle a également témoigné qu’il suivait les marchés financiers, qu’il connaissait les investissements et les prêts leviers.

[183]     À cette époque, l’intimée avait une bonne connaissance des prêts leviers puisqu’elle en avait fait cinq ou six pour ses clients et qu’elle en avait contracté un pour elle-même.

[184]     Selon l’intimée, il appartenait à la Banque de décider si le dossier du client lui permettait ou non d’obtenir le prêt levier.

[185]     Dans les jours qui ont suivi le 10 mars 2008, les clients n’ont pas communiqué avec elle afin d’annuler le contrat, mais il leur aurait été possible de le faire.

[186]     Elle a ensuite référé aux courriels produits sous P-17.

[187]     Le client lui a écrit, non pas pour obtenir son avis, mais pour lui donner instruction de transférer tous ses avoirs dans d’autres fonds. L’intimée a ajouté que X.R. suivait les marchés de près.

[188]     Le 17 février 2009 (dernière page de P-17), X.R. lui a écrit un courriel afin de lui donner instruction d’opérer un autre transfert de fonds, mais elle a refusé d’y procéder vu la demande d’enquête et la plainte formulée par ce client à son sujet; elle en a référé au département de la conformité de London Life.

[189]     Après l’importante baisse des indices boursiers de l’automne 2008, London Life a, en matière de prêt levier, communiqué aux représentants les ratios qui devaient être calculés et la compagnie a modifié la documentation devant être complétée.

[190]     Elle a produit divers formulaires aujourd’hui utilisés par London Life lesquels comportent des exigences différentes de celles applicables à l’époque des fautes reprochées et en particulier en ce qui a trait au calcul des ratios.

 

 

         le contre-interrogatoire de l’intimée

[191]     En ce qui a trait à la page 2 des « Credit application » (P-8 et P-11) (liste des avoirs et des dettes), l’intimée a témoigné qu’elle n’avait pas à les compléter lorsqu’il s’agissait de prêts de 100 000 $ ou moins; elle suivait en cela les exigences de la banque.

[192]     Elle a reconnu avoir écrit les inscriptions manuscrites apparaissant aux pièces P-3, P-4, P-5, P-6, P-8 et P-9.

[193]     Quant à la valeur nette de X.R. en 2008, elle a dit qu’elle ne la connaissait pas de façon précise. Elle a réitéré le fait que la culture chinoise l’amenait en 2008 à ne pas insister auprès des clients de sa communauté pour obtenir des montants précis. Elle a ajouté que les gens de sa communauté, dans le but de ne pas susciter la jalousie, ne parlent pas de leurs revenus et actifs; ils n’ont cependant pas objection à parler de leurs dettes. Elle a admis que X.R. et Y.C. avaient cependant révélé, lors d’un party au cours de la période de Noël en 2008, la valeur de leur maison au Québec; ils étaient fiers d’avoir fait une bonne affaire.

[194]     Quant à la valeur de l’appartement à Shanghaï, elle a ajouté que les clients eux-mêmes n’en connaissaient pas la valeur précise puisque celle-ci augmentait constamment.

[195]     Elle ne connaissait pas non plus la valeur nette des actifs de Y.C.; elle a plutôt cherché à obtenir celle de la famille.

[196]     Elle a admis que la pièce P-24 correspondait bel et bien à la version des faits qu’elle a transmise à l’enquêteure.

[197]     Elle a ensuite reconnu qu’elle n’avait rien indiqué au sujet de l’appartement de Shanghaï à P-24 et a expliqué qu’elle n’en avait pas parlé, au motif qu’il n’était pas situé au Canada ; elle était d’avis qu’il s’agissait quand même d’un actif.

[198]     Elle a admis ne pas avoir indiqué tous les actifs du couple (et notamment certaines actions qu’ils détenaient).

[199]     Interrogée sur la façon dont ses clients auraient payé le prêt si la banque l’avait rappelée, l’intimée a réitéré le fait qu’ils avaient prétendu ne pas avoir de problème de liquidité; elle a ajouté que l’appartement de Shanghaï avait d’ailleurs été vendu, l’argent (plus de 300 000 $) avait été utilisé (fin 2008 ou début 2009) pour ouvrir un restaurant à Montréal.

[200]     L’intimée a admis qu’elle avait toujours suivi la procédure instaurée par London Life.

[201]     Elle a indiqué qu’elle avait complété le même profil (P-5) au sujet des deux clients, car elle complétait le profil de la famille et non celui des individus.

[202]     Au « Family budget » (P-6), elle n’a pas inclus les intérêts sur le prêt REER, car X.R. voulait rembourser cet emprunt au moment où il obtiendrait son remboursement fiscal (soit un mois ou deux après l’avoir contracté).

[203]     Dans le « Family budget » (P-6) elle n’a pas inclus à titre de dépense les intérêts sur l’emprunt de 100 000 $, car au moment où il a été fait, l’emprunt n’avait pas encore été contracté.

[204]     Afin d’établir les revenus de X.R., elle a utilisé son avis de cotisation (P-2).

         le témoignage de M. Daniel Mercier

[205]     Tel qu’indiqué à son curriculum vitae (D-14) il détient un baccalauréat en administration, option finance de l’Université de Sherbrooke (1984) et une maîtrise ès sciences en finance de cette même université (1990).

[206]     Il détient les titres et permis suivants :

         CFA, analyste-financier agréé (1992)

         représentant en épargne collective et en assurance de personnes (2003)

[207]     De 1985 à 2000, il a été chargé de cours à l’Université de Sherbrooke et à l’Université du Québec à Gatineau. Il était responsable des cours de finance corporative, valeurs mobilières et gestion de portefeuille.

[208]     De 1990 à 2000, il a agi comme formateur indépendant pour l’Institut des banquiers canadiens.

[209]     De 2000 à aujourd’hui, il a travaillé pour deux cabinets et a notamment été responsable d’une équipe de représentants en épargne collective. Depuis 2009, il a agi à quatre reprises comme expert et il a été appelé à témoigner deux fois.

[210]     Sans objection de la part de la procureure de la plaignante, le comité a reconnu M. Mercier à titre d’expert en épargne collective et en fonds distincts.

[211]     Il a produit un rapport d’expertise (D-15) et un document additionnel dans lequel on retrouve les tableaux qu’il a présentés à l’écran lors de son témoignage (D-15A).

[212]     De son témoignage, le comité a, pour l’essentiel, retenu ce qui suit.

[213]     Pour qu’un prêt levier soit accordé aux fins d’investissement, une institution financière doit décider si elle prête au client et un représentant doit, au terme de son analyse, déterminer si un tel outil convient.

[214]     Il a ensuite énuméré les cinq éléments inscrits à un avis de l’AMF (P-20B) quant à l’utilisation de l’effet de levier :

1.    la tolérance au risque;

2.    le taux d’imposition;

3.    les connaissances requises en matière de placement;

4.    le document d’information;

5.    une saine situation financière.

[215]     Référant aux réponses fournies par X.R. à certaines questions relatives à son profil d’investisseur (P-5), il a conclu que ce client affichait une tolérance au risque suffisante. Le premier critère était donc satisfait.

[216]     L’examen de l’avis de cotisation (P-2) du 2 avril 2009 pour l’année 2008 l’a convaincu que le taux marginal combiné de 38.4 % représentait un taux d’imposition suffisamment élevé pour satisfaire au deuxième critère.

[217]     L’une des réponses fournies par X.R. au questionnaire « Investing to achieve your goals » (« I have good working knowledge and I regularly follow financial markets ») et les courriels (P-17) dans lesquels il avait transmis des instructions précises à l’intimée quant à des changements à apporter à son portefeuille l’amènent à conclure que X.R. avait les connaissances requises en matière de placement. Selon lui, le troisième critère est également rencontré.

[218]     Quant au quatrième critère, après analyse du document « Checklist-Borrowing to invest » (P-14) sur lequel le client reconnaît avoir reçu certaines informations et avoir été informé des risques reliés à ce type de produit financier, il est d’avis que ce critère est également satisfait.

[219]     En ce qui a trait au critère relatif à la saine situation financière, il a insisté sur le fait que les trois ratios mentionnés à l’avis de l’AMF n’étaient que des suggestions.

[220]     Il a ensuite formulé des critiques quant à l’utilisation des deux premiers ratios (« prêt en pourcentage de la valeur nette » et « prêt en pourcentage de la valeur nette liquide ») et insisté sur le fait que le ratio (« endettement en pourcentage des revenus totaux ») découlant du calcul « total des paiements mensuels sur le total des revenus mensuels » était l’indicateur le plus pertinent de la solidité du bilan financier à supporter le prêt dans des périodes difficiles. Il a ajouté que ce ratio de 35 % était le seul des trois ratios prévu en 2008 sur le « Checklist-Borrowing to invest » (P-14).

[221]     Il a convenu que X.R. ne satisfaisait pas aux deux premiers ratios.

[222]     Quant au troisième ratio, il a conclu à un pourcentage de 34.14% alors que l’expert Tremblay en arrivait à 31%; les deux experts concluent donc que cette norme de 35% a été respectée.

[223]     L’analyse que fait cet expert de l’avis de cotisation (P-2) lui permet également de constater que X.R. n’avait aucune contribution REER inutilisée.

[224]     Cet expert a conclu que la situation financière de X.R. était saine.

[225]     Selon lui, le cinquième critère est également satisfait.

[226]     À cet égard, M. Mercier a calculé le revenu disponible dont bénéficiait X.R. pour l’épargne (D-15A, tableau 36A). Aux fins de ce calcul, il a utilisé les dépenses inscrites par X.R. sur le « Family budget » (P-7) et en est arrivé à un montant mensuel de 607,20 $ à titre de revenu disponible.

[227]     Il a expliqué que M. Tremblay en arrivait plutôt à moins 43 $ (P-20, page 9) comme montant de revenu disponible, car il avait fait une erreur de calcul en soustrayant deux fois 9 000 $ d’impôt provincial.

[228]     De plus, l’expert Mercier a ajouté que le supérieur de l’intimée avait signé (sur P-14) sous la mention : « I have reviewed the above information and agree that borrowing to invest is a suitable investment strategy for this client ».

[229]     Il a précisé qu’à la suite des difficultés des marchés boursiers en 2008, l’AMF avait émis un avis en 2009 (P-20 annexe) en ce qui a trait à l’utilisation de l’effet de levier et que l’analyse qu’il avait faite prenait en compte le contexte existant avant cet avis de 2009 et non celui prévalant après.

[230]     L’expert Mercier s’est ensuite demandé si l’intimée avait eu en main toute l’information nécessaire pour faire une recommandation appropriée.

[231]     En référant au tableau 49 de la pièce DI-15A, il a rappelé au comité les documents dont l’intimée disposait :

         le « Financial security profile » dans lequel on retrouve le « Family budget » (P-6);

         le document « Investing to achieve your goals » (P-5) qui permet de connaître le profil de l’investisseur;

         le « Checklist-Borrowing to invest » (P-14) lequel comprend une section “Know your client”;

         les avis de cotisation (P-2);

         le document « Application for guaranteed interest » (D-2);

         des informations de la part du client quant à son salaire depuis 2004;

         le formulaire « Credit application » (P-11).

[232]     Selon cet expert, l’intimée avait en main suffisamment d’informations, selon les normes applicables en 2008, pour formuler une recommandation. Elle connaissait en particulier le niveau de connaissance de X.R. en matière de placement, son niveau de tolérance au risque, ses objectifs et son horizon de placement en matière d’investissement de même que certaines informations de nature financière.

         le contre-interrogatoire de M. Mercier

[233]     Selon cet expert, le communiqué de l’AMF (P-20 annexe) n’est pas une norme ou un règlement. Ce texte fait état des « meilleures pratiques »; il s’agit de suggestions.

[234]     Il a ajouté que le représentant devait suivre les règlements applicables, mais également les normes établies par son cabinet si celles-ci étaient plus exigeantes que ce qui est prévu par la réglementation.

[235]     Quant aux mots « désire donc rappeler » que l’on retrouve à P-20 annexe, il a mentionné que les ratios mentionnés au texte de l’AMF du 9 octobre 2009 (P-20 annexe) existaient avant 2009 et qu’ils faisaient partie de ce que l’AMF appelait les « meilleures pratiques ».

[236]     En ce qui a trait à la section « Know your client » contenue au formulaire « Checklist-Borrowing to invest » (P-14), il a témoigné que les réponses obtenues d’un client servent à guider le représentant dans le choix des fonds. Il a ajouté que les réponses étaient également utiles pour déterminer s’il convenait au client d’obtenir un prêt levier. En fait, selon lui, la section « Know your client » est utile autant pour la question de déterminer s’il est opportun de contracter un emprunt que pour déterminer l’opportunité d’investir dans un fonds plutôt que dans un autre.

[237]     Quant à la phrase : « la prise des données au niveau du budget semble minimale, mais il demeure que la conclusion générale est acceptable » contenue à son rapport, il a admis qu’il aurait été préférable que l’intimée complète toutes les lignes du « Family budget » (P-6).

[238]     Afin de déterminer si un prêt levier convient, le représentant doit connaître le total des dépenses mensuelles du client (y compris le total des paiements qu’il a à faire en intérêts et/ou en capital sur ses emprunts) et son revenu brut. Ces éléments suffisent pour calculer le ratio de « 35 % », le ratio le plus important à considérer.

[239]     Il a ajouté que le salaire de X.R. était supérieur à la moyenne, qu’il était propriétaire d’une maison et que toutes ses contributions au REER avaient été faites.

[240]     Selon lui, l’intimée n’était pas appelée à faire une planification financière complète; elle n’avait qu’à examiner l’opportunité de recommander à son client d’investir par le biais d’un prêt levier.

[241]     À son avis, les fonds communs de placement comportent plus de risques que les fonds distincts, ces derniers offrant des garanties (tout particulièrement en cas de décès).

[242]     Questionné quant aux avoirs liquides du client, il a répondu qu’ils correspondaient au montant déposé dans son REER soit 26 000 $, somme qu’il pourrait toucher en entier (sans ponction fiscale) s’il perdait son emploi, car il ne gagnerait plus alors de revenu et ne serait donc pas imposé.

[243]     À l’égard d’un client qui souhaite contracter un prêt levier, le représentant doit se demander s’il présente un bilan assez solide pour utiliser cette stratégie; il n’a pas à se demander quelle serait la stratégie d’investissement idéale pour cette personne.

[244]     Il a ajouté que le représentant peut certainement rendre d’autres services à ses clients pourvu que ceux-ci lui fassent part de leurs besoins. À l’égard d’un client qui recherche croissance et déduction fiscale, il posera des questions relatives au degré de risque acceptable pour ce client et quant à son horizon de placement. Il a ajouté que c’est d’ailleurs ce que l’intimée avait fait en complétant avec son client la section « Know your client » de la « Checklist-Borrowing to invest » (P-14).

[245]     En obtenant les informations qu’elle a eues en regard de la rubrique « Know your client » (P-14), l’intimée a obtenu des informations qui lui ont permis de déterminer que la stratégie souhaitée par le client pouvait lui convenir. Selon lui, la capacité de rembourser du client lui permettait de contracter un tel prêt levier.

[246]     Contre-interrogé au sujet du revenu brut au montant de 78 739 $ qu’il a utilisé dans le calcul du revenu disponible (D-15A, tableau 36A), il a mentionné que ce montant provenait de l’avis de cotisation (P-2) pour l’année fiscale 2008 et ajouté qu’il en serait arrivé à un résultat similaire s’il avait plutôt utilisé le revenu brut annuel de 75 600 $ indiqué par X.R. sur le « Financial security profile » (P-6).

Les représentations des parties

a)    La plaignante

[247]     La procureure de la plaignante a en substance exposé les arguments suivants.

[248]     En regard des chefs d’infraction énoncés au paragraphe 1 de la plainte, elle a plaidé que l’intimée a recueilli de façon incomplète les faits relatifs à la situation financière de ses clients X.R. et Y.C. avant de leur recommander de souscrire à des fonds distincts au moyen d’un prêt levier.

[249]     Elle a invoqué que l’intimée aurait dû constituer le profil d’investisseur de chacun de ses clients et qu’en regard du prêt levier de mars 2008, elle devait refaire l’exercice auquel elle avait procédé en février 2008 dans le cadre du prêt REER.

[250]     Elle a fait valoir que la « collecte des données » n’avait pas été faite avec rigueur.

[251]     Elle a ajouté que le fait que les personnes d’origine chinoise pouvaient être réticentes à fournir des informations à caractère financier ne devait pas être considéré.

[252]     Elle a aussi plaidé que l’intimée n’avait pas établi le budget de ses clients de façon complète et que le bilan réalisé était encore plus lacunaire.

[253]     En regard des chefs d’infraction énoncés au paragraphe 2 de la plainte, elle a plaidé que les consommateurs n’avaient pas l’expérience des prêts leviers et que l’intimée, à titre de représentante, aurait dû les conseiller de façon adéquate plutôt que de donner suite aux demandes de X.R.

[254]     En se fondant sur l’analyse du témoin expert Tremblay, elle a fait valoir que le produit souscrit ne convenait pas à la situation financière des clients.

[255]     Elle a finalement référé le comité aux décisions rendues dans les affaires Beaudoin et Exilus[5].

b)   L’intimée

[256]     La procureure de l’intimée a, pour l’essentiel, fait valoir les arguments suivants.

[257]     En ce qui a trait aux divers protagonistes, elle a invité le comité à accorder une force probante plus grande au témoignage de l’intimée qu’à celui de X.R. (vu notamment le refus de ce dernier de répondre à plusieurs questions) et à celui de l’expert Mercier qu’à celui de l’expert Tremblay (compte tenu principalement que ce dernier aurait, selon elle, analysé la conduite de l’intimée en fonction des normes applicables maintenant plutôt qu’en regard de celles qui s’appliquaient au début de l’année 2008).

[258]     Partant de là, elle a plaidé que le fardeau de la preuve incombait à la plaignante et qu’elle n’avait pas, par une preuve de qualité, démontré que l’intimée avait commis les infractions reprochées.

[259]     Elle a souligné que l’intimée avait obtenu de ses clients les informations nécessaires afin de connaître leur situation financière et leurs objectifs de placement (soit de réduire leurs charges fiscales et d’augmenter leurs avoirs).

[260]     Elle a ajouté que la preuve avait révélé que X.R. savait pertinemment que ses placements n’étaient pas garantis.

[261]     Elle a insisté sur le fait que la conduite de l’intimée devait être analysée suivant les normes applicables au début de l’année 2008.

[262]     Référant au témoignage de l’expert Mercier, elle a plaidé que d’avoir fait souscrire à ses clients en mars 2008 des fonds distincts au moyen d’un prêt levier n’était pas déontologiquement incorrect.

[263]     Elle a de plus référé le comité aux décisions rendues dans les affaires Fortin, Mireault, Robert et Mazzone[6].

L’ANALYSE

[264]     Le comité tient d’abord à souligner certains principes applicables en matière de droit disciplinaire :

        un professionnel ne commet pas de faute déontologique s’il a une conduite qui s’éloigne de la conduite souhaitable; il ne le fera que si sa conduite est inacceptable[7]; en d’autres termes, pour que la culpabilité d’un professionnel soit retenue, la preuve doit être faite d’un écart significatif entre la norme de conduite généralement reconnue à l’époque des faits reprochés et la façon dont le professionnel a procédé[8];

        le fardeau de le prouver selon la règle de la prépondérance, incombe au plaignant[9].

[265]     Voyons ce qu’il en est dans le présent dossier.

[266]     X.R. ne s’est pas présenté à la première journée d’audience au motif qu’il était réticent à témoigner devant le comité compte tenu des engagements qu’il avait souscrits dans le cadre d’une entente avec le cabinet de l’intimée.

[267]     Incité par les procureurs des deux parties à se présenter devant le comité, X.R. a témoigné lors de la deuxième journée d’audience. Il a cependant refusé de répondre à plusieurs questions livrant ainsi au comité une version tronquée des événements pertinents.

[268]     Le comité a constaté que X.R. avait été évasif ou avait refusé de répondre à certaines questions susceptibles d’amener le comité à conclure qu’il s’y connaissait en matière de placement.

[269]     Ainsi, il a refusé d’indiquer au comité s’il reconnaissait le document « Investing to achieve your goals » du 3 février 2008 (P-5) dans lequel il est mentionné qu’il a de bonnes connaissances en matière d’investissement et qu’il suit de façon régulière les marchés financiers. Il en est de même de ce qui est indiqué au « Checklist-Borrowing to invest » du 10 mars 2008 (P-14).

[270]     Il a refusé de dire dans quel domaine il avait étudié. Il a ajouté ne pas savoir pourquoi il avait transmis les courriels (P-17) dans lesquels, de novembre 2008 à février 2009, il a donné des instructions précises à l’intimée quant aux transactions à effectuer dans son portefeuille de placements.

[271]     Dans le courriel du 15 septembre 2010 (rédigé en réponse aux questions de l’enquêteure Robertson), X.R. indique que le « Financial security profile » du 3 février 2008 (P-6) n’a pas été complété en sa présence et celle de son épouse et que les informations contenues à la section « Family budget » sont inexactes.

[272]     En janvier 2009, dans les « plaintes » qu’il a adressées à l’AMF et à London Life (P-18), X.R. reproche à l’intimée de ne pas lui avoir dévoilé les risques reliés à l’investissement (par le biais d’un prêt levier) et de lui avoir indiqué que ce placement était garanti. Pourtant, il est fait mention des risques et de l’absence de garantie sur des documents que X.R. a signés en mars 2008 (P-14 et DI-2) et sur un autre qui lui a été remis (DI-7).

[273]     Ajoutons que X.R., dans les documents produits sous les cotes P-5 et P-14, est décrit comme une personne qui cherche à faire croître ses investissements et qui a une tolérance au risque élevée; il a le profil d’un investisseur : « aggressive ».

[274]     Il a témoigné, en regard de plusieurs documents (P-11, P-12, P-13 et P-14), les avoir signés, mais ne pas y avoir inscrit à la main les autres mentions qui y apparaissent.

[275]     Le refus de X.R. de répondre à certaines questions, les contradictions (inexpliquées) entre son témoignage et les documents qu’il a pourtant signés ou qu’il a eus en main (de février 2008 à janvier 2009) amènent le comité à accorder une faible valeur probante à son témoignage et à accorder un poids plus important aux informations contenues à ces documents qu’à la version des faits qu’il a mise de l’avant depuis qu’il s’est adressé à l’AMF et à London Life pour remettre en cause la conduite de l’intimée.

[276]     Par contre, le comité considère que l’intimée a témoigné avec franchise et précision. De plus, le comité ne voit pas, dans la version écrite qu’elle a fait parvenir à l’enquêteure Poirier (P-24) et dans l’enregistrement audio (D-13) de son entretien du
12 août 2010 avec Me Robertson, de différences significatives par rapport au témoignage qu’elle a rendu à l’audience.

[277]     Le comité est convaincu que les événements se sont déroulés tel que l’intimée en a témoigné.

[278]     Elle a rencontré ses clients à leur domicile en février 2008 au sujet d’un placement REER et d’un prêt afin d’en faciliter la souscription.

[279]     Elle a alors complété avec eux la version chinoise du formulaire « Investing to achieve your goals » (P-5); elle a procédé en chinois afin de s’assurer que ses clients comprennent bien les questions posées. Elle a lu chacune des questions et noté les réponses de X.R. Elle a mentionné au comité que son client n’avait pas été surpris du résultat découlant de ses réponses lesquelles démontraient qu’il était un investisseur de type « aggressive ».

[280]     L’intimée a été notamment informée par ses clients que X.R. avait contribué, dans le passé, en matière de REER, au maximum des contributions permises.

[281]     Elle a également complété avec eux le « Financial security profile » (P-6) lequel comprend le « Family budget ».

[282]     Factures en main, les clients ont calculé devant elle, leurs dépenses et leurs revenus mensuels et elle a noté sur le formulaire (P-6) les totaux.

[283]     Y.C. lui a indiqué que son époux et elle étaient propriétaires d’un grand appartement à Shanghaï et qu’ils prévoyaient le vendre et rapatrier l’argent au Canada.

[284]     X.R. a contracté un prêt REER d’un montant de 6 000$ et a indiqué à l’intimée qu’il le rembourserait au moment où il recevrait son remboursement d’impôt deux mois plus tard.

[285]     Au cours de cette entrevue d’une durée approximative de 90 à 120 minutes, il a été discuté de la possibilité de contracter un prêt levier.

[286]     Une deuxième entrevue a eu lieu au domicile des clients le 10 mars 2008. Puisqu’ils désiraient réduire leur fardeau fiscal, les clients ont de nouveau discuté avec l’intimée de la possibilité de contracter un prêt levier afin d’investir.

[287]     L’intimée avait une certaine expérience dans le domaine puisqu’elle avait agi pour cinq ou six clients en cette matière et qu’elle en avait contracté un pour elle-même.

[288]     Au cours de l’entrevue d’une durée d’environ 90 minutes, l’intimée a expliqué à ses clients les avantages, mais également les risques d’investir par le moyen d’un prêt levier. Les clients lui ont dit ne pas avoir de crainte à assumer de tels risques.

[289]     Elle leur a présenté la possibilité d’investir dans des fonds distincts et les garanties (en cas de décès notamment) qui accompagnaient un tel investissement. Elle leur a par ailleurs indiqué ne pas pouvoir leur assurer un taux de rendement.

[290]     Elle a informé ses clients de la possibilité d’investir (et d’emprunter) 25 000 $, 50 000 $ ou 100 000 $ et des frais d’intérêts applicables. Ses clients ont choisi de contracter un emprunt de 100 000 $ (et d’investir ce même montant).

[291]     L’intimée a lu à ses clients chacune des phrases du document « Checklist-Borrowing to invest » (P-14) lequel comprend une section « Know your client » et des explications quant aux risques associés à une telle opération; X.R. a signé le formulaire.

[292]     L’intimée a complété avec X.R. le formulaire (P-11) en vue de l’obtention du prêt.

[293]     L’intimée s’était assurée auprès de ses clients que leur situation financière n’avait pas changé depuis leur entretien de février 2008.

[294]     En se fondant sur la preuve d’expert présentée, la plaignante plaide, en regard des chefs d’infraction énoncés au paragraphe 1 de la plainte, que l’intimée n’a pas cherché à avoir une connaissance complète de la situation financière de ses clients avant de leur recommander de souscrire à des fonds distincts pour un montant de 100 000 $ au moyen d’un prêt levier.

[295]     Le comité tient d’abord à préciser ce qui suit. Le fait que dans la communauté chinoise, on soit réticent à fournir des informations d’ordre financier n’est pas un facteur à considérer (la procureure de l’intimée ne l’a d’ailleurs pas invoqué en plaidoirie); en effet, les obligations imposées au Québec aux représentants ne doivent pas être modulées au gré des particularités des communautés dont sont issues les personnes à qui ils rendent des services professionnels.

[296]     Par contre, selon le comité, les connaissances qu’a un client en matière financière est un élément qui peut être pris en compte dans la détermination de l’ampleur des explications et des vérifications auxquelles un représentant doit procéder.

[297]     L’intimée avait été informée que X.R. détenait un diplôme universitaire, qu’il suivait les marchés et qu’il connaissait les investissements et les prêts leviers.

[298]     Le comité est d’avis qu’il aurait été préférable, lors de l’entrevue de mars 2008, que l’intimée refasse l’exercice fait un mois plus tôt pour le prêt REER; qu’elle procède à un exercice séparé pour Y.C. et pour X.R.; que dans l’établissement du budget familial elle inscrive un montant à chaque ligne du formulaire plutôt que de se satisfaire des totaux fournis par ses clients et qu’elle établisse un bilan complet.

[299]     La plaignante a certes démontré qu’il aurait été souhaitable que l’intimée procède autrement et avec plus de rigueur, mais elle ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que l’intimée avait procédé de façon inacceptable. La preuve présentée n’a pas convaincu le comité que l’intimée s’est écartée de façon significative de la norme de conduite généralement reconnue en 2008.

[300]     L’intimée sera donc acquittée des manquements énoncés au paragraphe 1 de la plainte.

[301]     En ce qui a trait aux chefs d’infraction énoncés au paragraphe 2 de la plainte, le comité retient d’abord ce qui suit de la preuve présentée par les parties.

[302]     Après les soubresauts des marchés boursiers de l’automne 2008, l’AMF a produit un avis le 9 octobre 2009 coiffé du titre : « Avis de l’Autorité des marchés financiers concernant les prêts à effet de levier lors d’achat de titres d’organismes de placement collectif et de fonds distincts » (P-20 annexe).

[303]     On y retrouve notamment le passage suivant :

« Dans le cadre de ses inspections auprès des courtiers en épargne collective et de cabinets en assurance de personnes, l’Autorité des marchés financiers (« l’Autorité ») a constaté que plusieurs épargnants empruntent des fonds dans le but d’investir dans des titres d’organismes de placements collectifs (« OPC ») ou de fonds distincts. L’Autorité n’interdit pas cette pratique, connue sous le nom d’ « effet de levier », mais constate que cette pratique reste peu encadrée par la réglementation en valeurs mobilières et en assurance. L’Autorité désire donc rappeler aux courtiers en épargne collective et aux cabinets en assurance de personnes, ainsi qu’à leurs représentants, ce qu’elle considère comme étant les meilleures pratiques à suivre lorsque leurs clients désirent emprunter ou empruntent des fonds afin de régler l’achat des titres d’OPC ou d’investir à l’intérieur de fonds distincts. » (nous avons souligné)

[304]     Quant à l’opportunité de contracter un prêt levier, il est, entre autres, souligné dans cet avis de l’AMF que le client doit posséder :

        une tolérance au risque de moyenne à élevée;

        un horizon de placement à long terme (cinq à dix ans);

        un taux d’imposition suffisamment élevé;

        une saine gestion financière (il y est fait mention, entre autres, des trois ratios dont il est discuté aux paragraphes 104 à 110, 113, 139 à 142, 219 à 222, 233 et 235 de la présente décision);

        les connaissances requises (le représentant devrait informer son client des risques potentiels associés à l’utilisation de l’effet de levier)[10].

[305]     Il est également mentionné dans cet avis que la demande de prêt devrait être approuvée par le chef de la conformité du cabinet.

[306]     L’expert Tremblay a témoigné que les éléments énoncés dans cet avis de l’AMF étaient des principes reconnus même avant qu’ils ne soient ainsi publiés en octobre 2009.

[307]     Par contre, l’expert Mercier a écrit dans son rapport (D-15 page 10) :

« Finalement, il est utile de rappeler que l’année 2008 a été très difficile sur les marchés. C’est pourquoi nous avons vu plusieurs intervenants du milieu être contraints à changer leur pratique. D’ailleurs, l’avis émis par l’Autorité des marchés financiers remonte à 2009, soit après que les clients de Mme Zhang ont investi à l’aide d’un levier. Ainsi, il importe à mon avis de se replacer dans le contexte lorsque nous procédons à l’analyse de ce dossier. »

[308]     L’avis de l’AMF (et en particulier le passage reproduit au paragraphe 303) et le témoignage des deux experts ne permettent pas au comité de conclure que les « meilleures pratiques à suivre » énumérées dans ce texte publié en octobre 2009 (soit après les perturbations boursières de l’automne 2008) font état de normes (et de ratios) dont les représentants ne pouvaient s’écarter au moment où l’intimée a fait souscrire à ses clients des fonds distincts au moyen d’un prêt levier en mars 2008.

[309]     Cela dit, examinons maintenant dans quelles circonstances, en mars 2008, les fonds distincts ont été souscrits et le prêt levier contracté dans le présent dossier :

        par ses réponses au questionnaire « Investing to achieve your goals » (P-5), X.R. a indiqué avoir un profil « aggressive »;

        il a mentionné au « Checklist-Borrowing to invest » (P-14) avoir un horizon de placement de six à dix ans;

        son avis de cotisation (P-2) fait état d’un taux d’imposition suffisamment élevé;

        X.R. avait utilisé toutes ses déductions REER;

        X.R. avait indiqué à l’intimée avoir des connaissances en matière de placement et de prêts leviers; de plus, l’intimée lui a fourni des explications à ce sujet en lui faisant valoir les risques associés à l’utilisation du prêt levier; X.R. l’a reconnu par sa signature sur P-14;

        tel qu’indiqué aux paragraphes 154 à 162, 164 à 183, 191 à 195 et 197 à 204 de la présente décision, l’intimée a obtenu de ses clients des renseignements sur leur situation financière; le comité a déjà indiqué aux paragraphes 298 à 300 que ces informations auraient pu être plus complètes;

        le supérieur de l’intimée a indiqué sur P-14 être d’avis que la stratégie du prêt levier convenait dans ce dossier;

        quant au calcul du revenu disponible pour l’épargne, l’intimée en est arrivée à un montant mensuel de 2 000 $ (à partir des informations obtenues des clients, P-6); les clients à 707 $ (après que X.R. ait fait son budget familial à la demande de l’enquêteure Robertson, P-7 et page 9 de P-20); l’expert Mercier à 60 720 $ (à partir notamment des données que l’on retrouve à P-2 et à P-7, DI-15A, tableau 36A) et l’expert Tremblay en est arrivé à -43 $; quant au résultat auquel en est arrivé ce dernier, le comité est d’avis qu’il a, à tort, tenu compte deux fois de l’impôt provincial; le calcul qu’il a fait sera donc écarté.

[310]     À l’égard de ce dernier élément, le comité constate que le revenu disponible pour l’épargne dont bénéficiaient les clients n’était pas des plus élevé. On peut être d’avis que de contracter un prêt levier n’était pas la meilleure option pour eux; cependant, le comité ne peut conclure qu’il était inacceptable de le recommander. Dans son analyse, le comité a également pris en compte que X.R. avait des connaissances en matière de placement et de prêt levier et qu’il désirait souscrire un tel placement et contracté un tel prêt.

[311]     Le comité conclut que la plaignante ne s’est pas déchargée du fardeau de preuve qui lui incombait; l’analyse de l’ensemble de la preuve n’amène pas le comité à conclure que l’intimée s’est écartée de façon significative de ce qui était attendu d’un représentant, en mars 2008, en matière de souscription de fonds distincts au moyen d’un prêt levier. Elle sera donc acquittée des chefs d’infraction énoncés au paragraphe 2 de la plainte.

 

POUR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

ACQUITTE l’intimée des infractions énoncées dans la plainte;

CONDAMNE la plaignante au paiement des déboursés énoncés à l’article 151 du Code des professions.

 

 

_(s) Sylvain Généreux________________

Me Sylvain Généreux

Président du comité de discipline

 

_(s) Daniel Bissonnette _______________

M. Daniel Bissonnette, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

_(s) Stéphane Côté___________________

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

Therrien Couture

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Sonia Paradis

Donati Maisonneuve

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience :

6, 7 et 8 mai 2013, 5, 6 et 7 août 2013 et 29 mai 2014

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Laplante c. Audioprothésistes (Ordre professionnel des), 2008 QCTP 174, par. 31.

[2] Articles 143 du Code des professions, (RLRQ, chapitre C-26) et 376 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, (RLRQ, chapitre D-9.2).

[3] L. Ducharme, De l’admissibilité des déclarations antérieures d’un témoin à titre d’exception à la règle du ouï-dire, (2012) Revue du Barreau 175 (tome 71).

[4] J-C Royer, La preuve civile, éditions Yvon Blais, 4e éd., par. 764.

[5] Chambre de la sécurité financière c. Beaudoin, CD00-0765, 18 mars 2001; Chambre de la sécurité financière c. Exilus, CD00-0899, 9 mai 2012.

[6] Chambre de la sécurité financière c. Fortin, CD00-0934, 30 avril 2013; Chambre de la sécurité financière c. Mireault, CD00-0846, 30 octobre 2012; Chambre de la sécurité financière c. Robert, CD00-0853, 26 septembre 2012; Chambre de la sécurité financière c. Mazzone, 2003 CanLII 57228.

[7] Architectes c. Duval, 2008 QCTP 144.

[8] Malo c. Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, 2003 QCTP 132 (CanLII).

[9] Gonshor c. Morin, ès qualités (dentiste), 2001 QCTP (CanLII).

[10] À cet égard, il est indiqué dans cet avis que le représentant de courtier en épargne collective doit, depuis le 17 juin 2009, remettre au souscripteur éventuel de titres d’organismes de placements collectifs qui prévoit emprunter des fonds pour régler son achat le document prévu à l’annexe I (lequel l’informe notamment des risques de l’utilisation abusive de l’effet de levier) et cela aux termes du Règlement sur la pratique du domaine des valeurs mobilières. L’avis indique également que ce document n’a pas à être remis au souscripteur de titres de fonds distincts.

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