Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1015

 

DATE :

31 juillet 2014

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Jacques Denis, A.V.A.,Pl. Fin.

Membre

M. Frédérick Scheidler

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière;

Partie plaignante

c.

RICHARD LANGLOIS, conseiller en sécurité financière et conseiller en assurance et rentes collectives (numéro de certificat 119135);

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                     Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion de toute information permettant d’identifier la consommatrice impliquée, son mandataire et les clients mentionnés aux pièces R-1 à R-22.

[1]           Le 4 juin 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni aux locaux de la Commission des lésions professionnelles du Québec sis au 500, boulevard René-Lévesque, 18e étage, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

 

LA PLAINTE

1.             À Montréal, le ou vers le 20 février 2013, l’intimé a contrefait ou a permis à un tiers de contrefaire la signature de sa cliente P.C.G. sur un formulaire «Demande de rachat» laissant ainsi faussement croire que cette cliente voulait vendre des parts de fonds qu’elle détenait dans son compte portant le numéro [...] auprès de L’Union-Vie, Compagnie mutuelle d’assurance, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 3);

2.             À Montréal, le ou vers le 20 février 2013, l’intimé a détourné et s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 21 000 $ que détenait sa cliente P.C.G. dans son compte portant le numéro [...] de L’Union-Vie, Compagnie mutuelle d’assurance, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 3);

3.             À Montréal, le ou vers le 2 avril 2013, l’intimé a contrefait ou a permis à un tiers de contrefaire la signature de sa cliente P.C.G. sur un formulaire «Demande de rachat» laissant ainsi faussement croire que cette cliente voulait vendre des parts de fonds qu’elle détenait dans son compte portant le numéro [...] auprès de L’Union-Vie, Compagnie mutuelle d’assurance, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 3);

4.             À Montréal, le ou vers le 3 avril 2013, l’intimé a détourné et s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 24 000 $ que détenait sa cliente P.C.G. dans son compte portant le numéro [...] de L’Union-Vie, Compagnie mutuelle d’assurance, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 3);

5.             À Montréal, le ou vers le 16 avril 2013, l’intimé a contrefait ou a permis à un tiers de contrefaire la signature de sa cliente P.C.G. sur un formulaire «Demande de rachat» laissant ainsi faussement croire que cette cliente voulait vendre des parts de fonds qu’elle détenait dans son compte portant le numéro [...] auprès de L’Union-Vie, Compagnie mutuelle d’assurance, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 3);

6.             À Montréal, le ou vers le 17 avril 2013, l’intimé a détourné et s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 22 683,60 $ que détenait sa cliente P.C.G. dans son compte portant le numéro [...] de L’Union-Vie, Compagnie mutuelle d’assurance, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 3);

7.             À Montréal, le ou vers le 13 mai 2013, l’intimé a contrefait ou a permis à un tiers de contrefaire la signature de sa cliente P.C.G. sur un formulaire «Demande de rachat» laissant ainsi faussement croire que cette cliente voulait vendre des parts de fonds qu’elle détenait dans son compte portant le numéro [...] auprès de L’Union-Vie, Compagnie mutuelle d’assurance, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 3);

8.             À Montréal, le ou vers le 14 mai 2013, l’intimé a détourné et s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 15 000 $ que détenait sa cliente P.C.G. dans son compte portant le numéro [...] de L’Union-Vie, Compagnie mutuelle d’assurance, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 3);

9.             À Montréal, le ou vers le 18 juillet 2013, l’intimé a contrefait ou a permis à un tiers de contrefaire la signature de sa cliente P.C.G. sur un formulaire «Demande de rachat» laissant ainsi faussement croire que cette cliente voulait vendre des parts de fonds qu’elle détenait dans son compte portant le numéro [...] auprès de L’Union-Vie, Compagnie mutuelle d’assurance, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 3);

10.          À Montréal, le ou vers le 18 juillet 2013, l’intimé a détourné et s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 15 000 $ que détenait sa cliente P.C.G. dans son compte portant le numéro [...] de L’Union-Vie, Compagnie mutuelle d’assurance, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2),11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 3). »

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]           D’entrée de jeu, l’intimé accompagné de son procureur enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’égard de tous et chacun des dix (10) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[3]           Après l’enregistrement de son plaidoyer, les parties présentèrent au comité leurs preuve et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[4]           Alors que la plaignante versa à nouveau au dossier, sous les cotes R-1 à R-22, la preuve documentaire qu’elle y avait déposée lors de la présentation de sa requête en radiation provisoire le 24 octobre 2013, elle ne fit entendre aucun témoin.

[5]           Quant à l’intimé, il choisit de témoigner.

[6]           Il débuta en déclarant regretter les fautes qu’il a commises, celles-ci étant attribuables en bonne part selon lui à une dépendance à l’alcool et à des « problèmes de jeux compulsifs ».

[7]           Il expliqua que dans le but de « se soigner », il avait suivi une thérapie de vingt et un (21) jours dans un centre spécialisé, le « Pavillon Pierre Péladeau ».

[8]           Il ajouta qu’il s’était de plus inscrit auprès des « alcooliques anonymes » et déclara être maintenant « sobre ».

[9]           Il affirma ensuite que ses dépendances, et les comportements qui en avaient découlé, lui avaient occasionné, en plus de tracas professionnels importants, des problèmes considérables auprès de sa famille et de ses enfants, ayant causé à ces derniers des dommages qu’il ne pourrait jamais réparer.

[10]        Il souligna qu’il avait maintenant l’intention d’assumer ses fautes, de faire face à la situation et se proposait d’éventuellement rembourser à la cliente les sommes détournées.

[11]        Il termina en indiquant son accord à la sanction de radiation permanente que la plaignante lui avait indiqué devoir réclamer à son endroit.

[12]        Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations respectives sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[13]        La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta ses représentations en soulignant que les parties avaient convenu de soumettre au comité des « recommandations communes » sur sanction.

[14]        Elle affirma que celles-ci s’étaient entendues pour lui proposer d’ordonner la radiation permanente de l’intimé sous tous et chacun des dix (10) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[15]        Elle ajouta qu’elles avaient convenu de recommander de plus que ce dernier soit condamné au paiement des déboursés et que la publication de la décision soit ordonnée.

[16]        À l’appui de ses recommandations, elle évoqua les facteurs aggravants suivants :

-           la gravité objective des fautes commises par l’intimé, l’appropriation de fonds étant l’infraction à son avis la plus sérieuse que puisse commettre un représentant;

-           des infractions allant au cœur même de l’exercice de la profession;

-           en l’espèce, le détournement par l’intimé de sommes totalisant 97 000 $;

-           des appropriations commises à l’endroit de la mère âgée et vulnérable d’une amie;

-           afin d’arriver à ses fins, la falsification par l’intimé de signatures sur bon nombre de documents;

-           des fautes multiples et répétées commises sur une période de plusieurs mois;

-           des actes prémédités, l’intimé ayant commis le même type d’infraction à plusieurs reprises;

-           le préjudice important subi par la cliente, cette dernière s’étant vu privée d’une somme totalisant 97 000 $;

-           le nombre d’années d’expérience de l’intimé (20 ans), qui aurait dû le mettre à l’abri de la commission des infractions qui lui sont reprochées;

-           la condamnation antérieure de l’intimé par le comité de surveillance de l’Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec pour des fautes disciplinaires consistant notamment, comme en l’instance, en la contrefaçon de signatures, ce dernier ayant alors été condamné à une radiation temporaire de douze (12) mois ainsi qu’à une amende de 1 000 $.

[17]        Au plan des éléments atténuants, elle mentionna :

-           l’expression de regrets de la part de l’intimé relativement aux fautes qu’il a commises;

-           sa collaboration à l’enquête de la syndique et son admission des fautes qui lui sont reprochées ainsi que le contexte particulier de celles-ci, l’intimé étant aux prises avec des problèmes de consommation excessive d’alcool et de jeux compulsifs;

-           une seule victime de ses fautes.

[18]        Elle termina en déposant au soutien de ses recommandations un cahier d’autorités composé de six (6) décisions antérieures du comité qu’elle commenta[1].

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[19]        Le procureur de l’intimé confirma d’abord que les suggestions de la plaignante étaient bel et bien des « recommandations communes » avec lesquelles son client était en accord, puis indiqua n’avoir rien d’autre à ajouter, ce dernier ayant déclaré au comité lors de son témoignage ce qu’il avait à lui communiquer.

MOTIFS ET DISPOSITIF

La culpabilité

[20]        Compte tenu de la preuve non contredite qui lui a été présentée ainsi que du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé, le comité déclarera ce dernier coupable sous tous et chacun des dix (10) chefs d’accusation contenus à la plainte.

La sanction

[21]        Au plan de la sanction, mentionnons d’abord qu’alors que les chefs 2, 4, 6, 8 et 10 font état d’appropriation pour ses fins personnelles de sommes totalisant 97 000 $ appartenant à sa cliente, les chefs 1, 3, 5, 7 et 9 réfèrent à des contrefaçons de signatures utilisées par l’intimé aux fins de lui permettre de s’approprier lesdites sommes.

[22]        L’ensemble des infractions reprochées à l’intimé sont intrinsèquement liées et participent du même dessein frauduleux.

[23]        Dans de telles circonstances, les parties ont conjointement suggéré au comité d’ordonner la radiation permanente de l’intimé sous tous et chacun des dix (10) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[24]        En l’espèce, considérant notamment les facteurs aggravants suivants :

-           la gravité objective des infractions multiples et répétées commises par l’intimé;

-           l’absence d’hésitation chez ce dernier à recourir lorsque nécessaire à ses fins à des contrefaçons de signatures;

-           des infractions qui vont au cœur de l’exercice de la profession et qui portent atteinte à la confiance du public envers les représentants;

-           des infractions commises dans un contexte, et de nature telle, que la protection du public risquerait d’être compromise s’il était permis à l’intimé de continuer d’exercer la profession;

et compte tenu des faits et circonstances propres à cette affaire, le comité croit devoir se conformer aux « suggestions communes » des parties. Il ordonnera donc la radiation permanente de l’intimé sous tous et chacun des chefs d’accusation contenus à la plainte.

[25]        Enfin aucun motif ne lui ayant été exposé qui le justifierait de se dispenser d’ordonner la publication de la décision et de condamner l’intimé au paiement des déboursés, le comité ordonnera ladite publication (si tant est qu’il doive le faire)[2] et condamnera ce dernier au paiement desdits déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé sous tous et chacun des dix (10) chefs d’accusation contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable sous tous et chacun des dix (10) chefs d’accusation contenus à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

ORDONNE la radiation permanente de l’intimé sous tous et chacun des chefs d’accusation 1 à 10 contenus à la plainte;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26;

Et si tant est qu’il soit nécessaire au comité de l’ordonner :

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26.

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT, avocat

Président du comité de discipline

 

(s) Jacques Denis____________________

M. JACQUES DENIS, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Frédérick Scheidler________________

M. FRÉDÉRICK SCHEIDLER

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Jean-François Noiseux

 

BÉLANGER LONGTIN

 

Procureurs de la partie plaignante

 

 

 

Me Jean-Y. Nadeau

 

Procureur de la partie intimée

 

 

 

Date d’audience :

4 juin 2014

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Mme Léna Thibault c. Mme Saverina Cottone, CD00-0757, décision sur culpabilité et sanction en date du 10 août 2009; Léna Thibault c. Pascal Baril, CD00-0681, décision sur sanction en date du 23 juin 2009; Venise Lévesque c. Guy Marois, CD00-0748, décision sur culpabilité et sanction en date du 22 juin 2009; Nathalie Lelièvre c. Johanne Lefebvre, CD00-0950, décision sur culpabilité et sanction en date du 14 juin 2013; Mme Nathalie Lelièvre c. Mme Carole Morinville, CD00-0821, décision sur culpabilité en date du 25 octobre 2011.

[2]     Voir le jugement de la Cour supérieure dans l’affaire Côté c. Roberge, 2003, R.I.Q. p. 1793 et les conclusions qui s’y retrouvent à l’égard de l’article 180 du Code des professions.

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