Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0995

 

DATE :

14 mars 2014

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

M. Serge Bélanger, A.V.C.

Membre

 

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre

 

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualité de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

ANDRÉ BÉGIN, conseiller en sécurité financière (no de certificat 101895)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom du consommateur en cause, des informations qui permettraient de l’identifier, et de tout autre renseignement à son sujet contenu dans la preuve documentaire ou fourni au cours de l’audition.

[1]           Le 15 janvier 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni à la Cour fédérale, au Palais de Justice de Québec, sis au 300, boul. Jean-Lesage, à Québec, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 31 mai 2013.

[2]           Le procureur de la plaignante a demandé le retrait du premier chef de la plainte, alléguant l’absence de collaboration de la part du consommateur impliqué dans ce chef, dont le témoignage lui était nécessaire. Le comité a accueilli sa demande.

[3]           En conséquence, la plainte dont le comité est saisi est la suivante :

LA PLAINTE

1.         (Retiré);

 

2.         À St-Georges-de-Beauce, le ou vers le 3 septembre 2003, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et n’a pas procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de R.L., alors qu’il lui faisait souscrire la police d’assurance-vie AV-[...] auprès de Sun Life, contrevenant ainsi aux articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, ch. D-9.2), 6 et 22(1) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, ch. D-9.2, r.10).

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[4]          Bien que l’intimé était absent à l’audience, son procureur a indiqué qu’il était mandaté par ce dernier pour enregistrer un plaidoyer de culpabilité sous le chef 2, l’intimé reconnaissant les gestes reprochés et que ceux-ci constituaient une infraction déontologique.

[5]          Le comité a, séance tenante, donné acte à l’enregistrement de ce plaidoyer de culpabilité.

LA PREUVE ET LES REPRÉSENTATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

[6]           Le procureur de la plaignante a déposé de consentement la preuve documentaire (P-1 à P-6), mais avec la réserve formulée par le procureur de l’intimé à l’égard de P-2 voulant que ce document ne faisait pas foi de son contenu.

[7]           Ensuite, il a expliqué les circonstances entourant l’infraction commise comme suit :

a)     R.L. faisait affaire avec l’intimé depuis quelques années;

b)     En 1994, il avait déjà souscrit, par son entremise, une assurance-vie de 100 000 $;

c)      Le 3 septembre 2003, il a souscrit une nouvelle police de même valeur toujours par l’entremise de l’intimé;

d)     Par cette deuxième police, R.L. perdait certains avantages dont il bénéficiait en vertu de la première police;

e)     L’intimé n’a pas procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers (ABF) de R.L., n’ayant pas recueilli tous les renseignements utiles.

[8]          Ensuite, les parties ont, de façon conjointe, recommandé de condamner l’intimé, sous le seul chef de la plainte, au paiement d’une amende de 5 000 $ ainsi que des déboursés.

[9]          Au soutien de cette recommandation, le procureur de la plaignante a soumis deux décisions[1] dans lesquelles des amendes de 5 000 $ ont été imposées pour des infractions de même nature.

[10]       Aussi, il a mentionné les facteurs aggravants et atténuants suivants :

Aggravants 

a)     La gravité objective de l’infraction, l’ABF étant la pierre angulaire de l’exercice de la profession du représentant en assurance;

b)     L’antécédent disciplinaire de l’intimé (P-6)[2];

c)      L’expérience de douze ans de l’intimé au moment de l’infraction reprochée;

d)     Quant au risque de récidive, le procureur a soutenu qu’il était difficile de l’évaluer puisque l’intimé avait commis des infractions de même nature, avant et après celle reprochée en l’instance.

Atténuants

a)     La présence d’un acte isolé, remontant à plus de 10 ans;

b)     L’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité par l’intimé.

[11]        Pour sa part, le procureur de l’intimé a confirmé qu’il s’agissait d’une recommandation commune. Il a cependant demandé d’ordonner que le paiement de l’amende suggérée soit échelonné sur une période de douze mois étant donné la situation financière difficile de l’intimé. Cette demande n’a pas été contestée par la partie plaignante.

[12]        Il a également attiré l’attention du comité sur le fait que le chef 2 ne reprochait pas l’absence d’analyse des besoins financiers de R.L., comme l’a avancé le procureur de la plaignante, mais plutôt une analyse de besoins financiers non complète et non conforme.

[13]        Il a poursuivi en alléguant que l’amende de 5 000 $ était juste et raisonnable malgré la présence d’un antécédent disciplinaire pour des infractions de même nature. À l’appui, il a soulevé l’application du principe de Coke voulant que pour qu’une condamnation antérieure soit considérée comme aggravante, les faits reprochés dans le nouveau litige doivent être commis subséquemment à celle-ci comme notamment commentée par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Skolnick[3]. Il a cité, à cette fin, le passage suivant de cet arrêt :

« Il y a lieu de résumer comme ceci:

(1) En soi, le nombre de condamnations n’est pas déterminant sur la question de savoir si la règle de Coke s’applique.

(2) La règle générale veut que pour qu’on puisse imposer une sentence plus sévère pour une deuxième infraction ou une infraction subséquente, la deuxième infraction ou l’infraction subséquente doit avoir été commise après la première ou la deuxième condamnation, selon le cas, et la deuxième condamnation ou la condamnation subséquente doit être prononcée après la première ou la deuxième condamnation, selon le cas.

[…] »

[14]        Aussi, en l’espèce, comme la première déclaration de culpabilité de l’intimé sur une infraction de même nature a été rendue en mars 2011, elle est postérieure à la commission en septembre 2003 de l’infraction reprochée en l’espèce. Par conséquent, le principe de la gradation des sanctions ne pourrait être appliqué à l’égard de celle-ci.

[15]        Le procureur de l’intimé a toutefois convenu que cette règle de common law n’a jamais été importée en droit disciplinaire.

ANALYSE ET MOTIFS

[16]       Le comité qui a déjà pris acte à l’audience du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé, le déclarera coupable sous le chef 2 pour avoir contrevenu à l’article 22 (1) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

[17]       Toutefois, afin d’éviter les condamnations multiples, il ordonnera l’arrêt conditionnel des procédures quant aux articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, ainsi qu’à l’égard de l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

[18]       Les infractions liées au défaut d’avoir complété une analyse des besoins financiers, tel que prescrit par le Règlement, est une faute sérieuse qui va au cœur même de l’exercice de la profession.

[19]       L’intimé exerçait comme représentant en assurance depuis 1991. Il avait donc accumulé plus de douze ans d’expérience au moment de l’infraction reprochée.

[20]       Notons que contrairement à ce que le procureur de la plaignante a avancé, les infractions de même nature commises par l’intimé et ayant fait l’objet de la décision du 31 mars 2011 l’ont été antérieurement à celles en l’espèce, et non postérieurement. De plus, comme souligné par son procureur, la condamnation de l’intimé pour ces infractions antérieures est postérieure à celles commises en l’espèce. À tout événement, étant donné les recommandations communes, il n’y a pas lieu de se prononcer sur l’importation en droit disciplinaire de la règle de Coke.

[21]        Par ailleurs, les sanctions suggérées par les parties, notamment pour les motifs qu’elles nous ont exposés, paraissent justes et raisonnables. En vertu des principes émis par la Cour d’appel du Québec[4], et maintes fois retenus en droit disciplinaire[5], le comité ne devrait se dissocier des recommandations communes des parties que s’il les juge inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou si elles paraissent de nature à discréditer l’administration de la justice.

[22]       Ainsi, le comité donnera suite à la sanction suggérée par les parties d’imposer une amende de 5 000 $, n’étant pas en présence d’une situation qui justifie de s’en dissocier et le condamnera au paiement des déboursés.

[23]       Par ailleurs, en l’absence de contestation de la plaignante, le comité accueillera la demande de l’intimé et lui accordera un délai de douze mois pour acquitter tant l’amende que les déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé à l’égard du chef 2 contenu à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable sous le chef 2 contenu à la plainte;

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures quant aux infractions relevant des articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, ainsi que de l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous le chef 2 de la plainte;

CONDAMNE l’intimé au paiement des débours, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26);

ACCORDE à l’intimé un délai de douze mois, à partir de la date de la présente, pour le versement desdites amendes et déboursés, sous peine de déchéance du terme et sous peine de non renouvellement de son certificat émis par l’Autorité des marchés financiers dans toutes les disciplines où il lui est permis d’agir.

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Serge Bélanger

M. Serge Bélanger, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Robert Chamberland

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jean-François Noiseux

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me André Bois

TREMBLAY BOIS MIGNAULT LEMAY, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 15 janvier 2014

 

 

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1] Champagne c. Dubois, CD00-0969, décision sur culpabilité et sanction du 9 octobre 2013; Champagne c. Beckers, CD00-0862, décision sur culpabilité et sanction du 17 août 2012.

[2] Champagne c. Bégin, CD00-0827, décision sur culpabilité et sanction du 31 mars 2011.

[3] R. c. Skolnick, [1982] 2 R.C.S. 47, 22 juillet 1982, p. 59-60.

[4]           Douglas c. Sa Majesté la Reine, [2002] Can LII 32492 (QC C.A.).

[5]           Voir notamment Roy c. Médecins, 1998 Q.C.T.P. 1735; Tremblay c. Arpenteurs-géomètres (Ordre professionnel des) [2001] D.D.O.P. 245 (T.P.); Malouin c. Notaires, D.D.E. 2002 D-23 (T.P.); Stebenne c. Médecins (Ordre professionnel des) [2002] D.D.O.P. 280 (T.P.).

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