Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

No:

CD00-1067

 

 

 

 

DATE  : 12 juin 2014

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

M. Serge Bélanger, A.V.C.

Membre

 

M. Pierre Masson, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

 

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

YVAN BARON (numéro de certificat 134921)

Partie intimée

 

 

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DÉCISION SUR REQUÊTE EN RADIATION PROVISOIRE

(Rendue séance tenante verbalement le 12 juin 2014)

 

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[1]           Le 12 juin 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni à la Commission des lésions professionnelles, sise au 900, Place  D’Youville, 8e étage, à Québec et a procédé à l’audition d’une requête en radiation provisoire présentée par la plaignante, ainsi libellée :


 

REQUÊTE EN RADIATION PROVISOIRE

(Articles 130 et 133 du Code des professions)

 

AU COMITÉ DE DISCIPLINE DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE, LA REQUÉRANTE EXPOSE CE QUI SUIT :

1.    Au moment des faits relatés ci-dessous, l’intimé était détenteur d’un certificat en assurance de personnes portant le numéro 134921, tel qu’il appert de l’attestation du droit de pratique produite sous la cote R-1;

2.    Caroline Champagne, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière a déposé une plainte disciplinaire contre l’intimé lui reprochant de s’être approprié des sommes d’argent, tel qu’il appert de ladite plainte disciplinaire produite sous la cote R-2;

3.    Pour les motifs exposés ci-dessous, les faits reprochés à l’intimé sont graves et sérieux, portent atteinte à la raison d’être de la profession et sont de nature telle que la protection du public risque d’être compromise s’il continue à exercer sa profession;

MISE EN SITUATION

4.    L’intimé était à l’emploi de MLE inc. à titre de commis comptable deux jours par semaine depuis le 29 mars 2011;

5.    M.L. est propriétaire de l’entreprise MLE inc.;

6.    L’intimé était le conseiller en sécurité financière de M.L. à titre personnel et de MLE inc. mais il n’agissait pas à ce titre comme employé de MLE inc.;

7.    M.L. a découvert récemment que l’intimé avait fait émettre à son ordre de très nombreux chèques de MLE inc. sur lesquels il avait falsifié sa signature à son insu, et ce, entre mars 2012 et avril 2014;

8.    Pour camoufler sa fraude, l’intimé a berné la personne responsable de la comptabilité en lui affirmant que ces chèques servaient au paiement de ses honoraires de consultant en stratégie d’affaires et de conseiller en sécurité financière auprès de MLE inc., le tout tel qu’il appert de la plainte déposée auprès de l’Autorité des marchés financiers le 28 avril 2014 et produite sous la cote R-3;

APPROPRIATION DE FONDS

9.    Entre le mois de mars 2012 et le mois d’avril 2014, l’intimé a fait émettre à son ordre personnel plus de 250 chèques de MLE inc. totalisant la somme d’environ 172 260,29$, tel qu’il appert du tableau intitulé « Liste de chèques frauduleux tirés par Yvan Baron » produit sous la cote R-4;

10. Afin de s’approprier l’argent, l’intimé a falsifié la signature de  M.L. à l’insu de ce dernier, le tout tel qu’il appert des copies de chèques de la Banque Canada Trust produits en liasse sous les cotes R-5;

AVEUX DE L’INTIMÉ

11. Le 30 mai 2014, l’enquêteur de la Chambre de la sécurité financière a interrogé l’intimé au sujet des allégations d’infractions contenues dans la plainte de M.L.;

12. Au cours de cet entretien l’intimé a admis :

a.    s’être approprié les fonds de MLE inc.;

b.    avoir émis dans le cadre de son emploi de commis comptable des chèques à son propre nom et avoir falsifié  la signature de M.L., sur lesdits chèques;

c.    avoir menti à la responsable de la comptabilité MLE inc. en lui expliquant que les chèques qu’il tirait à son ordre servait à payer ses honoraires de consultant en stratégie d’affaires et de conseiller en sécurité financière auprès de MLE inc;

d.    ne pas avoir gardé le compte des fonds ainsi obtenus et s’être approprié environ 172 000 $;

e.    avoir débuté le stratagème alors qu’il vivait de grandes difficultés financières;

13. En outre, l’intimé a expliqué à l’enquêteur ce qui suit :

a.    lorsqu’il a commencé son stratagème, il venait de vivre une séparation coûteuse et l’impôt lui réclamait de l’argent;

b.    c’est alors qu’il était affairé à émettre des chèques pour les fournisseurs de MLE inc. à titre de commis comptable de cette dernière, qu’il a reçu un appel de l’Agence du Revenu du Canada l’avertissant que s’il ne payait pas les montants qu’il devait aux autorités fiscales, il ferait l’objet d’une saisie;

c.     il a eu l’idée de se faire un chèque lui-même afin de payer ses dettes;

d.    constatant que sa stratégie avait fonctionné, il a continué à s’émettre des chèques falsifiés afin de régler ses obligations financières personnelles;

e.    son comportement s’apparentait à celui d’un drogué et il a rapidement commencé à se faire fréquemment des chèques afin de combler son manque d’argent sans même se questionner;

f.     il s’assurait que lorsqu’il émettait des chèques ces derniers n’étaient pas trop élevés afin d’éviter les soupçons et de ne pas mettre l’entreprise dans une situation financière compromettante;

14. Les faits portés à la connaissance de la syndique de la Chambre de la sécurité financière sont extrêmement troublants et requièrent l’intervention immédiate du Comité de discipline;

15. Il apparaît de façon prima facie que l’intimé s’est approprié une somme d’argent importante appartenant à l‘entreprise MLE inc.;

16. Les appropriations ont eu lieu sur une longue période et à de très nombreuses reprises;

17. Les appropriations ont eu lieu jusqu`à très récemment, à savoir avril 2014;

18. L’intimé est toujours inscrit et il offre actuellement ses services de consultant en développement des affaires par l’entremise de son entreprise;

19. Il y a urgence d’agir pour la protection du public compte tenu de la gravité de l’infraction reprochée;

20. La syndique a agi avec diligence afin de présenter la présente requête le plus rapidement possible;

21. Il est impératif et d’intérêt public d’ordonner la radiation provisoire immédiate de l’intimé Yvan Baron;

22. La présente requête est bien fondée en faits et en droit;

 

PAR CES MOTIFS, PLAISE  AU COMITÉ DE DISCIPLINE :

ACCUEILLIR la présente requête;

PRONONCER la radiation provisoire immédiate de l’intimé et ce, jusqu’à ce qu’un jugement final soit rendu sur la plainte disciplinaire;

ORDONNER la publication d’un avis de cette décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé à son domicile professionnel et dans tout autre lieu où l’intimé a exercé ou pourrait exercer sa profession

Le tout avec les frais contre l’intimé, incluant les frais de publication de l’avis.

EN FOI DE QUOI, J’AI SIGNÉ :

Montréal, ce 4 juin 2014

 

 

 

(s) Caroline Champagne

 

CAROLINE CHAMPAGNE

 

Syndique

 

[2]          À ladite requête était jointe une plainte disciplinaire rédigée comme suit :

PLAINTE DISCIPLINAIRE

 

Je, soussignée, CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière, affirme solennellement et déclare que j’ai des motifs raisonnables de croire que l’intimé, alors qu’il détenait un certificat (portant le numéro 134921) émis par l’Autorité des marchés financiers et qu’il était, de ce fait, encadré par la Chambre de la sécurité financière, a commis l’infraction suivante :

 

1.    À Saint-Romuald, entre vers mars 2012 et avril 2014, l’intimé s’est approprié pour ses fins personnelles la somme d’environ 172 260,29 $ d’ABC inc. en tirant des fonds de cette dernière au moyen de plus d’environ 250 chèques qu’il a émis à son ordre personnel et qu’il a signé en imitant la signature de la personne dûment autorisée à cette fin, à l’insu de cette dernière, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D‑9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 3).

 

PAR CES MOTIFS, PLAISE AU COMITÉ DE DISCIPLINE :

ACCUEILLIR la présente plainte;

DÉCLARER l’intimé coupable de l’infraction reprochée;

IMPOSER à l’intimé les sanctions jugées opportunes et équitables dans les circonstances.

 

EN FOI DE QUOI, J’AI SIGNÉ :

Montréal, ce 4 juin 2014

 

 

 

(s) Caroline Champagne

 

CAROLINE CHAMPAGNE

 

Syndique

[3]          Alors que la plaignante était représentée par Me Suzie Cloutier l’intimé se représentait seul;

LA PREUVE

[4]          D’entrée de jeu, la procureure de la plaignante a informé le comité que l’intimé l’avait avisée qu’il ne contestait pas la requête et a offert d’entendre l’intimé à cette fin.

[5]          Après avoir été assermenté, l’intimé a dit reconnaître tous les faits allégués dans la requête et plus particulièrement qu’il s’était approprié une somme au moins équivalente aux 172 000 $ mentionnés à celle-ci.

[6]          En plus de la preuve documentaire déposée par la plaignante (R-1 à R-6), le consommateur M.L. et propriétaire de l’entreprise MLE services inc. a témoigné et produit la série de chèques que l’intimé a émis à son ordre en imitant la signature de M.L. (R-7), qui totaliseraient près de 210 000 $.

 

ANALYSE ET MOTIFS

[7]          Conformément à l’article 154 du Code des professions, le comité consigne par écrit la décision rendue ce jour séance tenante.

[8]          Pour les motifs plus amplement élaborés dans la présente décision, le comité a rendu une décision orale ordonnant la radiation provisoire de l’intimé ainsi que la publication de la décision et a condamné l’intimé aux dépens et aux frais de publication de cette décision.

[9]          Les critères devant être satisfaits pour qu’une requête en radiation provisoire soit accueillie sont les suivants[1] :

a)   la plainte fait état de reproches graves et sérieux;

b)   ces reproches portent atteinte à la raison d’être de la profession;

c)    la preuve « à première vue » (« prima facie ») révèle que les gestes reprochés paraissent avoir été posés;

d)   la protection du public risque d’être compromise si l’intimé continue à exercer sa profession.

[10]       Nul doute que les reproches en l’espèce sont graves et sérieux, l’appropriation de fonds représentant l’infraction la plus grave qu’un représentant puisse commettre et porte une grave atteinte à la raison d’être de la profession.

[11]       L’intimé ayant reconnu que les faits rapportés dans la requête étaient vrais, la preuve « à première vue » révèle donc que les gestes reprochés paraissent avoir été posés et ce entre mars 2012 et avril 2014.

[12]       De plus, l’intimé a témoigné que par l’entremise de sa compagnie BY Management, il offre des services de « coaching » aux propriétaires de micro-entreprise principalement des entreprises gérées à domicile. De l’avis du comité, ce dernier élément ajoute à l’urgence d’agir pour la protection du public.

[13]       Aussi, tous les critères étant satisfaits, le comité a ordonné la radiation provisoire de l’intimé séance tenante.

 

 

 

PAR CES MOTIFS, le comité :

ACCUEILLE la requête en radiation provisoire présentée par la plaignante;

ORDONNE la radiation provisoire de l’intimé, et ce, jusqu’à ce qu’une décision ou un jugement final soit rendu sur la plainte disciplinaire (R-2);

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés liés à la présentation de la requête en radiation provisoire conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

CONVOQUE les parties avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline à une conférence téléphonique dans le but de déterminer une ou des dates, pour l’audition de la plainte.

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Serge Bélanger

M. Serge Bélanger, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Pierre Masson

M. Pierre Masson, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Suzie Cloutier

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

M. Yvan Baron

Intimé et se représente seul

 

 

Date d’audience :

12 juin 2014

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Mailloux c. Médecins, 2009 QCTP 80.

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