Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1036

 

DATE :

30 mars 2015

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Pierre Décarie

Membre

M. John Ruggieri, A.V.A. Pl. Fin.

Membre

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

ANNIE CHAUSSÉ, conseillère en sécurité financière (numéro de certificat 106976)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION CORRIGÉE

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ LES ORDONNANCES SUIVANTES :

                     Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et du prénom des consommateurs dont les initiales sont mentionnées aux différents chefs d’accusation ainsi que de tout renseignement pouvant permettre de les identifier.

                     Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion des pièces produites sous les cotes SP-5, SP-6, SP-7 et SP-8. (À VÉRIFIER)

[1]           Le 26 novembre 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimée ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À Lac Etchemin, le ou vers le 8 août 2012, l’intimée n’a pas agi en conseillère consciencieuse envers R.C. en laissant Daniel Messier agir comme un représentant auprès de lui lors de la livraison de la police d’assurance vie [...], alors qu’il faisait l’objet d’une radiation provisoire, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

 

2.          À Granby, le ou vers le 13 août 2012, l’intimée n’a pas agi en conseillère consciencieuse envers C.L. en lui laissant souscrire 30 000 $ dans le contrat de fonds distincts [...] par l’entremise de Daniel Messier sachant que ce dernier était radié provisoirement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

 

3.          À Granby, le ou vers le 13 août 2012, l’intimée a fait une déclaration et attestation fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur auprès de l’assureur en apposant sa signature comme conseiller sur le formulaire de souscription pour le contrat de fonds distincts [...], alors qu’elle n’avait jamais rencontré C.L., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

 

4.          À Granby, le ou vers le 27 septembre 2012, l’intimée n’a pas agi en conseillère consciencieuse envers S.C. en lui laissant souscrire 35 000 $ dans le contrat de fonds distincts [...] par l’entremise de Daniel Messier sachant que ce dernier était radié provisoirement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

 

5.          À Granby, le ou vers le 27 septembre 2012, l’intimée a fait une déclaration et attestation fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur auprès de l’assureur en apposant sa signature comme conseiller sur le formulaire de souscription pour le contrat de fonds distincts [...], alors qu’elle n’avait jamais rencontré S.C., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

 

6.          À Granby, le ou vers le 1er octobre 2012, l’intimée ne s’est pas assurée que l’information transmise à S.C. par son cabinet A.C.D.M. Services financiers contenue sur les relevés de contrat [...] et de police [...] ne soit pas fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

7.          À Granby, le ou vers le 9 novembre 2012, l’intimée ne s’est pas assurée que l’information transmise à C.L. et M.B. par son cabinet A.C.D.M. Services financiers contenue sur le sommaire des valeurs de la police [...] ne soit pas fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3). »

[2]           D’entrée de jeu, la plaignante, par l’entremise de son procureur, demanda l’autorisation de retirer le chef d’accusation numéro 1.

[3]           Compte tenu des motifs plus amplement invoqués par cette dernière lors de l’audition, le comité autorisa le retrait.

[4]           Par la suite l’intimée, présente et accompagnée de son avocate, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’égard de tous et chacun des chefs d’accusation 2, 3, 4, 5, 6 et 7 subsistant à la plainte.

[5]           Suivirent ensuite la preuve et les représentations des parties sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[6]           Alors que la plaignante versa au dossier une preuve documentaire qui fut cotée P-1, et SP-1 à SP-8 inclusivement, elle ne fit entendre aucun témoin.

[7]           Quant à l’intimée, elle déclara, par l’entremise de son procureur, n’avoir aucune preuve à offrir.

[8]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations respectives sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[9]           La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta ses représentations en déclarant que les parties avaient convenu de présenter au comité des « recommandations communes ».

[10]        Elle précisa qu’elles s’étaient entendues pour lui suggérer l’imposition des sanctions suivantes :

Sous chacun des chefs 2, 3, 4 et 5 : la radiation temporaire de l’intimée pour une période de trois (3) mois à être purgée de façon concurrente;

Sous chacun des chefs 6 et 7 : la radiation temporaire de l’intimée pour une période d’un mois, lesdites sanctions de radiation devant être purgées de façon concurrente entre elles ainsi qu’avec les sanctions de radiation imposées sous les chefs 2, 3, 4 et 5.

[11]        Elle ajouta qu’elles avaient également convenu de recommander la condamnation de l’intimée au paiement des déboursés et la publication, aux frais de cette dernière, de la décision.

[12]        Elle résuma l’affaire en indiquant que les reproches adressés à l’intimée pouvaient être définis « comme le défaut par cette dernière d’assumer la responsabilité de l’ordonnance de radiation provisoire prononcée le 8 juin 2012 contre son conjoint de l’époque, M. Daniel Messier (M. Messier) ».

[13]        Afin d’illustrer ses propos, elle résuma la trame factuelle rattachée aux chefs d’accusation 2 et 3, en racontant ce qui suit : le conjoint de C.L., qui faisait affaire avec M. Messier et qui ignorait que ce dernier avait été radié provisoirement de la Chambre de la sécurité financière, désirait effectuer un placement de 30 000 $ au bénéfice de son épouse. Lors d’une rencontre à son travail, il émit un chèque audit montant en paiement d’un placement dans un contrat de fonds distincts. M. Messier se rendit par la suite au domicile de C.L. et rencontra la conjointe de ce dernier qui signa alors le formulaire de souscription. Ledit document fut ensuite remis à l’intimée qui y apposa sa signature à titre de conseiller, permettant ainsi que la transaction soit complétée.

[14]        Par ailleurs, relativement aux chefs d’accusation 6 et 7, elle invoqua que l’intimée avait fait défaut de s’assurer que les documents y mentionnés, expédiés par son cabinet aux clients y indiqués, ne contiennent de l’information fausse, trompeuse ou susceptible de les induire en erreur notamment en permettant que le nom de M. Messier y apparaisse comme conseiller.

[15]        Elle compléta son résumé en insistant sur la gravité objective des infractions commises.

[16]        Elle mentionna ensuite les facteurs atténuants suivants, soit :

-       l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimée;

-       son plaidoyer de culpabilité à l’égard de tous et chacun des chefs d’accusation subsistant après le retrait du premier chef.

et signala qu’au moment des événements, l’intimée était la conjointe de M. Messier et que la place d’affaires de son cabinet était située dans la résidence familiale.

[17]        Elle termina en laissant entendre que les sanctions suggérées étaient, à son avis, de nature à rencontrer les objectifs de protection du public; d’une part en dissuadant l’intimée de recommencer et d’autre part en « passant un message » à l’ensemble des membres de la profession que le type de conduite en cause n’était pas acceptable et ne serait pas toléré. Elle ajouta que celles-ci étaient, à son avis, justes et raisonnables.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉE

[18]        La procureure de l’intimée débuta ses représentations en signalant que sa cliente, qui exerçait depuis de nombreuses années dans « le domaine des assurances », n’avait aucun antécédent disciplinaire.

[19]        Elle affirma ensuite qu’« aucun dommage » n’avait été causé aux consommateurs en cause et que ces derniers n’avaient subi aucun préjudice.

[20]        Elle termina en indiquant que les sanctions suggérées, suffisamment dissuasives, étaient à son avis propres à assurer la protection du public.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[21]        Après le retrait par la plaignante du premier chef d’accusation, l’intimée enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’égard de chacun des chefs 2, 3, 4, 5, 6 et 7 subsistant à la plainte.

[22]        Elle n’a aucun antécédent disciplinaire.

[23]        Les consommateurs concernés n’ont subi aucune perte et aucun réel préjudice ne leur a été causé.

[24]        Néanmoins les infractions qu’elle a commises et pour lesquelles elle a plaidé coupable sont d’une gravité objective indéniable.

[25]        Elle a sciemment permis ou contribué à permettre à son mari de l’époque, M. Messier, de contrevenir à la décision du comité ordonnant sa radiation provisoire.

[26]        Relativement aux sanctions qui doivent lui être imposées, les parties ont soumis au comité ce qu’il est convenu d’appeler des « recommandations communes ».

[27]        Or dans l’arrêt Douglas[1], la Cour d’appel du Québec a clairement indiqué la marche à suivre dans un tel contexte, c’est-à-dire lorsque les parties représentées par avocat parviennent à s’entendre pour présenter au tribunal de telles recommandations.

[28]        Elle y a clairement indiqué que celles-ci ne devraient être écartées que si le tribunal les juge inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou de nature à discréditer l’administration de la justice.

[29]        L’applicabilité de ce principe au droit disciplinaire a été confirmée par le Tribunal des professions à quelques reprises[2].

[30]        En l’espèce, après étude et examen attentif du dossier, le comité est d’avis que les recommandations conjointes des parties ne sont ni démesurées ni déraisonnables mais plutôt justes et appropriées.

[31]        Il y donnera donc suite.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

CONFIRME sa décision d’autoriser le retrait par la plaignante du chef d’accusation numéro 1;

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée sous les chefs d’accusation 2, 3, 4, 5, 6 et 7 contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimée coupable des chefs d’accusation 2, 3, 4, 5, 6 et 7 contenus à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous chacun des chefs d’accusation 2, 3, 4 et 5 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimée pour une période de trois (3) mois;

Sous chacun des chefs d’accusation 6 et 7 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimée pour une période d’un (1) mois;

DÉCLARE que toutes et chacune des sanctions de radiation devront être purgées de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimée un avis de la présente décision dans un journal où l’intimée a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26.

 

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Pierre Décarie____________________

M. PIERRE DÉCARIE

Membre du comité de discipline

 

(s) John Ruggieri_____________________

M. JOHN RUGGIERI, A.V.A. Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT, CARON, PREVOST, BELISLE, GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Catherine Cantin-Dussault

JODOIN LAGUË, SOCIÉTÉ D’AVOCATS

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

26 novembre 2014

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     R. c. Douglas, 2002, 162 CCC 3rd (37).

[2]     Voir notamment Maurice Malouin c. Maryse Laliberté, 2002 QCTP 15 CanLII et Roy c. Médecins, 1998 QCTP 1735.

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