Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0982

 

DATE :

8 août 2013

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Jean Dion, A.V.A.

Membre

M. Armand Éthier, A.V.C.

Membre

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NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

ABDELKADER IDOUCHE (certificat 167 271)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 18 juin 2013, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.      À Montréal, le ou vers le 4 avril 2012, l’intimé a soumis ou a permis que soit soumise à l’assureur Compagnie d’assurance Combined d’Amérique, une proposition d’assurance au nom de K.C., sur laquelle la signature de ce dernier était contrefaite, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3). »

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]           D’entrée de jeu, l’intimé enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’endroit de l’unique chef d’accusation contenu à la plainte.

[3]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs preuve et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[4]           Alors que la plaignante versa au dossier une importante preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-6, elle ne fit entendre aucun témoin.

[5]           Quant à l’intimé, il déposa un exposé des circonstances entourant l’infraction qui lui est reprochée, cotée SI-1, et choisit de témoigner.

LES FAITS

[6]           Selon son témoignage, le contexte factuel rattaché à l’infraction est le suivant.

[7]           Il se présentait directement chez certaines personnes et faisait la présentation des produits d’assurance de la Compagnie d’assurance Combined d’Amérique (Combined).

[8]           Alors qu’il faisait du porte à porte dans le secteur Montréal-Nord, accompagné d’un autre représentant, M. Frank Saintilus, il a frappé à la porte de la famille C.

[9]           Invité à y entrer, il a exposé aux occupants les produits d’assurance accident, maladie, distribués par l’assureur précité.

[10]        Après l’analyse de ses besoins, Mme C., une dame monoparentale avec quatre (4) enfants à charge qui avait entendu parler de la Combined par une amie, décida de souscrire un plan de protection pour elle-même ainsi qu’un plan pour chacun de ses enfants.

[11]        Cette dernière signa alors tous les contrats, sauf celui de son fils majeur puisqu’il était prévu que celui-ci devait d’un instant à l’autre se présenter à la maison.

[12]        Le fils en question aurait toutefois sur les entrefaites téléphoné à sa mère pour l’informer qu’à la suite d’un contretemps il arriverait tard dans la soirée.

[13]        L’intimé aurait alors déclaré à Mme C. qu’il reviendrait le lendemain pour cueillir la signature du fils mais cette dernière lui aurait plutôt proposé de signer à sa place.

[14]        L’intimé lui aurait répondu que ce n’était pas une façon de procéder mais la cliente lui aurait laissé entendre qu’elle en prenait la responsabilité et aurait signé le document à la place du fils. L’intimé ne se serait pas opposé à ce que la mère signe la proposition d’assurance à la place de son fils majeur et, alors qu’elle comportait une signature qu’il savait fausse, il aurait par la suite soumis celle-ci à l’assureur.

[15]        Les événements précités se seraient déroulés le ou vers le 4 avril 2012. Et, dans la ou les semaines qui ont suivi, la Combined, après enquête, a signifié à l’intimé qu’elle mettait fin à son association avec lui.

[16]        Par la suite, l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) a, le ou vers le 26 juillet 2012, assorti le certificat de ce dernier des trois (3) conditions suivantes :

-           Le représentant doit, pour une période d’au moins deux ans, alors qu’il a un droit d’exercice valide, exercer ses activités à titre de représentant rattaché à un ou des cabinets dont il n’est pas dirigeant responsable ou administrateur. Le représentant doit faire parvenir à l’Autorité, au plus tard 30 jours après la réception de la présente décision, le nom du cabinet auquel il sera rattaché ainsi que le détail des mesures de contrôle et de conformité dudit cabinet.

-           Le représentant doit, pour une période d’au moins deux ans, alors qu’il a un droit d’exercice valide, exercer ses activités sous la responsabilité d’une personne nommée par le dirigeant responsable et du cabinet auquel il sera rattaché. Ceux-ci superviseront ses activités de représentant, de façon rapprochée[1]. Le représentant doit faire parvenir à l’Autorité, au plus tard 30 jours après la réception de la présente décision, une attestation de la part du dirigeant responsable du cabinet dans laquelle celui-ci désignera la personne qui supervisera ses activités de représentant. Durant la supervision, une déclaration relative à une condition de supervision doit être acheminée à l’Autorité, mensuellement.

-           Le représentant ne doit pas, pour une période de deux ans, agir à titre de superviseur pour un postulant dans le domaine des services financiers.

[17]        Après que la Combined eut mis fin à son contrat, l’intimé a tenté de se trouver un emploi auprès d’un autre assureur dans le domaine de la distribution de produits d’assurance mais sans succès.

[18]        Il est parvenu à décrocher un emploi auprès de la Financière Sun Life dans le domaine du télémarketing et il y travaillerait depuis.

[19]        Après avoir résumé les événements liés à la plainte, l’intimé évoqua ses responsabilités auprès de la Combined.

[20]        Il raconta que « vu l’arrivée massive de stagiaires », il avait consenti à y agir comme gérant, et ce, quelque peu malgré lui. Il mentionna que s’il avait agi à ce titre auprès de l’autre représentant impliqué dans l’affaire c’était à la demande des autorités de la compagnie qui auraient voulu qu’il parvienne à convaincre ce dernier de produire ses rapports d’activités à la fin de la semaine, le vendredi, comme la plupart des autres représentants, plutôt que la semaine suivante. Il termina en soulignant que ledit représentant avait suivi les cours et « passé » les examens requis par la compagnie pour lui-même agir à titre de gérant.

[21]        Les parties offrirent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[22]        Après avoir à son tour exposé les circonstances entourant l’infraction reprochée à l’intimé, la plaignante, par l’entremise de son procureur, déclara que les parties s’étaient entendues pour soumettre au comité, sur sanction, des « recommandations conjointes ».

[23]        Elle déclara qu’elles avaient convenu de lui proposer que soit imposée à l’intimé, sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte, une radiation temporaire d’un mois, ladite période de radiation ne devant toutefois prendre effet qu’à compter de la reprise par ce dernier de son droit de pratique à la suite de l’émission en son nom d’un certificat par l’autorité compétente.

[24]        Elle réclama de plus la condamnation de ce dernier au paiement des déboursés et la publication de la décision.

[25]        Au plan des facteurs aggravants, elle invoqua :

-           la gravité objective de l’infraction en cause, soit une infraction de la nature d’une contrefaçon;

-           une conduite que l’intimé savait ou devait savoir prohibée;

-           l’expérience de l’intimé, ce dernier n’étant pas à ses débuts dans la profession, ayant exercé les activités de représentant depuis sept (7) ans;

-           une infraction qui va au cœur de l’exercice de la profession.

[26]        Au plan des facteurs atténuants, elle mentionna :

-           l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimé;

-           l’enregistrement par ce dernier, à la première occasion, d’un plaidoyer de culpabilité à l’endroit de l’unique chef d’accusation contenu à la plainte;

-           l’absence d’intention malhonnête ou malveillante de sa part;

-           une faute isolée commise lors d’un seul événement particulier;

-           l’absence d’avantages tirés de la faute, la police d’assurance n’ayant jamais été émise;

-           le congédiement subi par l’intimé à la suite de sa faute.

[27]        Elle termina en déposant au soutien de sa recommandation un cahier d’autorités qu’elle commenta[2].

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[28]        L’intimé débuta en signalant son accord à la suggestion de la plaignante pour que lui soit imposée, à titre de sanction, une radiation temporaire d’un mois devant prendre effet au moment de la reprise de son droit d’exercice.

[29]        Il indiqua toutefois qu’il était en désaccord avec sa demande pour la publication de la décision. Il raconta que maintenant à l’emploi de l’assureur Sun Life, il entretenait de bons rapports avec les gens avec qui il travaillait alors que la publication de la décision dans les journaux pourrait amener ceux-ci à modifier le regard qu’ils posent sur lui.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[30]        Selon l’attestation de droit de pratique, provenant de l’AMF et produite au dossier, l’intimé a détenu un certificat dans la discipline de l’assurance contre la maladie ou les accidents pour le cabinet Compagnie d’assurance Combined d’Amérique, du 22 novembre 2005 au 24 avril 2012.

[31]        Il n’a aucun antécédent disciplinaire en sept (7) ans de carrière.

[32]        Il a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’endroit de l’unique chef d’accusation porté contre lui.

[33]        Il a collaboré à l’enquête de la syndique.

[34]        Devant le comité, il a exprimé des regrets sincères à l’endroit de la faute qu’il a commise.

[35]        Il n’a tiré aucun bénéfice de celle-ci.

[36]        Il ne semble pas avoir été animé d’une quelconque intention malveillante ou frauduleuse.

[37]        Le comité est confronté à une faute isolée liée à un événement ponctuel.

[38]        Néanmoins la faute qu’a commise l’intimé touche directement à l’exercice de la profession.

[39]        Ce dernier a soumis et/ou permis que soit soumise à l’assureur, la Combined, une proposition d’assurance sur laquelle la signature du preneur était contrefaite, et ce, alors qu’il la savait telle.

[40]        Dans l’affaire Brazeau[3], la Cour du Québec a émis les principes qui doivent guider le comité lors de l’imposition de sanctions dans les cas de contrefaçons de signatures. Dans son jugement la Cour y a indiqué que le fait d’imiter des signatures et de les utiliser est en soi un geste grave qui justifie une période de radiation. Elle y a mentionné que la période de radiation sera plus ou moins longue toutefois selon que la personne concernée a posé ce geste avec une intention frauduleuse ou non.

[41]        En l’instance, les parties ont soumis au comité, à l’égard de la sanction, ce qu’il est convenu d’appeler des « suggestions communes ». Elles lui ont proposé d’imposer à l’intimé une radiation temporaire d’un mois ne devant prendre effet qu’à compter de la reprise par ce dernier de son droit de pratique.

[42]        Après révision du dossier ainsi que des circonstances entourant la faute de l’intimé, et après considération des éléments tant objectifs que subjectifs qui lui ont été exposés, le comité ne voit aucune raison qui le justifierait de refuser de donner suite à la « recommandation conjointe » des parties.

[43]        La sanction suggérée respecte les paramètres jurisprudentiels applicables. Elle apparaît juste, raisonnable, adaptée à l’infraction ainsi que respectueuse des principes d’exemplarité et de dissuasion dont le comité ne peut faire abstraction.

[44]        Le comité donnera donc suite à celle-ci et imposera à l’intimé sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte une radiation temporaire d’un mois, ladite sanction de radiation ne devant commencer à courir qu’à compter du moment de la reprise par l’intimé de son droit d’exercice à la suite de l’émission en son nom d’un certificat par l’AMF ou toute autre autorité compétente.

[45]        Relativement à la publication de la décision, malgré ce que lui a exposé l’intimé, le comité est d’avis d’ordonner celle-ci. Le comité ne croit pas en effet être confronté à des circonstances exceptionnelles[4] qui le justifieraient de se dispenser de l’ordonner.

[46]        Pour ce qui est des déboursés, en l’absence de motifs qui pourraient l’inciter à s’écarter de la règle habituelle voulant que la partie qui succombe en assume généralement le coût, le comité condamnera l’intimé au paiement de ceux-ci.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé à l’endroit de l’unique chef d’accusation contenu à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable de l’unique chef d’accusation contenu à la plainte.

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois, ladite période de radiation ne devant commencer à courir qu’à compter de la reprise par ce dernier de son droit de pratique à la suite de l’émission en son nom d’un certificat par l’AMF ou par toute autre autorité compétente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où ce dernier a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Jean Dion

M. JEAN DION, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Armand Éthier

M. ARMAND ÉTHIER, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Jeanine Guindi

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente lui-même.

 

Date d’audience :

18 juin 2013

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Un rapport mensuel de supervision doit être rempli en regard des activités de vente du représentant ainsi que des transactions avec les clients. Celui-ci doit être retourné à l’Autorité à chaque mois.

[2]     Léna Thibault c. René Joubert, CD00-0743, décision sur culpabilité en date du 16 juillet 2010 et décision sur sanction rectifiée en date du 29 mars 2011; jugement de la Cour du Québec; Léna Thibault c. René Joubert et le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, jugement de l’honorable juge Jean F. Keable en date du 17 janvier 2012, Cour du Québec no 500-80-017224-107 (2012) QCCQ 179; Léna Thibault c. René Joubert, dossier CD00-0743, décision sur sanction en date du 7 juin 2012; Venise Lévesque c. Maude Boucher, CD00-0700, décision sur culpabilité et sanction en date du 1er mai 2008.

[3]     Brazeau c. Chambre de la sécurité financière, 2006 QCCQ 11715.

[4]     Voir Rousseau c. Ingénieurs, 2005 QCTP 41 (TP) et Wells c. Notaires, 1993 DCCP 240 (TP).

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