Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0954

 

DATE :

27 mai 2014

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

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NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

BERTRAND POTVIN, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 127562 et numéro de BDNI 1710021)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ

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[1]           Le 17 octobre 2013, à l’Hôtel Hilton Garden Inn sis au 380, rue Sherbrooke Ouest, salle James McGill A, Montréal, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni et a procédé à l’audition d’une plainte disciplinaire portée contre l’intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À Rimouski, le ou vers le 31 octobre 2004, l’intimé n’a pas agi avec intégrité et professionnalisme en émettant, par l’entremise de Assurances Bertrand Potvin inc., une facture au montant de 3 000 $, à l’ordre de La Coop des consommateurs de Rimouski, pour des « Frais de gestion assurance collective et REER collectif, période du 01-08-2004 au 31-10-2004», alors que cette facture visait le remboursement d’une commandite d’un montant de 3 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 35, du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r.7.1);

 

2.          À Rimouski, le ou vers le 25 février 2005, l’intimé n’a pas agi avec intégrité et professionnalisme en émettant, par l’entremise de Assurances Bertrand Potvin inc., une facture au montant de 12 101,20 $, à l’ordre de La Coop des consommateurs de Rimouski, pour des  « Frais de gestion assurance collective et REER collectif, période du 01-11-2004 au 01-12-2005», alors que cette facture visait le remboursement de commandites d’un montant totalisant 12 085,09 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 16, 35, du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r.7.1). »

PREUVE DES PARTIES

Preuve de la plaignante

[2]           La plaignante débuta en déposant de consentement, par l’entremise de son procureur, une preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-5.

[3]           Elle versa ensuite, sous la cote P-6, une « admission » convenue avec l’intimé (sous réserve toutefois d’une objection formulée par ce dernier relativement à sa pertinence) à l’effet que si le comptable responsable des états financiers de la Coopérative des consommateurs de Rimouski (la Coop) témoignait, il déclarerait que la facture de 3 000 $ provenant de Assurances Bertrand Potvin inc. (Assurances Potvin), mentionnée au chef 1, y a été comptabilisée au poste des « services professionnels » alors que les factures au montant de plus de 12 000 $ mentionnées au chef 2 l’y ont été au poste de « salaire en lien avec des assurances collectives ».

[4]           Elle termina en exposant au comité, après avoir précisé que celui-ci n’était pas contesté, le contexte factuel ayant donné lieu à la plainte.

Preuve de l’intimé

[5]           Quant à l’intimé, par l’entremise de son procureur, il versa au dossier une preuve documentaire qui fut cotée I-1 à I-3 et choisit de témoigner.

[6]           Il débuta sa déposition en décrivant son parcours professionnel depuis ses débuts dans la profession en 1981, indiquant notamment qu’il s’était efforcé de s’inscrire, au cours des ans, à plusieurs, sinon à la plupart des séminaires de formation qui lui étaient disponibles.

[7]           Il mentionna également que dès le début il s’était impliqué dans des associations ou regroupements visant à assister les gens dans le besoin et que cela avait été « sa façon de retourner à la société ce que celle-ci lui avait donné ».

[8]           Il affirma maintenant disposer d’un cabinet « bien structuré, possédant une excellente clientèle et jouissant d’une notoriété importante ».

[9]           Relativement aux événements à l’origine de la plainte, il raconta qu’il avait, pendant douze (12) ans environ, entretenu une étroite relation d’affaires avec la Coop, offrant à ses membres et/ou employés des services d’assurance et de régimes enregistrés d’épargne retraite (REER) collectifs.

[10]        Il expliqua qu’en 2004, le directeur général de celle-ci, M. Normand Dagenais (M. Dagenais), et Me Richard Guay (Me Guay), avocat, alors le président, lui avaient proposé d’agir « à titre de partenaire » dans le soutien à certains organismes communautaires de la région et qu’il avait accepté. Et ce, non pas simplement pour plaire à un client qui le lui demandait, mais parce qu’il avait à cœur d’aider la Coop à respecter ses obligations auprès des organisations communautaires ou de charité de sa région.

[11]        L’entente intervenue, consacrée par écrit[1] à sa demande, prévoyait que son cabinet verrait à défrayer sur demande le coût de commandites indiquées par M. Dagenais (jusqu’à concurrence de 15 000 $) et que les sommes ainsi payées seraient ensuite facturées comme honoraires à la Coop.

[12]        Selon l’intimé, « l’idée de la refacturation à titre d’honoraires » émanait de Me Guay et/ou de M. Dagenais.

[13]        C’est ainsi, déclara-t-il, que conformément aux termes et conditions convenus à l’entente écrite susdite, son cabinet fit tenir, le ou vers le 31 octobre 2004, une facture de 3 000 $ à la Coop pour : « Frais de gestion assurance collective et REER collectif, période du 01-08-2004 au 31-10-2004 ». Ladite facture visait à obtenir le remboursement d’une commandite payée à la demande de M. Dagenais.

[14]        Une seconde facture au montant de 12 101,20 $ aurait de la même façon été expédiée par son cabinet, le ou vers le 25 février 2005, à la Coop pour : « Frais de gestion assurance collective et REER collectif, période du 01-11-2004 au 01-12-2005 ». Elle visait, comme dans le cas précédent, le remboursement de commandites payées à la demande du dirigeant de la Coop.

[15]        Selon sa vision des choses, en agissant de la sorte, il n’aurait rien fait d’illicite ou d’illégal, et n’aurait donc rien à se reprocher, les factures expédiées à la Coop par son cabinet étant en tous points conformes à l’entente écrite conclue avec cette dernière et les sommes réclamées correspondant précisément aux montants payés pour les commandites.

[16]        Aussi, convaincu de n’avoir nui d’aucune façon à qui que ce soit, il indiqua ne pas comprendre pourquoi il faisait l’objet d’une plainte disciplinaire.

[17]        Enfin, contre-interrogé par la procureure de la plaignante, il confirma avoir signé le 26 septembre 2011, dans le cadre d’un litige devant la Cour supérieure du district de Rimouski, un affidavit détaillé où il faisait notamment référence à l’entente intervenue avec la Coop ainsi qu’aux événements entourant celle-ci. Ledit document fut produit au dossier sous la cote P-6.

[18]        À la suite de son témoignage, la preuve ayant été déclarée close de part et d’autre, les parties soumirent au comité leurs plaidoiries respectives.

PLAIDOIRIE DE LA PLAIGNANTE

[19]        La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta en affirmant que bien que l’intimé, au parcours professionnel enviable, ait agi en tout respect du contrat qu’il avait signé avec les dirigeants de la Coop et puisse avoir été de bonne foi, il devait néanmoins être reconnu coupable des infractions qui lui sont reprochées.

[20]        Elle soumit au comité, qu’il lui fallait, à son avis, distinguer entre la « composante » civile et la « composante » déontologique de l’affaire, précisant que même si l’intimé avait en tout point respecté l’entente intervenue avec sa cliente, ladite entente ne l’affranchissait pas du respect des règles déontologiques.

[21]        Elle rappela qu’il n’était pas reproché à ce dernier d’avoir lésé sa cliente, la Coop, mais plutôt d’avoir fait tenir à cette dernière des factures pour de « faux » honoraires de gestion (dans le but d’obtenir le remboursement de sommes versées en paiement de commandites).

[22]        Elle indiqua que les factures en cause étaient de « fausses factures » qui ne reflétaient ni la réalité, ni la vérité, et qu’à cet égard l’intimé avait manqué d’agir en toute intégrité.

[23]        Elle souligna « l’intérêt personnel » de l’intimé à donner suite à la demande de l’un de ses dix (10) « plus gros » clients lorsque celui-ci lui a suggéré quelque chose comme : « Tu vas payer les commandites à ma place et je vais ensuite payer les (fausses) notes d’honoraires que tu me feras tenir ».

[24]        Au soutien de sa position, elle évoqua notamment deux (2) jugements du Tribunal des professions (le Tribunal), soit les jugements rendus dans les affaires Ginette Lussier-Price c. Roger Desjeans et Claudette Roberge[2] (en date du 14 mai 2009) et Sylvain Caron c. Ginette Lussier-Price et Claudette Roberge[3] (en date du 18 octobre 2010).

[25]        Après avoir mentionné que dans la première affaire le chef d’accusation porté contre le professionnel comportait des ressemblances avec les chefs d’accusation portés en l’espèce contre l’intimé, elle souligna qu’au paragraphe 30 de sa décision, le Tribunal avait conclu : « Les infractions mentionnées au chef visé par l’appel constituent assurément des actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la profession. »

[26]        Elle signala ensuite que le Tribunal avait fait état au paragraphe 36 de son jugement d’un stratagème consistant à rédiger et à transmettre six (6) faux relevés d’honoraires décrivant des services professionnels non rendus.

« 36. Ce stratagème consistait à rédiger et à transmettre à M. Brault six faux relevés d’honoraires professionnels qui décrivaient par ailleurs des services professionnels non fournis mais clairement inclus dans l’exercice de la profession. Le but visé était de cacher la véritable nature des transactions effectuées par ce client. »

[27]        Elle souligna de plus le paragraphe 38 où le Tribunal, résumant la situation, a écrit :

« 38. Ainsi, une entente est conclue selon laquelle M. Boudreault facture Harel Drouin pour honoraires professionnels. L’intimé paie la facture pour ensuite refacturer Groupaction via des faux relevés d’honoraires professionnels. »

[28]        Elle ajouta que le professionnel fautif, interrogé comme l’intimé quant aux gestes qu’il avait posés, avait indiqué qu’au moment des événements reprochés il ne croyait pas avoir commis de faute :

« 46. Interrogé par son avocat quant au geste posé et pour lequel il a reconnu sa culpabilité, l’intimé s’exprime comme suit :

C’est sûr que… c’est sûr que même quand ça a sorti à la Commission Gomery, j’avais pas l’impression d’avoir commis un geste répréhensible parce que pour moi, je volais pas mon client, je volais personne. Puis avec du recul, bien là évidemment, quand on relit encore plus proche notre Code de déontologie, bien là je vois que comme c.a. et comme professionnel, bien là je vois que j’ai pas été correct, tu sais. C’est sûr que j’ai pas aimé ça, j’avais eu un dossier sans taches, j’aurais aimé garder toute ma vie un dossier sans taches. Dans toute ma pratique j’ai jamais eu de plaintes que ce soit de clients, de poursuites. Alors pour moi c’est… c’est sûr que je suis pas fier de ça, mais ça a pas été fait dans un but de frauder ou quoi que ce soit, absolument pas.

[…]

C’est sûr que c’est un geste… c’est un geste que… j’ai commis une erreur puis je pensais pas avoir commis une erreur, au contraire. Aujourd’hui, c’est pas une question de penser si c’était à refaire ou pas, c’est sûr que c’est pas à refaire. » (Soulignement ajouté)

[29]        Relativement au second jugement, soit celui rendu dans l’affaire Sylvain Caron, la plaignante releva qu’au premier chef d’accusation il était reproché au professionnel d’avoir, par l’entremise de la Société Gestion SDEE inc., une société dont il était administrateur, président et actionnaire majoritaire, adressé une note au montant de 12 500 $ plus taxes à la société D-FENSE ltée pour des « honoraires de consultation et de montage d’une structure financière » alors que ni lui ni sa société n’avait fourni de tels services professionnels à D-FENSE ltée.

[30]        Elle rappela ensuite que l’intimé n’avait pas nié les faits mais avait simplement prétendu que l’opération était légale et conforme à l’article 1451 du Code civil du Québec qui traite de la simulation.

[31]        Après avoir mentionné que le comité ou conseil de discipline qui s’était d’abord penché sur la question avait conclu qu’il n’était pas en présence d’une simulation au sens de l’article 1451 du Code civil du Québec et avait déclaré le professionnel coupable du chef d’accusation en cause, elle signala que le Tribunal, au paragraphe 62 de sa décision, avait écrit :

« 62. Dans la mesure où le Comité rejette, avec raison, la notion de simulation proposée par l’appelant, il faut conclure que le fait pour un comptable de préparer une fausse note d’honoraires et d’être rémunéré pour ce faire est susceptible de porter atteinte à la bonne réputation de la profession et, par voie de conséquence, constitue une conduite contraire à l’article 5 du Code de déontologie des comptables agréés. »

[32]        Elle ajouta qu’au paragraphe 65 le Tribunal avait écrit :

« 65. Avec respect pour l’opinion contraire, dans la mesure où l’appelant accepte de fournir une facture à titre d’intermédiaire, dans laquelle il fait référence à des services professionnels supposément rendus en sa qualité de comptable et en acceptant une rémunération pour ce faire, il n’a pas rempli ses obligations professionnelles avec dignité. »

[33]        Elle souligna de plus qu’au paragraphe 70 le Tribunal avait indiqué : « Quant au fait que la facture soit fallacieuse, rien dans le texte de l’article 34 (du Code de déontologie des comptables agréés) ne permet de conclure à l’exigence de la preuve d’une turpitude morale pour pouvoir enregistrer un verdict de culpabilité ».

[34]        Elle mentionna enfin les paragraphes 71 et 72 du jugement où le Tribunal indique :

« 71. À l’évidence, peu importe le but poursuivi par les parties, le simple fait de préparer une fausse note d’honoraires permet de conclure que quelqu’un, quelque part, a intérêt à camoufler la réalité. Sinon pourquoi utiliser un tel stratagème? »

« 72. Il s’agit donc d’un document sinon fallacieux, tout au moins erroné : ceci suffit pour conclure à la culpabilité de l’appelant tenant compte des faits mis en preuve. »

[35]        Elle termina en affirmant qu’à son avis la preuve avait établi la commission par l’intimé de chacune des infractions reprochées, et ce, nonobstant sa bonne ou mauvaise foi et qu’il devrait donc être reconnu coupable de chacune d’elles.

PLAIDOIRIE DE L’INTIMÉ

[36]        L’intimé, par l’entremise de son procureur, amorça la présentation de ses arguments en soulignant au comité « qu’il ne se trouvait en présence d’aucune preuve » lui permettant de relier les agissements de l’intimé à un quelconque « stratagème» et en affirmant que si l’entente intervenue entre les parties était légale, les factures qui s’en suivirent devaient l’être aussi.

[37]        Il fit ensuite état de l’article 1451 du Code civil du Québec qui autorise spécifiquement le contrat de simulation, déclarant que rien n’interdisait que les parties puissent convenir que l’intimé « apparaisse comme le souscripteur des commandites alors que la Coop était le véritable commanditaire ».

[38]        Il affirma que dans les faits le comité était tout simplement confronté à une contre-lettre obligeant la Coop au remboursement des sommes versées au soutien de commandites par le cabinet d’assurance de l’intimé, et ce, sous forme d’honoraires. Aussi, plaida-t-il, les actes posés par son client ne démontraient d’aucune façon un manque d’intégrité de sa part.

[39]        Il rappela ensuite qu’aucun élément de preuve n’avait été présenté permettant de croire que la tierce partie impliquée, la Coop, aurait été, ou aurait agi de mauvaise foi.

[40]        Il signala que les factures acheminées à la Coop ne faisaient que donner suite à l’entente conclue avec cette dernière; une entente qui n’avait à son avis rien d’illégal.

[41]        À l’appui de ses prétentions, il cita à son tour quelques autorités.

[42]        Ainsi il évoqua l’arrêt de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Jean-Paul Durand c. Maurice Drolet et al., arrêt en date du 18 août 1993[4], où la Cour, relativement à la validité ou la légalité d’un possible contrat de prête-nom, a statué que pour déterminer celles-ci il fallait d’abord examiner l’objet de la convention, le but recherché par les parties. Il mentionna que c’est parce que cette dernière a conclu que l’acte de simulation avait été exécuté dans un dessein illégal qu’elle a invalidé la convention.

[43]        Il évoqua ensuite la décision de la Cour du Québec dans l’affaire Gilles Chartrand c. Rita Gendron et Me Léo Taillefer, jugement en date du 22 juin 1990[5].

[44]        Il indiqua que la Cour avait résumé la situation en indiquant qu’elle se trouvait en présence d’un acte apparent, et d’un acte secret qui reflétaient l’intention des parties.

[45]        Il mentionna que cette dernière avait indiqué sous le titre : « Effets de la contre-lettre » :

« Il va de soi que cette contre-lettre ne peut être opposable aux tiers qui acquièrent cet immeuble subséquemment par acte notarié (2) (art. 2098 Code civil); mais cette contre-lettre représente la véritable intention contractuelle des parties et à moins de fraude " ni l’une ni l’autre ne peut refuser de donner effet à cette contre-lettre ". »[6]

[46]        Il cita également le jugement de la Cour supérieure dans l’affaire Jacques Lethuillier et Andrée Arvy c. Gilles Plantard et al.[7]

[47]        Après en avoir résumé les faits, il signala que la Cour supérieure en était arrivée à la conclusion que M. Jacques Lethuillier avait agi comme prête-nom et que M. Gilles Plantard était le véritable propriétaire de la propriété en cause en dépit de ce qu’indiquaient les actes et l’index aux immeubles.

[48]        Il signala que la Cour, au paragraphe 36, avait conclu : « C’est un cas de simulation au sens de l’article 1451 du Code civil du Québec dont voici le texte » :

« 1451. Il y a simulation lorsque les parties conviennent d’exprimer leur volonté réelle non point dans un contrat apparent mais dans un contrat secret aussi appelé contre-lettre. Entre les parties, la contre-lettre l’emporte sur le contrat apparent. »

[49]        Revenant à la présente affaire, il résuma la situation en indiquant qu’alors que la Coop avait contracté des engagements auprès de la communauté, l’intimé avait simplement aidé celle-ci à les remplir.

[50]        À titre de moyen additionnel, il plaida qu’aucun des articles de rattachement mentionnés aux deux (2) chefs d’accusation ne pouvait à son avis trouver application en l’affaire.

[51]        À cet égard, il mentionna notamment que le comité ne se trouvait nullement en présence d’une négligence non plus que d’un manque d’honnêteté, de loyauté, de compétence ou de professionnalisme, l’intimé n’ayant agi que conformément aux demandes et à la suggestion de son client.

[52]        Il soumit ensuite, qu’à son avis, pour pouvoir conclure à un manque d’intégrité, tel que suggéré par la procureure de la plaignante, le comité devait être confronté à un geste consciemment malhonnête ou inadéquat, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Il indiqua qu’un manque d’intégrité supposait « le fait d’induire sciemment quelqu’un en erreur » et il réitéra que son client n’avait fait que ce à quoi il s’était engagé, que les montants facturés correspondaient religieusement aux sommes payées pour les commandites.

[53]        Par ailleurs, relativement à l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, principalement invoqué antérieurement par la plaignante au soutien des deux (2) chefs d’accusation, après avoir souligné que ladite disposition faisait état de l’obligation pour le représentant d’exercer ses activités avec intégrité, il affirma « que l’on pouvait se demander si l’intimé était dans l’exercice de ses activités lorsqu’il a facturé la Coop ».

[54]        Il termina enfin en référant à la décision du comité dans l’affaire Michel Marcoux, rendue le 7 août 2012[8].

[55]        Après avoir signalé que ladite décision était actuellement en appel devant la Cour du Québec, il indiqua qu’en cette affaire le comité, après avoir mentionné que l’utilisation d’un pseudonyme n’était pas en soi contre la loi, avait conclu que ce sont les circonstances et notamment l’objectif poursuivi qui permettaient de déterminer s’il y a eu ou non contravention à la loi.

[56]        Aussi, en l’espèce, aucune preuve pouvant laisser croire que les parties étaient menées par un dessein illicite ou qu’elles avaient en tête un tel objectif n’ayant été présentée, il invita le comité à conclure de la même façon qu’il l’avait fait en cette affaire en rejetant les chefs d’accusation portés contre l’intimé.

MOTIFS ET DISPOSITIF

Les faits

[57]        Les faits en cette affaire ne sont aucunement contestés et peuvent se résumer pour l’essentiel comme suit :

[58]        L’intimé avait comme importante cliente la Coop. Il offrait aux membres et/ou employés de celle-ci des services d’assurance-vie, d’assurance-invalidité ainsi que de REER collectifs.

[59]        Pour des motifs qui n’ont pas été précisés, mais possiblement liés à des besoins temporaires de liquidités[9], les dirigeants de la société proposèrent à l’intimé d’assumer, par l’entremise de son cabinet, jusqu’à concurrence de 15 000 $, le paiement de commandites d’organismes sportifs ou autres qu’ils détermineraient.

[60]        Ils convinrent que l’intimé serait par la suite remboursé en faisant parvenir à la Coop des « notes d’honoraires » dont les montants correspondraient aux sommes ainsi payées, et que cette dernière acquitterait.

[61]        Après avoir acquiescé à la proposition, l’intimé exigea que l’entente soit consignée par écrit. C’est ainsi que le ou vers le 1er août 2004, les parties apposèrent leur signature à l’entente déposée sous la cote P-3.

[62]        Le ou vers le 31 octobre 2004, l’intimé, conformément à ladite entente, afin d’obtenir le remboursement d’une facture de commandite au coût de 3 000 $ assumée par son cabinet, fit tenir à la Coop une note d’honoraires au même montant pour : « Frais de gestion assurance collective et REER collectif, période du 01-08-2004 au 31‑10-2004 ».

[63]        Enfin le 25 février 2005, l’intimé adressa une nouvelle note d’honoraires au montant de 12 101,20 $ à la Coop pour : « Frais de gestion assurance collective et REER collectif, période du 01-11-2004 au 01-12-2005 ». Celle-ci visait le remboursement d’autres commandites au montant total de 12 085,09 $ payées à la demande des dirigeants de la Coop.

[64]        En résumé, afin d’être remboursé de commandites payées sur instructions des représentants de la Coop, l’intimé, en conformité avec l’entente écrite P-3, expédia à cette dernière deux (2) notes d’honoraires pour : « Frais de gestion assurance collective et REER collectif », dans le premier cas pour la période du 1er août 2004 au 31 octobre 2004 et dans le second pour la période du 1er novembre 2004 au 1er décembre 2005.

Objection de l’intimé

[65]        Avant d’analyser le mérite de la plainte portée contre l’intimé, le comité doit d’abord disposer de l’objection de ce dernier, pour le motif d’absence de pertinence, au dépôt en preuve de l’admission P‑6.

[66]        Or après examen de la plainte et révision des faits, admis par les parties, le comité est d’avis que dans le contexte et les circonstances de cette affaire les informations contenues à l’admission n’étaient pas totalement sans à-propos. Ils ne méritent donc pas, pour cette raison, d’être exclus de la preuve.

[67]        L’objection de l’intimé au dépôt de l’admission au motif de sa « non-pertinence » est donc rejetée.

Le mérite de la plainte

[68]        Relativement au mérite de la plainte, résumons d’abord la situation en mentionnant qu’alors que la plaignante invoque qu’en agissant tel qu’il lui est reproché, l’intimé a commis (en deux occasions) une faute déontologique, ce dernier soutient qu’il a eu un comportement tout à fait légal, a respecté en tous points le contrat intervenu avec sa cliente et n’a rien à se reprocher.

[69]        Selon ce dernier, l’entente convenue avec sa cliente tombe sous l’égide de l’article 1451 du Code civil du Québec qui traite de la simulation et en y donnant suite, il n’a commis aucune faute.

[70]        Avec égard, le comité ne souscrit pas à ce point de vue.

[71]        Alors que, dans le but de satisfaire aux demandes de sa cliente (et possiblement d’assurer une certaine visibilité à son entreprise), l’intimé a procédé « de facto » à une avance de fonds ou à une forme de prêt temporaire à l’endroit de la Coop, les notes d’honoraires qu’il a fait tenir à cette dernière afin d’être remboursé ont « dénaturé ou transformé » lesdites « avances de fonds » ou « prêts temporaires » en services professionnels rendus.

[72]        L’intimé a convenu avec les dirigeants de celle-ci, de transmettre à la Coop, des factures d’honoraires pour de « soi-disant » services professionnels (rendus en tant que représentant) alors que lesdites factures visaient en réalité à obtenir le remboursement de sommes « avancées » pour le paiement de commandites.

[73]        Bien que la preuve ne révèle aucunement qu’il ait été animé d’intentions malveillantes, en agissant selon l’entente P-3, l’intimé a, de l’avis du comité, commis les fautes déontologiques qui lui sont reprochées.

[74]        S’il est vrai que la « façon de faire » convenue ne pouvait être destinée à tromper la Coop, puisqu’elle avait participé au contrat et l’avait signé, les factures ou notes d’honoraires en cause étaient susceptibles de tromper les tiers ou de les induire en erreur.

[75]        Elles pouvaient, sinon allaient, avoir pour conséquence que les transactions seraient inscrites incorrectement aux livres et/ou aux états financiers de la Coop. Le montant total des commandites défrayées par cette dernière risquait d’y apparaître moindre alors que les honoraires professionnels versés risquaient d’y apparaître supérieurs à la réalité.

[76]        Bien qu’aucune preuve à cet égard n’ait été présentée au comité, il ne peut être totalement exclu que la Coop et/ou ses dirigeants pouvaient avoir un quelconque intérêt à camoufler la « réalité » des choses.

[77]        Quoi qu’il en soit, l’un des résultats projetés de l’entente P-3, et ce, même si elle ne visait pas à « permettre » à l’intimé de « profiter » de sa cliente, était que ce dernier lui facturerait faussement des services professionnels. De l’avis du comité, une telle entente porte atteinte aux règles déontologiques (de même qu’à l’image) de la profession.

[78]        Un professionnel ne doit en effet facturer à son client des honoraires professionnels que pour des services qu’il est légitimement en droit de lui réclamer et qu’il lui a réellement et authentiquement rendus.

[79]        En l’espèce, l’entente conclue par l’intimé avec sa cliente semble avoir été quelque chose comme : « Je te finance puis afin de récupérer les sommes avancées je te chargerai faussement des honoraires pour le même montant. » Et l’on peut se questionner à savoir pourquoi les parties n’ont pas inscrit au contrat la réalité des choses.

[80]        Même en l’absence d’intentions frauduleuses, le comité ne peut et ne doit pas souscrire au « mensonge » auquel l’intimé et les représentants de la Coop se sont prêtés dans l’entente P-3.

[81]        L’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière allégué au soutien de la plainte se lit comme suit :

« 11. Le représentant doit exercer ses activités avec intégrité. »

[82]        Le dictionnaire Petit Robert définit le terme intégrité notamment comme « vertu, pureté totale ».

[83]        Bien que le degré de faute peut varier énormément d’un cas à l’autre, un représentant qui fait tenir à son client une note d’honoraires professionnels sans fondement, qui ne reflète ni la réalité ni la vérité, pour des services qu’il n’a pas rendus, ou qu’il n’est pas en droit comme tels de lui réclamer, même s’il s’entend avec ce dernier pour agir de la sorte, ne se comporte pas avec intégrité.

[84]        Il ne peut en effet être admis que des représentants fassent tenir à leurs clients des factures sans fondement, sachant qu’elles sont erronées ou fallacieuses, pour des services professionnels qu’ils n’ont pas rendus (ou qu’ils ont déjà autrement facturés). La confiance du public à l’endroit des représentants est à ce prix.

[85]        Aussi, bien que l’intimé ne semble pas avoir été animé d’une intention malveillante, le comité est d’avis qu’eu égard à l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, il doit être déclaré coupable des infractions qui lui sont reprochées.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable de chacun des chefs d’accusation 1 et 2 contenus à la plainte;

CONVOQUE les parties, avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline, à l’audition de la preuve et des représentations des parties sur sanction.

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Robert Chamberland_______________

M. ROBERT CHAMBERLAND, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Felice Torre______________________

M. FELICE TORRE, A.V.A., PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Martin Courville

DE CHANTAL, D’AMOUR, FORTIER

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

17 octobre 2013

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Pièce P-3.

[2]     Comptables agréés (Ordre professionnel des) c. Desjeans, 2009 QCTP 33.

[3]     Caron c. Comptables agréés (Ordre professionnel des), 2009 QCTP 67.

[4]     Jean-Paul Durand c. Maurice Drolet et al., Soquij AZ-93011804.

[5]     Gilles Chartrand c. Rita Gendron et Me Léo Taillefer, Soquij AZ-90031163.

[6]     Page 8 du jugement précité.

[7]     Jacques Lethuillier et Andrée Arvy c. Gilles Plantard et al., EYB 2006-105629.

[8]     Me Caroline Champagne c. M. Michel Marcoux, CD00-0867, décision sur culpabilité en date du 7 août 2012.

[9]     Voir le paragraphe 7 de l’affidavit signé par l’intimé le 26 septembre 2011 et produit sous la cote P-6.

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