Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1034

 

DATE :

20 février 2015

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Jasmin Lapointe

Membre

M. Bruno Therrien, Pl. Fin.

Membre

_____________________________________________________________________

 

Mme NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière;

Partie plaignante

c.

 

M. BRYAN BISSONNETTE, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 174617),

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 15 octobre 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À Saint-Jean-sur-Richelieu, le ou vers le 4 octobre 2011, alors qu’il faisait souscrire à S.M. et E.R. une proposition pour l’émission d’un contrat d’assurance vie numéro [...], laquelle était susceptible d’entraîner la résiliation des contrats d’assurance vie numéros [...], [...] et [...], l’intimé n’a pas rempli le préavis de remplacement requis, contrevenant ainsi à l’article 22 (2) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants, (RLRQ, c. D-9.2, r.10);

 

2.         À Saint-Jean-sur-Richelieu, le ou vers le 21 novembre 2011, l’intimé a contrefait ou permis que soit contrefaite la signature de S.M. et E.R. sur une lettre de résiliation des contrats d’assurance vie portant les numéros [...], [...] et [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

 

3.         À Saint-Jean-sur-Richelieu, le ou vers le 22 novembre 2011, l’intimé a soumis ou permis que soit soumis un accusé de réception pour le contrat d’assurance vie portant le numéro [...] alors qu’il savait que la signature de S.M. y était fausse, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

 

4.          À Saint-Jean-sur-Richelieu, le ou vers le 12 décembre 2011, l’intimé a contrefait ou permis que soit contrefaite la signature de S.M. et E.R. sur le formulaire « Rachat » pour le contrat portant le numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ. D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3). »

[2]           D’entrée de jeu l’intimé, assisté de son procureur, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’égard de tous et chacun des quatre (4) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[3]           Après l’enregistrement dudit plaidoyer, les parties présentèrent au comité leurs preuve et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[4]           Alors que la plaignante déposa sous les cotes P-1 à P-14 une preuve documentaire consistant essentiellement en les éléments recueillis lors de son enquête, elle ne fit entendre aucun témoin.

[5]           Quant à l’intimé, il déclara n’avoir aucune preuve à offrir.

[6]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[7]           La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta en exposant ses recommandations relativement aux sanctions à imposer à l’intimé.

[8]           Elle suggéra alors que ce dernier soit condamné :

Sous le chef numéro 1 : au paiement d’une amende de 4 500 $;

Sous chacun des chefs 2, 3 et 4 : à une radiation temporaire de deux (2) mois à être purgée de façon concurrente.

[9]           Elle réclama de plus la publication de la décision ainsi que sa condamnation au paiement des déboursés.

[10]        Après avoir précisé qu’il s’agissait de « recommandations communes », elle évoqua les facteurs aggravants et atténuants suivants :

            Facteurs aggravants :

-       l’expérience de l’intimé, ce dernier exerçant la profession depuis plus de quatre (4) ans au moment des infractions;

-       la gravité objective des infractions commises par ce dernier;

-       des gestes ou conduites clairement prohibés;

-       relativement au chef numéro 1, le fait que l’intimé ne pouvait ignorer le devoir qui lui incombait de préparer un « préavis de remplacement » puisqu’il avait été mis en garde quelque dix (10) mois auparavant relativement à ses obligations à cet égard;

-       relativement aux chefs d’accusation 2 et 4, une situation où le comité est confronté à deux (2) documents comportant au total quatre (4) signatures contrefaites;

-       des risques de récidive ne pouvant, à son avis, être qualifiés de non-négligeables, l’intimé ayant fait l’objet d’une mise en garde relativement à un « préavis de remplacement » non rempli l’année précédant la commission de l’infraction qui lui est reprochée au premier chef d’accusation;

Facteurs atténuants :

-       l’absence de préjudice subi par les consommateurs;

-       l’absence de commission touchée par l’intimé à l’égard de la police d’assurance suggérée à ses clients;

-       des fautes rattachées à un seul couple de consommateurs;

-       la déclaration de l’intimé à l’enquêteur de la Chambre à l’effet qu’il « a compris le message » et ne prend dorénavant « plus de chance »;

[11]        Elle termina en produisant, au soutien de ses recommandations, un cahier d’autorités comportant onze (11) décisions du comité[1], prenant ensuite le soin de les résumer, de les commenter et d’en comparer les faits avec ceux en l’espèce.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[12]        L’intimé, par l’entremise de son procureur, confirma que les recommandations soumises par la plaignante étaient bel et bien des « recommandations conjointes ».

[13]        Il souligna ensuite à son tour les facteurs atténuants suivants :

-       l’absence de dommages subis par le couple de consommateurs concernés;

-       l’absence d’antécédents disciplinaires « formels » de l’intimé;

-       l’enregistrement par ce dernier, à la première occasion, d’un plaidoyer de culpabilité et sa volonté de ne pas nier les faits qui lui sont reprochés;

-       l’absence d’intention frauduleuse ou malveillante de sa part;

-       l’absence de bénéfices personnels directement tirés par ce dernier des actes qui lui sont reprochés.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[14]        Selon l’attestation de droit de pratique provenant de l’Autorité des marchés financiers, l’intimé a débuté dans la distribution de produits d’assurance et/ou financiers en 2007.

[15]        Bien qu’il ait fait l’objet d’une mise en garde de la part de la syndique le 4 novembre 2010, il n’a aucun antécédent disciplinaire formel.

[16]        Il a collaboré à l’enquête de cette dernière et a plaidé coupable à la première occasion à chacun des quatre (4) chefs d’accusation portés contre lui.

[17]        Selon ce qui a été présenté au comité, il n’était pas animé d’intentions frauduleuses ou malhonnêtes.

[18]        Si l’on doit se fier aux propos qu’il a tenus à l’enquêteur de la Chambre, il aurait dorénavant compris l’obligation qui lui incombe de rigoureusement respecter les règles d’exercice de la profession.

[19]        Enfin, les consommateurs en cause n’auraient subi aucun réel préjudice de ses agissements.

[20]        Néanmoins, les fautes qui lui sont reprochées et pour lesquelles il a plaidé coupable, sont d’une gravité objective indiscutable. Elles vont au cœur de l’exercice de la profession et sont de nature à discréditer celle-ci.

Chef numéro 1

[21]        À ce chef, l’intimé a admis qu’alors qu’il faisait souscrire à ses clients une proposition pour l’émission d’un contrat d’assurance-vie, laquelle était susceptible d’entraîner la résiliation d’un contrat qu’ils détenaient, il a fait défaut de remplir le préavis de remplacement exigé par l’article 22.2 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants, contrevenant ainsi à une disposition législative dont l’objectif est clairement la protection du public.

[22]        Ledit préavis sert en effet, notamment, à bien informer le client et à lui permettre d’effectuer un choix éclairé entre deux (2) contrats d’assurance.

[23]        De plus, à l’égard de ce chef il ne faut pas perdre de vue que le 4 novembre 2010, soit moins d’une année auparavant, la syndique avait servi à l’intimé une mise en garde relativement à la procédure qui doit être suivie dans le cas de remplacement de contrat.

Chefs numéros 2 et 4

[24]        À ces chefs, l’intimé a admis avoir contrefait ou permis que soit contrefaite la signature de ses clients (d’une part sur une lettre de résiliation de contrats d’assurance-vie, de l’autre sur un formulaire de rachat de contrat).

[25]        Or, tel que le comité l’a indiqué à de nombreuses reprises, l’acte de contrefaire la signature d’un client et de l’utiliser par la suite est dans tous les cas une faute sérieuse.

[26]        Dans l’affaire Maurice Brazeau c. Micheline Rioux[2], la Cour du Québec a indiqué : « Le fait d’imiter les signatures et de les utiliser est en soi un geste grave qui justifie une période de radiation. Cette période de radiation sera plus ou moins longue toutefois selon que la personne concernée pose ses gestes avec une intention frauduleuse ou non. »

Chef numéro 3

[27]        À ce chef, l’intimé a admis avoir soumis ou permis que soit soumis à l’assureur un accusé de réception pour un contrat d’assurance-vie alors qu’il savait que la signature du client qui y apparaissait était fausse.

[28]        Il s’agit, encore une fois, d’une faute grave qui va au cœur de l’exercice de la profession.

[29]        Relativement aux sanctions qui doivent être imposées à l’intimé, les parties ont soumis au comité ce qu’elles ont qualifié de « recommandations communes ».

[30]        Dans l’arrêt Douglas[3], la Cour d’appel du Québec a clairement indiqué la marche à suivre lorsque les parties sont parvenues à s’entendre pour présenter au tribunal de telles recommandations conjointes. Elle a indiqué que celles-ci ne devraient être écartées que si le tribunal les juge inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou est d’avis qu’elles sont de nature à discréditer l’administration de la justice.

[31]        Le tribunal des professions a à quelques reprises confirmé l’application de ce principe au droit disciplinaire[4].

[32]        En l’instance, après étude du dossier, le comité en arrive à la conclusion que les recommandations conjointes des parties sont raisonnables, justes et appropriées.

[33]        Il y donnera donc suite.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé sous tous et chacun des quatre (4) chefs d’accusation contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable de tous et chacun des chefs 1 à 4 contenus à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous le chef numéro 1 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 4 500 $;

Sous chacun des chefs 2, 3 et 4 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux (2) mois à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés y compris les frais d’enregistrement et de préparation d’une expertise conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26.

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Jasmin Lapointe___________________

M. JASMIN LAPOINTE

Membre du comité de discipline

 

(s) Bruno Therrien____________________

M. BRUNO THERRIEN, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Guy Leblanc

CARTER, GOURDEAU

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

15 octobre 2014

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Micheline Rioux c. Alain  Jolicoeur, CD00-0598, décision sur culpabilité et sanction rendue le 19 décembre 2006; Venise Lévesque c. Jean Larochelle, CD00-0728, décision sur culpabilité rendue le 10 novembre 2009 et décision sur sanction rendue le 30 novembre 2010; Larochelle c. Lévesque, 2012, QCCQ 1402; Caroline Champagne c. Dominic Le Corvec, CD00-0776, décision sur culpabilité rendue le 31 août 2010 et décision sur sanction rendue le 31 mai 2011; Caroline Champagne c. Alexander Stepin, CD00-0832, décision sur culpabilité et sanction rendue le 17 mai 2011; Nathalie Lelièvre c. Guillaume Côté, CD00-0841, décision sur culpabilité et sanction rendue le 7 avril 2011; Léna Thibault c. Carolle Ferland, CD00-0754, décision sur culpabilité rendue le 3 janvier 2011, décision sur sanction rendue le 20 juillet 2011; Nathalie Lelièvre c. Fadi Alami, CD00-0961, décision sur culpabilité et sanction rendue le 24 juillet 2013; Venise Lévesque c. Maude Boucher, CD00-0700, décision sur culpabilité et sanction rendue le 1er mai 2008; Caroline Champagne c. Christian Pitre, CD00-0904, décision sur culpabilité et sanction rendue le 3 août 2012; Caroline Champagne c. Sacha Michaud, CD00-0990, décision sur culpabilité et sanction rendue le 18 décembre 2013.

[2]     Maurice Brazeau c. Micheline Rioux, Cour du Québec numéro 500-22-017059-050.

[3]     R. c. Douglas, 2002, 162 C.C.C. 3rd (37).

[4]     Maurice Malouin c. Maryse Laliberté, dossier 760-07-000001-010, décision en date du 7 mars 2002. Voir aussi Mathieu c. Dentistes, 2004 QCTP 027.

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