Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1003

 

DATE :

27 février 2015

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Suzanne Côté, Pl. Fin.

Membre

Mme Monique Puech

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

MARC D’ARAGON, conseiller en sécurité financière et planificateur financier (numéro de certificat 108946)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           Les 20 mai et 29 septembre 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À Lorraine, vers les mois d’avril et mai 2007, l’intimé a recommandé aux clients G.L. et G.B. l’utilisation d’un prêt hypothécaire aux fins d’investissement,  ce qui ne correspondait pas à leur situation personnelle et financière ainsi qu’à leurs objectifs et horizons de placement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 13 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, (c. D-9.2, r.3);

 

2.          À Lorraine, vers les mois d’avril et mai 2007, l’intimé n’a pas fourni à ses clients G.B. et G.L. tous les renseignements exacts, complets et nécessaires à la compréhension et à l’appréciation de la stratégie de placement qu’il leur a proposée incluant la souscription à la police d’assurance vie universelle [...] d’Industrielle Alliance et à l’utilisation d’un prêt hypothécaire de 150 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16, 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3) ;

 

3.          À Lorraine, le ou vers le 10 mai 2007, l’intimé n’a pas procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de G.B. et G.L., contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.1.3);

 

4.          À Lorraine, le ou vers le 10 mai 2007, l’intimé a recommandé à ses clients G.L. et G.B. de souscrire une police d’assurance vie universelle [...] d’un capital assuré de 643 000 $ auprès d’Industrielle Alliance, ce qui ne correspondait pas à leurs besoins financiers et à leur situation, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, (c. D-9.2, r.3). »

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ DE L’INTIMÉ

[2]           D’entrée de jeu, le 20 mai 2014, la plaignante, par l’entremise de sa procureure, demanda l’autorisation de procéder au retrait du chef numéro 2 affirmant qu’elle ne serait pas en mesure de rencontrer le fardeau de preuve qui lui incombe sous celui-ci et, après quelques explications de sa part, sa demande fut accordée par le comité.

[3]           Par la suite, l’intimé, présent et représenté par son avocat, enregistra un plaidoyer de culpabilité sous chacun des chefs d’accusation subsistant à la plainte, soit les chefs 1, 3 et 4. La plaignante versa ensuite au dossier une preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-9 et le comité déclara l’intimé coupable desdits chefs d’accusation.

[4]           À la demande des parties, l’audition sur sanction fut alors reportée au 29 septembre 2014.

[5]           À ladite date, le comité entendit la preuve et les représentations des parties sur sanction.

PREUVE DE LA PLAIGNANTE

[6]           Alors que la plaignante déposa au dossier une attestation de droit de pratique de l’intimé, ainsi qu’une décision antérieure du comité, datée du 14 décembre 1998, concernant ce dernier, elle ne fit entendre aucun témoin.

PREUVE DE L’INTIMÉ

[7]           L’intimé, quant à lui, ne versa au dossier aucune preuve documentaire, mais choisit de témoigner.

[8]           Il débuta en faisant état de son expérience depuis ses débuts dans la profession en 1996.

[9]           Il mentionna ensuite que les consommateurs en cause étaient des gens très près de ses beaux-parents et raconta, que percevant leur désir de mener « une bonne vie à la retraite » et constatant qu’avec les moyens dont ils disposaient ils n’y parviendraient pas, il avait cherché une façon de les satisfaire. Il déclara avoir toujours été transparent, clair et honnête avec eux, et avoir voulu bien faire en tâchant de les aider.

[10]        Il indiqua qu’il réalisait néanmoins aujourd’hui que, compte tenu de leurs profils d’investisseurs, « ils n’étaient pas les clients appropriés pour les stratégies suggérées ».

[11]        Il admit avoir mené ces derniers sur une « route cahoteuse » qui, selon ses termes, « lorsque les rendements prévus ne sont pas au rendez-vous, peut causer de véritables problèmes ».

[12]        Il affirma ensuite qu’à l’exception du cas en l’espèce, il « n’avait jamais dans sa pratique fait de prêt levier » et ajouta que la seule police d’assurance-vie universelle qu’il avait fait souscrire à des clients sans qu’il y ait chez ces derniers la présence de réels besoins d’assurance, était celle en cause.

[13]        Il indiqua regretter ses gestes et « bien aimé pouvoir retourner en arrière », mentionnant que depuis le dépôt de la demande d’enquête pas une semaine ne s’était passée sans que « le dossier ne le hante » et signalant combien lui-même et sa famille avaient souffert des événements.

[14]        Il déclara enfin que le dépôt de la plainte l’avait amené à modifier sa pratique en ce que notamment : 1) il opérait maintenant d’une « façon beaucoup plus conservatrice »; 2) qu’avant de suggérer à ses clients la souscription de placements ou d’une police d’assurance-vie universelle, il cherchait à connaître à fond leur situation et condition. Il ajouta avoir aussi tiré comme leçon qu’il ne lui fallait pas se gêner pour le déclarer à ces derniers lorsqu’il était sous l’impression qu’il lui serait impossible de rejoindre leurs objectifs de placement.

[15]        Il résuma le dossier en déclarant s’être trompé en tentant d’atteindre les désirs difficiles à combler des consommateurs en cause, et ce, par des moyens inadéquats.

[16]        Il termina en mentionnant qu’il espérait que le comité lui permette néanmoins de continuer à exercer la profession.

[17]        À la suite de son témoignage, les parties soumirent au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[18]        La plaignante, par l’entremise de sa procureure, débuta ses représentations en indiquant au comité qu’elle lui recommandait l’imposition des sanctions suivantes :

Sous chacun des chefs numéros 1 et 4 :

-           la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six (6) mois à être purgée de façon concurrente.

Sous le chef numéro 3 :

-           l’imposition d’une amende de 6 000 $.

[19]        Elle ajouta réclamer la publication de la décision et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés incluant les frais d’expertise.

[20]        Puis, après un bref exposé des faits, elle évoqua les facteurs aggravants suivants :

-           la gravité objective des infractions en cause;

-           une stratégie qui de toute évidence ne pouvait convenir aux clients;

-           le lien étroit entre l’intimé et les consommateurs, ce qui conférait à ceux-ci une certaine vulnérabilité à l’égard des suggestions mises de l’avant par ce dernier;

-           le peu de connaissances desdits consommateurs en matière de placement;

-           le préjudice et les conséquences financières pour ces derniers : d’une part ils n’ont pu fiscalement déduire les intérêts de leur emprunt parce que celui-ci a servi à l’achat d’une police d’assurance-vie universelle dont les primes ne sont pas déductibles; d’autre part, une partie de leurs épargnes a servi à payer des primes et des taxes pour une importante couverture d’assurance qui ne correspondait aucunement à leurs besoins;

-           la somme des bonis et commissions touchés par l’intimé pour et lors de la souscription de la police d’assurance-vie universelle (mentionnée au chef d’accusation numéro 4), soit 23 415 $;

-           l’expérience de l’intimé dans le domaine de la distribution de produits et services financiers (11 ans);

-           un antécédent disciplinaire, ce dernier ayant été condamné le 14 décembre 1998 par le comité de discipline de l’Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec (l’organisme antérieur à la CSF) sous quatre (4) chefs d’accusation. Le premier en lien avec le défaut de maintien en vigueur d’un contrat d’assurance; le second en lien avec le défaut d’indiquer, lors de la souscription d’une proposition pour l’émission d’une police d’assurance-vie, l’intention des clients de résilier ou de remplacer la police qu’ils détenaient; le troisième en lien avec le défaut, lors de la préparation de ladite proposition, de compléter en même temps le formulaire prévu à l’Annexe 1 RCAP, d’en remettre une copie aux clients et d’en expédier une copie dans les cinq (5) jours au siège social de l’assureur dont la police était susceptible d’être remplacée; le quatrième lui reprochant, alors qu’il faisait souscrire à ses clients ladite proposition, d’avoir faussement ou erronément représenté à ceux-ci que le contrat d’assurance-vie qu’il remplaçait n’assurait pas leurs deux (2) enfants[1];

[21]        Elle mentionna ensuite les facteurs atténuants suivants :

-           des infractions remontant en 2007 alors que depuis l’intimé n’a fait l’objet d’aucune demande d’enquête ou de poursuite disciplinaire;

-           des manquements ne concernant qu’un seul couple de consommateurs;

-           l’enregistrement par l’intimé, après le retrait du chef numéro 2, d’un plaidoyer de culpabilité à l’égard des trois (3) chefs d’accusation subsistant à la plainte;

-           les affirmations de l’intimé à l’effet qu’il a « appris la leçon ».

[22]        Elle termina en déposant au dossier, au soutien de ses recommandations, six (6) décisions du comité qu’elle commenta[2].

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[23]        Le procureur de l’intimé débuta ses représentations en soulignant les facteurs atténuants suivants :

-           la bonne foi de son client, aucun élément de preuve ne permettant, à son avis, de conclure que ce dernier aurait agi par simple appât du gain ou strictement à son seul bénéfice;

-           l’absence de malhonnêteté, de mensonge, de fourberie, etc. de sa part;

-           une erreur à l’endroit de personnes proches qu’il était susceptible de revoir et dont il n’a donc pu vouloir profiter;

-           l’absence d’une « pratique systématique fautive », le comité étant confronté à une seule transaction à l’endroit d’un seul couple de consommateurs;

-           l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité, son client reconnaissant ses torts, et l’expression alors par ce dernier de remords sincères ainsi que d’une volonté de se corriger;

-           un travail sérieux exécuté par l’intimé, malheureusement entaché d’une erreur, la stratégie suggérée ne convenant pas aux clients ni à leur situation;

-           des risques de récidive à son avis peu élevés.

[24]        Il indiqua ensuite, qu’à son point de vue, la sanction appropriée serait dans tous les cas l’imposition d’amendes (dont il laissait les montants à la discrétion du comité), assortie d’un délai de douze (12) mois pour le paiement.

[25]        Il termina en soumettant à son tour, au soutien de sa proposition, des autorités qu’il commenta[3].

LES FAITS

[26]        Selon ce que lui ont présenté les parties, les faits pertinents à la compréhension du dossier sont les suivants.

[27]        L’intimé a connu les consommateurs en cause, soit G.L. et G.B. par l’entremise de ses beaux-parents.

[28]        Ces derniers venaient de procéder à la vente d’un immeuble à revenus leur appartenant et cherchaient à investir le produit de la vente dans des produits financiers.

[29]        Suivant les conseils et par l’entremise de l’intimé, tel qu’il appert à la pièce P-19 :

a)            le 17 avril 2007, ils ont souscrit chacun à un fonds distincts Ecoflex et y ont déposé un montant de 105 000 $ dont l’investissement d’origine émanait de la vente de leur immeuble à revenus;

b)            le 10 mai 2007, ils ont retiré chacun 50 000 $ de leur compte de fonds distincts pour servir de comptant lors de l’achat d’une nouvelle résidence;

c)            le 24 mai 2007, chacun d’eux a déposé 75 000 $ dans les contrats de fonds distincts. Cette somme provenait d’un prêt hypothécaire de 150 000 $ accordé le 23 mai 2007;

d)            le 13 juillet 2007, une police d’assurance-vie universelle portant le numéro [...] a été émise à leurs noms pour un capital assuré de 643 000 $;

e)            le 24 juillet 2007, une somme de 74 000 $ provenant du fonds distincts de G.L. ([...]) est versée dans l’assurance vie universelle;

f)             le 14 août 2008, un dépôt de 85 000 $ est fait dans l’assurance vie universelle, la somme provenant du fonds distincts de G.B. ([…]).

[30]        Avant la souscription de la police d’assurance-vie universelle en cause, l’intimé n’a effectué aucune analyse de besoins au décès des consommateurs. Enfin, il a reçu une commission de l’ordre de 23 415,89 $ à la suite de l’émission de ladite police.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[31]        Après le retrait par la plaignante du chef numéro 2, l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’endroit de tous les chefs subsistant à la plainte, soit à l’égard des chefs 1, 3 et 4.

[32]        Au cours de son témoignage devant le comité, il a exprimé ce qui a semblé des regrets sincères à l’endroit des fautes qu’il a commises et a déclaré avoir « appris la leçon ».

[33]        Aucune preuve n’a été présentée au comité lui permettant de conclure qu’il aurait agi tel qu’il lui est reproché par seul appât du gain ou uniquement pour en tirer un bénéfice personnel. Les fautes qui lui sont reprochées ont été commises à l’endroit de proches qu’il était susceptible de revoir, ce qui accréditerait son affirmation à l’effet qu’il aurait agi dans ce qu’il croyait être leur intérêt.

[34]        Le comité n’est pas non plus confronté à une pratique déficiente systématique, les fautes commises l’ayant été à l’endroit d’un seul couple de consommateurs.

[35]        Depuis les événements qui lui sont reprochés et qui remontent à plus de sept (7) ans, l’intimé n’a fait l’objet d’aucune nouvelle plainte ou demande d’enquête.

[36]        Enfin, il a certes été éprouvé, tant personnellement que professionnellement, du dépôt de la plainte.

[37]        Néanmoins la gravité objective des infractions qu’il a commises est indéniable. De plus, elles ont eu des conséquences dommageables importantes pour les consommateurs en cause.

Chefs d’accusation numéros 1 et 4

[38]        En reconnaissant sa culpabilité sous le chef 1, l’intimé a admis leur avoir recommandé l’utilisation d’un prêt hypothécaire à des fins d’investissement alors qu’une telle stratégie ne correspondait pas à leur situation personnelle et financière.

[39]        En reconnaissant sa culpabilité sous le chef 4, il a admis leur avoir recommandé la souscription d’une police d’assurance-vie universelle, d’un capital assuré de 643 000 $, qui ne correspondait ni à leurs besoins financiers ni à leur situation.

[40]        Plus particulièrement alors que ces deniers n’avaient aucun véritable besoin en matière d’assurance-vie, l’intimé leur a suggéré d’utiliser le produit d’un emprunt hypothécaire sur leur résidence aux fins de la souscription d’une telle police, ce qui allait lui permettre, il faut le souligner, de toucher des commissions et bonis de l’ordre de plus de 23 000 $.

[41]        De plus, contrairement à ce que leur avait affirmé l’intimé, les consommateurs n’ont pas été en mesure de fiscalement déduire les intérêts de leur prêt hypothécaire.

[42]        Ces derniers, qui disposaient de moyens relativement modestes pour leur retraite, ont, en conséquence des recommandations et agissements de l’intimé, subi un préjudice important.

[43]        Depuis qu’ils ont souscrit la police d’assurance-vie universelle en cause, une part de leurs épargnes sert à payer des primes et des taxes pour une couverture d’assurance-vie ne correspondant pas à leurs besoins.

[44]        Bien que la preuve ne révèle pas que l’intimé aurait agi dans le seul but de favoriser ses intérêts au détriment des leurs, les consommateurs en cause étaient en droit de s’attendre à bénéficier de soins et de conseils d’un représentant consciencieux et compétent.

[45]        Si aucun élément de preuve ne permet de conclure que l’intimé aurait agi strictement dans le seul but de toucher des bonis et commissions de l’ordre de 23 415 $, il n’en demeure pas moins qu’il ne pouvait ignorer l’importance des sommes qui allaient alors lui être versées.

[46]        Enfin, bien qu’il ait antérieurement fait l’objet de poursuites disciplinaires, il se retrouve à nouveau devant le comité de discipline de sa profession.

[47]        Ce dernier a en effet fait l’objet antérieurement d’une décision du comité de surveillance de l’Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec (auquel a succédé la Chambre de la sécurité financière) le déclarant coupable des quatre (4) infractions décrites précédemment. Et il est à souligner qu’à la suite de son analyse du chef 4, le comité avait alors déclaré : « L’intimé devra mettre plus de rigueur dans l’exercice de sa profession et faire les représentations exactes auprès de ses clients; si son expérience l’empêche de répondre à une question, il doit faire les vérifications nécessaires avant de donner des informations précises à ses clients ».

[48]        Par l’entremise de son procureur, l’intimé a réclamé du comité qu’il s’abstienne d’ordonner une période de radiation et lui impose plutôt, sous chacun des trois (3) chefs, des amendes.

[49]        Le comité ne croit pas devoir faire droit à cette demande. Il est d’avis que relativement aux chefs 1 et 4, une période de radiation temporaire s’impose.

[50]        Les consommateurs, dans une situation de vulnérabilité à l’endroit des suggestions de l’intimé, n’avaient aucune volonté de souscrire un produit d’assurance-vie et n’en avaient aucun besoin.

[51]        Ils étaient à la retraite avec des revenus inférieurs à leurs exigences et possédaient une valeur nette peu élevée.

[52]        Leur situation financière ne leur permettait pas de prendre des risques additionnels en empruntant des sommes pour fins de placement.

[53]        Le produit d’assurance-vie universelle et la stratégie d’effet de levier suggérée par l’intimé ne pouvaient convenir à leur situation.

[54]        Ils se sont retrouvés dans l’obligation de conserver semble-t-il jusqu’à ce jour, la police d’assurance-vie universelle souscrite par l’entremise de l’intimé, notamment à cause des frais de rachat importants qu’ils auraient autrement été appelés à payer.

[55]        Or, en tant que représentant, l’intimé avait comme devoir de s’assurer que le produit et la stratégie qu’il recommandait à ses clients soient conformes à leurs besoins, à leurs attentes, appropriés à leur situation et leur conviennent.

[56]        Les fautes commises par l’intimé sont sérieuses et vont au cœur de l’exercice de la profession.

[57]        En l’espèce, la conclusion générale qui s’impose c’est que l’intimé a fait défaut de respecter son obligation générale de prudence et de diligence particulièrement dans la recherche de ce qui pouvait convenir à ses clients. Il a omis d’agir en conseiller consciencieux et a fait défaut de s’acquitter de son mandat.

[58]        Au soutien de sa proposition, le procureur de l’intimé a cité la décision Micheline Rioux c. Jean-Claude Major. Or, les faits en cette affaire ne se comparent nullement à ceux de la présente affaire.

[59]        Même s’il s’agit de la souscription d’une police d’assurance-vie universelle, dans ladite affaire Major le représentant n’avait aucunement comme en l’espèce recommandé à sa cliente d’effectuer ou d’utiliser une forme de stratégie de prêt levier pour y investir.

[60]        D’autre part, le représentant avait placé les trois quarts (3/4) des produits que la cliente avait reçus à la suite du décès de son mari dans des fonds distincts (dont les revenus sont garantis). Il envisageait que la somme (de 100 000 $) ainsi placée serait à l’abri de l’impôt pour une période qu’il évaluait à vingt-trois (23) ans, ce qui aurait permis à la cliente de se constituer libre d’impôt un fonds de retraite.

[61]        Enfin, tel que mentionné à ladite décision : « Si la cliente devait décéder avant d’atteindre cet âge, ses héritiers bénéficieraient du capital prévu à la partie assurance-vie du produit. Les enfants de cette dernière en auraient les bénéfices ».

[62]        Le comité n’était donc pas confronté comme en l’espèce à une cliente n’ayant aucun besoin d’assurance-vie.

[63]        D’autre part, dans le dossier George Exilus cité par la plaignante, pour avoir recommandé à ses clients des produits qui ne correspondaient pas à leur situation financière, à leurs objectifs de placement et à leur tolérance aux risques, le comité a imposé au représentant sous chacun des chefs une radiation temporaire de six (6) mois à être purgée de façon concurrente.

[64]        Dans la décision Jacques-André Thibault également citée par la plaignante, l’intimé, reconnu coupable des chefs d’accusation 3, 6 et 9 à la plainte amendée lui reprochant de ne pas avoir subordonné son intérêt personnel à celui de ses clients en leur faisant souscrire des polices d’assurance-vie universelle, a été condamné à des périodes de radiation d’un an sous chacun desdits chefs d’accusation.

[65]        Compte tenu de ce qui précède, considérant l’ensemble des facteurs tant objectifs que subjectifs, aggravants qu’atténuants qui lui ont été soumis, le comité est d’avis que sous chacun des chefs 1 et 4 la condamnation de l’intimé à une radiation temporaire de trois (3) mois à être purgée de façon concurrente serait en l’espèce des sanctions justes et appropriées, adaptées aux infractions et respectueuses des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

Chef d’accusation numéro 3

[66]        En enregistrement un plaidoyer de culpabilité sous ce chef, l’intimé a reconnu son défaut de procéder, avant la souscription de la police d’assurance-vie universelle mentionnée au chef numéro 4, à une analyse complète et conforme des besoins financiers des clients.

[67]        Or l’analyse des besoins financiers, tel que le comité l’a répété à plusieurs reprises, est un exercice préalable indispensable à l’émission de tout contrat d’assurance de personnes. Il s’agit de la pierre d’assise fondamentale sur laquelle s’appuie ou doit s’appuyer la recommandation du représentant.

[68]        Ajoutons qu’en l’espèce si l’intimé avait procédé à un tel exercice celui-ci aurait vraisemblablement ou possiblement démontré à ses clients qu’ils n’avaient aucun besoin de souscrire une police d’assurance-vie alors que l’intimé leur suggérait la souscription d’une police d’un capital assuré de 643 000 $.

[69]        Aussi, compte tenu de la condamnation antérieure de l’intimé par l’organisme qui a précédé la Chambre de la sécurité financière, soit le comité de surveillance de l’Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec et de la mise en garde que le comité avait alors émise à l’intimé, compte tenu que ce dernier se retrouve à nouveau devant le comité de discipline pour des comportements allant à l’encontre des règles déontologiques, et considérant les éléments tant objectifs que subjectifs qui lui ont été présentés, le comité est d’avis que l’imposition d’une amende de 6 000 $ sous ce chef, tel que suggéré par la plaignante, serait en l’espèce une sanction juste et appropriée, adaptée à l’infraction et respectueuse des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il lui faut tenir compte.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE son autorisation au retrait par la plaignante du chef d’accusation numéro 2;

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé sous chacun des chefs 1, 3 et 4 contenus à la plainte (le 20 mai 2014);

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité qu’il a prononcée séance tenante le 20 mai 2014 à l’endroit de l’intimé sous chacun des chefs 1, 3 et 4 contenus à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous chacun des chefs d’accusation 1 et 4 :

IMPOSE à l’intimé une période de radiation temporaire de trois (3) mois à être purgée de façon concurrente;

Sous le chef d’accusation 3 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 6 000 $;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais de préparation d’une expertise et d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26;

ACCORDE à l’intimé un délai de douze (12) mois pour le paiement de l’amende et des frais, lequel devra s’effectuer au moyen de versements mensuels, égaux et consécutifs débutant le trentième jour de la présente décision sous peine de déchéance du terme et sous peine de non-renouvellement de son certificat émis par l’Autorité des marchés financiers dans toutes les disciplines où il lui est permis d’agir.

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Suzanne Côté ____________________

Mme SUZANNE CÔTÉ, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Monique Puech___________________

Mme MONIQUE PUECH

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Guy Leblanc

CARTER GOURDEAU

Procureurs de la partie intimée                COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

Dates d’audience :

20 mai et 29 septembre 2014

 

 

 



[1]     Le comité de discipline avait en conséquence imposé à l’intimé les sanctions suivantes : sous le chef 1 : prononcer une réprimande; sous le chef 2 : condamner l’intimé à payer une amende de 600 $; sous le chef 3 : condamner l’intimé à payer une amende de 600 $; sous le chef 4 : condamner l’intimé à payer une amende de 1 000 $; Il a aussi recommandé au conseil d’administration de l’Association des intermédiaires en assurance de personnes d’imposer à l’intimé un cours de formation de niveau 2 à être complété dans les deux (2) prochaines années.

 

[2]     Léna Thibault c. Michel L’Italien, CD00-0679, décision sur culpabilité et sanction en date du 10 octobre 2007; Caroline Champagne c. Danny Delisle, CD00-0874, décision sur culpabilité et sanction en date du 16 décembre 2011; Caroline Champagne c. George Exilus, CD00-0899, décision sur culpabilité en date du 9 mai 2012 et décision sur sanction en date du 3 janvier 2013; Caroline Champagne c. Jacques-André Thibault, CD00-0860, décision sur culpabilité en date du 15 octobre 2013 et décision sur sanction en date du 2 juillet 2014; Caroline Champagne c. André Tremblay, CD00-0945, décision sur culpabilité et sanction en date du 26 juin 2013; Caroline Champagne c. Nancy Di Salvo, CD00-0970, décision sur culpabilité et sanction en date du 26 novembre 2013.

[3]     François Pigeon c. Stéphane Daigneault et le Comité de discipline de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, décision de la Cour du Québec en date du 15 avril 2003, 2003 CanLII 32934 (QC CA); Caroline Champagne c. George Exilus, CD00-0899, décision sur culpabilité en date du 9 mai 2012 et décision sur sanction en date du 3 janvier 2013; Me Micheline Rioux c. Jean-Claude Major, CD00-0572, décision sur culpabilité en date du 10 mai 2006, décision sur sanction en date du 20 octobre 2006; Venise Lévesque c. Marcel Baillargeon, CD00-0777, décision sur culpabilité en date du 25 mars 2010 et décision sur sanction en date du 20 septembre 2010; Caroline Champagne c. Rémy Gilbert, CD00-0944, décision sur culpabilité et sanction en date du 3 avril 2013.

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