Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0966

 

DATE :

4 juillet 2014

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. André Noreau

Membre

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

GASTON GÉLINAS, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rente collective et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 114185, numéro BDNI 1591811)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Les 11 et 12 septembre 2013, au palais de justice de Québec, Cour fédérale, 300, boulevard Jean-Lesage, 5e étage, salle 502B, à Québec, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.      À Grand-Mère, le ou vers le 14 juin 2006, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs et l’horizon de placement de sa cliente R.C., alors qu’il lui recommandait de placer dans le Fonds immobilier Great-West tous les fonds qu’elle détenait dans son compte REER numéro [...], soit environ 60 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

2.          À Grand-Mère, le ou vers le 16 août 2007, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs et l’horizon de placement de son client G.C., alors qu’il lui recommandait d’ajouter environ 95 521,89 $ à son investissement d’environ 154 000 $ qu’il détenait dans le Fonds immobilier Great-West, et d’ainsi investir la totalité de son compte REER numéro [...] dans ce fonds, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

3.          À Grand-Mère, le ou vers le 19 décembre 2007, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs et l’horizon de placement de sa cliente R.C., alors qu’il lui recommandait de placer dans le Fonds immobilier Great-West tous les fonds qu’elle détenait dans son compte FEER numéro [...], soit environ 70 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

4.          À Grand-Mère, le ou vers le 19 décembre 2007, l’intimé a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs et l’horizon de placement de son client G.C., alors qu’il lui recommandait de placer dans le Fonds immobilier Great-West tous les fonds qu’il détenait dans son compte FEER numéro [...], soit environ 80 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2) et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

5.          À Grand-Mère, le ou vers le 14 juin 2006, l’intimé a recommandé à sa cliente R.C. de placer dans le Fonds immobilier Great-West tous les fonds qu’elle détenait dans son compte REER portant le numéro [...], soit environ 60 000 $, ce qui ne convenait pas au profil d’investisseur de cette dernière, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

6.          À Grand-Mère, le ou vers le 16 août 2007, l’intimé a recommandé à son client G.C. d’ajouter environ 95 521,89 $ à son investissement d’environ 154 000 $ qu’il détenait dans le Fonds immobilier Great-West, et d’ainsi investir la totalité de son compte REER numéro [...] dans ce fonds, ce qui ne convenait pas au profil d’investisseur de ce dernier, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

7.          À Grand-Mère, le ou vers le 19 décembre 2007, l’intimé a recommandé à sa cliente R.C. de placer dans le Fonds immobilier Great-West tous les fonds qu’elle détenait dans son compte FEER portant le numéro [...], soit environ 70 000 $, ce qui ne convenait pas au profil d’investisseur de cette dernière, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3);

8.         À Grand-Mère, le ou vers le 19 décembre 2007, l’intimé a recommandé à son client, G.C., de placer dans le Fonds immobilier Great-West tous les fonds qu’il détenait dans son compte FEER portant le numéro [...], soit environ 80 000 $, ce qui ne convenait pas au profil d’investisseur de ce dernier, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3). »

LES FAITS

[2]           La trame factuelle en lien avec la présente plainte se résume, pour l’essentiel, comme suit :

[3]           Avant 2001, les consommateurs en cause, Mme R.C. (R.C.) et son conjoint M. G.C. (G.C.), transigent avec un représentant qu’ils connaissent depuis quelques années, M. Alain Bergeron (M. Bergeron).

[4]           En 2001, ce dernier cède son bloc d’affaires à l’intimé.

[5]           À compter de juin 2001, l’intimé agit à titre de représentant auprès desdits consommateurs.

[6]           Le ou vers le 14 juin 2006, R.C. qui détient un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) auprès de la Great-West, à la suggestion de l’intimé, transporte sa participation dans le Fonds de placement hypothécaire et le Fonds de placement Obligation-Action (d’une valeur d’un peu plus de 20 000 $) au Fonds de placement Immobilier (Fonds Immobilier) de la société si bien que l’ensemble de son portefeuille REER (d’une valeur alors d’environ 60 000 $) se retrouve investi dans ce dernier fonds.

[7]           Quant à G.C., le ou vers le 8 août 2007 il détient un compte REER auprès de la Great-West dont l’ensemble des actifs, de l’ordre de 249 555,91 $, y est réparti comme suit : un peu plus de 150 000 $ dans le Fonds Immobilier, et 95 000 $ ou environ, parmi huit (8) autres Fonds de placement de la société.

[8]           Le ou vers le 16 août 2007, à la suggestion de l’intimé, il transporte la participation qu’il détient dans les autres Fonds de placement de la société au Fonds Immobilier, si bien que l’ensemble de son portefeuille REER se retrouve alors totalement investi dans ce dernier fonds.

[9]           Par la suite, l’intimé recommande également à R.C. et G.C. de placer toutes les sommes qu’ils détiennent dans leur compte FEER, soit environ 70 000 $ dans le cas de madame, et environ 80 000 $ pour monsieur, dans le même Fonds Immobilier.

[10]        L’année suivante la conjoncture économique se détériore, et en décembre 2008, comme conséquence notamment de l’état du marché dans le domaine de l’immeuble, la Great-West décrète un moratoire temporaire sur les rachats dans le Fonds Immobilier.

MOTIFS ET DISPOSITIF

Chefs 1 et 3 (Mme R.C.), chefs 2 et 4 (M. G.C.)

[11]        À ces chefs d’accusation, il est reproché à l’intimé, alors qu’il recommandait à ses clients de placer dans le Fonds Immobilier de la Great-West l’ensemble des sommes détenues dans leurs comptes REER (chefs 1 et 2) et FEER (chefs 3 et 4), d’avoir « fait défaut de connaître leur situation financière et personnelle ainsi que leurs objectifs et horizon de placement ».

[12]        Or l’analyse de la preuve conduit à la conclusion qu’avant de conseiller à ses clients la « stratégie » de placement en cause, l’intimé a fait défaut de recueillir l’ensemble des informations nécessaires à une connaissance complète et conforme de leur situation personnelle et financière.

[13]        Selon le témoignage de l’intimé, au cours de leurs relations d’affaires G.C. et son épouse R.C. ont refusé de lui divulguer des renseignements entiers concernant leurs actifs, biens, placements et/ou moyens financiers.

[14]        G.C. l’aurait, à un moment avisé « qu’il devait s’occuper de leurs REER » mais que pour ce qui était des autres actifs ou placements que le couple détenait, il se refusait ou n’allait pas lui transmettre de renseignements.

[15]        Ce refus ou cette décision de la part des clients de ne pas lui divulguer l’intégralité des informations nécessaires a eu comme conséquence que l’intimé n’a pu s’assurer, avant de les conseiller, qu’il connaissait leur situation de façon exacte et complète.

[16]        L’intimé a agi en fonction de ce qu’il croyait être leur condition mais sans détenir l’ensemble des renseignements pertinents. Et même si, au cours de leurs relations d’affaires, il a certes obtenu de ceux-ci, tel que l’a plaidé son procureur, plusieurs indications relatives à celle-ci, la preuve a démontré qu’il ne possédait que des renseignements parcellaires et incomplets.

[17]        Ainsi, à titre d’exemple, l’intimé a su que G.C. avait disposé de son cabinet d’assurance générale et il devait soupçonner, sinon savoir, qu’à la suite de la vente, ce dernier avait touché une contrepartie monétaire, mais il en ignorait le montant.

[18]        Il avait appris que le couple possédait un chalet ou résidence secondaire mais rien n’indique qu’il en connaissait la valeur, l’équité ou le passif non plus que les frais nécessaires au maintien de celui-ci.

[19]        Il ignorait que G.C. possédait des « fonds FTQ » ainsi que des comptes auprès de la Financière Banque Nationale, ou à tout le moins l’actif et/ou le passif en lien avec ceux-ci.

[20]        Il faut aussi ajouter que la preuve ne permet aucunement de conclure qu’avant de recommander à ses clients de placer l’ensemble des sommes détenues à leurs comptes REER et FEER dans le Fonds Immobilier Great-West, l’intimé aurait, aux fins d’évaluer leur situation financière, leur horizon de placement et leur attitude envers le risque, préparé avec eux un « profil d’investisseur ».

[21]        Le seul « profil d’investisseur » qui a été produit au dossier est celui qui avait été préparé par le représentant antérieur, M. Bergeron, lors de l’ouverture des comptes REER des clients en 1996. Aucun document tendant à établir une quelconque mise à jour ou révision, pour tenir compte de l’évolution de la situation de ces derniers, n’a été présenté au comité.

[22]        Il est vrai qu’en 2003 l’intimé a fait tenir à G.C. un « profil d’investisseur » mais que ce dernier s’est alors abstenu de répondre aux questions et/ou de remplir le document.

[23]        Il est aussi exact qu’en novembre 2007 (après que les transactions recommandées mentionnées aux chefs 1 et 2 aient toutefois été effectuées), l’intimé a expédié ou remis à G.C. un « profil d’investisseur Découverte » émanant de la Great-West mais que ce dernier a alors refusé ou évité de le compléter.

[24]        Ainsi, il faut reconnaître que lorsque l’intimé a tenté d’obtenir que ses clients complètent un « profil d’investisseur » ou qu’ils lui fournissent des données sur l’ensemble de leurs actifs, ces derniers ont refusé ou omis de collaborer.

[25]        Mais en tant que représentant, avant de les conseiller, avant de formuler à leur endroit des recommandations de placement, l’intimé avait le devoir d’obtenir d’eux l’ensemble des renseignements nécessaires à son travail. Il ne pouvait se permettre de faire fi de cette obligation puisque lesdits renseignements allaient constituer par la suite la pierre d’assise de ses recommandations.

[26]        Il ne devait pas perdre de vue qu’avant de suggérer une stratégie d’investissement à ses clients, il lui fallait être clairement instruit de leurs objectifs, de leur tolérance aux risques et de l’ensemble de leurs moyens et besoins financiers (actif et passif).

[27]        Il se devait donc d’insister auprès d’eux, avant de leur prodiguer des recommandations (et de modifier leur plan de placement) sur son obligation, de cueillir l’intégralité des informations personnelles et financières les concernant ainsi que sur la nécessité de réexaminer, réévaluer et mettre à jour avec eux leurs « profils d’investisseurs ».

[28]        Il se devait même, si nécessaire, de leur mentionner qu’en présence d’une absence incontournable de collaboration, il n’aurait d’autre choix que de refuser d’agir, voire même de les conserver comme client.

[29]        En l’espèce, la preuve prépondérante a démontré que c’est sans avoir obtenu toutes les informations nécessaires à la bonne exécution de son travail que l’intimé a procédé aux recommandations de placement en cause.

[30]        Il faut signaler toutefois, que bien que fautif, la preuve ne révèle pas qu’il ait été animé d'une intention malhonnête.

[31]        Ses fautes, de l’avis du comité, découlent d’une incapacité à refuser que sa ligne de conduite, en particulier relativement à la cueillette des informations nécessaires, ne lui soit dictée par ses clients.

[32]        À sa défense, son procureur a plaidé que « l’investisseur raisonnable doit fournir un effort minimum de compréhension et de collaboration ». Il a, à cet effet, cité notamment les arrêts rendus par la Cour d’appel dans les affaires Les immeubles Jacques Robitaille[1] et Mazzarolo[2].

[33]        L’examen desdits arrêts fait toutefois voir qu’ils ont été rendus dans un contexte tout à fait différent de la présente affaire.

[34]        Ces arrêts ne relèvent pas du droit disciplinaire mais plutôt du domaine de la responsabilité civile professionnelle. De plus, ils concernent des « courtiers de plein exercice »[3] (autorisés à exercer le courtage sur tous les titres) dont le champ d’activité est beaucoup plus large que celui du représentant de courtier en épargne collective[4].

[35]        Enfin, s’il est incontestable que le consommateur doit collaborer avec le professionnel qu’il engage, cela ne diminue en rien l’impératif devoir qui incombe au représentant d’agir en tout temps en conformité avec les règles déontologiques de sa profession.

[36]        L’intimé réfère également au jugement de la Cour du Québec dans l’affaire Lorraine Poulin[5]. Or, bien que celui-ci concernait un représentant membre de la C.S.F., il s’agit d’un jugement relatif à une réclamation civile en dommages-intérêts où la Cour a d’abord déclaré prescrit le recours de la consommatrice avant de reprendre en obiter certains des principes édictés par les tribunaux supérieurs à l’effet qu’un investisseur doive notamment s’efforcer de prendre connaissance des informations transmises par son représentant[6]. Cette affaire se distingue ainsi également de façon importante de la présente instance.

[37]        Enfin, ce dernier invoque les décisions du comité de discipline dans les affaires Pierre Piché[7] et Luc Bilodeau[8].

[38]        Dans l’affaire Piché, le comité n’a accordé aucune crédibilité au consommateur. Ce dernier avait laissé entendre qu’il n’avait « pas très bien compris ce que lui expliquait l’intimé » et que nonobstant son incompréhension, il avait accepté de souscrire aux recommandations de ce dernier. Le comité ne l’a tout simplement pas cru. Il s’agit d’un cas d’espèce où le débat était bien différent de celui qui nous concerne. Il mérite néanmoins d’être souligné qu’en cette affaire (qui date déjà de plus de dix (10) ans), le comité a indiqué que l’intimé n’aurait pas dû accepter le refus de son client de remplir le questionnaire concernant un inventaire de ses biens et indique : « Il se devait alors de refuser le mandat »[9].

[39]        Quant à l’affaire Bilodeau, bien que le comité ait conclu que la consommatrice en cause « a toujours été réticente à lui (le représentant) faire part du montant exact de ses biens », les conclusions auxquelles il en est arrivé se fondent sur le peu de crédibilité qu’il a accordé aux consommateurs en cause[10]. Selon le comité, la consommatrice « prit ses décisions en toute connaissance de cause ». Par ailleurs, il faut aussi souligner que les conclusions du comité à l’égard des chefs 7, 8, 9, et 10 ont été renversées en appel par la Cour du Québec.

[40]        Avec égard donc, de l’avis du comité, les arrêts, le jugement et les décisions précitées du comité ne peuvent en l’occurrence être d’aucun véritable secours à l’intimé.

[41]        L’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière évoqué au soutien des chefs d’accusation 1, 2, 3 et 4 se lit comme suit :

« 15. Avant de renseigner ou de faire une recommandation à son client ou à tout client éventuel, le représentant doit chercher à avoir une connaissance complète des faits. »

[42]        Le représentant a donc l’obligation de rechercher et d’obtenir l’ensemble des informations nécessaires à son travail. À cet égard, il ne peut permettre que sa ligne de conduite lui soit dictée par le client.

[43]        L’intimé, pour avoir contrevenu à l’article 15 précité de son Code de déontologie, sera donc déclaré coupable des chefs d’accusation 1, 2, 3 et 4.

Chefs 5 et 7 (Mme R.C.), chefs 6 et 8 (M. G.C.)

[44]        À ces chefs, il est reproché à l’intimé d’avoir recommandé à ses clients R.C. et G.C. de placer (en 2006) dans le Fonds de placement Immobilier de la Great-West (le Fonds Immobilier) tous les fonds qu’ils détenaient dans leur compte REER et (en 2007) tous les fonds qu’ils détenaient dans leur compte FEER, ce qui ne convenait pas à leur profil d’investisseur.

[45]        Or il faut d’abord mentionner qu’antérieurement, soit en 2003, les clients avaient temporairement adhéré à la même « stratégie » d’investissement « suggérée » par l’intimé et avaient investi l’ensemble des placements détenus dans leurs comptes auprès de la Great-West dans le Fonds Immobilier. La manœuvre les avait satisfaits ou à tout le moins ne leur avait pas complètement déplu puisqu’elle a été répétée en 2006, 2007.

[46]        Néanmoins, en agissant de la sorte l’intimé a, de l’avis du comité, commis les fautes qui lui sont imputées.

[47]        Selon son témoignage, il cherchait à protéger ses clients des chutes du marché. Le Fonds Immobilier présentait à son avis un gage de stabilité et de rentabilité qui correspondait aux demandes et au profil financier de ces derniers.

[48]        Or il ne pouvait ignorer que, bien que ledit Fonds n’était pas sujet, de la même façon que certains autres titres ou fonds aux fortunes ou aléas de la bourse, il était néanmoins soumis aux conditions d’ensemble de l’économie.

[49]        Il devait savoir, ou aurait dû savoir, tel qu’indiqué dans les documents provenant de la Great-West en sa possession ou à sa portée, que dans le cas de chute appréciable du marché immobilier, il était possible que les administrateurs du Fonds puissent « se retrouver dans une situation où leur capacité de verser des sommes d’argent à leurs détenteurs soit diminuée et qu’ils doivent recourir à un moratoire temporaire sur les rachats et/ou sur les montants versés à ces derniers ».

[50]        Alors que la situation de ses clients, âgés respectivement de 62 et 59 ans, à la retraite ou sur le point d’y arriver, commandait une source de revenus réguliers pour rencontrer leurs besoins, il leur a suggéré d’investir la totalité des sommes qu’ils détenaient à leurs comptes REER et FEER dans ledit Fonds.

[51]        Il aurait dû songer que ces derniers pouvant être appelés, en cas de besoin, à retirer des sommes additionnelles provenant de leur REER et/ou FEER[11], l’investissement intégral de leurs ressources immédiates de retraite dans un tel fonds risquait de leur causer des difficultés et de ne pas leur convenir.

[52]        Il devait savoir, ou aurait dû savoir, qu’en suggérant à ses clients de placer dans ledit Fonds toutes les sommes qu’ils possédaient dans leurs comptes REER et FEER, il dirigeait l’ensemble de leurs actifs vers des biens (immeubles) souvent moins liquides que certaines autres catégories d’actifs.

[53]        Enfin, il aurait dû réaliser qu’en leur suggérant d’agir de la sorte, c’est-à-dire en leur recommandant d’investir la totalité de leurs actifs de retraite dans un seul et même fonds, il faisait fi du principe élémentaire qui commande la diversification du portefeuille.

[54]        Sa probité, tel que précédemment mentionné, n’est pas en cause. L’intimé ne semble pas avoir agi avec une intention malhonnête ou frauduleuse.

[55]        Mais la nature des services qu’ils offrent, le degré important de confiance manifestée par les clients à leur endroit et l’importance des fonds qu’ils manipulent imposent aux représentants non seulement d’agir avec probité mais aussi d’œuvrer avec professionnalisme et compétence.

[56]        En recommandant à ses clients d’investir tous les capitaux destinés à leur retraite dans un seul et même fonds de placement, soit le Fonds immobilier (généralement qualifié de placement à long terme[12]), l’intimé a manqué de professionnalisme et de compétence et contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers qui se lit comme suit :

« 16. Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients. Il doit agir avec compétence et professionnalisme. »

[57]        En conséquence de ce qui précède, l’intimé sera déclaré coupable des chefs d’accusation 5, 6, 7 et 8.

[58]        Des mesures d’éducation ou de formation lui permettant de parfaire ou de revisiter ses connaissances pourraient être appropriées.

[59]        En terminant, il faut souligner que l’intimé, par l’entremise de son procureur, a invoqué pour sa défense le fait qu’aucune preuve au moyen d’un expert n’a été présentée pour contester l’évaluation qu’il faisait de ses clients en leur recommandant d’investir dans le Fonds immobilier Great-West et/ou pour analyser la justesse de la stratégie de placement qu’il leur a suggérée.

[60]        Or, de l’avis du comité, dans un cas aussi évident que celui en l’espèce, nul besoin n’est de recourir à des expertises, les faits étant simples et facilement intelligibles.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable des infractions reprochées aux chefs d’accusation 1 à 8 contenus à la plainte;

CONVOQUE les parties avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) André Noreau____________________

M. ANDRÉ NOREAU

Membre du comité de discipline

 

(s) Robert Chamberland_______________

M. ROBERT CHAMBERLAND, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Suzie Cloutier

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Dominic Gélineau

LANGLOIS KRONSTRÖM DESJARDINS

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience :

11 et 12 septembre 2013

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Immeubles Jacques Robitaille inc. c. Financière Banque Nationale, 2011, QCCA 1952.

[2]     Mazzarolo c. BMO Nesbitt Burns ltée, 2013 QCCA 245.

[3]     Aujourd’hui nommé « courtier en placement ».

[4]     Le représentant en épargne collective n’est généralement autorisé à effectuer le courtage que pour les titres d’organismes de placements collectifs.

[5]     Poulin c. Bourget, 2013 QCCQ 5930.

[6]     Voir jugement précité p. 5, par. 30.

[7]     Me Françoise Bureau c. Pierre Piché, CD00-0426, décision sur culpabilité en date du 14 juillet 2003.

[8]     Me Françoise Bureau c. Luc Bilodeau, CD00-0483, décision sur culpabilité en date du 8 octobre 2003.

[9]     Me Françoise Bureau c. Pierre Piché, p. 9, par. 36.

[10]    Voir paragraphe 31 de la décision où le comité déclare clairement qu’il ne croit pas la consommatrice.

[11]    Durant la période du moratoire, R.C. et G.C. ont pu bénéficier par le biais de leur FEER des retraits mensuels qu’ils avaient eux-mêmes prédéterminés avant que celui-ci ne soit déclaré, soit 2 500 $ par mois dans le cas de monsieur et 350 $ par mois dans le cas de madame.

[12]    Voir pièce P-42.

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