Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0887

 

DATE :

17 septembre 2013

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Antonio Tiberio

Membre

M. Richard Charette

Membre

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIEVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

ROBERT BOURDEAU, conseiller en sécurité financière (no de certificat 104693)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]          Les 14 et 15 mai 2013, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre,
sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 25 août 2011.

[2]          Moins de dix jours ouvrables avant les audiences fixées devant le comité, la procureure de l’intimé informait qu’elle se retirait du dossier alléguant un bris du lien de confiance avec ce dernier. L’intimé a pour sa part indiqué qu’il désirait se représenter seul.

[3]          Étant donné le court délai avant les audiences et le nombre de remises accordées antérieurement, le comité a exigé la présence de la procureure de l’intimé aux dates fixées pour entendre ses représentations.

[4]          Après avoir entendu tant l’intimé que sa procureure, le comité a accueilli la demande de cette dernière. Il a toutefois été convenu qu’elle remette séance tenante à l’intimé son dossier y compris la preuve divulguée par la plaignante.

[5]          L’intimé a ensuite pris connaissance de la divulgation de la preuve et, malgré la mise en garde générale du comité et plus particulièrement eu égard à la présence de témoin expert, a réitéré sa décision de se représenter sans l’assistance d’un avocat. Dans les circonstances, le comité a entendu la preuve présentée par les parties sur la plainte suivante :

 

LA PLAINTE

À L’ÉGARD DE P.B.

1.            À Victoriaville, le ou vers le 19 septembre 2000, l’intimé a contrefait ou incité un tiers à contrefaire la signature de P.B. sur un formulaire «Description du produit et signature», contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (D-9.2, r.3);

2.            À Victoriaville, le ou vers le 20 octobre 2000, l’intimé a contrefait ou incité un tiers à contrefaire la signature de P.B. sur un formulaire «Avis de divergence» pour la police d’assurance-vie de Union-Vie no [...], contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (D-9.2, r.3);

3.            À Victoriaville, le ou vers le 12 mars 2002, l’intimé a contrefait ou incité un tiers à contrefaire la signature de P.B. sur un formulaire «Demande de transfert de fonds» pour la police d’assurance-vie de Union-Vie no [...], contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (D-9.2, r.3).

[6]           Ainsi, le procureur de la plaignante a fait entendre le consommateur impliqué P.B., ainsi que Mme Yolande Gervais, experte judiciaire en écriture et documents, et a déposé sa preuve documentaire (P-1 à P-20).

[7]           L’intimé a témoigné et a fait entendre M. Guy Lampron, conseiller en sécurité financière, et a déposé avec le consentement du procureur de la plaignante les pièces
I-1 à I-3, dont le rapport de Mme Johanne E. Bergeron, experte certifiée en écriture et documents, pour valoir témoignage
.

LA PREUVE

[8]           De la preuve offerte, le comité retient principalement ce qui suit.

[9]           L’intimé a débuté dans l’industrie vers 1989. Il détenait au moment des évènements un certificat en assurance collective de personnes, en courtage en épargne collective et en courtage en plans de bourses d’études (P-1 et P-2).

[10]        P.B. a connu l’intimé en 1999 alors qu’il était membre du club social « Élan », à Victoriaville.

[11]        Retraité depuis l’an 2000, P.B. perçoit comme seul revenu les rentes du Québec et une pension du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (Fonds de solidarité), le tout totalisant un revenu annuel d’environ 24 000 $.

[12]        Au moment où il a fait affaires avec l’intimé comme conseiller en sécurité financière, P.B. vivait seul, son épouse ayant quitté pour Montréal avec les enfants. Il a demandé conseil à l’intimé pour placer 50 000 $, provenant de la vente de sa maison et d’environ 55 000 $ détenus jusqu’alors auprès du Fonds de solidarité.

[13]        Au cours de leur première rencontre, P.B. a remis à l’intimé tous ses documents, aux fins d’analyse et de propositions.

[14]        Plus tard, il a rencontré l’intimé en présence d’un autre représentant,
M. Jacques-André Marcoux. Ceux-ci lui ont présenté un document intitulé
« Planification de sécurité financière [P.B.] », daté du 12 septembre 2000 (I-1). Cette planification prévoyait la souscription d’une assurance vie universelle avec Union vie, dans laquelle serait investi l’argent de P.B.

[15]        P.B. a témoigné que les signatures apparaissant aux formulaires suivants n’étaient pas les siennes :

a)     « Description du produit et signature » daté du 19 septembre 2000
(P-7, page 0398) (chef 1);

b)     « Avis de divergence » pour la police d’assurance vie d’Union vie # [...], daté du 20 octobre 2000 (P-11, page 0776) (chef 2);

c)      « Demande de transfert de fonds » pour la même police d’assurance vie, daté du 12 avril 2002 (P-15, page 0799) (chef 3).

[16]        En 2007, quand il a atteint 65 ans, P.B. a appelé l’intimé pour savoir quand il commencerait à recevoir la mensualité de 500 $ qui lui avait été représentée lors de l’investissement en 2000. L’intimé lui a répondu qu’il aurait à attendre encore deux ans avant de la toucher.

[17]        En 2009, P.B. a de nouveau communiqué avec l’intimé mais ce dernier lui a alors répondu que le marché boursier avait subi une baisse et que la rente ne serait par conséquent pas celle prévue. C’est à ce moment que leur relation a pris fin. 

[18]        Au mois d’août 2009, P.B. a porté plainte à l’Autorité des marchés financiers (AMF). Un dossier d’enquête au bureau de la syndique de la Chambre de la sécurité financière (CSF) a été ouvert au mois de septembre suivant.

[19]        La plainte de P.B. visait la rente mensuelle non-concrétisée à l’âge de 65 ans, contrairement à la planification financière soumise par les deux conseillers, M. Marcoux et l’intimé, le 12 septembre 2000.

[20]        Suivant le témoignage de l’intimé, la planification de sécurité financière de P.B., bien que présentée par lui et M. Marcoux, a été préparé uniquement par ce dernier.

[21]        La proposition d’assurance vie universelle d’Union vie porte les signatures de P.B., M. Marcoux et de l’intimé (P-6).

[22]        À la partie 4 de cette même proposition intitulée « Rapport du conseiller en sécurité financière », les noms de M. Marcoux et de l’intimé ainsi que leurs signatures se trouvent sous la section D « Identification du conseiller » (P-6, page 0393).

[23]        Les signatures des deux conseillers et de P.B. apparaissent également à
l’« Entente d’assurance conditionnelle » (P-6, page 0394).

[24]        Les noms de M. Marcoux et de l’intimé sont indiqués comme conseillers sur les formulaires de « Prélèvement préautorisé » et « Autorisation de placement du propriétaire » (P-6, pages 0395 et 0396).

[25]        Les noms de l’intimé et de M. Marcoux apparaissent aussi comme représentants au formulaire intitulé « Description du produit et signature » qui fait partie d’un document intitulé « Sommaire » en date du 22 septembre 2000,
(P-7, pages 0397 et 0398).

[26]        Sur ce dernier formulaire, trois signatures apparaissent avec la date du 19 septembre 2000 inscrite à côté (page 0398). La première signature correspond au nom de P.B. et les deux autres correspondent à celles de M. Marcoux et de l’intimé. Cette signature de P.B. est celle visée par le premier chef de la plainte.

[27]        Au formulaire « Avis de divergence » qui porte l’étampe d’Union vie en date du 24 octobre 2000, les signatures de M. Marcoux et de l’intimé sont apposées à titre de témoins. Celle figurant sur la ligne «personne assurée» est aussi niée par P.B.

[28]        Les experts des deux parties concluent que les signatures qui apparaissent sur les formulaires « Description du produit et signature » et « Avis de divergence » mentionnés aux deux premiers chefs d’accusation, ne sont pas celles de P.B.

[29]        Quant au troisième chef, Mme Bergeron, expert pour l’intimé, indique dans son rapport que l’inscription du nom de P.B. en lettres carrées sur la ligne
« signature du propriétaire » figurant au formulaire « Demande de transfert de fond » a été faite par l’intimé et ne constitue pas une signature de P.B (P-15, page 0799
).

[30]        Selon l’intimé, ce dernier formulaire ne nécessitait pas la signature du client, mais l’assureur exigeait que les représentants inscrivent le nom de leur client sur cette ligne.

[31]        M. Lampron, témoin pour l’intimé, a corroboré cette exigence des assureurs.  

[32]        L’intimé a témoigné qu’au surplus la signature de P.B. n’était pas nécessaire sur ce document puisqu’il avait une autorisation de procéder aux demandes de transfert de fonds sans la signature du client, en autant qu’il en avait reçu les directives préalablement comme en fait foi l’autorisation de placement signée par P.B. le
19 septembre 2000, le même jour que la proposition (P-6, page 0396).

[33]        Bien que les deux experts ont conclu que les signatures qui apparaissent aux formulaires visés par les deux premiers chefs ne sont pas celles de P.B., l’intimé a  témoigné que P.B. avait signé ces documents en sa présence et qu’il s’agissait bel et bien de la signature de P.B.

[34]        Quant à l’authentification de l’auteur des signatures, la preuve est contradictoire. Mme Bergeron s’attarde aux différences identifiées entre la signature en litige et celle de l’intimé pour conclure qu’il n’en est pas l’auteur, et Mme Gervais se concentre plutôt sur les ressemblances pour conclure que l’intimé en était probablement l’auteur.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[35]        En ce qui concerne les deux premiers chefs d’accusation, le procureur de la plaignante a fait valoir que la prépondérance de preuve avait démontré que la signature de P.B. avait été contrefaite. Que l’intimé soit l’auteur de la contrefaçon ou qu’il ait permis à une tierce partie de le faire, puisqu’il est le conseiller apparaissant au contrat, il devait être déclaré coupable sous chacun de ces chefs. 

[36]        Il a rappelé que selon Mme Gervais le même crayon avait été utilisé pour la signature de P.B. et celle de l’intimé, ce qui appuyait d’autant la conclusion que l’intimé était l’auteur probable de la contrefaçon.

[37]        Bien que l’intimé ait témoigné ne pas avoir inscrit la date à côté de son nom, le procureur de la plaignante a avancé que, même pour un œil profane, l’écriture des deux dates paraît identique, ce qui pointait l’intimé comme l’auteur et appuyait d’autant les conclusions de Mme Gervais.

[38]        Il a ajouté que si ce n’était pas l’intimé qui avait contrefait la signature, il avait permis qu’elle le soit puisqu’il a affirmé qu’il était présent à ladite signature.  

[39]        Quant au deuxième chef concernant l’avis de divergence (P-11), le procureur de la plaignante a allégué que l’intimé ne pouvait se réfugier derrière l’autre représentant
M. Marcoux, comme il a tenté de le faire lors de son témoignage. L’intimé était le premier contact de P.B. et il était présent pendant toutes les discussions et transactions avec P.B.

[40]        Le procureur de la plaignante a signalé que P.B. n’avait aucun intérêt à mentir devant le comité.

[41]        Quant au troisième chef, il a allégué que l’inscription du nom en lettres carrées de P.B., même si reconnue par l’intimé comme ayant été faite par lui, devait être considérée comme une signature parce que se trouvant sur la ligne prévue pour la signature du propriétaire, estimant qu’il n’y a pas lieu de faire en l’espèce une différence entre une signature et une écriture.

[42]        Il a ajouté que l’autorisation donnée par P.B. à son conseiller ne lui permettait toutefois pas d’écrire son nom sur la ligne prévue pour sa signature, même si cette signature n’était pas nécessaire.

[43]        Enfin, à l’appui de ses représentations, il a déposé plusieurs décisions[1] rendues sur des infractions de contrefaçon, sans toutefois les commenter. Il a cependant mentionné que dans l’une d’elles, le comité avait déclaré coupable un représentant même s’il avait obtenu l’autorisation préalable de ses clients pour signer à leurs places.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[44]        Pour les signatures visées par les deux premiers chefs, l’intimé a maintenu qu’il s’agissait bel et bien de la signature de P.B.

[45]        Quant au chef 3, il a réitéré qu’il avait écrit en lettres carrées le nom de son client sur la ligne de signature pour répondre aux exigences de l’assureur car la signature de P.B. n’était pas nécessaire puisqu’il avait obtenu son autorisation, comme M. Lampron l’a confirmé.  

ANALYSE ET MOTIFS

[46]        Les dispositions législatives alléguées au soutien des trois chefs de la plainte sont :

a)     Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF):

16. Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.

Il doit agir avec compétence et professionnalisme.

b)     Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière :

11. Le représentant doit exercer ses activités avec intégrité.

35. Le représentant ne doit pas exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente.

[47]       L’intimé est conseiller en sécurité financière depuis plus de 30 ans.

[48]       P.B. a nié les signatures visées par les trois chefs d’accusation. Pour sa part, l’intimé a, pour les deux premiers chefs, témoigné qu’il s’agissait des signatures de P.B. et que celui-ci avait signé en sa présence.

[49]       Les experts des deux parties ont conclu qu’il ne s’agissait pas des signatures de P.B. En ce qui concerne les deux premiers chefs, l’expert de la plaignante a indiqué que le même stylo avait servi pour la signature de l’intimé et pour la signature en litige, alors que l’expert de l’intimé indique qu’il s’agit d’un stylo du même type, sans pour autant affirmer qu’il s’agit du même stylo.

[50]       Le comité, formé de profane en matière d’analyse d’écriture, a aussi constaté des différences «notables» entre les signatures en litige et les signatures attribuées à P.B.

[51]       Comme l’intimé a admis qu’il était présent lors de ces signatures, le comité conclut que si ce n’est pas lui qui a contrefait les signatures de P.B., il a permis à un tiers de les contrefaire.

[52]       Le comité estime que la preuve prépondérante a démontré que les signatures apparaissant aux formulaires mentionnés aux deux premiers chefs d’accusation ne sont pas celles de P.B, cette preuve étant claire et non ambigüe. 

[53]       En conséquence, l’intimé sera déclaré coupable sous chacun des chefs 1 et 2 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la LDPSF et ordonnera l’arrêt des procédures quant aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[54]       Quant au chef 3, qui concerne l’écriture en lettres détachées du nom de P.B. sur la ligne « signature du propriétaire », l’intimé a reconnu en être l’auteur. Il a expliqué qu’en agissant de la sorte, il satisfaisait aux demandes de l’assureur mais qu’en aucun cas il ne tentait d’imiter la signature de son client. Son témoin, M. Lampron, a corroboré cette demande de l’assureur. Le comité retiendra le témoignage de l’intimé à cet égard.

[55]       Bien que le fait d’écrire en lettres détachées le nom du client sur la ligne de signature ne soit pas une pratique souhaitable, il n’en demeure pas moins que la preuve prépondérante a démontré que la signature du propriétaire n’était pas nécessaire sur ce document puisque P.B. avait autorisé son représentant à procéder à des transactions sans sa signature sous réserves d’obtenir au préalable ses directives.

[56]       Avec respect pour l’opinion contraire, le comité ne croit pas qu’écrire le nom de P.B. en lettres moulées sur la ligne signature transforme cette écriture en signature. Si une toute autre information avait été écrite sur cette ligne, cela en ferait-il  une signature pour autant?

[57]       Pour conclure à la contrefaçon de signature, le comité estime qu’il faille une intention de faire croire qu’il s’agit de la signature de la personne souhaitée. L’intimé, par l’entremise du rapport de son expert, a reconnu qu’il avait écrit en lettres carrées le nom de P.B. et non signé pour ce dernier. Au surplus, la preuve a démontré que la signature de P.B. n’était pas nécessaire pour cette transaction en raison de l’autorisation signée en faveur de l’intimé au moment de l’investissement.

[58]       La preuve non-équivoque a démontré que l’intimé a écrit en lettres détachées le nom de P.B. sur le formulaire mentionné au chef 3, sans aucune intention d’imiter sa signature.

[59]       Par conséquent, l’intimé sera acquitté sous le chef 3.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable sous chacun des chefs d’accusation 1 et 2 de la plainte portée contre lui;

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures sous les chefs d’accusation 1 et 2 quant aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

ACQUITTE l’intimé sous le chef d’accusation 3 de la plainte portée contre lui;

CONVOQUE les parties avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(s) Antonio Tiberio

M. Antonio Tiberio

Membre du comité de discipline

 

(s) Richard Charette

M. Richard Charette

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jean-François Noiseux

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente seul

 

Dates d’audience :

Les 14 et 15 mai 2013

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ

 


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0887

 

DATE :

13 janvier 2014

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Antonio Tiberio

Membre

M. Richard Charette

Membre

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIEVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

ROBERT BOURDEAU, conseiller en sécurité financière (no de certificat 104693)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

[1]          Le 11 novembre 2013, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo‑Pariseau, 26e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition sur sanction, suite à la décision sur culpabilité rendue par le comité le 17 septembre 2013.

[2]          L’intimé se représentait seul, mais était présent à l’audience par téléconférence, se trouvant à l’extérieur du Québec.

REPRÉSENTATIONS SUR SANCTION

La partie plaignante

[3]           Le procureur de la plaignante a recommandé la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois mois sous chacun des chefs 1 et 2, à être purgée de façon concurrente.

[4]          Il a de plus recommandé la publication de la décision et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[5]          Il a ensuite mentionné les facteurs aggravants et atténuants suivants et passé en revue une série de décisions[2] soulignant les similitudes et les distinctions qui s’imposaient avec le cas en l’espèce :

Aggravants 

a)    La gravité objective de l’infraction; la contrefaçon de signature allant au cœur même de l’exercice de la profession ;

b)    Les années d’expérience de l’intimé alors que M. Marcoux débutait dans la profession ;

c)    Le nombre de deux signatures contrefaites, sur deux documents distincts ;

d)    Le préjudice pécuniaire subi par le consommateur ;

e)    L’absence d’expression de regrets ou de remords de la part de l’intimé ;

Atténuants

a)     L’écoulement de treize années depuis la commission de l’infraction reprochée sans qu’il n’y ait d’autre plainte portée contre l’intimé ;

b)     L’implication d’un seul consommateur ;

c)      L’absence d’antécédent disciplinaire ;

d)     L’absence d’intention frauduleuse.

La partie intimée

[6]           Pour sa part, l’intimé a indiqué être en désaccord avec la sanction proposée.

[7]           Il a fait valoir qu’il avait plutôt toujours eu à cœur de faire son travail correctement, mais que M. Jacques-André Marcoux est celui qui avait monté le dossier. Au moment des infractions, il était récemment rattaché à l’ASSEP qui insistait pour que les représentants d’expérience travaillent conjointement avec des plus jeunes comme M. Marcoux, ceux-ci étant plus habiles avec les ordinateurs. C’est pourquoi il considérait ne pas être coupable des gestes reprochés.

[8]           L’intimé a renoncé à la signification personnelle de la décision à venir et a demandé qu’elle lui soit envoyée par courriel, car il serait à l’extérieur de la province, au moins jusqu’au printemps 2014.

 

ANALYSE ET MOTIFS

[9]          La contrefaçon de signature est une infraction dont certains représentants ne semblent pas comprendre la gravité. En l’espèce, la signature du preneur de l’assurance était requise sur l’avis de divergence visé par le chef 2 puisqu’il y a eu modification de la proposition. Par cette signature, le preneur assurait qu’il avait pris connaissance de ce qui suit[3]:

«Si aucune preuve d’assurabilité n’est requise, je déclare (nous déclarons) que mon (notre) état de santé et mes (nos) conditions d’assurabilité déclarés dans la proposition sont demeurés inchangés depuis la signature de ladite proposition. De plus, je (nous) soussigné(s), reconnais (reconnaissons) avoir pris connaissance et accepté le présent document dont copie est annexée à la police d’assurance».

[10]       Cette signature revêtait dans les circonstances une importance accrue et ajoute à la gravité de l’infraction. Les deux représentants ayant signé ce formulaire, l’intimé ne peut s’en dissocier même si c’est M. Marcoux qui a monté le dossier. En tant que représentant d’expérience il se devait d’assurer l’authenticité de la signature de son client.

[11]       La Cour du Québec dans l’affaire Brazeau, citée par le procureur de la plaignante, a énoncé que même si une période de radiation est impérative dans le cas de contrefaçon de signature, l’intention frauduleuse constitue un élément déterminant à considérer pour la durée de la radiation à imposer.

[12]       Considérant tant les facteurs aggravants et atténuants pertinents, le comité est d’avis qu’étant donné l’absence d’intention frauduleuse de l’intimé et l’absence d’antécédent disciplinaire, une période de radiation de deux mois sous chacun des deux chefs est une sanction juste et raisonnable et sera purgée de façon concurrente. Toutefois, le comité reporte son exécution au 1er avril 2014, date prévue de son retour au Québec.

[13]       Le comité ordonnera également la publication de la décision et condamnera l’intimé au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

 

ORDONNE, sous chacun des chefs 1 et 2 de la plainte la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux mois à être purgée de façon concurrente à partir du 1er avril 2014;

CONDAMNE l’intimé au paiement des débours conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26);

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a eu son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26).

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Antonio Tiberio

M. Antonio Tiberio

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Richard Charette

M. Richard Charette

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jean-François Noiseux

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente seul

 

Date d’audience :

Le 11 novembre 2013

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ

 



[1] Thibault c. Steven Tedeschi, CD00-0707, décision sur culpabilité du 13 mai 2009 et décision sur sanction du 6 octobre 2009; Thibault c. Carolle Ferland, CD00-0754, décision sur culpabilité du 3 janvier 2011 et décision sur sanction du 20 juillet 2011; Ferblanterie JBM c. Ventilation Provent inc. et Steven Bergeron, 2010 QCCQ 10520, décision de l’honorable Brigitte Gouin de la Cour du Québec du 1er décembre 2010; S.G. et F.G. et L.G. c. Succession G. GU. G. et LI. D. et C.P., 2012 QCCS 24, décision de l’honorable Chantal Corriveau de la Cour supérieure du Québec du 6 janvier 2012; Jeannine Paré et al c. Nicole Paré et al, 2006 QCCS 90, décision de l’honorable Claudette Tessier-Couture de la Cour supérieure du Québec du 6 janvier 2006.

[2] Brazeau c. Chambre de la sécurité financière, 2006 QCCQ 11715, décision de la Cour du Québec du 7 novembre 2006; Champagne c. Mejlaoui, CD00-0898, décision sur culpabilité et sanction du 27 septembre 2012; Thibault c. Ferland, CD00-0754, décision sur culpabilité du 3 janvier 2011 et décision sur sanction du 20 juillet 2011; Thibault c. Tedeschi, CD00-0707, décision sur culpabilité du 13 mai 2009 et décision sur sanction du 6 octobre 2009.

[3] P-11, p. 000776.

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