Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1004

 

DATE :

12 mars 2014

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LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Jasmin Lapointe

Membre

M. Gérard Lessard

Membre

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NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

MOHAMMED TOUZANI (Certificat numéro 153456)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 26 novembre 2013, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni aux locaux de la Commission des lésions professionnelles de Québec, 900, Place d’Youville, 8e étage, salle Guylaine Tardif, Québec, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À La Malbaie, le ou vers le 13 novembre 2012, l’intimé s’est approprié la somme de 124 $ que lui avait confiée L.G. pour fins de paiement de primes d’assurance dues à la Compagnie d’assurance Combined d’Amérique pour le renouvellement des polices nº 22281614, nº 24356690, nº 23143164 et nº 80250273, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D‑9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 3). »

[2]           Après un certain temps d’attente, l’intimé ayant fait défaut de se présenter ou de se manifester malgré quelques tentatives pour le rejoindre, la plaignante, par l’entremise de son procureur, réclama et obtint du comité l’autorisation de procéder « ex parte ».

[3]           Comme l’audition avait été fixée « pour disposition », l’intimé n’ayant en aucun moment nié les faits, et ayant clairement exprimé lors de l’appel conférence du 26 août 2013 une volonté de reconnaître sa culpabilité, elle fut également autorisée à soumettre ses représentations sur sanction pour valoir dans le cas où le comité, après qu’elle lui eut présenté sa preuve et qu’il l’eut étudiée, retiendrait la culpabilité de l’intimé (sous l’unique chef d’accusation mentionné à la plainte).

PREUVE DE LA PLAIGNANTE

[4]           Cette dernière débuta en versant au dossier, sous les cotes P-1 à P-12, une importante preuve documentaire consistant essentiellement en les éléments recueillis lors de son enquête.

[5]           Elle y déposa de plus le procès-verbal de signification de l’avis d’audition (qui fut coté SP-1), des copies de courriels échangés avec l’intimé (qui furent cotées SP-2) ainsi que le procès-verbal de l’appel conférence tenu le 26 août 2013 (qui fut coté SP‑3), mais ne fit entendre aucun témoin.

[6]           Elle soumit ensuite au comité ses représentations sur culpabilité.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE SUR CULPABILITÉ

[7]           À l’aide des pièces qu’elle venait de verser au dossier, la plaignante procéda à brièvement résumer les faits.

[8]           Elle appela ensuite le comité à déclarer l’intimé coupable de l’unique chef d’accusation contenu à la plainte indiquant qu’il s’agissait de la conclusion logique à tirer de la preuve qu’elle venait de présenter.

[9]           Par la suite et tel que convenu, elle procéda à ses représentations sur sanction, pour valoir dans le cas où le comité retiendrait la culpabilité de l’intimé sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE SUR SANCTION

[10]        Elle débuta celles-ci en suggérant au comité d’imposer à l’intimé, à titre de sanction, une radiation temporaire de cinq (5) ans. Elle indiqua de plus réclamer la condamnation de ce dernier au paiement des déboursés et la publication de la décision.

[11]        À l’appui de ses suggestions, elle soumit un cahier d’autorités comprenant quatre (4) décisions antérieures du comité, qu’elle commenta[1].

LES FAITS

[12]        De la preuve qui lui a été soumise, le comité retient essentiellement les faits suivants :

[13]        Le ou vers le 13 novembre 2012, l’intimé s’est rendu à La Malbaie rencontrer le client L.G.

[14]        La rencontre avait pour but le renouvellement des polices d’assurance de L.G.

[15]        L.G. lui remit alors une somme de 124 $ comptant pour le paiement des primes rattachées à ses polices et l’intimé lui transmit un reçu.

[16]        Dans le but de rencontrer L.G., l’intimé avait dû passer la nuit précédant la rencontre dans un hôtel de la région. N’ayant pas suffisamment d’argent pour en acquitter les frais non plus que pour le coût de l’essence pour le retour, il a alors utilisé la somme reçue de L.G. pour ses dépenses.

[17]        Selon ce qu’il a déclaré à l’enquêteur de la Chambre, il savait alors que ce qu’il faisait « allait contre les règles » et qu’il commettait une faute.

[18]        Selon sa version, l’intimé n’avait reçu cette semaine-là comme « salaire » qu’une somme d’environ 130 $ et il se « disait que ça irait mieux une autre semaine et qu’il rembourserait la somme dès qu’il aurait une rentrée d’argent ».

[19]        Il aurait toutefois fait défaut de rembourser la somme « détournée », si bien que le ou vers le 9 janvier 2013, le client L.G. reçut de l’assureur une demande de paiement de primes ainsi qu’un avis l’informant que ses polices étaient en déchéance.

[20]        Ce dernier contacta alors le centre d’appels de la Compagnie d’assurance Combined d’Amérique (la Combined) affirmant que ces documents lui avaient été acheminés erronément.

[21]        Comme aux livres de la compagnie les primes relatives aux polices détenues par L.G. n’apparaissaient pas avoir été acquittées, une enquête fut entreprise. L’intimé fut rencontré au bureau de la compagnie à Québec.

[22]        Au cours de ladite rencontre, ce dernier avoua avoir conservé la somme de 124 $ et s’en être servi, tel que précédemment mentionné, pour défrayer ses dépenses d’hôtel et d’essence.

[23]        En conséquence de ce qui précède, en début de mai 2013 la Combined mit fin au contrat de l’intimé.

[24]        L’assureur maintint alors en vigueur les polices d’assurance détenues par L.G. et débita le compte de commissions dues à l’intimé d’un montant, à quelques dollars près, équivalant à la somme « détournée ».

MOTIFS ET DISPOSITIF

[25]        La preuve présentée au comité ne laisse aucun doute relativement à la culpabilité de l’intimé sous l’unique chef d’accusation mentionné à la plainte. Ce dernier n’a d’ailleurs jamais, tout au long des enquêtes ayant mené au dépôt de celle-ci, contesté les faits.

[26]        Or ceux-ci révèlent clairement que l’intimé s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 124 $ que lui avait confiée, pour le paiement de ses primes d’assurance, son client L.G.

[27]        Il sera donc déclaré coupable de l’unique chef d’accusation décrit à la plainte.

[28]        Au plan de la sanction qui doit lui être imposée, le comité retient les éléments suivants :

[29]        Selon l’attestation du droit de pratique de l’Autorité des marchés financiers, l’intimé a débuté dans l’exercice de la profession le 17 octobre 2002, détenant alors un certificat dans la discipline de l’assurance de personnes, et ce, jusqu’au 17 avril 2008.

[30]        Par la suite, il a détenu un certificat dans le domaine de l’assurance contre la maladie ou les accidents pour le compte de la Combined du 11 avril 2012 au 15 mai 2013.

[31]        Il n’a aucun antécédent disciplinaire.

[32]        Il a collaboré à l’enquête de son employeur et lui a avoué sa faute tout comme ensuite au représentant du bureau de la syndique.

[33]        Dès la tenue d’une conférence préparatoire pour fixer une date d’audition, il a indiqué n’avoir aucune intention de contester la plainte.

[34]        En aucun moment n’a-t-il nié les faits. Dès le départ, il a choisi d’assumer les conséquences de ses gestes.

[35]        À la suite de ceux-ci, il a perdu son emploi.

[36]        Tel que précédemment relaté, il a utilisé la somme détournée pour certains besoins « primaires » de nécessité : soit le paiement de frais d’hôtel et de déplacement (essence) requis pour rencontrer un client à La Malbaie.

[37]        Malgré la faute de l’intimé, le client n’a subi aucun réel préjudice, l’assureur maintenant en vigueur les polices d’assurance détenues par ce dernier.

[38]        Aucun préjudice financier n’a, non plus, été causé à l’assureur puisque celui-ci a obtenu le remboursement des primes qui lui avaient été « subtilisées » en débitant le compte de commissions dues à l’intimé.

[39]        Enfin le comité est en présence d’une faute isolée qui ne concerne qu’un seul client et la somme détournée, sans être insignifiante, est plus minime que ce à quoi le comité peut généralement être confronté.

[40]        Néanmoins la gravité objective de l’infraction commise par l’intimé est indéniable.

[41]        L’appropriation de fonds est l’une des fautes les plus sérieuses qui puisse être reprochée à un représentant.

[42]        Elle touche une qualité essentielle et fondamentale requise de celui-ci : la probité. Elle est de nature à déconsidérer l’image de la profession.

[43]        Aussi, compte tenu des circonstances, des facteurs tant objectifs que subjectifs, atténuants qu’aggravants qui lui ont été présentés, le comité est d’avis que la sanction suggérée par la plaignante respecte les paramètres jurisprudentiels applicables et est juste et appropriée. Il suivra donc la recommandation de cette dernière et ordonnera la radiation temporaire de l’intimé pour une période de cinq (5) ans.

[44]        Le comité n’ayant aucun motif pour décider autrement, ordonnera de plus la publication de la décision.

[45]        Enfin, relativement au paiement des déboursés, compte tenu des particularités de faits propres à cette affaire et considérant la situation personnelle de l’intimé, actuellement aux prises avec de sérieux problèmes de santé et sans emploi, le comité, quelque peu exceptionnellement, en limitera les coûts pour ce dernier et le condamnera au seul paiement des frais encourus pour la publication de la décision et pour la signification des procédures.

[46]        Le comité lui accordera de plus un délai d’un an pour en effectuer le paiement.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable de l’unique chef d’accusation contenu à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR LA SANCTION :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de cinq (5) ans;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où ce dernier a ou avait son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, ceux-ci étant cependant limités aux seuls frais de publication de la décision et de signification des procédures;

ACCORDE à l’intimé un délai d’une année pour l’acquittement des déboursés susdits.

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Jasmin Lapointe___________________

M. JASMIN LAPOINTE

Membre du comité de discipline

 

(s) Gérard Lessard___________________

M. GÉRARD LESSARD

Membre du comité de discipline

 

 

Me Suzie Cloutier

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé est absent

 

Date d’audience :

26 novembre 2013

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Caroline Champagne c. Souphavanh Savann, CD00-0908, décision sur culpabilité et sanction en date du 3 juillet 2012; Venise Lévesque c. Stéphane Poirier, CD00-0696, décision sur culpabilité en date du 3 septembre 2008 et décision sur sanction en date du 26 janvier 2009; Caroline Champagne c. Ugues-Alexandre Labonté, CD00-0878, décision sur culpabilité et sanction en date du 3 avril 2012; Me Caroline Champagne c. Mme Mélanie Raymond, CD00-0829, décision sur culpabilité et sanction en date du 22 juin 2011.

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