Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0983

 

DATE :

17 février 2014

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Monique Puech

Membre

M. Jean Dion, A.V.A.

Membre

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

FRANCK SAINTILUS, (certificat 185713)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 22 octobre 2013, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À Montréal, le ou vers le 4 avril 2012, l’intimé a soumis ou permis que soit soumise à l’assureur Compagnie d’assurance Combined d’Amérique, une proposition d’assurance au nom de K.C., sur laquelle la signature de ce dernier était contrefaite, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3); »

PREUVE DES PARTIES

[2]           Au soutien de la plainte, la plaignante versa au dossier une preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-6 et fit entendre l’enquêteur, Me Marie-Julie Gauthier.

[3]           Quant à l’intimé, celui-ci témoigna mais ne déposa aucun document.

LES FAITS

[4]           Tel que rapporté à la décision rendue par le comité le 8 août 2013 dans l’affaire connexe de Nathalie Lelièvre c. Abdelkader Idouche, CD00-0982, le contexte factuel rattaché à la présente plainte est le suivant.

[5]           Le ou vers le 4 avril 2012, alors qu’il faisait du porte-à-porte dans le secteur Montréal-Nord accompagné de son gérant des ventes, M. Abdelkader Idouche (M. Idouche), l’intimé s’est présenté à la résidence de Mme C., une dame monoparentale ayant quatre (4) enfants à charge.

[6]           Après que lui eurent été présentés les produits offerts par l’assureur, la Compagnie d’assurance Combined d’Amérique (Combined), cette dernière choisit de souscrire un plan de protection pour elle-même ainsi qu’un plan pour chacun de ses enfants.

[7]           Elle apposa alors sa signature sur tous les contrats sauf celui de son unique fils majeur, K.C., qui devait d’un instant à l’autre se présenter à la maison.

[8]           Sur l’entrefaite, ce dernier aurait toutefois communiqué avec sa mère pour l’aviser qu’à la suite d’un contretemps il ne s’y présenterait que beaucoup plus tard que prévu.

[9]           Mme C. aurait alors décidé de signer le document de souscription à la place de son fils.

[10]        M. Idouche, le gérant, aurait conservé les documents signés par Mme C. et les aurait rapportés au bureau; il aurait ensuite procédé à un partage des contrats avec l’intimé et remis à ce dernier deux (2) ou trois (3) d’entre eux dont celui du fils majeur K.C., signé par sa mère.

[11]        Avant de soumettre ledit contrat à l’assureur, l’intimé y a indiqué son numéro de code et y a apposé sa signature à titre de représentant.

[12]        Selon la version des faits qu’il a présentée au comité, il faisait confiance à son gérant et aurait signé le contrat sans le regarder[1] et sans réaliser qu’il s’agissait de celui de K.C.

[13]        Bien que lors de la rencontre avec Mme C. il se soit contenté d’assister M. Idouche dans son travail, n’est intervenu qu’à la toute fin pour « remplir les propositions », et n’a d’aucune façon incité cette dernière à signer le contrat à la place de son fils, l’intimé savait néanmoins, tel qu’il l’a admis, que le contrat de K.C. n’avait pas été signé par ce dernier mais plutôt par sa mère.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[14]        La preuve présentée au comité ne révèle aucunement la présence chez l’intimé d’une intention frauduleuse.

[15]        Ce dernier a toutefois admis qu’avant que le contrat « illicitement » signé par Mme C. pour son fils majeur K.C. ne soit transmis à l’assureur, il a commis la faute d’y apposer sa signature à titre de représentant.

[16]        Même s’il ne semble pas avoir été animé d’un dessein malveillant et même si, selon ce qu’il a déclaré, il aurait été incité à signer le contrat par son gérant, cela ne peut suffire à le disculper.

[17]        L’intimé avait l’obligation de vérifier la régularité et la conformité de la proposition qu’il signait à titre de représentant. Il était de son devoir de s’assurer de ne soumettre à l’assureur que des propositions conformes.

[18]        En apposant négligemment sa signature à titre de représentant à une proposition d’assurance qu’il savait « illicitement » signée par la mère pour son fils majeur, l’intimé a permis que soit soumise à l’assureur une proposition d’assurance au nom de K.C. sur laquelle la signature de ce dernier était contrefaite.

[19]        Compte tenu de ce qui précède et de la preuve qui lui a été présentée, le comité doit déclarer, et déclarera, l’intimé coupable de l’unique chef d’accusation contenu à la plainte.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable de l’unique chef d’accusation contenu à la plainte;

CONVOQUE les parties avec l’aide de la secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT, avocat

Président du comité de discipline

 

(s) Monique Puech

Mme MONIQUE PUECH

Membre du comité de discipline

 

(s) Jean Dion

M. JEAN DION, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

 

Me Jeanine Guindi

 

THERRIEN COUTURE

 

Procureurs de la partie plaignante

 

 

 

L’intimé se représente lui-même

 

 

 

Date d’audience :

22 octobre 2013

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ


COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0983

 

DATE :

13 novembre 2014

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Monique Puech

Membre

M. Jean Dion, A.V.A.

Membre

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

FRANCK SAINTILUS (numéro de certificat 185713)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           À la suite de sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni le 21 août 2014 au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[2]           Alors que la plaignante déposa sous la cote PS-1 une attestation du droit de pratique de l’intimé en date du 8 juillet 2014, ce dernier déclara n’avoir aucune preuve à offrir.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[3]           Après avoir brièvement rappelé les faits à l’origine de la plainte, la plaignante, par l’entremise de son procureur, signala au comité les facteurs atténuants suivants :

-           l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimé ainsi que son absence de contestation des faits tant auprès de la syndique que devant le comité;

-           son absence d’intention frauduleuse ou malhonnête;

-           son absence de préméditation;

-           les circonstances rattachées aux événements, l’intimé étant alors accompagné d’un autre représentant qui agissait à titre de gérant et avait autorité sur lui;

-           l’absence de préjudice, la police d’assurance souscrite n’ayant pas été émise par l’assureur;

-           l’absence d’avantages tirés par l’intimé de sa faute; aucune commission ou rémunération ne lui ayant été attribuée;

-           la perte d’emploi qu’il a subie comme conséquence de celle-ci.

[4]           Au plan des facteurs aggravants, elle évoqua :

-           la gravité objective de l’infraction en cause, celle-ci étant « de la nature d’une contrefaçon »;

-           une conduite que l’intimé savait ou aurait dû savoir prohibée;

-           l’expérience de l’intimé, ce dernier œuvrant au moment de l’infraction depuis environ deux (2) ans dans le domaine de la distribution de produits d’assurance;

-           une infraction qui va au cœur de l’exercice de la profession.

[5]           Elle indiqua ensuite réclamer, à titre de sanction, la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois, celle-ci ne devant débuter qu’au moment de la reprise par ce dernier de son droit de pratique. Elle mentionna requérir de plus sa condamnation au paiement des déboursés et la publication de la décision.

[6]           Elle termina ses représentations en déposant au soutien de ses recommandations un cahier d’autorités contenant trois (3) décisions antérieures du comité dont notamment celle concernant le représentant Abdelkader Idouche[2] qui agissait comme « gérant » de l’intimé lors des événements mentionnés à la plainte.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[7]           L’intimé débuta ses représentations en affirmant qu’à titre de représentant il avait toujours eu une conduite exemplaire s’étant toujours efforcé de respecter les règles que lui avait enseignées ou prescrites son employeur.

[8]           Il rappela ensuite les événements entourant la faute qui lui est reprochée, le tout tel que plus amplement relaté par le comité dans la décision sur culpabilité.

[9]           Il mentionna que M. Idouche, son gérant, avait conservé les documents signés par Mme C., les avait rapportés au bureau et que c’est au moment du partage des contrats qu’il s’était retrouvé en possession de celui qui est en cause et que, faisant confiance à ce dernier, il l’avait signé sans regarder.

[10]        Il affirma que s’il avait possiblement été négligent, c’était bien involontairement qu’il avait commis un geste fautif.

[11]        Il signala qu’au moment des événements reprochés il était aux prises avec certains problèmes personnels, ce qui l’avait peut-être empêché d’être parfaitement « concentré » sur ce qu’il faisait.

[12]        Il indiqua néanmoins avoir mentionné à M. Idouche que le contrat signé par Mme C. pour son fils majeur ne devait pas être soumis ou acheminé à l’assureur.

[13]        Il termina ses représentations en s’objectant fortement à ce que le comité, tel que suggéré par la plaignante, ordonne la publication de la décision. Il laissa entendre que cela pourrait notamment mettre en péril son emploi actuel à titre de gardien de nuit. Il mentionna qu’il avait « une famille à nourrir » et ne pouvait aucunement « se permettre » de perdre celui-ci.

[14]        Questionné sur ses obligations familiales, il déclara notamment qu’il avait quatre (4) enfants, dont un de trois (3) mois, un de trois (3) ans et un de six (6) ans à s’occuper, ainsi qu’un (1) enfant de vingt-et-un (21) ans qui avait cependant quitté la maison.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[15]        Selon l’attestation de droit de pratique provenant de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et produite au dossier, l’intimé a détenu un certificat dans la discipline de l’assurance contre la maladie ou les accidents pour le cabinet Compagnie d’assurance Combined d’Amérique du 21 janvier 2010 au 10 mai 2012.

[16]        Il n’a aucun antécédent disciplinaire.

[17]        Il a collaboré à l’enquête de la syndique et lui a admis les faits tout comme il l’a fait lors de l’audition sur culpabilité.

[18]        Tel que mentionné à la décision sur culpabilité, la preuve ne révèle pas qu’il ait été animé d’une intention frauduleuse.

[19]        Il n’a tiré aucun bénéfice matériel de sa faute.

[20]        En résumé, le comité est confronté à une faute isolée commise à la suite d’événements où l’intimé ne semble avoir été qu’un « acteur secondaire ».

[21]        Néanmoins la faute qu’il a commise touche directement à l’exercice de la profession. Il a négligemment apposé sa signature à titre de représentant à une proposition d’assurance qu’il savait irrégulièrement signée par la mère pour son fils majeur. Il a permis que soit soumise une proposition d’assurance au nom de K.C. sur laquelle la signature de ce dernier était contrefaite.

[22]        Son degré de responsabilité en cette affaire est toutefois, de l’avis du comité, vraisemblablement moindre que celle du gérant M. Idouche qui, pour avoir participé à la même faute, a été condamné à un mois de radiation (ne devant débuter qu’à compter de la reprise de son droit de pratique). Ce dernier a de plus été condamné au paiement des déboursés et le comité a ordonné la publication de la décision, ce que réclame maintenant également la plaignante contre l’intimé.

[23]        Dans l’affaire Brazeau[3], la Cour du Québec a émis les principes qui doivent guider le comité lors de l’imposition de sanctions dans les cas de contrefaçons de signatures.

[24]        Dans son jugement la Cour y a indiqué que « le fait d’imiter des signatures et de les utiliser est en soi un geste grave qui justifie une période de radiation ». Elle y a mentionné que la période de radiation sera plus ou moins longue toutefois selon que la personne concernée a posé ce geste avec une intention frauduleuse ou non.

[25]        Aussi, après révision du dossier ainsi que des circonstances entourant la faute de l’intimé et après considération des éléments tant objectifs que subjectifs qui lui ont été présentés, le comité est d’avis que la recommandation de la plaignante, qui est d’imposer à l’intimé une période de radiation temporaire d’un mois, ne devant débuter qu’à compter de la reprise par ce dernier de son droit de pratique, à la suite de l’émission en son nom d’un certificat par l’AMF ou par toute autre autorité compétente, est appropriée et conforme aux paramètres jurisprudentiels applicables. La sanction suggérée lui apparaît raisonnable, adaptée à l’infraction, et respectueuse des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

[26]        Le comité imposera donc à l’intimé sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte une radiation temporaire d’un (1) mois, ladite sanction de radiation ne devant débuter qu’au moment de la reprise par ce dernier de son droit d’exercice à la suite de l’émission en son nom d’un certificat par l’AMF ou par toute autre autorité compétente.

[27]        Toutefois, en ce qui concerne la suggestion de la plaignante relativement à la publication de la décision, le comité croit en l’espèce préférable de s’abstenir d’y donner suite. Pour les motifs plus amplement invoqués par l’intimé lors de l’audition, le comité est exceptionnellement d’avis de se dispenser d’ordonner la publication de la décision.

[28]        Enfin, compte tenu des responsabilités familiales de l’intimé, de ses lourdes charges et des moyens dont il dispose provenant de son emploi à titre de gardien de nuit, le comité est d’avis de le dispenser du paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un (1) mois, ladite période de radiation ne devant débuter qu’à compter de la reprise par ce dernier de son droit de pratique à la suite de l’émission en son nom d’un certificat par l’AMF ou par toute autre autorité compétente;

DISPENSE la secrétaire du comité de discipline de la publication de la décision;

LE TOUT sans frais.

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT, avocat

Président du comité de discipline

 

(s) Monique Puech___________________

Mme MONIQUE PUECH

Membre du comité de discipline

 

(s) Jean Dion________________________

M. JEAN DION, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

 

Me Jeanine Guindi

 

THERRIEN COUTURE, s.e.n.c.r.l.

 

Procureurs de la partie plaignante

 

 

 

L’intimé se représente lui-même

 

 

 

Date d’audience :

21 août 2014

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Lors d’une rencontre avec le représentant du bureau de la syndique, il aurait déclaré à ce dernier avoir regardé le document pour s’assurer qu’il ne contenait pas d’erreur (voir pièce P-5).

[2]     Nathalie Lelièvre c. Abdelkader Idouche, CD00-0982, décision sur culpabilité et sanction en date du 8 août 2013; Venise Lévesque c. Maude Boucher, CD00-0700, décision sur culpabilité et sanction en date du 1er mai 2008; Léna Thibault c. René Joubert, CD00-0743, décision sur culpabilité en date du 16 juillet 2010; Léna Thibault c. René Joubert, CD00-0743, décision sur sanction rectifiée en date du 29 mars 2011; Thibault c. Joubert, 2012 QCCQ 179, décision de la Cour du Québec en date du 17 janvier 2012 et Léna Thibault c. René Joubert, CD00-0743, décision sur sanction (chefs 4 et 5) en date du 7 juin 2012.

[3]     Brazeau c. Chambre de la sécurité financière, 2006 QCCQ 11715.

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