Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1009

 

DATE :

7 juillet 2014

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LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Suzanne Côté, Pl. Fin.

Membre

Mme Monique Puech

Membre

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NATHALIE LELIÈVRE, es qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

SERGE OUIMET, conseiller en assurance de personnes (numéro de certificat 190622)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 3 avril 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.    Dans la province de Québec, le ou vers le 25 février 2013, l’intimé a contrefait la signature de J.B. sur le formulaire  « Accord de débits préautorisés personnels », contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3). »

[2]           D’entrée de jeu, l’intimé qui se représentait lui-même, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’unique chef d’accusation contenu à la plainte.

[3]           Après l’enregistrement dudit plaidoyer, les parties présentèrent au comité leurs preuve et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[4]           Alors que la plaignante, par l’entremise de son procureur, versa au dossier sous les cotes P-1 à P-8, une preuve documentaire constituée essentiellement d’éléments recueillis lors de son enquête, l’intimé déposa un document « de son cru » où il exposait son point de vue relativement aux événements mentionnés à la plainte. Ledit document fut coté I-1.

[5]           Il termina la présentation de sa preuve en décrivant brièvement pour le comité sa situation présente.

[6]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[7]           La plaignante débuta en déclarant que l’infraction de contrefaçon était une des plus sérieuses qui puisse être commise par un représentant.

[8]           Elle ajouta qu’une telle infraction allait au cœur de l’exercice de la profession et était de nature à porter atteinte à l’image de celle-ci.

[9]           Après avoir souligné l’importance du document dont la signature avait été contrefaite, elle mentionna les facteurs atténuants suivants :

-           l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimé;

-           un geste isolé rattaché à une seule et même personne;

-           l’absence de recherche d’un quelconque avantage indu;

-           l’absence de préjudice subi par le consommateur.

[10]        Elle ajouta qu’à la suite des événements l’intimé s’était vu signifier une « cessation d’emploi », ce qui avait eu un impact non négligeable sur sa vie personnelle.

[11]        Elle indiqua enfin qu’à titre de sanction elle recommandait au comité l’imposition d’une radiation temporaire de deux (2) mois.

[12]        Elle mentionna de plus réclamer la publication de la décision et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[13]        À l’appui de sa recommandation, elle déposa le jugement de la Cour du Québec dans l’affaire Brazeau[1] ainsi que les décisions du comité dans les affaires Côté[2], Ferland[3], Alami[4] et Espinoza[5].

[14]        Elle souligna qu’en ces affaires, les représentants fautifs, qui avaient contrefait ou permis que soit contrefaite la signature de leur client, avaient tous été condamnés à des radiations temporaires de deux (2) mois.

[15]        Elle termina en affirmant que la sanction suggérée était à son avis juste, raisonnable, et de nature à avoir l’effet dissuasif et d’exemplarité nécessaire sur les membres de la profession.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[16]        L’intimé débuta ses représentations en rappelant qu’à la suite de sa faute, il avait été congédié.

[17]        Après avoir souligné qu’il « avait besoin de travailler pour gagner sa vie », il indiqua qu’il était parvenu à se « dénicher » un nouvel emploi auprès d’un groupement d’assurance et qu’il avait donc ainsi entrepris une « nouvelle carrière ».

[18]        Il mentionna ne pas « contester » la gravité objective de celle-ci, signalant toutefois qu’il n’avait en aucun moment été à la recherche d’un avantage personnel, et ajoutant qu’il la regrettait sincèrement.

[19]        À titre de sanction, il suggéra au comité, à défaut de le condamner au seul paiement d’une amende, de lui imposer une radiation temporaire d’au plus un mois.

[20]        Il termina en soulignant qu’il aurait pu faire tenir le document en cause (qui comportait déjà la signature du client) sans la signature de la cliente (contrefaite), et que celui-ci aurait alors été accepté sans plus par l’assureur.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[21]        L’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire.

[22]        Selon l’attestation du droit de pratique produite au dossier, il a débuté sa carrière dans le domaine de la distribution de produits d’assurance en septembre 1991 et celle-ci s’est poursuivie jusqu’au 31 août 1993.

[23]        Il s’est ensuite retiré de la profession, et ce, jusqu’au 15 mai 2012, date à laquelle il a obtenu un certificat dans la discipline de l’assurance de personnes.

[24]        Ainsi, au moment des événements reprochés, il venait de reprendre depuis peu, après une longue absence, l’exercice de la profession.

[25]        Selon ses affirmations, « la nouvelle façon de faire », « la nouvelle documentation » exigée par l’assureur, l’auraient confondu. En résumé, il aurait en quelque sorte été débordé selon ses propos par la « paperasse » maintenant, à son avis, exigée.

[26]        Par ailleurs, s’il a fauté, c’est sans intention malveillante.

[27]        Il ne cherchait pas alors l’obtention d’un quelconque bénéfice pour lui-même.

[28]        Enfin, aucun préjudice n’a été causé aux consommateurs en cause.

[29]        Sa faute a eu comme conséquence de lui faire perdre son emploi.

[30]        Il semble animé de regrets sincères et a clairement admis son « erreur » devant le comité.

[31]        Il a coopéré à l’enquête de son employeur et lui a admis les faits.

[32]        À la première occasion, il a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’unique chef d’accusation porté contre lui.

[33]        À la suite de son congédiement il a entrepris une nouvelle carrière, auprès d’un nouvel employeur et, selon ses affirmations, il a « besoin de travailler pour gagner sa vie ».

[34]        Si l’on se fie à sa version des choses, il aurait pu se contenter de faire tenir à l’assureur le document qui comportait déjà la signature de son client, sans se préoccuper de la signature de l’épouse.

[35]        Néanmoins, l’intimé a commis une infraction qui touche directement à l’exercice de la profession et dont la gravité objective ne fait aucun doute.

[36]        Dans l’affaire Maurice Brazeau c. Chambre de la sécurité financière évoquée par la plaignante, la Cour du Québec a émis les principes qui doivent guider le comité lors de l’imposition de sanctions dans les cas de contrefaçons de signatures.

[37]        La Cour y a indiqué : « Le fait d’imiter les signatures et de les utiliser est en soi un geste grave qui justifie une période de radiation. Cette période de radiation sera plus ou moins longue toutefois selon que la personne concernée pose ce geste avec une intention frauduleuse ou non. »

[38]        En l’espèce la plaignante a suggéré au comité d’imposer à l’intimé une radiation temporaire de deux (2) mois.

[39]        À l’appui de sa proposition, elle a versé au dossier des décisions où une telle sanction a été imposée par le comité à des représentants ayant contrefait ou permis que soit contrefaite la signature de leurs clients.

[40]        La jurisprudence citée par la plaignante se distingue toutefois du cas présent.

[41]        En la présente affaire, le comité est confronté à une faute isolée, commise dans un contexte où l’intimé retournait à l’exercice de la profession après une longue absence et il est possible, tel qu’il l’a déclaré, et même si cela n’excuse pas sa faute, qu’il ait été quelque peu « dépassé » par les changements intervenus dans la profession.

[42]        Ce dernier semble bien conscient qu’il a commis une faute sérieuse et, de l’avis du comité, il apparait la regretter sincèrement. Les risques de récidive dans son cas semblent peu élevés.

[43]        Et, dans des situations où comme en l’espèce, le comité s’est vu confronté à une infraction isolée de contrefaçon, à l’endroit d’un seul client, alors que le représentant n’était animé d’aucune intention malveillante, n’a aucunement profité ou cherché à profiter de sa faute, il a en certaines occasions condamné ce dernier à une radiation temporaire d’un mois[6].

[44]        Aussi, compte tenu que les sanctions doivent être déterminées en fonction des faits propres au dossier, après avoir soupesé ceux-ci ainsi que les facteurs objectifs et subjectifs qui lui ont été soumis, le comité est d’opinion que la condamnation de l’intimé à une radiation temporaire d’un mois serait en l’espèce une sanction juste et raisonnable, adaptée à l’infraction, ainsi que respectueuse des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction. Il imposera donc à l’intimé une telle sanction.

[45]        Par ailleurs en l’absence de motifs qui le justifieraient d’agir autrement, le comité ordonnera, aux frais de l’intimé, la publication de la décision, et condamnera ce dernier au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable de l’unique chef d’accusation contenu à la plainte;

Sous l’unique chef d’accusation :

CONDAMNE l’intimé à une radiation temporaire d’un mois;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26.

 

                                                              

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

 

(s) Suzanne Côté____________________

Mme SUZANNE CÔTÉ, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Monique Puech___________________

Mme MONIQUE PUECH

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jeanine Guindi

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente lui-même.

 

Date d’audience :

3 avril 2014

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Brazeau c. Chambre de la sécurité financière, 2006 QCCQ 11715.

[2]     Mme Nathalie Lelièvre c. M. Guillaume Côté, CD00-0841, décision sur culpabilité et sanction en date du 7 avril 2011.

[3]     Léna Thibault c. Carole Ferland, CD00-0754, décision sur culpabilité en date du 3 janvier 2011 et décision sur sanction en date du 20 juillet 2011.

[4]     Nathalie Lelièvre c. Fadi Alami, CD00-0961, décision sur culpabilité et sanction en date du 24 juillet 2013.

[5]     Nathalie Lelièvre c. Paul Espinoza, CD00-0968, décision sur culpabilité et sanction en date du 24 juillet 2013.

[6]     Voir notamment Caroline Champagne c. Jeannot Bouchard, CD00-0876, décision sur culpabilité et sanction en date du 15 février 2012 et Nathalie Lelièvre c. André Houle, CD00-0938, décision sur culpabilité et sanction en date du 19 avril 2013.

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